Logique sacrée et logique marchande dans les pays de l Est - article ; n°3 ; vol.17, pg 97-112
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Description

Revue d’études comparatives Est-Ouest - Année 1986 - Volume 17 - Numéro 3 - Pages 97-112
Logic of the Sacred and Logic of the Merchant in Eastern Europe.
Following the work of R. Girard, more and more economists contrast the Sacred Order with the Merchant Order. These two Orders are based upon two distinct logics which endeavour to control the social violence created by the desire to imitate. By proclaiming their break with capitalism, are the countries of East Europe seeking to use à third logic ?
In our opinion, the logic of the merchant continues to exist in these countries, coexisting with a certain return to a logic of the sacred. For this reason, the regulatory measures of the merchant are rather inefficient. One can perceive a latent crisis in the conflicts between these two logics and the regulatory measures to control the violence which they produce. An open crisis takes place when one of the two logics becomes predominant, and undergoes its own crisis because of the increasing inefficiency of its own regulatory measures.
A la suite des travaux de R. Girard, des économistes de plus en plus nombreux opposent Ordre Sacré et Ordre Marchand. Ces deux Ordres reposent sur deux logiques distinctes qui s'efforcent de contrôler la violence sociale née du désir mimétique. Les pays de l'Est en proclamant la rupture avec le capitalisme font-ils référence à une troisième logique ?
De notre point de vue, il y a persistance dans ces pays de la logique marchande qui coexiste avec un certain retour à une logique sacrée. Il y existe de ce fait une certaine inefficacité des instruments de régulation marchands. Une crise latente peut être discernée dans le conflit entre ces deux logiques et les instruments de régulation de la violence qui en découlent. Une crise patente a lieu lorsqu'une des deux logiques devient prédominante et rentre elle-même en crise du fait de l'inefficacité croissante de ses propres instruments de régulation.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Claude Broudo
Barbara Rogulska
Logique sacrée et logique marchande dans les pays de l'Est
In: Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 17, 1986, N°3. pp. 97-112.
Abstract
Logic of the Sacred and Logic of the Merchant in Eastern Europe.
Following the work of R. Girard, more and more economists contrast the Sacred Order with the Merchant Order. These two
Orders are based upon two distinct logics which endeavour to control the social violence created by the desire to imitate. By
proclaiming their break with capitalism, are the countries of East Europe seeking to use à third logic ?
In our opinion, the logic of the merchant continues to exist in these countries, coexisting with a certain return to a logic of the
sacred. For this reason, the regulatory measures of the merchant are rather inefficient. One can perceive a latent crisis in the
conflicts between these two logics and the regulatory measures to control the violence which they produce. An open crisis takes
place when one of the two logics becomes predominant, and undergoes its own crisis because of the increasing inefficiency of its
own regulatory measures.
Résumé
A la suite des travaux de R. Girard, des économistes de plus en plus nombreux opposent Ordre Sacré et Ordre Marchand. Ces
deux Ordres reposent sur deux logiques distinctes qui s'efforcent de contrôler la violence sociale née du désir mimétique. Les
pays de l'Est en proclamant la rupture avec le capitalisme font-ils référence à une troisième logique ?
De notre point de vue, il y a persistance dans ces pays de la logique marchande qui coexiste avec un certain retour à une logique
sacrée. Il y existe de ce fait une certaine inefficacité des instruments de régulation marchands. Une crise latente peut être
discernée dans le conflit entre ces deux logiques et les de de la violence qui en découlent. Une crise
patente a lieu lorsqu'une des deux logiques devient prédominante et rentre elle-même en crise du fait de l'inefficacité croissante
de ses propres instruments de régulation.
Citer ce document / Cite this document :
Broudo Claude, Rogulska Barbara. Logique sacrée et logique marchande dans les pays de l'Est. In: Revue d’études
comparatives Est-Ouest. Volume 17, 1986, N°3. pp. 97-112.
doi : 10.3406/receo.1986.1273
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/receo_0338-0599_1986_num_17_3_1273sacrée et logique marchande Logique
dans les pays de l'Est
Claude BROUDO et Barbara ROGULSKA*
Depuis quelques années des économistes de plus en plus nombreux,
pour la plupart français1, s'efforcent d'intégrer à leurs analyses les apports
de l'anthropologie de René Girard. L'uvre2 de celui-ci repose sur une
hypothèse simple, l'hypothèse du désir mimétique, qui peut se résumer de
la façon suivante : devant l'incomplétude de son Être, le Sujet désire être
un Autre et de ce fait désire ce que l'Autre désire. Cette imitation des
hommes dans leurs désirs conduit donc nécessairement au conflit et à la
violence : l'Autre, modèle, devient en même temps rival. Toute société doit
donc pour survivre conjurer la violence sociale qui dérive du désir
mimétique. Schématiquement et historiquement, il est possible de distin
guer deux logiques de conjuration de la violence : la logique sacrée et la
logique marchande qui fondent ce que nous appellerons l'Ordre Sacré et
l'Ordre Marchand, ordres qui utilisent chacun des instruments spécifiques
de régulation de la violence sociale. C'est de ces analyses qu'est né le projet
de cette communication : comment se situent les pays de l'Est par rapport
à ces deux logiques ? Quels instruments de régulation utilisent-ils ? Les
réponses à ces questions permettent-elles d'éclairer une éventuelle crise
dans ces pays ?
A notre sens il y a persistance de la logique marchande dans les pays de
l'Est (I), or les instruments de régulation de la logique marchande n'y
fonctionnent pas correctement (II). Un certain retour au sacré permet
d'affirmer qu'il y a coexistence entre sacré et marchand, ce qui peut faire
apparaître une crise (III).
* Respectivement Université de Paris XII et Université de Paris I.
1. Essentiellement : P. Dumouchel et J.P. Dupuy (1979), J. Attali (notamment 1979 et
1981), M. Guillaume (1975 et 1979), M. Aglietta et A. Orléan (1982).
2. On se référera ici à : 1962, 1972 et 1978.
97 Claude Broudo et Barbara Rogulska
I. LA PERSISTANCE DE LA LOGIQUE MARCHANDE3
A) Logique sacrée, logique marchande
Pour René Girard les sociétés primitives sont fondées, au sens fort du
terme, sur la cohésion qui naît de la polarisation de la violence sur une
victime arbitraire, la victime émissaire. En effet, ces sociétés sont exposées
à la violence née du désir mimétique, car la mimesis, une fois introduite
dans la société, est contagieuse et provoque une crise d'indifférenciation.
Si les hommes parviennent à se persuader qu'un seul d'entre eux est
responsable de cette violence, n'importe lequel, alors il leur sera possible
de retrouver une unanimité en détruisant cette victime émissaire. Très
conscientes de la violence engendrée par le mimétisme, elles vont s'efforcer
d'empêcher son retour par le religieux qui est rythmé par les interdits, les
rites et les sacrifices. La fonction des interdits est de prohiber le retour du
mimétique, celle des rites au contraire est de réintroduire le mimétisme et
la violence mais de manière contrôlée. Les rites reproduisent la crise
mimétique et la concluent toujours par une imitation de l'acte fondateur
qui a ramené l'ordre dans la société, le sacrifice. Il nous paraît donc
possible d'affirmer que cette logique d'expulsion de la violence par la
victime émissaire fonde un Ordre, l'Ordre Sacré, qui utilise des instruments
de régulation spécifiques : les interdits, les rites et les sacrifices. On
insistera sur le fait qu'un Ordre est une forme d'organisation de la société
qui repose à la fois sur une logique de contrôle de la violence sociale et sur
les instruments de régulation qui permettent de mettre en uvre cette
logique. Dans cet Ordre les activités économiques ne sont pas autonomes
et sont soumises à la logique dominante ; en particulier, c'est le Sacré qui
norme les valeurs d'usage. Les besoins, que nous considérons comme des
désirs normalisés, sont limités par la pression sociale qui s'exprime dans le
religieux. De ce fait, la rareté, définie comme un rapport social des hommes
avec les choses, y apparaît mineure voire accidentelle. Dans les sociétés
primitives le fonctionnement des échanges est régulé par des règles de
réciprocité, don/contre-don. Contrairement à certains auteurs (cf. J. Attali,
1981 et M. Aglietta et A. Orléan, 1982) nous ne pensons pas que la logique
de l'Ordre Sacré ait été modifiée par l'apparition des États Centralisateurs.
Ceux-ci n'ont en fait modifié que certains instruments de régulation, des
règles de redistribution remplaçant les règles de réciprocité et les lois
n'étant qu'une forme particulière d'interdits.
On peut être tenté, ce n'est pas le cas de R. Girard qui ne prend pas, ou
très peu, en compte les phénomènes économiques, d'interpréter la logique
3. Cette partie s'appuie principalement sur une analyse critique des travaux de
R. Girard, P. Dumouchel, M. Aglietta et A. Orléan développée dans : C. Broudo,
« L'analyse économique de l'Organisation du Temps », dont la rédaction est en cours.
98 Logiques sacrée et marchande dans les pays de l'Est
marchande comme une autre réponse au problème posé par la violence qui
naît du désir mimétique.
L'Ordre Marchand, organisé par l'échange de biens reproductibles, les
marchandises, permet de canaliser la violence sur les objets. En effet, la
rivalité entre le Sujet et son Modèle est médiatisée par un bien. Ce bien
étant reproductible, il est possible de se procurer un bien dont l'apparence
physique est identique au bien détenu par le Modèle ; les échanges se
développant, se procurer l'équivalent de ce bien suffit à détourner la
violence sur les objets. Les échanges deviennent pacificateurs dans la
mesure où s'ils fonctionnent correctement et en particulier si par
l'intermédiaire de la monnaie il est aisé de définir un espace dans leq

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