Mentalités populaires : un sondage à Amiens au XVIIe siècle - article ; n°3 ; vol.17, pg 448-458
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1962 - Volume 17 - Numéro 3 - Pages 448-458
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1962
Nombre de lectures 28
Langue Français

Extrait

Pierre Deyon
Mentalités populaires : un sondage à Amiens au XVIIe siècle
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 17e année, N. 3, 1962. pp. 448-458.
Citer ce document / Cite this document :
Deyon Pierre. Mentalités populaires : un sondage à Amiens au XVIIe siècle. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations.
17e année, N. 3, 1962. pp. 448-458.
doi : 10.3406/ahess.1962.420845
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1962_num_17_3_420845MENTALITÉS POPULAIRES ;
Un sondage à Amiens au XVIIe siècle
Une telle recherche comporte des pièges évidents. L'attention de
l'historien en effet, est trop souvent sollicitée par des témoignages qui
concernent lès seules classes aisées et cultivées, ou par le pâle reflet,
dans les œuvres artistiques et littéraires, des modes de vie et de pensée
populaires. Une seconde difficulté, non la moindre et que rencontrent
toutes les études de psychologie collective, naît de la confusion fr
équente entre Panecdotique et le typique. Ce risque ne connait d'autre
garantie que la confrontation minutieuse et répétée si possible, entre tous
les plans de la connaissance historique. Une telle confrontation obligera
l'historien, très souvent, à restreindre le cadre chronologique et géogra
phique de son enquête ; elle donnera ainsi aux travaux d 'histoire locale
cette nouvelle légitimité dont ils ont besoin x.
Les livres de raison, les correspondances constituent des sources pri
vilégiées ; elles révèlent le rythme même de la vie intérieure. Pour le
xvne et les classes populaires urbaines, ce genre de document est malheu
reusement rare. Nous en possédons deux, rédigés par des bourgeois amié-
nois, l'un au début, l'autre à la fin du siècle ; le premier, le Journal historique
de Jean Patte, a été publié en 1863 dans les Mémoires des antiquaires de Pi
cardie. Il a été composé de 1587 à 1607 par un employé des octrois et fermes
de la ville et nous restitue partiellement l'atmosphère des guerres civiles et de
la Ligue : la Mort d'abord, sans cesse présente, compagne familière, acceptée
avec résignation presque avec indifférence. Marié en 1593, Jean Patte
perd successivement ses deux filles puis son épouse ; la même épidémie
de peste lui enlève sa mère, ses trois sœurs, son frère. La mention de ces
1. Cet article a été inspiré par la lecture du livre de R. Mandrou, Introduction à la
France moderne (1500-1640), A. Michel, 1961. C'est assez dire tout ce que l'auteur lui
doit.
448 A AMIENS
deuils n'est marquée d'aucune émotion : une sécheresse de comptable
et un expéditif : « Dieu ait son âme ». Cette tragédie familiale, il est vrai,
n'avait rien d'exceptionnel : puisque « c'était la plus grande pitié de voir
tant de pauvres gens des champs, principalement de cette ville d'Amiens,
qui s'étaient retirés pour la guerre et mouraient de faim contre les
maisons » К Après trois mois de veuvage, et avant même la cessation de
la maladie contagieuse, Jean Patte se remaria, puis veuf à nouveau en
juillet 1597, ne consacra que deux mois à pleurer sa nouvelle épouse
et convola pour la troisième fois, le 29 octobre 1597. De toute évidence
l'amour n'eut pas ici sa place ; la naissance de ses enfants n'arracha
d'ailleurs nullement à notre personnage son masque d'indifférence habi
tuelle si ce n'est, au profit des garçons, cette brève et singulière prière :
« qu'il soit catholique de foi, accomplisse entièrement les commandements
des supérieurs, ...fuie la compagnie des hérétiques, des libertins..., assiste
bien au service divin le dimanche en toute dévotion et humilité, sans y
caqueter et deviser. »
Seule, l'expression du sentiment religieux prend parfois sous la plume
de cet ancien ligueur une cruelle et primitive grandeur : « Monsieur le
Vidame avait deux fils, l'un âgé de 4 ans et l'autre de 6, lesquels mour
urent tous deux le mois de février 1605 ... celui de 6 ans était fiancé à la
fille de M. de Rosny qui est intendant des affaires du Roy mais toutefois
huguenot... Dieu a voulu faire ses funérailles, avant d'achever le dit
mariage... Tels sont les grands secrets de notre Dieu... »
Combien plus douce, plus sensible, l'âme de cet autre bourgeois, Jean
Pages, qui nous a laissé à la fin du xvne siècle de volumineux mémoires a.
Son autoportrait, brossé avec quelque complaisance, évoque un nouvel
art de vivre. « J'ai de la disposition pour la mélancolie parce que mon
tempérament m'y porte, c'est pourquoi j'aime la solitude des bois, la
fontaine et les autres objets qui entretiennent l'esprit dans la tranquillité
d'une agréable rêverie... 3 ». Nouvelle aussi l'émotion avec laquelle
s'exprime la profondeur des attachements familiaux : « après la perte de
ces deux personnes qui m'étaient les plus chères, ne voulant plus
demeurer dans un lieu où ils n'étaient plus, je partis pour Paris... » La
naissance de ses enfants suscite, chaque fois, des commentaires émus et
la foi, aussi vive que tout à l'heure, ne s'oppose plus à la vie familiale
mais au contraire, l'entretient, l'enrichit, justifiant pleinement ce que
Philippe Ariès dit de l'apparition, au xvne siècle, dans les classes aisées
et bourgeoises, du sentiment de la petite famille conjugale, construite
autour et au profit de l'enfant 4.
1. Op. cit., p. 112.
2. Pages, Manuscrits de Jean Pages, 6 vol., in-8°, Amiens, 1850-1864.
3. Op. cit., p. 7.
4. Ph. Ariès, L'Enfant et la vie familiale sous V Ancien Régime, Paris, 1960, 502 p.,
ch. II, La découverte de l'enfance, p. 34 à 38.
449 ANNALES
II était difficile de résister à la tentation de comparer ces témoignages,
malgré les risques évidents d'une telle entreprise. Jean Pages, négociant
aisé, ne manque en effet jamais de faire étalage de l'éducation classique
qu'il a reçue, alors que la médiocre culture de son modeste prédécesseur
transparaît à travers les négligences du style et la pauvreté de la pensée.
Pour surmonter ces difficultés, il faut recourir à d'autres sources ; on
a pensé tout naturellement aux inventaires systématiques des collec
tions de tableaux, aux bibliothèques, à divers éléments du décor domes
tique x. Dans un article des Annales ďHistoire sociale, Lucien Febvre,
utilisant des archives du xvie siècle, a montré le parti que l'on pouvait
tirer d'une étude iconographique.
Les collections que nous avons relevées au début du xvne siècle,
semblent malheureusement moins riches et moins nombreuses. Les sujets
religieux l'emportent à peu près exclusivement ; ils témoignent de l'auto
rité et du succès de la Contre-Réforme ; les marchands ne possèdent qu'ex
ceptionnellement plus de deux ou trois tableaux : un Saint Jean-Baptiste,
un Ecco Homo, une Vierge à l'Enfant ; seuls les officiers du Bureau des
Finances, ceux du Présidial et des administrations financières, s'enor
gueillissent de véritables galeries d'art 2.
A la fin du règne de Louis XIV* les thèmes se diversifient peu à peu :
scènes mythologiques, scènes de mœurs, paysages, ratures mortes, gra
vures d'après Raphaël ou Poussin, portraits de famille, scènes religieuses 3.
A leur tour des marchands aisés, accédant à un niveau de culture supé
rieur, rassemblent dans leurs maisons des objets d'art et des livres.
Une évolution analogue transforme au même moment le contenu des
bibliothèques. Des livres de droit et de piété qui jusque-là faisaient leur
seul ornement, cèdent peu à peu la place aux récits de voyage, aux livres
d'histoire étrangère, au dictionnaire de Bayle, à l'Histoire critique du
Vieux et du Nouveau Testament de Richard Simon, à Saint-Evremond,
à la littérature protestante et janséniste, sans exclure pour autant l'expl
ication de l'Edit de Nantes de Bernard, les œuvres de Bossuet, et bien
1. L'article de L. Febvre dans Annales ďHistoire sociale, 1941, III, p. 41-55,
« A Amiens, de la Renaissance à la Contre-Réforme » ; et G. Wildenstein, « Le goût
pour la peinture dans la bourgeoisie parisienne », Gazette des Beaux- Arts, Par

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