Tiers-Monde - Année 2002 - Volume 43 - Numéro 172 - Pages 783-808 François Doligez — Micro-finance and economic dynamics : What effects after ten years of financial innovations ? This article examines some questions related to the impact of micro-finance on the « real sphere » : who has access to credit ? Does it improve revenues and investments and therefore the local economy or, on the contrary, does it induce negative effects on the consumption and the living levels of the borrowers ? The article is based on fieldwork concerning three rural micro-credit networks in Benin, in Guinea and in Nicaragua. The comparative analysis of more than 3 000 surveys brings to light the ambivalent development of access to credits and illustrates, beyond standardised methods that are frequently used, the importance of socioeconomic effects. 26 pages Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.
François Doligez
Microfinance et dynamiques économiques : quels effets après
dix ans d'innovations financières ?
In: Tiers-Monde. 2002, tome 43 n°172. Microfinance : petites sommes, grands effets ? (sous la direction de
Dominique Gentil et Jean-Michel Servet). pp. 783-808.
Abstract
François Doligez — Micro-finance and economic dynamics : What effects after ten years of financial innovations ?
This article examines some questions related to the impact of micro-finance on the « real sphere » : who has access to credit ?
Does it improve revenues and investments and therefore the local economy or, on the contrary, does it induce negative effects on
the consumption and the living levels of the borrowers ? The article is based on fieldwork concerning three rural micro-credit
networks in Benin, in Guinea and in Nicaragua. The comparative analysis of more than 3 000 surveys brings to light the
ambivalent development of access to credits and illustrates, beyond standardised methods that are frequently used, the
importance of socioeconomic effects.
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Doligez François. Microfinance et dynamiques économiques : quels effets après dix ans d'innovations financières ?. In: Tiers-
Monde. 2002, tome 43 n°172. Microfinance : petites sommes, grands effets ? (sous la direction de Dominique Gentil et Jean-
Michel Servet). pp. 783-808.
doi : 10.3406/tiers.2002.1652
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_2002_num_43_172_1652MICROFINANCE
ET DYNAMIQUES ÉCONOMIQUES:
QUELS EFFETS APRÈS DIX ANS
D'INNOVATIONS FINANCIÈRES ?
par François Doligez*
Cet article approfondit quelques questions relatives à l'impact de la
microfinance sur la « sphère réelle » : qui accède au crédit ? Permet-elle
d'améliorer revenus et investissements et donc l'économie locale, ou a-
t-elle au contraire des effets négatifs sur la consommation et le niveau de
vie des emprunteurs ? L'article repose sur une recherche de terrain
auprès de trois réseaux de microfinance rurale au Bénin, en Guinée et au
Nicaragua. Plus de 3 000 enquêtes font l'objet d'une analyse comparat
ive qui met en évidence l'ambivalence du développement de l'accès au
crédit et illustre, au-delà des méthodes standardisées souvent utilisées,
l'importance des effets de type socio-économique.
1. L'UTILITÉ CONTESTÉE DE LA MICROFINANCE
Le débat sur la « nature du commerce des promesses et du
risque », c'est-à-dire de la finance et de son impact sur l'économie et le
développement, mobilise les économistes depuis les mercantilistes et les
physiocrates. Est-elle indispensable à la croissance ou correspond-elle
à une bulle spéculative dangereuse pour l'économie, la finance se
transformant en « commerce des illusions » (Giraud, 2001) dès lors
* CERED-FORUM (Centre de recherche en économie du développement, Fondement de l'organisation
et des régulations de l'univers économique marchand), Université de Paris X - Nanterre et iram (Institut
de recherches et d'applications des méthodes de développement).
Revue Tiers Monde, t. XLIII, n° 172, octobre-décembre 2002 784 François Doligez
que les promesses de revenus futurs sont surestimées ? La microfïnance
n'échappe pas à cette interrogation. L'essor rapide de ce sous-secteur
financier largement promu par l'aide au développement dans le cadre
de la lutte contre la pauvreté suscite de nouvelles controverses. Pour
certains, la profitabilité de la microfinance doit attirer les investisseurs
privés et, au premier chef, les banques commerciales. Dans cette ver
sion tropicale du « sou de Rockefeller », les pauvres soudainement
convertis en micro-entrepreneurs se transforment en nouveau marché
pour les banques et cette réinterprétation « ultralibérale » de la micro
finance apparaît, ainsi, comme une « alternative positive aux règles
protectrices du salariat » (Dughéra et al, 1999).
Quels sont, en fait, les effets de la microfinance sur la sphère
réelle ? À qui permet-elle d'accéder à l'épargne et au crédit ? Est-elle,
malgré ses taux d'intérêt élevés, rentables pour les emprunteurs et leur
permet-elle d'améliorer leurs revenus ? En quoi se difïérencie-t-elle du
secteur informel ? Peut-elle stimuler l'investissement, l'innovation tech
nique ou le développement local ? Ou, au contraire, en imposant une
rentabilité financière à court terme, finit-elle par avoir des effets négat
ifs sur la consommation et le niveau de vie des emprunteurs ?
Ces questions ont été abordées durant une recherche menée, de 1992
à 1999, dans le cadre d'un travail de thèse (Doligez, 2002), sur trois
réseaux de microfinance rurale : la FECECAM-Bénin, le Crédit rural de
Guinée et le Fonds de développement local de Nitlapan au Nicaragua.
Aussi hétérogène que soit cet échantillon, il présente un intérêt dans le
cadre d'une étude comparative. Les trois pays s'inscrivent dans une
dynamique de transition où l'ajustement structurel et la libéralisation
financière représentent des aspects essentiels du contexte macrofinanc
ier, même si les dynamiques socio-économiques locales et l'orga
nisation du secteur intermédiaire {i.e. de la microfinance) sont très diffé
rentes suivant les pays. Par ailleurs, les trois institutions de
microfinance étudiées couvrent la diversité des grandes familles existan
tes au sein de la microfinance : coopératives d'épargne et de crédit
(FECECAM-Bénin), crédit solidaire inspiré de la Grameen bank (Crédit
rural de Guinée) et, dans une phase initiale tout du moins, caisses vill
ageoises (Nitlapan au Nicaragua). Ces trois grands types se caractérisent
par différents modes d'intermédiation pour faciliter l'accès au crédit des
populations rurales n'ayant pas accès aux banques : aval par les pairs et
constitution de garanties financières par la collecte d'épargne préalable
dans le cas des coopératives, crédit préalable octroyé à partir de la
garantie d'un groupe solidaire dans les systèmes Grameen bank, sys
tème mixte géré par la communauté locale où le refinancement bancaire
sert de levier aux ressources collectées localement dans le cas des caisses CI
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