Morel et la psychiatrie légale; la mise en place de la notion de dégénérescence (1830-1860) - article ; n°2 ; vol.18, pg 133-152
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Morel et la psychiatrie légale; la mise en place de la notion de dégénérescence (1830-1860) - article ; n°2 ; vol.18, pg 133-152

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Déviance et société - Année 1994 - Volume 18 - Numéro 2 - Pages 133-152
L'introduction de la notion de dégénérescence en psychiatrie et en criminologie semble être allée de pair avec l'élimination de la perspective psychologique et la prise en compte des facteurs sociaux comme étant le fait de l'homme. Néanmoins l'affirmation d'une responsabilité collective ne pouvait être que théorique du fait des contradictions liées à cette notion. Une telle affirmation, dès lors, ne pouvait s'orienter que vers la prévention : le médecin comme le politique en prenaient la charge.
The introduction of the concept of degeneration in psychiatry and criminology opened the way to both the elimination of psychological perspective and the consideration of social factors as man's doing. Nevertheless the contradictory character of the idea of collective responsability circumscribed it at a theoretical level only. As a consequence, prevention was the only possible outcome to be taken care of by the doctor and the politician.
Die Einführung des Degenerationskonzeptes in Psychiatrie und Kriminologie bereitete sowohl den Weg für die Eliminierung der psychologischen Perspektive als auch für die Berucksichtigung von sozialen Bedingungen als durch den Menschen gestaltet. Gleichwohl konnte die Annahme einer kollektiven Verantwortlichkeit wegen der damit verbundenen Widerspriiche nur theoretisch bleiben. Folgerichtig war deshalb eine Entwicklung hin zur Pràvention, derer sich dann Arzt und Politiker annahmen.
De introductie van de notie degeneratie in de psychiatrie en de criminologie bracht zowel het verdwijnen van het psychologisch perspectief als het in reke- ning brengen van sociale factoren als facticiteit van de mens met zich mee. Niettemin blijft de idee van een collectieve verantwoordelijkheid theoretisch door de impliciete contradicties binnen dit idee. Ten gevolge hiervan bleek preventie door de dokter en de politicus de enige mogelijke uitkomst.
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Christian Debuyst
Morel et la psychiatrie légale; la mise en place de la notion de
dégénérescence (1830-1860)
In: Déviance et société. 1994 - Vol. 18 - N°2. pp. 133-152.
Citer ce document / Cite this document :
Debuyst Christian. Morel et la psychiatrie légale; la mise en place de la notion de dégénérescence (1830-1860). In: Déviance et
société. 1994 - Vol. 18 - N°2. pp. 133-152.
doi : 10.3406/ds.1994.1333
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ds_0378-7931_1994_num_18_2_1333Résumé
L'introduction de la notion de dégénérescence en psychiatrie et en criminologie semble être allée de
pair avec l'élimination de la perspective psychologique et la prise en compte des facteurs sociaux
comme étant le fait de l'homme. Néanmoins l'affirmation d'une responsabilité collective ne pouvait être
que théorique du fait des contradictions liées à cette notion. Une telle affirmation, dès lors, ne pouvait
s'orienter que vers la prévention : le médecin comme le politique en prenaient la charge.
Abstract
The introduction of the concept of degeneration in psychiatry and criminology opened the way to both
the elimination of psychological perspective and the consideration of social factors as man's doing.
Nevertheless the contradictory character of the idea of collective responsability circumscribed it at a
theoretical level only. As a consequence, prevention was the only possible outcome to be taken care of
by the doctor and the politician.
Zusammenfassung
Die Einführung des Degenerationskonzeptes in Psychiatrie und Kriminologie bereitete sowohl den Weg
für die Eliminierung der psychologischen Perspektive als auch für die Berucksichtigung von sozialen
Bedingungen als durch den Menschen gestaltet. Gleichwohl konnte die Annahme einer kollektiven
Verantwortlichkeit wegen der damit verbundenen Widerspriiche nur theoretisch bleiben. Folgerichtig war
deshalb eine Entwicklung hin zur Pràvention, derer sich dann Arzt und Politiker annahmen.
De introductie van de notie degeneratie in de psychiatrie en de criminologie bracht zowel het verdwijnen
van het psychologisch perspectief als het in reke- ning brengen van sociale factoren als facticiteit van
de mens met zich mee. Niettemin blijft de idee van een collectieve verantwoordelijkheid theoretisch
door de impliciete contradicties binnen dit idee. Ten gevolge hiervan bleek preventie door de dokter en
de politicus de enige mogelijke uitkomst.Déviance et Société, 1994, Vol. 18, No 2, pp. 133-152
MOREL ET LA PSYCHIATRIE LÉGALE.
LA MISE EN PLACE DE LA NOTION
DE DÉGÉNÉRESCENCE (1830-1860)
Ch. DEBUYST*
On ne peut pas dire qu'il s'agisse d'un thème neuf. Depuis une vingtaine
d'années, les débuts de la psychiatrie en France, et plus particulièrement la
notion de dégénérescence, ont fait l'objet de mises au point qui nous permett
raient presque d'en faire une chronique bibliographique plutôt qu'un article de
fond. Il faudrait pour le moins rappeler les analyses de R. Castel (1976) sur ce
thème dans L'ordre psychiatrique ou cet autre ouvrage de Daniel Pick (1989) qui
situe la naissance de la notion de dégénérescence dans son contexte social et fait
de cette notion l'expression d'une inquiétude des politiques confrontées aux
effets de l'industrialisation sur la santé tant physique que psychique des tra
vailleurs manuels. Ces diverses perspectives ne nous paraissent pas devoir être
reprises. Nous en adoptons une autre qui leur est en quelque sorte parallèle. Elle
repose sur la prise en compte des discussions entre psychiatres susceptibles de
nous faire mieux comprendre le passage d'une psychiatrie dominée par des expli
cations psychologiques (autour des notions de manie et de monomanie) et qui
occupe le premier tiers du XIXe siècle, à une autre psychiatrie qui prend la
notion de dégénérescence comme centre de préoccupation.
La démarche que nous poursuivons n'est pas celle d'un historien (que nous
ne sommes pas), mais d'un criminologue préoccupé par la manière dont cer
taines problématiques se sont mises en place dans le passé. Les questions qui se
posent sont au moins au nombre de trois : (a) A propos d'un comportement
pathologique (qui nous introduit dans l'ordre de l'aliénation mentale), le passage
d'une explication psychologique à une explication neuro-physiologique traduit
une médicalisation de la psychiatrie que l'on peut fort bien comprendre, mais
dont il importe de voir plus concrètement les raisons et en même temps les
enjeux et ce, plus particulièrement au niveau des rapports entre psychiatrie et
institutions judiciaires, (b) Si nous sommes en droit de parler d'une «médicalisa
tion» de la psychiatrie à travers le concept de dégénérescence, l'accent n'en est
pas moins mis sur l'impact qu'a le milieu, physique ou social, sur le corps (et sur
l'esprit). Il est curieux de voir, à cette époque, des études fort proches des
recherches d'épidémiologie sociale faites dans les années 1960. Une relation, dès
lors, s'établit entre une forme de psychiatrie et une forme de sociologie, (c) Une
Université catholique de Louvain.
133 troisième interrogation découle de la précédente : nous voyons clairement
qu'apparaît en même temps que la notion de dégénérescence, l'idée que le
groupe social est en partie responsable de l'entrée dans la folie comme dans la
délinquance. Pourquoi cette forme de responsabilité à laquelle de nombreux cl
iniciens font allusion, n'a-t-elle pas pu se concrétiser ou s'actualiser ? Nous vou
drions aborder ces thèmes à travers les discussions qui ont animé la vie des deux
revues auxquelles nous nous sommes principalement référés : les Annales
d'Hygiène publique et de médecine légale (fondée en 1929 par Esquirol et les
médecins hygiénistes) et, plus particulièrement, les Annales médico-psycholo
giques (fondée en 1843 par Baillarger, Cerise et Longet), revue à laquelle Morel
a régulièrement collaboré. Notre champ d'investigation est donc limité, mais il
nous paraît être représentatif d'une réalité du moment.
I. Le débat autour des notions de manies, de monomanies et de leur
interprétation psychologique. La nécessité d'une réévaluation du psy
chiatre dans le cadre médical et judiciaire
1. Manie, monomanie et traitement moral
Cette nécessité d'une médicalisation de la psychiatrie s'est caractérisée
d'abord par une rupture d'avec la perspective psychologique qui marque les
débuts de l'aliénisme et son interprétation de la manie et de la monomanie.
Avant de le montrer, quelques précisions sont ici nécessaires. Lorsque Pinel (an
IX p. 13) parle de manie,1 il s'agit d'une forme de folie qui se caractérise par une
perversion des fonctions affectives, une impulsion aveugle à des actes de violence
ou même une fureur sanguinaire sans qu'on puisse lui assigner aucune idée
dominante ni aucune illusion de l'imagination. En d'autres termes, nous n'avons
pas d'altération dans les fonctions de l'entendement, de la perception, du juge
ment, de sorte que, dans les états d'intermittence, l'homme «maniaque» apparaît
ra comme «normal». Esquirol (1838 t.I, p. 332) complétera les idées de Pinel; il
parlera, à côté de la manie, de monomanie là où existent des idées dominantes
qui s'imposent sous la forme d'un délire limité ou partiel, présentant à la fois
fixité, exclusivité et permanence. Ainsi, la monomanie homicide, la plus com
mune des monomanies pour les criminologues, est l'idée obsédante qui pousse le
sujet à tuer une personne, bien souvent une personne qu'il aime et qu'il n'aurait
aucune raison de tuer.2 Dans tous ces cas, nous avons également affaire à des
sujets «malades» qui paraîtront généralement normaux à leur entourage du fait
Nous nous limitons à ce qu'il appelle la manie non délirante, c'est-à-dire sans idée dominante, qui
s'imposerait sous forme de délire.
Pour les différentes monomanies, Esquirol parle effectivement de «délire» quoique ce terme
puisse être pris dans des sens différents. Il parle de délire puisqu'il affirme que les diverses monom
anies prennent leur nom de l'objet du délire : monomanie hypocondriaque, lorsque le délire a
134 qu'ils évitent de parler de leurs idées obsédantes et que, parfois

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