Notes sur les Iskrice de Tommaseo - article ; n°1 ; vol.27, pg 78-90
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Description

Revue des études slaves - Année 1951 - Volume 27 - Numéro 1 - Pages 78-90
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1951
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Dayre
Notes sur les Iskrice de Tommaseo
In: Revue des études slaves, Tome 27, 1951. Mélanges André Mazon. pp. 78-90.
Citer ce document / Cite this document :
Dayre Jean. Notes sur les Iskrice de Tommaseo. In: Revue des études slaves, Tome 27, 1951. Mélanges André Mazon. pp. 78-
90.
doi : 10.3406/slave.1951.1531
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1951_num_27_1_1531NOTES
SUR LES ISKRICE DE TOMMASEO
PAR
JEAN DAYRE
Dans les premières semaines de iSââ paraissait à Zagreb par les soins
de Kukuljevié, Gaj en étant l'imprimeur, un petit volume d'une ci
nquantaine de pages, intitulé «Iskrice я, signé Nicoló Tommaseo et dont
la fortune devait être aussi singulière que l'avait été son élaboration.
Ces Iskrice, — trente-trois courts poèmes en prose inspirés à l'écrivain
par l'amour de son pays natal, la Dalmatie, — eurent un écho inattendu
et firent naître illusions et espérances dans les pays slaves.
Hippolyte Desprez, en informant les lecteurs de la Presse (10 décembre
18Д6), déclarait non sans naïveté : «(M. Tommaseo), Dalmate, avait
adopté l'Italie pour patrie, quand la Dalmatie acceptait le joug de la
langue italienne. C'est seulement depuis quelques années qu'il a aban
donné la patrie italienne pour la patrie dalmate; et voici célèbre
dans de très bonne prose la renaissance de la nationalité slave en Dal
matie. . . M. Tommaseo, faisant un retour sur lui-même, renonce aujour
d'hui à la langue italienne qu'il parlait très bien (sic) f publie hautement
son repentir, et promet d'écrire désormais toujours dans la langue
iHyrienne».
Si Desprez avait cru trouver cela dans les Iskrice, il les avait bien mal
lues, ou il les avait interprétées à travers les rêves de ses informateurs
slaves. Du moins, bien qu'avec un grossissement excessif, mettait-il
en relief un fait très surprenant : un des écrivains italiens les plus en vue
de la génération qui avait alors une quarantaine d'années, polémiste
vigoureux et incisif, moraliste éloquent, politique qui inquiétait les
gouvernements et tracassait les censures, choisissait à ľimproviste un
instrument nouveau pour exprimer ses idées, et l'on croyait y voir un
changement complet de son orientation politique et nationale.
Mais c'était ignorer l'aisance, l'ingéniosité de Tommaseo à traverser
des attitudes contradictoires, la subtilité de son esprit à justifier ses SUR LES ISKRICE DE ТОИМАЅЕО. 79 NOTES
reniements et ses palinodies, en couvrant des formules d'une sincérité
absolue toutes les variations, dictées moins certes par son intérêt que
par les soubresauts d'un orgueil démesuré.
Et les Iskrice resteront dans son œuvre un tas isolé de livre slave en
face d'une entière bibliothèque écrite en italien.
Depuis ses. débuts dans la littérature et le journalisme, Tommaseo
s'était déclaré italien, profondément, totalement. Dans une lettre écrite
de Paris à Césare Cantù (з з juin 18З7), il affirmait :
Io sono italiano perché nato da sudditi veneti, perché la mîa prima lingua fu l'italiana, per
ché il padre di mia nonna é venuto in Dalmazia dalle valli di Bergamo. La Dalmazia, virtual-
mente é più italiana di Bergamo, ed io, in fondo in fondo son più italiano delľltalia. Rome
n'est plus dans Rome. La Dalmazia, ripeto, è terra italiana per lo meno, quanto il Tirolo, certo
più ai Trieste, e più di Torino. La lingua ch'io parlai bambino è povera, ma francesismi non
ha ; ed é meno bisbetica de1 più tra i dialetti d'Italia. Ma tutto codesto non prova nuila. Dante
dice che il Quarnaro
Italia chiude. . .
e' non sapeva quello che si facesse. Dante m'esilia me, il disgraziato, Iddio gli perdoni ;
Quelques années plus tard, il se proclamait slave, italiano slavo quel
quefois, schiavone ailleurs («noi schiavoni, siamo alquanto stravaganti
in fatto di crazie e cose simili»), et même non italiano, comme dans ses
Метопе priváte : «A me non italiano, tocca avère per gľ Italiani pietà
per ľ Itália ».
L'expression est moins claire quand il écrit pour le public italien, mais
qu'on lise dans le Dizionario estetico son article sur saint Jérôme dont il
veut faire un Dalmate et en qui il n'est pas trop hasardeux de penser
qu'il a voulu peindre un être semblable à lui-même :
Ch'é forse di sangue iiïirico, c'è indizio ľindole delľuomo, tanto nobilmente diversa dalľ
indole degli scrittori e chierici d'altre genti. . . Ľindole delľingegno, la qualità dello stile
dimostra Girolamo non italiano, sebbene nutrito di lettere romane, oltre a quanto portava
il tempo, eleganti. E se lo stile suo é più latino che molti latini d'aiïora, non e meraviglia a chi
pensa quanti Polacchi, e quanti Ragusei nella lingua delľantica Itália si facessero cospi-
cuamente periti : che anzi cotesto sentire 0 possedere la bellezza délia altrui lingua é facoltà
propria degli Slavi.
Que l'on rapproche cette dernière phrase de ce qu'il disait de lui-même
dans une lettre à Capponi (8 décembre i83p,) : «L'intimo délie lingue
al senso mio si rivela».
Les textes ne manquent pas d'où on pourrait tirer d'autres affirmations
de son slavisme, ou des affirmations contraires de son italianité. Il suffit
d'avoir indiqué l'opposition des deux attitudes. Un essai d'explication 80 JEAN DATEE.
psychologique serait intéressant, mais nous entraînerait trop loin des
Iskrice. D'autre part, noter les moments où son esprit et son cœur pen
chent soit vers l'Italie, soit vers les Slaves, exigerait une longue étude de
sa vie et des événements politiques auxquels il a été mêlé. En tout cas,
cette vie s'est achevée dans une apothéose de son patriotisme italien,
tout en restant pour les Slaves un grand Dalmate comme il l'a été pour les
Italiens.
D'après sa correspondance W, il est possible de dater de І8З9 le
tournant de ses sentiments. Pour la première fois, depuis qu'il avait
quitté Šibenik pour aller étudier en Italie et y vivre, à Padoue, à Milan,
à Florence, il revenait dans sa ville natale. Ce retour succédait à plusieurs
années passées en France (ce qu'il a appelé son premier exil) : en Pro
vence, à Paris, où le bienveillant appui de Mignet lui avait procuré le
moyen de gagner sa vie dignement, en Corse, où s'imposaient de suggest
ifs rapprochements avec la Dalmatie. Malgré le fanatisme avec lequel il
s'était acharné à décrier les Français et la France, où il n'avait rien trouvé
— entre 18ЗЗ et 18З9 — qui valût d'être admiré <2>, — car il était impat
ient de toute gratitude, comme de toute admiration vouée à des vivants,
— son esprit avait dû s'ouvrir à plus de compréhension pour ce qu'il
avait négligé dans sa jeunesse dalmate (3).
La surprise de retrouver et de raviver des souvenirs d'enfance, Ши-
minés désormais par l'image idéalisée de sa mère, humble et douce
femme du peuple, morte depuis un an {4) ; la révélation de la beauté de
la langue qu'il avait entendue sur les lèvres de sa mère, « una délie più
dolci е ricche del mondo» ; la découverte de ces ccmaschie е calde canzoni
ormai da tutta Europa ammirate я ; enfin la passion slave de quelques-uns
do ses amis les plus proches, voilà au moins une part des motifs qui ont
dû contribuer à fléchir l'absolu de sa conviction italienne.
Là-dedans bien des choses coïncident avec quelques-unes de ses idées
esthétiques, avec certains articles de son credo politique. La Dalmatie
t1) II s'agit surtout de ce qui a été publié, c'est-à-dire la correspondance avec Gino Capponi
( Carteggio Tommaseo Capponi), publiée par les soins de Isidoro del Lungo et de P. Prunas, qui
l'ont accompagnée d'un riche commentaire précisant les dates, l'identité des personnes citées,
et faisant appel dans bien des cas à d'autres écrits de Tommaseo, parfois inédits, comme
Le Memorie intime.
W Cf. Y. Cian in Gior. stor. lett. ital., CIV (io,3/i),p. 1З9, n. a.
W Cf. Memorie poetiche (2e éd., 1917, avec notes de Giuseppe Salvadoři). «DeH'illirico,
ricco е soave ë poetica lingua, parlata dalla servitù е dai contadini non sentivo le bellezze е
non curavo d'apprend

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