Opiologia, imposture et célébration de l opium. - article ; n°2 ; vol.25, pg 125-150
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Revue d'histoire des sciences - Année 1972 - Volume 25 - Numéro 2 - Pages 125-150
RÉSUMÉ. — Auto-expérimentation sur l'opium à la fin du XVIIe siècle. Signification ambiguë de ce mode d'expérimentation. Histoire de la substance (laudanum, opium, morphine). Présentation de textes de Moyse Charas.
SUMMARY. — Auto-experiment about opium at the end of the XVIIth Century. Ambiguous meaning of this experimental approach. Historical background of the substance (laudanum, opium, morphine). Presentation and commentary of texts from Moyse Charas.
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1972
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

MME CLAIRE SALOMON
BAYET
Opiologia, imposture et célébration de l'opium.
In: Revue d'histoire des sciences. 1972, Tome 25 n°2. pp. 125-150.
Résumé
RÉSUMÉ. — Auto-expérimentation sur l'opium à la fin du XVIIe siècle. Signification ambiguë de ce mode d'expérimentation.
Histoire de la substance (laudanum, opium, morphine). Présentation de textes de Moyse Charas.
Abstract
SUMMARY. — Auto-experiment about opium at the end of the XVIIth Century. Ambiguous meaning of this experimental
approach. Historical background of the substance (laudanum, opium, morphine). Presentation and commentary of texts from
Moyse Charas.
Citer ce document / Cite this document :
SALOMON BAYET CLAIRE. Opiologia, imposture et célébration de l'opium. In: Revue d'histoire des sciences. 1972, Tome 25
n°2. pp. 125-150.
doi : 10.3406/rhs.1972.3285
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0151-4105_1972_num_25_2_3285Opiologia,
imposture et célébration de l'opium
les sont-ils « doses Les pas chimiques tempéraments aussi infiniment ? » humains variés que ne
Charles Baudelaire,
Enchanlements et tortures
ďun mangeur ďopium.
RÉSUMÉ. — Auto-expérimentation sur l'opium à la fin du xvne siècle.
Signification ambiguë de ce mode d'expérimentation. Histoire de la substance
(laudanum, opium, morphine). Présentation de textes de Moyse Charas.
S U M MAR Y. — Auto- experiment about opium at the end of the XVIIth Century.
Ambiguous meaning of this experimental approach. Historical background of the
substance (laudanum, opium, morphine). Presentation and commentary of texts
from Moyse Charas.
Pour l'historien des sciences dont le travail consiste non à
restituer avec complaisance des mentalités préscientifiques, mais
à déceler rigueur les obstacles et les actes qui sanctionnent la
scientifîcité d'une discipline, l'extrême fin du xvne siècle ne donne
à penser de la chimie que sa préhistoire. Cette chimie des éléments,
qualitative, sans théorie unitaire ni nomenclature, est aux mains
des « artistes » qui ont affaire aussi bien aux apothicaires qu'aux
médecins, aux botanistes qu'aux anatomistes, et souvent se
confondent avec eux. Cette indistinction, qui gêne la rationalité,
a un avantage : elle permet de saisir la pratique ingénue des entre
croisements, plus tard conceptuellement nécessaires pour définir
le médicament, qui suppose, outre l'industrie aujourd'hui fondée
sur une science et construite à partir d'elle, le malade, la maladie
et son médecin.
C'est de cette pratique ingénue, théoriquement conduite cepen
dant sous l'invocation expérimentale, qu'il est question dans les
deux textes que nous présentons et confrontons ici. Et l'objet 126 REVUE D'HISTOIRE DES SCIENCES
de cette pratique, c'est l'opium, Janus bifrons « qui mène en
quelque sorte deux carrières parallèles : l'une légale et thérapeut
ique, l'autre hédonique et prohibée » (1), médicament précieux
ou drogue redoutable, suivant qu'on le considère de l'Orient ou
de l'Occident, avant ou après la connaissance de ses alcaloïdes
isolés en 1806 par Gh. Seguin et en 1814 par Serturner, avant ou
après l'aiguille de Pravaz et son adaptation à la seringue (1852).
L'approche de ces textes et la raison qui a suscité l'intérêt
pour leur commentaire doivent être ambiguës à plus d'un titre :
qui dit opium aujourd'hui pense spontanément « drogue », au
sens policier de stupéfiant, lourd de réminiscences littéraires et
d'interdits, et non aux sens que le mot désigne jusqu'à la fin du
xixe siècle — toute matière médicale, ou le médicament (2) —
« poisons » et « toxiques » étant réservés aux substances qui, tout
en pouvant être médicamenteuses, sont plus des réactifs de la vie
que son adjuvant et vont parfois jusqu'à la supprimer (3). Gomment
pouvait-on le penser, et l'expérimenter, en cette fin du xvne siècle,
où son usage était courant, « quoiqu'encore ambigu parmy la
plus grand part des médecins » (4) ? Et quelle est la nature de
cette ambiguïté et de cette suspicion, dont nous retrouvons trace à
la fin du texte que nous nous proposons d'examiner? Est-ce l'ambi
guïté de tout médicament, qui peut le plus et le moins, le bien et le
mal, arme secourable et redoutable ? Est-ce la suspicion à l'égard
d'une substance dont nous savons aujourd'hui les effets à long terme?
Ambiguës également les modalités mêmes de ces « expériences »,
qui s'inscrivent dans l'histoire de l'auto-expérimentation, médicale
et pharmaceutique, dans laquelle E. H. Ackerknecht voit un
legs du xvine siècle (5). L'auto-expérimentation a, comme le dit
(1) J.-M. Pelt, Drogue et plantes magiques, Paris, Horizon de France, 1971, p. 105.
(2) Dans Littré, le mot « drogue » ne couvre que les deux sens : matière médicale
et médicament. Les trois sens sont énumérés, dans l'ordre historique, in Manuila,
Nicole et Lambert, Dictionnaire français de médecine et de biologie, Paris, Masson, 1970.
(3) Cl. Bernard, Leçon inaugurale au Collège de France, Sur les effets des substances
toxiques et médicamenteuses, 1856 : « Les agents toxiques... peuvent être envisagés
comme des instruments physiologiques plus délicats que les moyens mécaniques, et
destinés à disséquer les propriétés anatomiques de l'organisme vivant : ce sont de
véritables réactifs de la vie. »
(4) Angélus Sala, Opiologia, La Haye, 1614, Au Lecteur.
(5) E. H. Ackerknecht, in Le médecin et l'auto-expérimentation thérapeutique,
Documenta Geigy, Bâle, 1969, cite Conrad Gessner (1516-1565), dont les essais avec les
feuilles de tabac sont fort prisés par A. von Haller ; et Matheus Gottfried Purmann
(1648-1721), qui, vers 1670, essaya sur lui-même les injections intraveineuses. SALOMON-BAYET. — OPIOLOGIA 127 CL.
E. H. Ackerknecht, « une double signification : scientifique et
morale ». C'est que l'ingestion ou l'injection de drogues pour expé
rimenter sur soi-même leurs effets, en état de santé et de maladie,
confond en une même personne le médecin et le malade, l'apothi
caire et le remède, pour un résultat qui est scientifique par le
regard médical et pharmaceutique, et moral — aux deux sens
du terme — par le regard introspectif et le risque volontairement
couru par soi avant de le faire courir aux autres. Dès lors, son
interprétation est soumise à un double danger de déviation, scien
tifique et morale.
En outre, et c'est la consonance propre au xvne siècle et au
xvine siècle, expérimenter est synonyme de facere periculum, faire
l'épreuve et courir le risque : si la médecine est une science conjec
turale et expérimentale, son progrès ne peut s'accomplir qu'au
prix d'une succession d'essais et d'erreurs dont la sanction suprême
est la mort. Il faut perdre le corps pour le sauver, mais ce ne sont
pas habituellement les mêmes que l'on perd et que l'on sauve.
Comme c'est le corps des suppliciés et le cadavre des pauvres que
l'on dissèque et que l'on anatomise, « on expérimente les remèdes
sur des personnes de peu d'importance » (1). La conclusion est
constante de Furetière au Dictionnaire de Trévoux, du Dictionnaire
de Trévoux à l'Encyclopédie, et au-delà.
Le Dictionnaire de Trévoux reprend, comme bien souvent,
les termes de Furetière. Quant à Y Encyclopédie, elle juge que
l'objet de la science médicale, l'homme, « de quelque côté qu'on
l'envisage, est le moins propre à être sujet d'expérience ; il est
l'objet le plus convenable, le plus noble et le plus intéressant de
Г observation » (2). Pour expérimenter, il faut recourir au procédé
et au matériel, suggérés par Maupertuis, pour certaines opérations
que l'art n'ose entreprendre : « Pour tenter ces nouvelles opérations,
il faudrait que le criminel en préférât l'expérience au genre de
mort qu'il aurait méritée : il paraîtrait juste d'accorder la grâce à
celui qui y survivrait, son crime étant en quelque sorte expié par
l'utilité qu'il aurait procurée » (3). La méde

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