Ouvriers, Eigensinn et politique dans l Allemagne du XXème siècle - article ; n°1 ; vol.113, pg 91-101
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Description

Actes de la recherche en sciences sociales - Année 1996 - Volume 113 - Numéro 1 - Pages 91-101
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 78
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Alf Lùdtke
Ouvriers, Eigensinn et politique dans l'Allemagne du XXème
siècle
In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 113, juin 1996. pp. 91-101.
Citer ce document / Cite this document :
Lùdtke Alf. Ouvriers, Eigensinn et politique dans l'Allemagne du XXème siècle. In: Actes de la recherche en sciences sociales.
Vol. 113, juin 1996. pp. 91-101.
doi : 10.3406/arss.1996.3185
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1996_num_113_1_3185Résumé
Ouvriers, Eigensinn et politique.
L'expérience du travail parmi les ouvriers allemands ne peut-être interprétée uniquement en termes
d'intérêts ou de revendications d'un groupe considéré dans sa totalité. À l'aide de sources aussi
diverses que l'enquête orale ou l'analyse iconographique, ce sont les représentations et les actions
individuelles qui doivent être placées au centre de l'analyse. Ainsi, la maîtrise autonome des machines
et des rythmes, le chahut et la fraude, mais aussi l'intériorisation des hiérarchies et des symboles du
travail représentent autant de pratiques qui révèlent un souci de désengagement dans la participation,
une capacité à créer des modes d'action spécifiques utilisant les lacunes du système de surveillance et
de production, et une volonté d'affirmer son quant-à-soi dans la nécessaire solidarité hiérarchisée de
l'atelier. Ce désir de « n'en faire qu'à sa tête » (Eigensinn), couplé à l'acceptation valorisante d'un idéal
de «travail allemand de qualité», se retrouve dans l'ambiguïté des attitudes politiques des ouvriers, plus
axées sur les motivations concrètes que sur les mobilisations globales, et susceptibles de pousser le
désengagement jusqu'à la complaisance.
Abstract
Workers, Eigensinn and politics.
German workers' experience of the workplace cannot be interpreted uniquely in terms of the interests or
demands of a group taken in its totality. Using such varied sources as oral interviews or iconographic
analysis, it becomes evident that the analysis should focus on individual representations and actions.
For instance, individual control of machines and work rates, acting up and cheating, but also the
internalization of hierarchies and work symbols are all practices which reveal a concern to remain
uninvolved, a capacity for creating specific modes of action that takes advantage of loopholes in the
supervisory and production systems, and a certain stand-offishness in the necessary ranked solidarity
of the workshop. This desire to do "only what one pleases" (Eigensinn) coupled with an ego-boosting
acceptance of the ideal of "quality German work" can also be found in the ambiguity prevailing in
workers' political attitudes, based more on concrete motivations than on global crusades and liable to
take uninvolvement to the point of complacency.
Zusammenfassung
Arbeiter, Eigensinn und Politik
Die Wahrnehmung des Arbeitlebens bei deutschen Arbeitern ist nicht ausschließlich in Begriffen von
Interessen und Forderungen einer global zu behandelnden Gruppe zu fassen. Vielmehr schien
angebracht, auf der Grundlage mundlich durchgeführter Forschungen und Bildanalysen, individuelle
Vorstellungen und Aktionen in den Mittelpunkt der Betrachtung zu rücken. Derart stellen sowohl die
autonome Beherrschung von Maschinen und Arbeitsrythmen, der Lärm und Mogeleien, sowie die
unterschiedliche Verinnerlichung der Hierarchien und der mit der Arbeit verbundenen Symbolik
Praktiken dar, in denen, unter Ausnutzung der Lticken im überwachungs -und Produktionssystem, ein
Ausscheren aus dem Mitbestimmungs -zusammenhang, die Fähigkeit der Entwicklung spezifischer
Handlungsformen und das Bedürfnis nach Betonung der eigenen Individualität innerhalb der
notwendigerweise hierarchisierten Solidarität der Werkstatt möglich und erkennbar werden. Dieses
Bedürfnis nach « Eigensinn », gleichwohl verbunden mit der simultan als wertvoll empfundenen
Wahrung eines Ideals « deutscher Qualitätsarbeit», kommt in der Ambivalenz der politischen Haltungen
der Arbeiter zum Ausdruck, die sich lieber von ganz konkreten Motiven leiten lassen, als von
umfassenden, die angestrebte Distanzierung in anderer Weise wieder aufhebenden
Aktionsprogrammen.:
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:
:
Alf Lüdtke
OUVRIERS, EIGENSINN ET POLITIQUE
DANS L'ALLEMAGNE DU XXe SIÈCLE
En premier lieu, les bruits, les odeurs, la graisse et la et qui article se situe a pour à contre-courant but de proposer des approches une perspective géné poussière faisaient du travail en usine un foisonnement
ralement adoptées pour l'étude des ouvriers de d'impressions sensorielles. Les sens étaient surtout solli
l'industrie et de leurs attitudes politiques. Je m'attache en cités par la constante confrontation avec les outils, les
effet aux pratiques de désengagement conflictuel qui ne matériaux bruts, les manettes métalliques, les pièces et
relèvent ni de la soumission à la domination ni de la rési les instruments de tissus ou de bois. La vie quotidienne
stance ouverte. Ces modes d'expression et d'action reflè de l'ouvrier était faite avant tout de sensations phy
tent plutôt les aspirations des ouvriers vers une affirma siques mouler, étirer, marteler et forger, estamper et perc
tion autonome et spécifique de leurs propres exigences. er, façonner au tour et meuler des objets durs ou mous,
souvent extrêmement lourds - mais aussi des éclats, des
copeaux et des filaments qui multipliaient les occasions
Procédures du travail, présence de se blesser. Entre l'expérience acquise sur le tas et l'ac
de l'imprévisible et « rationalisation » tivité physique se tissaient des liens qui rendaient
constamment sensibles la résistance des matériaux, celle
Dans leur grande majorité, les analyses consacrées des outils, mais aussi celle des collègues de travail.
En outre, la journée de travail passée devant l'établi aux procédures du travail mettent en avant les limitations
imposées à l'autonomie des ouvriers sur leur lieu de tra ou la machine était par maints aspects marquée du sceau
vail1. C'est donc l'alternative entre la domination et la de l'imprévisible. À chaque fois qu'ils accomplissaient
résistance qui gouverne la perception du comportement leur temps de travail, femmes et hommes étaient à la
merci des accidents qui pouvaient se produire partout et des ouvriers. Cette démarche suppose implicitement
l'existence d'entités sociales fondamentalement homog à tout moment de la journée. À chaque instant, un
ènes la « classe ouvrière >• et les « intérêts » des entrepre ouvrier pouvait perdre le contrôle de la courroie d'entra
neurs, s'opposant l'une à l'autre. On néglige ainsi de înement de sa machine ; le tour risquait alors de projeter
prendre en compte les contradictions internes aux
classes et aux groupes sociaux. Ce type d'analyse sous-
1 - Le livre de David Montgomery, Workers' Control in America. Stuestime par conséquent la diversité des modalités mises dies in the History of Work, Technology, and Labor Struggles (Camb
en œuvre simultanément dans les processus historiques, ridge et al, 1979), en constitue un exemple particulièrement révélat
eur. Bien qu'ils analysent les contextes avec plus de subtilité, les et n'accorde aucune attention au profil fragmenté et ouvrages suivants restent également dans la même perspective complexe des acteurs de ces processus2. En revanche, Joan W. Scott, The Glassworkers of Car maux, Cambridge, Massachuse
tts, 1974, et James R. Barrett, Working in thefungle. Chicago's Pacl'analyse des relations sociales en termes de champs de
kinghouse Workers 1894-1922, Urbana, Chicago, 1987. force à entrées multiples (E. P. Thomson)3 offre une
2 - Le terme d'acteur vise en premier lieu à éviter les pièges de la solution alternative pour ce domaine de recherche. notion de •■ sujet » qui met l'accent sur la cohésion de l'individu. Mais il Ces « entrées multiples » demandent cependant à être souligne également un scepticisme envers la notion d'» agent », car cette
dernière ramène fondamentalement les individus à leur inscription examinées en détail. On peut distinguer deux niveaux dans les contraintes ou les prescriptions de la société. dans les contraintes exercées sur les ouvriers et, corrélat 3 - Edward P. Thompson, « Eighteenth-century English society Class ivement, dans les pratiques développées par les ouvriers struggle without class? », Social History, 3, 1978. p. 133-165, en particul
pour appréhender et intégrer ces contraintes. i

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