Pour la philosophie de la conscience - article ; n°1 ; vol.12, pg 113-136
25 pages
Français

Pour la philosophie de la conscience - article ; n°1 ; vol.12, pg 113-136

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
25 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

L'année psychologique - Année 1905 - Volume 12 - Numéro 1 - Pages 113-136
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1905
Nombre de lectures 11
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Alfred Binet
Pour la philosophie de la conscience
In: L'année psychologique. 1905 vol. 12. pp. 113-136.
Citer ce document / Cite this document :
Binet Alfred. Pour la philosophie de la conscience. In: L'année psychologique. 1905 vol. 12. pp. 113-136.
doi : 10.3406/psy.1905.3712
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1905_num_12_1_3712VII
POUR LA PHILOSOPHIE DE LA CONSCIENCE
On sait, par la lecture des revues étrangères, qu'il se pro
duit en ce moment en plusieurs pays, et notamment en Angle
terre et en Amérique, un effort extraordinaire des esprits vers
les problèmes philosophiques; le problème de la connaissance,
qui est le plus important de tous, attire vivement l'attention
des philosophes, et même quelques physiciens se mêlent à ces
débats. On ne peut que se sentir heureux de cette orienta
tion. C'est par- un travail collectif qu'on arrivera à une solu
tion, j'entends un accompli par des penseurs qui ne
se sont pas concertés, qui suivent des méthodes différentes, et
qui ont reçu une éducation différente. Le problème de la con
naissance est à la frontière de deux domaines, le physique et
le moral, et participant des deux il ne pourrait être, ce nous
semble, traité d'une manière approfondie que par quelqu'un
qui serait versé dans les sciences physiques aussi complète
ment que dans les sciences morales. Je crois bien que cela ne
s'est pas rencontré souvent jusqu'ici. La plupart d'entre nous,
quand nous savons quelque chose, le savons par une spéciali
sation dans l'un des deux domaines, et nous ne pouvons parler
du territoire voisin qu'en étrangers. Philosophes, nous n'avons
que de seconde main une érudition de physiciens, nous nous
imaginons mal l'état d'esprit des les idées que
ceux-ci ont sans les écrire, et nous leur attribuons parfois des
hypothèses ou des points de vue qui leur semblent complète
ment faux; physiciens, nous ne connaissons que par ouï-dire
les phénomènes moraux, nous n'en avons que les idées gros
sières, qui se répandent dans la foule, et c'est avec ces notions
mal analysées que nous raisonnons sur le psychique, de
manière à nous attirer le dédain des gens compétents. De
même qu'une balance penche du côté le plus chargé, de même
le savant s'appesantit sur ce qu'il connaît le mieux. Les philo
sophes imaginent une théorie de la connaissance qui répond
l'année psychologique, xii 8 114 MÉMOIRES ORIGINAUX
surtout aux exigences des sciences morales, et sacrifient celles
des sciences physiques; et les physiciens font juste le con
traire. Tous ces essais sont incomplets; mais ils ne sont pas
vains. Ils préparent les éléments d'une synthèse ultérieure. Il
faut que chacun continue avec courage à travailler dans son
coin, sans prétendre à découvrir la vérité tout entière, mais
avec le légitime espoir d'avoir apporté une petite pierre à
l'édifice.
J'emploie intentionnellement le titre de philosophie de la
conscience, afin de bien marquer que les idées que j'expose ici,
et qui sont le développement et l'explication de celles conte
nues dans un récent volume — L'Ame et le Corps — sont en
conflit direct avec la philosophie que le professeur Hœckel,
d'Iéna, cherche en ce moment à propager en Allemagne, en
Angleterre, en France, grâce à des livres populaires d'un bon
marché inouï1. 11 est difficile de s'expliquer l'ardeur d'apos-
1. Je fais allusion à ces Énigmes de l'Univers dont la traduction française
se vend à profusion, au prix de 2 francs. En Angleterre, une autre tr
aduction de ce même ouvrage, ou de quelque ouvrage analogue se vend au
prix de 60 centimes. Je cite ces prix, intéressants parce qu'ils sont la
preuve d'une tentative pour populariser le monisme. Je viens de lire le
livre français. 11 est extraordinaire. Ce qui frappe tout de suite et indis
pose le lecteur,' c'est le ton de conviction emphatique qui règne dans
toutes les pages. Le monisme y est présenté comme une philosophie défi
nitive, une explication scientitique qui ne laisse derrière elle aucun myst
ère; toutes les questions très graves, et encore si obscures, que nous
posent à la fois la nature et l'esprit, sont résolues sans l'ombre d'un
doute, avec une assurance qui doit en imposer aux ignorants pour le
squels ces publications sont faites. Rien ne me parait plus éloigné du véri
table esprit scientifique, ce sens délicat et nuancé de ce qui est prouvé
et de ce qui ne l'est pas. Et en outre, ce tableau panoramique que
Hseckel nous présente de l'état actuel de la science est loin de présenter
toutes les lacunes et toutes les ambiguïtés que le vrai savant y ren
contre. Par-dessus tout, je suis choqué, plus je ne puis le dire, des
formes de discussion que Haeckel emploie. A l'entendre, il semble que
tous ceux qui ne partagent pas son avis sont des fous ou des dupes. Un
exemple du sans-gêne avec lequel il traite ses adversaires vaut d'être cité.
Il se trouve que Virchov, von Baer, Dubois-Reymond, Wundt, après
avoir adhéré au monisme, l'ont repoussé, et se sont ralliés à une philo
sophie dualiste; dans son indignation contre les traîtres, Haeckel n'hésite
pas à tenir ces changements d'opinion pour une preuve de sénilité.
Quelle étrange façon de raisonner! Voilà ce qu'on peut dire de la forme
du livre; elle n'inspire nullement la sympathie. Le fond ne vaut pas
mieux. Haeckel est un savant qui, malgré ses visées à devenir un publi-
ciste, n'est réellement instruit que d'une petite partie de la science,
l'anthropogénie, la zoologie, l'embryogénie. Naturellement, les considé
rations tirées de ces sciences remplissent la plupart des pages du livre;
on ne saurait s'en étonner. Chacun parle avec abondance de ce qu'il
connaît le mieux; et plût au ciel que chacun ne parlât que de cela! Mais
bien réellement Hœckel s'exagère l'importance des sciences qu'il a culti-; BINET. — POUR LA PHILOSOPHIE DE LA CONSCIENCE 115 A.
tolat que l'éminent professeur met à cette sorte de campagne,
en faveur d'une doctrine qui, sous le nom de monisme, n'est
pas autre chose qu'un matérialisme radical. Quel avantage
social y a-t-il à ce que ce système soit connu et accepté des
masses populaires? Toute philosophie, à ce qu'il semble, n'a
de valeur sociale que dans la mesure où elle est un excitant à
l'action utile. Or, le monisme matérialiste, qui enseigne (avec
quelle intransigeance et quelle tranquille certitude, on lé sait)
que tout vient de la matière, que tout y retourne, que tout en
est, paraît présenter à nos imaginations et à nos cœurs des
perspectives vraiment décourageantes. Divulguer de telles
idées est aussi opportun que si on allait apprendre aux agneaux,
aux moutons, et aux bœufs qu'ils sont destinés à l'abattoir.
Il semble au contraire que le dualisme, qui assure une indé
pendance relative de la conscience, et qui fait luire quelque
espoir aux yeux de ceux qui ont l'horreur des ténèbres, est un
système plus réconfortant, plus tonique, et par conséquent
plus social, toute question de certitude mise à part.
C'est une impression subjective que je note ici, sans insister,
car les considérations de ce genre, si on devait les développer,
pourraient nous entraîner trop loin.
J'ai l'intention de revenir sur cette théorie dualiste, pour
l'expliquera nouveau, et en montrer diverses conséquences;
on se rappelle quelle a été notre thèse : c'est que la totalité du
connaissable est divisible en deux parties : l'une est formée
par les sensations et l'autre par le fait d'avoir conscience de
ces sensations. Tel est le résumé le plus succinct que je puisse
donner de cette thèse. Ce résumé en est aussi le point de
départ; et je n'ai pas fait autre chose que de l'exposer en
détail, et de montrer l'immensité des choses qui doivent être
logées dans le compartiment des sensations, c'est-à-dire de la
matière.
vées : il entre à chaque instant dans des détails oiseux, et nous ne ces
sons d'entendre parler de monères, de blastula, de gastrula, etc., choses
qui commencent à se démoder un peu, et font l'effet d'une boutique de
bric-à-brac.

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents