Pour une critique de la langue. Le poète comme traducteur - article ; n°1 ; vol.25, pg 55-66
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Description

Ebisu - Année 2000 - Volume 25 - Numéro 1 - Pages 55-66
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 46
Langue Français

Extrait

Takaaki Morinaka
Martine Carton
Marguerite-Marie Parvulesco-
Oya
Pour une critique de la langue. Le poète comme traducteur
In: Ebisu, N. 25, 2000. Ecritures poétiques japonaise. pp. 55-66.
Citer ce document / Cite this document :
Morinaka Takaaki, Carton Martine, Parvulesco-Oya Marguerite-Marie. Pour une critique de la langue. Le poète comme
traducteur. In: Ebisu, N. 25, 2000. Ecritures poétiques japonaise. pp. 55-66.
doi : 10.3406/ebisu.2000.1082
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ebisu_1340-3656_2000_num_25_1_1082POUR UNE CRITIQUE DE LA LANGUE
LE POÈTE COMME TRADUCTEUR1
MORINAKA Takaaki
Né en 1960, Morinaka Takaaki est à la fois critique et poète.
Professeur à l'université Waseda, il est spécialiste de littérature française
moderne, de philosophie et de théorie de l'art. Il a publiéHan shiteki
bunpô : intâ poetikkusu K = Wtf]X& : -f > ^-^J-f i v ï X
(Une grammaire anti-poétique : V interpoétique), Shichôsha HïfStt,
2995 ; Morinaka Takaaki shishû ^F^iwi^flll (Poèmes de Morinaka
Takaaki), Gendaishi bunkomXW1C0. No 157, Shichôsha, 1999; Datsu
kôchiku Sftff^ (La déconstruction), Iwanami shoten ë^#/£, 2999.
Il a également traduit, seul ou en collaboration, deux ouvrages de
Jacques Derrida. Schibboleth : pour Paul Celan (Shiborêto : Pauru
Tseran no tame ni v # U — h : ^^ )V • y x y >co fz tb \z, Iwanami
shoten, 1990 et 2000) et Monolinguisme de l'autre ou la prothèse
d'origine (Tatta hitotsu no watakushi no mono dewa nai kotoba :
tasha no tan.itsu gengo shiyo fz o fz — o <D , % (D & co "C ~\t ta v ■> H^ :
Morinaka Takaaki ^'^ffM, « Pour une critique de la langue. Le poète comme
traducteur », deuxième partie (Kokugo hihan no tame ni - hon.yakusha to shite no shijin HI&#ttJJ<7)
tztb\z -&,IN# t L TWiMf A I I), Cahiers de poésie contemporaine, No 39, chapitre 7, Gendaishi techô
SftSî-Wi Shichôsha, 1996, pp. 105-114. Le terme traduit ici par « langue » est kokugo gif, « la
langue de la Nation », soit « le japonais ». Cet article est la suite interrompue du texte « Le
poète comme traducteur - Une anti-grammaire poétique » publié aux éditions Shichôsha, 1995.
Il serait préférable de se référer à l'un et à l'autre de ces deux textes. De plus, une partie du
propos du chapitre I se retrouve dans l'article « La traduction de /et la philosophie » publié
dans Sôto £ffi No 19, imprimé par Nozawa Kei ifiR^F%fî, Renga shobô shinsha tiÂ^ltM-fftt,
juillet 1990.
EBISU, Numéro spécial 25, 2000, Maison Franco-Japonaise, Tokyo, p. 55-69. :
MORINAKA TAKAAKI EBISU 25
Traduction - événement - répétition
La pensée de Benjamin à propos de l'expérience de la traduction se
révèle comme une superposition de paradoxes insolubles, et construit grâce
à ce paradoxal, la complexité d'une logique provocante et féconde. L'essai
devenu classique : « La tâche du traducteur »' (1923) qui appelle à une
relecture sans relâche, illustre particulièrement bien ce paradoxe linguistique
qui entraîne une résistance, une tension particulière sur la pensée dont il
retarde et diffère l'accomplissement. D'autre part, cette attente obstinée et ce
geste suspendu, en dépit d'une apparence judaïque anti-chrétienne3,
s'orientent en réalité vers une compréhension strictement matérialiste de la
langue. L'expérience si évidente de la traduction, que chacun connaît
empiriquement, est découpée, mise en pièces pour clarifier la vraie énigme
qu'elle comporte ; cela semble être l'unique désir de cette critique radicale
qui transgresse sans cesse les frontières. Mais comment ce désir est-il donc
formulé ?
Ce qu'on apprend dans la première thèse de Benjamin, c'est que la
traduction, fondamentalement, est une expérience indépendante de la
communication du « sens ».
Ce que le traducteur doit viser, c'est : « Renoncer au projet de
communiquer, faire abstraction du sens dans une très large mesure puis
une intégration des nombreuses langues pour former un seul langage vrai » et
enfin, « faire mûrir (...) la semence du pur langage ».
Bien sûr, dans la pratique de la traduction, il est difficile d'imaginer
que soit totalement abandonnée la dimension du « sens ». Surtout, quand on
saisit la langue seulement comme un acte de communication, ce genre de
thèse semble être un reflet d'une spéculation abstraite qui ne produit pas de
sens littéral. Cependant, seul un regard superficiel voit s'y refléter cette
spéculation. Le « langage pur » dont parle Benjamin n'est pas une forme
universelle qui dépasserait, transcenderait la spécificité des langues, et pas
davantage l'image religieuse ou l'imitation mythique du rêve de la
reconstruction de Babel. Ce n'est pas cela. C'est le nom attribué à la hiérarchie
des forces très concrètes qui forment la base et rendent possible le fait que
plusieurs langues et plusieurs systèmes existent et fonctionnent ici et
maintenant.
2 Walter Benjamin, « La tâche du traducteur » dans Œuvres, t.l, 2000, pp. 244-262.
Traduction japonaise .Hon.yaku no shimei 88fiR<Ol£fë, Shôbunsha im&î.t, Tôkyô, 1975, pp. 245-262.
N.d.T Dans son essai, Walter Benjamin compare la traduction à un travail de
révélation qui viserait à réconcilier et à accomplir les différentes langues en un lieu promis et
interdit.
56 :
POUR UNE CRITIQUE DE LA LANGUE. LE POÈTE COMME TRADUCTEUR
Ce qu'il y a au centre du raisonnement de Benjamin c'est de toute
évidence un paradoxe, ou bien plutôt un double bind*. Pour commencer,
Benjamin définit la tâche du traducteur comme devant « exprimer » le
« rapport très intime entre les langues »5. Le traducteur doit aller au-delà de
la reproduction du sens et exprimer le rapport qui existe dans « les choses
au-delà de la communication ». Cependant, la traduction ne peut « révéler,
créer ce rapport caché lui-même », mais par contre, « elle peut le représenter
en le réalisant en germe ou intensivement ». Ce que Benjamin nomme le
« langage pur », cette parenté entre les langues entendue selon leurs exigences
possibles ou impossibles, n'est rien d'autre chez Derrida que « cette
présentation dans laquelle rien ne se présente sur le mode courant de la
présence »". Enfin, comme l'explique justement Derrida dans cette paraphrase,
la traduction entre les langues selon Benjamin : « n'implique ni une relation
d'identité, ni une relation de ressemblance, ni une relation d'analogie. C'est
le fait qu'elle fasse respirer et vivre la différence entre deux langues, et ce
faisant, génère quelque chose entre ces deux langues »7 .
Ce « quelque chose » qui doit se produire, je répète, est ce qui découle
nécessairement du concept de présence (réfléchissons, la « différence » de
même que la « ressemblance » entre les langues, qui n'existent pas en soi, ne
pourront être découvertes qu'après que l'événement de la traduction aura
eu lieu, ainsi l'événement de la traduction est possible, du fait que les langues
existent déjà). Dès lors, la tâche du traducteur, tout compte fait, est seulement
de s'engager (toujours dans un temps futur antérieur) à rendre présente
cette non-présence.
4 N.d.T transcription en katakana d'un terme anglais « double bind » qui se traduit
en français par « double contrainte », ou « double entrave », ou encore « double lien ». Il désigne
une situation dans laquelle un individu est soumis simultanément à deux messages ou à deux
injonctions contradictoires de telle sorte que l'obéissance à l'une entraîne la transgression de
l'autre. Ce concept a été dégagé en 1956 par Gregory Bateson et les chercheurs de l'École de
Palo Alto au cours d'un travail sur les familles schizophrènes. Derrida, dans Psyché. Inventions
de l'autre, parle de « double endettement » à propos de la langue. Dieu, en détruisant la Tour de
Babel et en imposant sa loi, rend les langues multiples et confuses et du même coup, rend
obligatoire la traduction.
5 Walter Benjamin, 2000, op.cit., p

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