Pouvoir central et régions dans l Inde ancienne : le problème de l Empire maurya - article ; n°4 ; vol.37, pg 621-647
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Pouvoir central et régions dans l'Inde ancienne : le problème de l'Empire maurya - article ; n°4 ; vol.37, pg 621-647

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Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1982 - Volume 37 - Numéro 4 - Pages 621-647
Central Power and Regions in Ancient India : the Case of the Maurya Empire
The Maurya Empire (ca. 313-200 B.C) was one of those rare periods in which nearly the entire Indian subcontinent was politically united in a single State. Most historians regard it as a Unitarian and centralizing State. Although amply supported by contemporary sources, such a description overlooks the enormous distances involved and the lack of rapid communications. In fact, the sources can be made to show that the Maurya administration was, on the contrary, highly flexible, that it adapted itself to local situations, and that centralization made itself felt only in the regions closest to the seat of power.
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 8
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Gérard Fussman
Pouvoir central et régions dans l'Inde ancienne : le problème de
l'Empire maurya
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 37e année, N. 4, 1982. pp. 621-647.
Abstract
Central Power and Regions in Ancient India : the Case of the Maurya Empire
The Maurya Empire (ca. 313-200 B.C) was one of those rare periods in which nearly the entire Indian subcontinent was politically
united in a single State. Most historians regard it as a Unitarian and centralizing State. Although amply supported by
contemporary sources, such a description overlooks the enormous distances involved and the lack of rapid communications. In
fact, the sources can be made to show that the Maurya administration was, on the contrary, highly flexible, that it adapted itself to
local situations, and that centralization made itself felt only in the regions closest to the seat of power.
Citer ce document / Cite this document :
Fussman Gérard. Pouvoir central et régions dans l'Inde ancienne : le problème de l'Empire maurya. In: Annales. Économies,
Sociétés, Civilisations. 37e année, N. 4, 1982. pp. 621-647.
doi : 10.3406/ahess.1982.282876
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1982_num_37_4_282876L 'INDE
POUVOIR CENTRAL ET RÉGIONS DANS L'INDE ANCIENNE :
le problème de l'empire maury a 1
J'ai toujours admiré le Kim de Kipling. C'est la meilleure introduction possible à
la foule nord-indienne, avec sa bigarrure de costumes, sa multitude de langues, la
diversité de ses coutumes. Pas d'apparence d'unité dans cette cohue, sauf le système
de communications et l'administration britannique. Les frontières de l'Inde2
s'arrêtent là où s'arrête l'armée du British Raj. Pour beaucoup d'observateurs
extérieurs, la situation n'a guère changé : la partition, trois guerres indo-pakistanais
es, une guerre sino-indienne, d'autres événements tragiques encore montrent bien
que l'unité et les frontières des États indiens dépendent de l'efficacité de leur
administration centrale et de leurs forces armées. L'appartenance à une caste, à un
groupe linguistique, à une communauté religieuse paraissent toujours passer avant
le sentiment de faire partie d'une même nation.
Pourtant la littérature indienne ancienne, brahmanique, bouddhique ou jaina, a
toujours considéré l'Inde comme une unité, même si elle n'en définit pas
précisément les frontières. Kim, allant de Lahore à Simla, ne croit pas changer de
pays, et les hommes politiques du Congrès ont ressenti le fait même de la partition
comme une tragédie. Au-delà de la diversité des races et des coutumes, il y a
toujours eu en Inde un mouvement vers l'unité. Il a rarement abouti à l'unification
politique du sous-continent. Le seul « empire » indien comparable par sa taille au
Ráj britannique est l'empire maurya 3, fondé par Candragupta vers 3 1 3 avant n. è.,
accru par ses successeurs Bindusâra et Asoka (261-226 ?)4. Sous ce dernier, les
frontières de l'empire maurya coïncident avec les frontières naturelles de la
péninsule, sauf à l'extrême sud où subsistent quelques royaumes indépendants 5.
Tout se conjugue pour faire de cet empire le symbole de l'unité indienne : son
étendue, sa longue durée, l'exceptionnelle personnalité des trois premiers souver
ains, dont chacun fut le protecteur d'une des grandes religions non musulmanes de
l'Inde (le premier aurait été jaina, le second hindou et le troisième proclamait haut et
fort sa conversion au bouddhisme). On conçoit que les armoiries de la République
indienne reproduisent le chapiteau d'une colonne dite ď Asoka, et que la référence à
l'empire maurya soit constante dans le discours politique de cet État. On conçoit
aussi que la réflexion menée sur la façon dont s'est constitué, agrandi, puis
désintégré cet empire ait des implications politiques immédiates pour les Indiens.
621 L'INDE
En fait, elle en a pour toute région qui, comme notre Europe, cherche son unité
politique au-delà de la diversité des langues et des peuples qui la composent.
Pour l'historien de l'Antiquité orientale, ce type de réflexion n'est pas moins
intéressant. Des expériences récentes nous montrent que, malgré la révolution des
transports et des communications, malgré le moyen d'unification puissant que
constituent l'éducation obligatoire et le contrôle des grands moyens d'information,
malgré l'énorme progrès des techniques de propagande et de répression, malgré
parfois la pratique effective de la démocratie représentative, les particularismes
continuent à survivre au point de mettre en danger l'unité des empires et même des
États. L'absence de ces techniques modernes n'a pourtant pas empêché la
constitution, dès une haute antiquité, d'empires très étendus, plurilingues et
multiethniques. Comment expliquer ce paradoxe ? Par la moindre virulence des
particularismes de toute sorte ? Par l'emploi de la force ? Par l'habileté et la
générosité (ou la cruauté) des souverains ? Ou par l'efficacité de l'appareil
administratif ?
Ce sont des questions que l'on s'est rarement posées. On a pu consacrer tout un
colloque au « concept d'empire » sans presque jamais évoquer les conditions
matérielles et politiques de leur existence 6. Il est vrai que l'on avait demandé aux
rapporteurs de s'interroger sur l'idéologie impériale plus que sur le fait impérial.
Mais le manuel qui fait encore autorité sur l'histoire de l'empire achéménide 7 ne
consacre quasiment aucune ligne à ce problème, comme si la constitution dès le
vie siècle avant n. è. d'un empire s'étendant de l'Egypte à l'Inde et se maintenant
deux siècles durant allait de soi.
Selon les historiens qui ont traité la question, les deux empires iraniens centrés
sur la Perside ont assuré leur cohésion et leur survie de façon très différente.
L'empire achéménide devrait sa relative stabilité à la sage politique de Cyrus et de
ses successeurs, contrôlant le pays par l'armée, surveillant la rentrée des impôts
grâce à leurs satrapes, mais respectant tous les particularismes et accordant une
large autonomie à certaines populations 8 . Il y a là un équilibre que rendent possible
la fidélité de l'armée, dont les composantes essentielles sont mèdes et perses, une
bureaucratie très efficace de langue araméenne 9 et surtout l'existence de la route
royale que décrit avec émerveillement Hérodote. Une armée fidèle, une administrat
ion efficace, des moyens de communications rapides, une habile politique des
nationalités, voilà ce qui permet le maintien du pouvoir des Rois des Rois. Quelques
siècles après la disparition du dernier souverain achéménide, Ardeshir Ier fonde en
224 de n. è. un autre empire iranien, l'empire sassanide, rival souvent heureux de
Byzance, et que seuls les Arabes devaient abattre (651 de n. è.). Or, selon
A. Christensen, le maintien de l'empire sassanide, moins étendu pourtant que
l'empire achéménide, repose sur deux facteurs essentiels : une centralisation très
poussée, et l'introduction d'une religion d'État 10. Le système de communications
hérité des Achéménides continue à être entretenu, mais l'armée, recrutée sur des
bases féodales, constitue à la fois un facteur de cohésion et de division.
On simplifiera les choses en disant que deux types de solutions étaient donc
possibles : une structure lâche, respectant les particularismes, ou une structure
s' centralisatrice et unificatrice ; toutes deux supposent un pouvoir central fort,
appuyant sur l'armée, une bureaucratie efficace et un système de communications
rapides. Dans l'Inde maury a, la diversité des peuples, des langues et des coutumes
n'était pas moindre que dans l'Iran achéménide. Le niveau des techniques devait
être approximativement comparable. Mais selon les historiens de l'empire maurya G. FUSSMAN L'EMPIRE MAURYA
quasi unanimes, la solution retenue fut la solution centralisatrice. Sur les moyens de
cette centralisation, on ne s'appesantit guère, faute de documents ; on ne s'interroge
pas sur ce qui, en dehors de l'activité personnelle du souverain, la

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