Puškin en exil et ses projets de fuite (1820-1826) - article ; n°1 ; vol.59, pg 75-86
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Puškin en exil et ses projets de fuite (1820-1826) - article ; n°1 ; vol.59, pg 75-86

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Description

Revue des études slaves - Année 1987 - Volume 59 - Numéro 1 - Pages 75-86
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Robin Kemball
Puškin en exil et ses projets de fuite (1820-1826)
In: Revue des études slaves, Tome 59, fascicule 1-2, 1987. Alexandre Puškin, 1799-1837. pp. 75-86.
Citer ce document / Cite this document :
Kemball Robin. Puškin en exil et ses projets de fuite (1820-1826). In: Revue des études slaves, Tome 59, fascicule 1-2, 1987.
Alexandre Puškin, 1799-1837. pp. 75-86.
doi : 10.3406/slave.1987.5613
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1987_num_59_1_5613PROBLÊMES BIOGRAPHIQUES
PUS KIN EN EXIL ET SES PROJETS DE FUITE (1820-1826)
PAR
ROBIN KEMBALL
Les complots tramés par Puikin et quelques-uns de ses amis en vue d'une fuite
à l'étranger, s'ils sont évoqués dans la plupart des biographies, n'y sont pour autant
guère traités de manière complète, cohérente. L'essai qui suit n'a pas la prétention
d'apporter de nouvelles révélations, de mettre au jour des sources inédites. Notre
but a été tout autre. Parlant des relations de Puikin avec la comtesse Voroncova,
Lotman a bien dit qu'il est <r très difficile de distinguer ... les faits authentiques
des conjectures de mé moins tes et de biographes ». Cette réflexion, nous semble-t-il,
ne s'applique pas moins è notre sujet dans son ensemble. Aussi avons-nous choisi
de nous limiter en premier lieu aux sources primaires et * sûres » - les lettres de
Puikin lui-même et celles de ses amis les plus intimes et les plus dignes de foi
associés à l'opération - et sur cette base de faire revivre le climat, socio-politique,
intellectuel et surtout émotif, dans lequel les événements, parfois dramatiques, se
sont déroulés.
Lorsque, le б mai 1820, Puškin prit congé de son ami Del'vig à Carskoe Selo
et se mit en route vers le Sud, il pouvait difficilement s'imaginer qu'il lui faudrait
plus de six ans pour recouvrer sa liberté (et encore, une liberté conditionnelle) des
mains du successeur d'Alexandre Ier. Les premiers mois passés, soit à Ekaterinburg
auprès de son nouveau chef, le paternel général Inzov, soit en voyage avec la famille
Raevskij, ne lui laissent guère le temps, ni de réfléchir sur son sort, ni de s'occuper
trop de son avenir. Dans une lettre à son frère Lev, écrite trois jours après son
arrivée à Kiiinev, il décrira les moments passés avec les Raevskij comme « les
minutes les plus heureuses de [sa] vie » et, affirmant que son plus beau réve est de
revisiter la région et de les revoir, il interroge son frère : « Seras-tu avec moi ?
Serons-nous bientôt réunis ?! » C'est là la première évocation d'une possible
réunion, mais seulement sur place, dans le Sud. C'est à la fin de cette même lettre
que Puikin abordera le problème de ses ennuis financiers, un thème destiné à le
1. Lettre 16 du 24 sept. 1820. - Sauf indication contraire, toutes les lettres de Puikin,
ainsi que celles adressées à Pu&in, »ont citées selon le numéro de série donné dans ІКС m 16-u
т., t. XHI.mvcc en plus indication de la date, pour faciliter leur identification d'autres édi
tions. Les lettres en langue russe sont, à quelques exceptions près, traduites en français ; celles
rédigées en français ront reproduites selon l'original.
Rev. Êtud. mma. Park. LIX/1-2. 1MT, p. TS-M. / R. KEMBALL 76
hanter désormais d'une manière obsessionnelle. Encore au mois de décembre,
décrivant sa vie en termes tout à fait positifs, il avouera à Gnedič que les rumeurs
pétersbourgeoises l'intéressent peu, alors que la phrase ironique : « Mes amis !
j'espère vous [rejvoir avant ma mort », donne à croire que l'éloignement et la sépa
ration ne pèsent pas encore trop lourdement sur son cœur.1
Cinq mois plus tard, son état d'esprit aura sensiblement changé. A son ami
Aleksandr Turgenev, il avoue qu'il rêve « à n'en pouvoir plus [...] de passer quel
ques deux semaines dans ce vilain Pétersbourg ». Dans un P.S. à cette même lettre,
il évoque pour la première fois la possibilité d'obtenir une autorisation lui permett
ant de rentrer3 . Ici il convient de rappeler que, sur le plan officiel, Puškin n'est
pas banni, exilé ; grâce à l'intervention massive de ses amis influents, et à la bien
veillance de Capodistria, il ne s'agit pour le moment que d'un « transfert » en rap
port avec son service auprès du ministère des Affaires étrangères3 . Toutefois, et
outre le fait que ce « service » n'existe guère, Puškin ne se fait pas d'illusions sur
sa liberté de mouvement. Apprenant, au mois d'août 1821, que Serge Turgenev est
à Odessa, il lui écrit qu'il aimerait tellement venir le voir et « respirer l'air pur
d'Europe » — «... mais je me trouve moi-même en quarantaine, et [mon] intendant
Inzov ne me lâche pas, comme quelqu'un de contaminé par une espèce de peste
libérale4 ».
Les mois passant, sa situation lui paraît de plus en plus insupportable. « Ayez
pitié de moi, lance-t-il à Gnedič, je vis parmi les Goths et les Sarmates ; personne
ne me comprend3 . » En juillet 1822, il écrira à Katenin qu'il aimerait encore voir
Pétersbourg, et à son frère Lev : « Je ne sais pas si je vous rejoindrai, mais j'es
saierai6 ». A Vjazemskij, qui lui reproche d'avoir, du havre de son exil, publié une
attaque contre le comte F. I. Tołstoj, Puškin explique qu'il avait l'intention de
régler l'affaire par un duel à Moscou. « Mais alors je ne doutais pas de mon
retour7. » L'espoir d'une prochaine rentrée paraît toujours vivant : à son frère
Lev, à son ami Ja. N. Tołstoj et à Gnedič, il donne à croire qu'un tel retour serait
imminent, toutefois vraisemblablement pas avant l'année à venir. En même temps
il se plaint amèrement d'être isolé « dans [son] trou bessarabien », où il n'entend
pas « une [seule] vive voix européenne »* .
A peine la nouvelle année arrivée, Puškin passe aux actes. Dans une lettre rédigée
en français, il explique au comte Nesselrode qu'il est appelé à Pétersbourg par « les
affaires d'une famille que je n'ai pas vue depuis trois ans » et le supplie de lui accor
der un congé de deux ou trois mois9. Nesselrode en réfère à Alexandre Ier et
essuie un refus qu'il communique au général Inzov le 27 mars. Dix jours plus tard,
Puškin explique à Vjazemskij que toute idée de visiter Moscou ou Pétersbourg est
écartée pour l'année en cours. C'est dans cette même lettre que nous trouvons le
célèbre passage concernant le prochain départ de Čaadaev :
1. Lettre 18 du 4 déc. 1820.
2.22 du 7 mai 1821 .
3. Ju. M. Lotman, Пушкин, L., Prosvcíčenic, 1981, p. 52 ; Leonid Grossman, Пушкин,
M., Molodaja gvardija, 1939, p. 204-205.
4. Lettre 25 du 21 août 1821.
5.35 du 27 juin 1822.
6. Lettre 36 du 19 juil. 1822, resp. lettre 37 du 21 juil. 1822.
7.38 du 1 sept. 1822.
8. Lettres 38, 39 (4 sept. 1822), 40 (26 sept. 1822), 41 (27 sept. 1822), 43 (oct. 1822).
9. Lettre 47 du 1 3 janv. 1823. PUSKIN EN EXIL 77
Говорят, что Чедаев (sici едет за границу - давно бы так ; но мне его жаль из это*
изма - любимая моя надежда была с ним путешествовать - теперь Бог знает, когда
свидимся1.
Si c'est là, apparemment, la première allusion dans la correspondance de Puškin à
un projet de voyage à l'étranger, il ne faut pas oublier que Čaadaev préparait son
voyage depuis plus de deux ans ; dès lors il est permis de penser que le rêve de
Puškin existait, lui aussi, depuis un bon moment. S'agit-il d'un projet d'aller et
retour à l'étranger ou plutôt, comme pour Čaadaev, d'un expatriement plus ou
moins définitif2 ? Nous l'ignorons. Quoiqu'il en soit, la déception de Puškin, face
à cette occasion manquée, a dû être particulièrement amère, et l'on peut penser
qu'à partir de ce moment l'idée d'un départ à l'étranger le poursuivra de manière
de plus en plus insistante, même s'il n'est pas encore question de projets concrets.
C'est à peu près à ce moment (au printemps 1823), suite au démantèlement du
« réseau de Kišinev » (l'arrestation de V. F. Raevskij et l'éloignement de M. F. Or
lov), que furent opérés les changements administratifs associés 

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