Quelle pratique du paradigme savagien pour la stratégie et la décision industrielles ? - article ; n°4 ; vol.43, pg 629-646

Bruno Henri, John Crowley

Description

Revue économique - Année 1992 - Volume 43 - Numéro 4 - Pages 629-646
A savagian approach to industrial strategy
Theoretical and empirical criticsms of Savage's paradigm of decision theory have provided no satisfactory basis for a rival theory. This applies both from the point of view of theory, since behaviorism in decision theory is a dead end, and, even more so, in the context of the firm. The fruitfulness of the Savagian approach lies in its capacity to produce a form of normative theory that is both consistent and credible given the peculiar constraints of the firm. We illustrate this line of thinking by a study, with both descriptive and normative scope, of the attitudes to risk of international oil companies.
Quelle pratique du paradigme savagien pour la stratégie et la décision industrielles ?
Les critiques théoriques et empiriques du paradigme savagien d'analyse de la décision ne donnent pas de fondement satisfaisant pour un paradigme concurrent. C'est vrai du point de vue strictement théorique, puisque la conception behavioriste de la décision conduit à des impasses épistémologiques. C'est vrai, a fortiori, dans le contexte de l'entreprise. La fécondité de l'approche savagien ne est qu'elle permet de concevoir une théorie normative à la fois cohérente et crédible, compte tenu des contraintes particulières de l'organisation. Nous illustrons cette réflexion par une étude, à vocation à la fois descriptive et prescriptive, sur les comportements face au risque des grandes compagnies pétrolières.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: REVUE_ECONOMIQUE
• Publié le: 01 janvier 1992
• Nombre de lectures: 24
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Monsieur John Crowley
Monsieur Bruno Henri
Quelle pratique du paradigme savagien pour la stratégie et la
décision industrielles ?
In: Revue économique. Volume 43, n°4, 1992. pp. 629-646.
Abstract
A savagian approach to industrial strategy
Theoretical and empirical criticsms of Savage's paradigm of decision theory have provided no satisfactory basis for a rival theory.
This applies both from the point of view of theory, since behaviorism in decision theory is a dead end, and, even more so, in the
context of the firm. The fruitfulness of the Savagian approach lies in its capacity to produce a form of normative theory that is both
consistent and credible given the peculiar constraints of the firm. We illustrate this line of thinking by a study, with both descriptive
and normative scope, of the attitudes to risk of international oil companies.
Résumé
Quelle pratique du paradigme savagien pour la stratégie et la décision industrielles ?
Les critiques théoriques et empiriques du paradigme savagien d'analyse de la décision ne donnent pas de fondement satisfaisant
pour un paradigme concurrent. C'est vrai du point de vue strictement théorique, puisque la conception behavioriste de la décision
conduit à des impasses épistémologiques. C'est vrai, a fortiori, dans le contexte de l'entreprise. La fécondité de l'approche
savagien ne est qu'elle permet de concevoir une théorie normative à la fois cohérente et crédible, compte tenu des contraintes
particulières de l'organisation. Nous illustrons cette réflexion par une étude, à vocation à la fois descriptive et prescriptive, sur les
comportements face au risque des grandes compagnies pétrolières.
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Crowley John, Henri Bruno. Quelle pratique du paradigme savagien pour la stratégie et la décision industrielles ?. In: Revue
économique. Volume 43, n°4, 1992. pp. 629-646.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1992_num_43_4_409378Quelle pratique
du paradigme savagien
pour la stratégie
et la décision industrielles ?
John Crowley
Bruno Henri
Les critiques théoriques et empiriques du paradigme savagien d'analyse de
la décision ne donnent pas de fondement satisfaisant pour un paradigme
concurrent. C'est vrai du point de vue strictement théorique, puisque la
conception behavioriste de la décision conduit à des impasses épistémo-
logiques. C'est vrai, a fortiori, dans le contexte de l'entreprise. La fécondité de
l'approche savagien ne est qu'elle permet de concevoir une théorie normative à la
fois cohérente et crédible, compte tenu des contraintes particulières de
l'organisation. Nous illustrons cette réflexion par une étude, à vocation à la fois
descriptive et prescriptive, sur les comportements face au risque des grandes
compagnies pétrolières.
Le titre de cet article reflète pour partie le décalage inévitable entre la
recherche théorique et son application dans l'entreprise. Il résulte d'une réflexion
sur la théorie de Savage, son réalisme et la pertinence de ses prescriptions
dans un cadre industriel. Il prolonge par là les travaux menés, depuis une
dizaine d'années, au sein du groupe Total par Raoul Charreton et Jean-Marie
Bourdaire.
Cette réinterprétation de la théorie savagienne, nourrie par les nécessités de
l'action, montre les insuffisances théoriques de l'approche descriptive de l'ana
lyse de la décision. Cette réflexion permet ainsi de définir les conditions d'une
théorie opérationnelle de l'aide à la décision, et le rôle que doit y jouer
l'économiste d'entreprise. Une illustration spécifiquement pétrolière, concernant
la stratégie du choix de portefeuille par les compagnies (politique d'endette
ment, répartition des activités), montre comment la théorie de Savage, par sa
capacité à fonctionner simultanément sur les modes descriptif et normatif, peut
répondre à ces exigences théoriques.
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Revue économique — N° 4, juillet 1992, p. 629-646. économique Revue
LES CRITIQUES THEORIQUES ET OPÉRATIONNELLES
DE LA THÉORIE SAVAGIENNE
Issu de la levée du paradoxe de Saint-Pétersbourg par Daniel Bernoulli1, le
critère de l'utilité espérée, axiomatisé par von Neumann et Morgenstern, puis
par Savage, a fait l'objet d'une contestation vigoureuse. Les paradoxes d' Allais
(interdépendance des utilités et des probabilités) ou d'Ellsberg (absence de
probabilisation subjective au sens de Savage) ont remis en cause la pertinence
d'un modèle dont, d'ailleurs, ni la rigueur ni l'élégance n'étaient niées2.
Face au paradoxe d'Allais3 se créa une première ligne de défense, en fait
insuffisante, visant à montrer que les choix « paradoxaux » étaient incohér
ents4. Les paradoxes n'avaient pas de défaut technique et illustraient l'existence
de comportements contraires à la théorie savagienne dans certains cas limites.
Puis, toute une série de résultats expérimentaux contredisant la théorie de
Savage a suggéré des modèles de comportement concurrents5. En revanche, une
autre forme de défense du paradigme savagien, critiquant le caractère non
opérationnel et artificiel du critère proposé par Allais6, indique des pistes
1. D. Bernoulli, « Esquisse d'une théorie nouvelle de mesure du sort » (1738),
traduction de Raoul Charreton, Cahiers du séminaire d'histoire des mathématiques,
6, 1985, p. 61-77.
2. Oskar Morgenstern, « Some Reflections on Utility » dans Maurice Allais,
Ole Hagen (dir.), Expected Utility and the Allais Paradox, Dordrecht, Reidel,
1979, p. 175-183. On précisera que Morgenstern indique que l'élégance de sa
théorie est un atout à ne pas négliger : « We [Von Neumann et lui-même] did
think however that it was nice to offer one of the first rigorous axiomatizations
of a fundamental concept of economics. »
3. Maurice Allais, « Fondements d'une théorie positive des choix », Annales
des mines, numéro spécial, 1955. Au-delà du critère de Bernoulli et de la double
fonction de la fonction d'utilité (décroissance de l'utilité marginale et aversion au
risque), Maurice Allais critique le caractère excessivement mathématique de la
théorie des jeux. Se reporter à « Observations sur la théorie des jeux », Cours
d'économie générale, 1959, tome H, p. 263-270.
4. Howard Raiffa, Analyse de la décision. Introduction aux choix en avenir
incertain, traduction de Yann de Caln et Hubert de Carpentier, Paris, Dunod,
2e 1973, édition en particulier révisée, New p. 88-95 York, ; Léonard Dover Publications, J. Savage, The 1972, Foundations en particulier of Statistics, p. 101-
104.
5. Pour des surveys commodes de la littérature, voir Bertrand Munier,
« Quelques critiques de la rationalité économique dans l'incertain », Revue écono
mique, 1, janvier 1984, p. 65-86 ; « A Guide to Decision-Making Under
Uncertainty », dans Bertrand Munier (dir.), Risk, Decision and Rationality,
Dordrecht, Reidel, 1988, p. 1-34 ; « Calcul économique et révision de la théorie
de la décision en avenir risqué », Revue d'économie politique, 99 (2), mars-avril
1989, p. 276-306 ; Marc Willinger, « La rénovation des fondements de l'utilité
et du risque », Revue économique, 1, janvier 1990, p. 5-48.
6. Yahov Aimihud, « A Reply to Allais », dans M. Allais, O. Hagen,
Expected Utility and the Allais Paradox, op. cit., p. 185-190 et Oskar
Morgenstern, « Some Reflections on Utility », art. cité. Pour une description
détaillée des limites du paradoxe d'Allais, Raoul Charreton, Économie politique,
pour se faire sa propre opinion, Paris, Technip, 1988, p. 107-133.
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fructueuses. Il s'agit dès lors de reconnaître que des difficultés théoriques
limitées à des expériences de laboratoire ont peu de portée empirique. La
deuxième partie de cet article généralisera ces critiques des fondements
épistémologiques des différents modèles non savagiens (fondés ou non sur une
axiomatique comportementale contradictoire avec certains des axiomes de
Savage1).
Par ailleurs, la théorie savagienne a souvent été critiquée, comme base pour
la décision dans l'entreprise, pour son absence de relation avec les compor
tements des man