Quête et perte de l image dans le poème romantique : la poétique de l oxymore dans le Kubla Khan de Coleridge et le Prométhee Délivré de Shelley - article ; n°49 ; vol.15, pg 23-34
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Quête et perte de l'image dans le poème romantique : la poétique de l'oxymore dans le Kubla Khan de Coleridge et le Prométhee Délivré de Shelley - article ; n°49 ; vol.15, pg 23-34

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Description

Romantisme - Année 1985 - Volume 15 - Numéro 49 - Pages 23-34
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 38
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Christine Berthin
Quête et perte de l'image dans le poème romantique : la
poétique de l'oxymore dans le Kubla Khan de Coleridge et le
Prométhee Délivré de Shelley
In: Romantisme, 1985, n°49. pp. 23-34.
Citer ce document / Cite this document :
Berthin Christine. Quête et perte de l'image dans le poème romantique : la poétique de l'oxymore dans le Kubla Khan de
Coleridge et le Prométhee Délivré de Shelley. In: Romantisme, 1985, n°49. pp. 23-34.
doi : 10.3406/roman.1985.4729
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1985_num_15_49_4729Christine BERTHIN
Quête et perte de l'image dans le poème romantique :
La poétique de l'oxymore le Kubla Khan de Coleridge
et le Prométhee Délivré de Shelley
« Le poète romantique souhaite redevenir Dieu, c'est-à-dire n'être
plus déchiré par les contraires ». Cette réflexion de Léon Cellier1 nous
mène d'emblée au cœur d'une époque, de sa perception du monde, de
sa perception d'elle-même, et de l'esthétique qui en découle. L'âge r
omantique est peut-être cet instant privilégié où la conscience occidental
e saisit avec le plus de conviction la certitude de la vie comme un tout
uni et unique. Aussi démarche poétique et quête de l'unité semblent-
elles se confondre. Comme le suggère Mircéa Eliade2 , « si l'esprit utilise
les images pour saisir la réalité ultime des choses, c'est parce que cette
réalité se manifeste de façon contradictoire et par conséquent, qu'elle
ne saurait être exprimée par des concepts ». A travers le flot des images
visuelles, au-delà des images coulées dans le moule unificateur de l'ima
gination créatrice, c'est une coincidentia oppositorum totale et dernière
qui est visée. La quête poétique est donc une quête du sacré puisque
tout est mis en œuvre, au fil du texte, pour qu'impressions vécues et im
pressions créées convergent et se cristallisent en une image centrale, en
une Image des images, que seul l'oxymore parvient à communiquer.
L'oxymore cette « coincidentia oppositorum où l'antithèse est niée et
la contradiction pleinement assumée » pour citer les conclusions du
groupe n dans sa Rhétorique Générale est donc le graal de la quête ro
mantique, l'image quêtée tout au long du trajet initiatique, image trou
vée, mais qui tout aussitôt s'échappe dans l'indicible au-delà d'elle-mê
me. Il suffit de s'attarder quelque peu sur le trajet décrit par Kubla
Khan et Prométhee Délivré pour sentir cette double composante du dis
cours romantique, trajet que l'on pourrait figurer par un grand V. Sur
l'axe gauche se situerait, au sommet, le monde antithétique de l'Acte I
du Prométhee, puis sur la pente viendraient l'Acte II du drame Shelle-
yen et la 1ère partie de Kubla Khan (vers 1 à 36), moments de la quête.
Au cœur de ce vortex, bien sûr, éclate le miracle de l'alliance harmo-
(1) L. Cellier, dans « Baudelaire et l'oxymore », Parcours initiatiques, Neuchâtel,
éd. de la Baconnière, 1 977, p. 191.
(2) M. Eliade, Images et Symboles, coll. « Tel », Gallimard, 1952. Christine Berthin 24
nieuse de termes contradictoires : les deux oxymores qui en fait sem
blent communiquer le même message, qu'il s'agisse des « rayons de t
énèbres » qui décrivent Demogorgon, ou du « lumineux palais aux caver
nes de glace » qui estampille le paradis de Xanadu. Mais après la plongée
vers la vérité, la puissance créatrice semble perdre de son intensité. La
deuxième partie du V correspond donc à l'éloignement de l'oxymore
qui tend à s'étioler et à se disperser en une série d'images compensatoir
es dont l'éclat paraît moindre après l'expérience unique vécue dans la
fulgurance d'un instant. Au fond, ce n'est rien moins que sa propre his
toire que le poème romantique met en scène dans ce qu'on pourrait
nommer un drame de l'image. Moyen et but de l'acte créateur, le statut
de cette dernière change au long d'un texte qui régresse et progresse
tout à la fois.
Loin certes du centre, mais y menant nécessairement une série
d'images où le signe et le réfèrent sont confondus, ouvre le rideau sur le
monde du poème. Ces « images-séquences » caractérisées par leur aspect
successif et le fait qu'elles sont juxtaposées, indépendantes les unes des
autres, mais encore extérieures et purs reflets sans participation, sont
celle de l'Acte I du Prométhee Délivré. Dans le monologue initial du
Titan, la sensation colle au mot et ne semble pouvoir s'en détacher.
Sentir physiquement et exprimer ne sont qu'un seul acte:
« Les glaciers rampants me percent des pointes de leurs cristaux gelés sous la
lune «les chaînes étin celantes mordent de leur froid brûlant jusque dans mes
os».(i,31-3)3
La douleur est un paysage vécu de façon purement extérieure par le
titan. C'est pourquoi les images morcelées de ce monde morcelé se sui
vent mais ne se ressemblent pas, comme s'il leur manquait un noyau
commun pour réduire à néant l'impression première de cloisonnement.
La phrase informe, dénote : verbe, sujet, complément, sujet déchiré,
verbe déchirant, complément déchiré. Il n'y a donc pas véritablement
écart, ni par voie de conséquence intention poétique puisque celle-ci
« se manifeste par une oblitération de la chose par le mot >r . Aux gla
ciers rampants (v.31), succèdent les chaînes brillantes (v.32), puis après
une longue pose, et toujours selon la même architecture syntaxique, l'
image de l'aigle (v.34), puis les visions informes (v.36). Et entre chaque
sensation-image, on a l'impression que « les rochers éclatent et se refe
rment » pour citer Prométhee (v.40). Il serait trop long d'évoquer toutes
les images de gouffres, de lieux vertigineux, de bataille et de violence
(3) Texte de Prométhee Délivré cité dans la traduction de L. Cazamian, bilingue
Aubier Flammarion.
(4) Groupe ju, Rhétorique générale , coll. « Point », Seuil, 1982. La poétique de l'oxymore 25
gratuites qu'engendre ce monde oppositionnel. Mais tel est bien le para
doxe : c'est par l'image même du gouffre, négation de la vocation de l'
image comme dépassement, gouffre ou elle s'abîme et se terre, que le
statut de l'image se transforme et se départit un peu de sa pure extérior
ité. Les vers 53 à 56 du monologue de Prométhee sont à cet égard de
prime importance puisque soudain le temps de l'image n'est plus le
temps de l'action, surtout surgit l'imagination, cette puissance
qui fait naître des images à partir de ce qui n'est pas encore donné :
« Comme ton âme, percée jusqu'en son fond par l'épouvante, s'ouvrira béante,
telle un enfer intérieur ! » (I, 55-6)
« S'ouvrira béante » n'est pas une nouvelle image-séquence, car l'ex
pression est cette fois porteuse et révélatrice d'un contexte. Le gouffre
est directement associé à « telle », c'est-à-dire à une vision comparative
des choses. Des cet instant, l'image devient ce qui lie les choses entre
elles parce que les mots sont reliés, elle donc l'instrument de l'
imagination telle qu'elle est définie par Coleridge au chapitre 14 de sa
Biographia Li terária : « Un pouvoir magique et synthétique [...] qui se
révèle dans l'équilibre ou la réconciliation de qualités opposées ou di
scordantes ».
« L'enfer », d'autre part, subit lui aussi l'influence de ce « telle » magi
que : « enfer » n'est pas employé littéralement pour traduire le paysage
il représente, en fait, l'abîme subjectif, vécu du dedans, enfer type et
même archetypal sorti tout droit de l'imagination révélée par « en son
fond » qui concentre en lui-même toutes les potentialités de l'intériorit
é. Cette intériorité créatrice trouve dans les «génies de l'esprit humain»
qui habitent « les vagues cavernes de la pensée », sa représentation. Ces
esprits incarnent parfaitement l&#

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