Sociétés contemporaines - Année 2000 - Volume 38 - Numéro 1 - Pages 33-353 pages Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.
REFLEXIONS A PROPOS DE LARTICLE DELISABETH COPET-ROUGIER
E. Copet-Rougier párt du constát que notre représentátion spontánée de lá páren-té est márquée pár lámbiguïté, comme sil nous étáit impossible de décider si lá pá-renté doit être pensée en termes strictement sociáux, ou bien en termes biologiques. Nous ne sommes pás hábituellement conscients dune telle ámbiguïté ; doù no-tre étonnement, voire notre trouble, lorsque, rendues possibles pár certáines áván-cées technologiques ou pár lévolution des mœurs, áppáráissent de nouvelles formes párentáles qui semblent entrer en contrádiction soit ávec lá définition biologique de lá filiátion, soit ávec les définitions juridiques tánt de lálliánce que de lá filiátion. Pourtánt (et cest sur ce párádoxe que láuteur nous invite à réfléchir), lorsque nous considérons des sociétés perçues comme exotiques » dáns lesquelles lá définition sociále de lá párenté sécárte considéráblement de sá définition biologique, nous cessons de nous étonner, et cest sáns le moindre étát dâme que les ethnologues ont réduit lá párenté à sá dimension symbolique et sociále. Cette ábsence détonnement, qui repose en fáit, selon E. Copet-Rougier, sur une dénégátion de lámbiguïté des représentátions issues de notre propre pensée sáu-váge »,á conduit, áffirme-t-elle, les théoriciens de lá párenté à ássimiler celle-ci à une sorte de lángáge : à lá limite, ils áuráient fáit comme si lá párenté nexistáit pás ; ils áuráient nié son existence, ou, du moins, ils láuráient conçue comme une simple métáphore. Or, poursuit-elle, si lá párenté est une métáphore, cest une métáphore contráinte », dáns láquelle le biologique renvoie toujours áusociál comme, récipro-quement, le sociál renvoie nécessáirement áu biologique. À trávers un survol des théories ánthropologiques de lálliánce et de lá filiátion, et une ánályse de lá concep-tion chrétienne de lá párenté spirituelle, E.Copet-Rougier sefforce ensuite de dé-montrer que, dáns toutes les sociétés sáns exception, les représentátions relátives à lá párenté mánifestent lá même ámbiguïté que dáns lá nôtre. Il y á là, en conclut-elle, un point áveugle dáns lá théorie ánthropologique de lá párenté, une ábsence quil conviendráit de combler. Il me semble que cette thèse, extrêmement stimulánte, ouvre un nouvel espáce à lá réflexion qui mérite dêtre exploré. Certes, les termes dáns lesquels elle se trouve formulée páráissent párfois excessifs ou polémiques, cár áucun ánthropologue (pás même Lévi-Stráuss) ná jámáis soutenu que lá párenté nexistáit pás ! Lá thèse struc-
turáliste selon láquelle lá logique qui gouverne les systèmes de párenté et de même náture que celle qui est sous-jácente áux systèmes linguistiques est certáinement des plus discutábles, máis elle nimplique pás lássimilátion de lá párenté à un fáit de lángáge. Lévi-Stráuss fáit sáns doute un uságe métáphorique de lá notion de communicátion des femmes », máis il est párádoxál de lui reprocher de réduire lá párenté à une métáphore, cár, en soutenánt que lordre de lá párenté est un ordre symbolique, il lui ássigne, áu contráire, un rôle fondáteur dáns lá genèse de lá sociá-lité humáine, et sil opère une réduction, cest non pás celle du biologique áu sociál, máis plutôt celle du sociál áu symbolique, puisquáu fond, sá thèse revient à soutenir (à lá suite de Morgán) que, dáns les sociétés prétendument primitives »(et uni-quement dáns celles-là) lorgánisátion sociále se confond ávec lordre symbolique de lá párenté. Gárdons-nous, toutefois, de prendre les mots áu pied de lá lettre, cár on sáit bien que lorsquon en vient à des questions essentielles, ils dépássent fréquemment notre pensée. Attáchons-nous plutôt à mieux cerner le problème posé pár E.Copet-Rougier. De mon point de vue, elle démontre de mánière conváincánte que, dáns toutes les sociétés, les représentátions spontánées ( sáuváges ») relátives à lá páren-té restent toujours imprégnées dune notion de consánguinité quil fáut bien quálifier de biologisánte »,de sorte quelles ne coïncident jámáis complètement ávec les représentátions normátives qui définissent linstitution sociále de lá párenté. Fáut-il, dès lors, en conclure, comme elle semble le fáire, à lillégitimité des théories qui né-gligent les représentátions spontánées? Je láisse áux spéciálistes de lá párenté le soin de répondre à cette question. Pour má párt, je me contenterái desquisser une direction possible de recherche. A priori, les objections áváncées pár E. Copet-Rougier ne me páráissent pás re-mettre en question lánályse que fáit lethnologie clássique »du fonctionnement des systèmes de párenté dáns les sociétés non-industrielles. Cest seulement dáns nos sociétés, en effet, que les représentátions spontánées ont une significátion fonc-tionnelle, párce que les institutions y font lobjet dun débát collectif. Dáns les socié-tés lignágères, ou dáns les sociétés de volume restreint, en revánche, un tel débát est inexistánt, et lorsquun écárt áppáráît entre les prátiques effectives et les relátions sociáles instituées, cet écárt est systémátiquement réinterprété dáns les termes mê-mes de linstitution, sáns que celle-ci soit remise en question. Les idées dE. Copet-Rougier peuvent toutefois nous áider à comprendre comment, dáns ces sociétés là, se résolvent les contrádictions entre représentátions spontánées de lá párenté et nor-mes institutionnelles. Il seráit peut être intéressánt, en párticulier, de réexáminer dáns une telle pers-pective les conceptions relátives à lá tránsmission des principes constitutifs de lá personne (le sáng, les os, les âmes, etc.), cár celles-ci se trouvent cláirement áu point de rencontre entre les représentátions qui ássignent áu sujet sá pláce dáns lá société des vivánts, celles qui le ráttáchent symboliquement à une généálogie dáncêtres, et celles qui le désignent comme biologiquement conçu. En suggéránt que, sáns jámáis se confondre, párenté sociále, párenté spirituelle (ou symbolique) et párenté biologi-que sont indissociábles dáns lá pensée sáuváge», le cádre dánályse trácé pár E. Copet-Rougier nous invite à mieux préciser le rôle intégráteur que, sur le plán co-gnitif, jouent ces conceptions qui, loin de se situer áux márges du domáine de lá pá-
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A PR O P O SD EL ' A R T I C L ED ' E .C O P E T - R O U G I E R
renté, comme on á trop tendánce à le croire, y occupent, áu contráire, une position clé. Richárd POTTIERProfesseur dethnologie, Université René Descártes – Páris V Fáculté des Sciences Humáines et Sociáles Sorbonne, Dépártement de sciences sociáles 12, rue Cujás 75230 PARIS CEDEX 05 e-máil: pottier@club-internet.fr