Résistances politiques, économiques et professionnelles à la privatisation des soins médicaux en Grande-Bretagne (Commentaire) - article ; n°1 ; vol.4, pg 45-59
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Résistances politiques, économiques et professionnelles à la privatisation des soins médicaux en Grande-Bretagne (Commentaire) - article ; n°1 ; vol.4, pg 45-59

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Description

Sciences sociales et santé - Année 1986 - Volume 4 - Numéro 1 - Pages 45-59
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Alain Letourmy
Résistances politiques, économiques et professionnelles à la
privatisation des soins médicaux en Grande-Bretagne
(Commentaire)
In: Sciences sociales et santé. Volume 4, n°1, 1986. pp. 45-59.
Citer ce document / Cite this document :
Letourmy Alain. Résistances politiques, économiques et professionnelles à la privatisation des soins médicaux en Grande-
Bretagne (Commentaire). In: Sciences sociales et santé. Volume 4, n°1, 1986. pp. 45-59.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/sosan_0294-0337_1986_num_4_1_1024Sociales et Santé - vol. IV - n° 1 - février 1986 Sciences
Commentaire
RESISTANCES POLITIQUES, ECONOMIQUES
ET PROFESSIONNELLES A LA PRIVATISATION
DES SOINS MÉDICAUX EN GRANDE-BRETAGNE
Alain Letourmy
La renaissance d'un secteur privé de soins en Grande-
Bretagne est intéressante à plus d'un titre. Le système de santé
britannique, devenu essentiellement public en 1948, a été
encensé par beaucoup, tenants inconditionnels de la supériorité
des modes publics de gestion et d'organisation centralisées. Il
a été copié par certains pays : pays nordiques, Italie. Il a
suscité aussi, précisément en raison de son caractère public, de
nombreuses critiques de la part d' observateurs acquis aux
idées néo-libérales. La privatisation du système médical est
sans doute l'indice de la progression de ces idées et, comme ses
résultats ne sont guère démonstratifs, l'envie de répondre au
harcèlement des thèses néo-libérales ne manque pas. Mais
peut-on tirer argument d'un tel échec pour insister sur les
limites de la «solution privée», alors que l'existence de ces ne résoud pas les problèmes posés par les systèmes de
santé publics ou semi-publics ? Il ne paraît pas très fécond de
s'engager dans un débat qui ne débouche que sur des constats
négatifs. Il vaut probablement mieux analyser les dysfonction
nements du secteur des soins dans une perspective plus large
que celle qui traduit simplement la volonté de comparer des
modes de gestion.
J.S. MacDonald et Y. Saillard proposent un éclairage
intéressant de l' expérience britannique en cherchant à évaluer
les conditions d'extension d'un processus de privatisation lors
que celui-ci est engendré dans un secteur essentiellement
* Alain Letourmy, économiste, C.E.R.E.B.E., 140 rue du Chevaleret,
75013 Pans. ALAIN LETOURMY 46
public et pendant une période de crise économique. Leur
démarche les conduit à rapporter le maigre succès de la priva
tisation du système médical britannique à un ensemble de
résistances qu'ils nous incitent à analyser un peu plus en détail.
Je veux proposer ici une classification très simple des
contraintes au développement des soins privés en Grande-
Bretagne et une interprétation de la situation qui fait une large
place à l'absence de motivations du Corps médical pour la
privatisation. Non pas que tous les médecins aient dédaigné le
nouveau secteur privé; mais le fait que la majorité des prati
ciens, en particulier des omnipraticiens, soit restée fidèle au
NHS, me semble avoir empêché fondamentalement l'essor de
la privatisation. Une des explications de ce comportement est
peut-être à chercher au niveau du caractère formel de la privat
isation, eu égard aux problèmes auxquels sont confrontés les
médecins, en Grande-Bretagne et ailleurs. En d'autres termes,
privatiser ne résoudrait rien lorsque les difficultés rencontrées
sont plutôt de nature professionnelle, liées notamment aux
transformations que l'évolution de la médecine imprime aux
conditions d'exercice et aux statuts des praticiens. J'essaierai
de préciser ici cette hypothèse sans sortir du contexte britanni
que en tirant parti de la publication récente des travaux de
Margot Jefferys et Hessie Sachs sur la médecine générale [6],
qui permettent d'aborder certaines questions posées, aujourd
'hui, par la distribution des soins de première ligne.
Les conditions d'extension de la privatisation
J.S. MacDonald et Y. Saillard cherchent à apprécier, à
travers l' expérience britannique, la faisabilité d'une solution
libérale aux problèmes posés par la protection sociale. S'ils
constatent que la privatisation des soins médicaux a du mal à
se développer, c'est surtout pour mettre l'accent sur les
contraintes politiques, économiques et sociales qui limitent la
portée pratique d'un retour à la gestion privée de la santé.
L'importance de ces résistances est telle qu'il est inutile de
s'intéresser à l' alternative «public ou privé» que les thèses
néo-libérales nous invitent à formuler. En Grande-Bretagne, il
importe peu de se demander si l'une des modalités de gestion
est supérieure à l'autre dans le domaine de la santé : la capa
cité d'extension du secteur privé est définie par un rapport de COMMENTAIRE 47
forces relativement intangible et elle s'avère très faible. On
peut préciser la nature de ce rapport de forces en analysant les
contraintes imposées à la privatisation, mais il ne faut pas
négliger que l'essor limité du secteur privé a été néanmoins
rentable. Au-delà de la rhétorique néo-libérale, le développe
ment du secteur privé des soins ne s'est pas fait en vue de
remplacer le secteur public, mais de se placer par rapport à lui
en situation de dépendance profitable. Il ne s'agit pas de per
mettre le fonctionnement d'un sous-secteur dynamique, sus
ceptible de revitaliser l'ensemble en indiquant les bonnes
directions d'organisation ou de gestion. Il s'agit plutôt de
sélectionner les prestations les plus rémunératrices, au mépris
de toute considération d'égalité ou de santé publique, sachant
que le secteur public fera l'essentiel indépendamment de toute
considération de rentabilité. Schématiquement, on peut dire
que l'analyse de J.S. MacDonald et Y. Saillard substitue, pour
représenter le secteur privé des soins, l'image de la sangsue à
celle du poisson-pilote qui correspond aux discours néo
libéraux. La privatisation des soins médicaux ne serait donc
pas à évaluer en tant que mode a" organisation et de gestion à
opposer au système public, mais en tant que stratégie de
détournement de ressources allouées à la santé.
Les contraintes imposées à la privatisation ne sont pas
complètement explicitées par J.S. MacDonald et Y. Saillard.
On peut se demander dans quelle mesure elles sont spécifiques
à la Grande-Bretagne. Il est certain que l'attachement de la
population au NHS constitue un trait particulier à la situation
britannique qui renvoie à l'élaboration consensuelle du sys
tème de santé (1) après la Deuxième Guerre mondiale. Mais
cet attachement n'explique pas tout et, selon les mentions
faites par J.S. MacDonald et Y. Saillard, les résistances à la
privatisation peuvent être présentées en trois catégories selon
qu'elles renvoient à des facteurs politiques, économiques ou
professionnels.
(1) Voir sur ce point l'analyse de R. Klein [7]. ALAIN LETOURMY 48
La privatisation et le thatchérisme
Les résistances liées à des facteurs politiques sont d'abord
à chercher au niveau de la détermination des gouvernements de
Madame Thatcher à favoriser la renaissance du secteur privé.
En effet, on peut être étonné de l'ambiguïté de la démarche
gouvernementale en matière de politique de santé et il faut
admettre qu'il y a là un écart considérable entre l'esprit des
décisions prises et l'adhésion aux principes néo-libéraux qu'on
tient généralement comme une composante essentielle du
« thatchérisme » (2). S'il y a bien eu, comme MacDonald et
Saillard le rappellent, incitation au développement d'un sec
teur privé, il n'y a pas eu, en contre-partie, freinage particulier
du secteur public. Non seulement le gouvernement Thatcher ne
semble pas avoir fait plus que ses prédécesseurs pour maîtriser
les dépenses médicales, mais il a autorisé l'embauche de 50 000
fonctionnaires

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