Révoltes pénitentiaires ou politique sociale. A propos des événements d Amérique - article ; n°2 ; vol.8, pg 151-165
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Révoltes pénitentiaires ou politique sociale. A propos des événements d'Amérique - article ; n°2 ; vol.8, pg 151-165

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Description

Déviance et société - Année 1984 - Volume 8 - Numéro 2 - Pages 151-165
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 9
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Georg Rusche
Révoltes pénitentiaires ou politique sociale. A propos des
événements d'Amérique
In: Déviance et société. 1984 - Vol. 8 - N°2. pp. 151-165.
Citer ce document / Cite this document :
Rusche Georg. Révoltes pénitentiaires ou politique sociale. A propos des événements d'Amérique. In: Déviance et société.
1984 - Vol. 8 - N°2. pp. 151-165.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ds_0378-7931_1984_num_8_2_1404Déviance et Société. Genève, 1984, Vol. 8, No 2, pp. 151-165
Deuxième partie :
RÉVOLTES PÉNITENTIAIRES
OU POLITIQUE SOCIALE.
A PROPOS
DES ÉVÉNEMENTS D'AMÉRIQUE
G. RUSCHE *
Depuis quelques temps s'accumulent des informations concernant des
révoltes qui se produisent dans les prisons américaines, des soulèvements et
des tentatives d'évasion toujours plus désespérés de la part des détenus, que
les autorités pénitentiaires ne parviennent à maîtriser qu'en usant de toutes
leurs forces et même fréquemment qu'en recourant à des renforts armés
déplacés à la hâte ou à des militaires 4. Ces nouvelles devenues quoti
diennes, et l'incendie de la prison d'Etat de Columbus, qui ôta la vie à plus
de 300 personnes, ont un instant attiré l'attention du monde sur le régime
des peines américain 5. Ce serait un malheur, s'il n'en subsistait qu'un bref
sentiment d'horreur ou de pitié ou si l'on se contentait de s'étonner d'une
énormité de plus de ce pays aux possibilités illimitées, tout en se rassurant à
l'idée que — parmi d'autres curiosités — il y existe un «milieu» dont les
bandes organisées de malfaiteurs tyrannisent des villes entières et contre
lequel, à l'occasion, l'autorité publique se protège avec brutalité. Ce serait
un malheur, car en réalité, il s'agit ici des symptômes d'un processus social*'1'
qui, dépassant largement les frontières américaines, nous concerne égale
ment — et même, dans la conjoncture politique actuelle, tout particulièr
ement — et mérite d'être sérieusement pris en considération.
Le régime des peines américain est pendant plus d'un siècle apparu à
tous les observateurs comme un modèle inégalé d'humanité ; toutes les
réformes que nous ne réalisons partiellement et avec réticence
qu'aujourd'hui, le traitement particulier des jeunes criminels, le régime pro
gressif, la libération conditionnelle et la probation ont eu leur origine là-
bas. La louange et l'éloge du succès de ce régime étaient universels. Ce n'est
que récemment que des rapports sceptiques ont été faits, ceux par exemple
* Cet article a paru en édition originale sous le titre « Zuchthausrevolten oder Sozialpolitik.
Zu den Vorgângen in America» in Frankfurter Zeitung, N° 403, 1er juin 1930, pp. 1-2.
N.d.T. : Certaines parties du texte «Arbeitsmarkt und Strafvollzug» (Zeitschrift fiir Sozialfor-
schung, Bd.2, 1933, pp. 63-78) et de ce texte-ci sont identiques. Aussi avons-nous,
dans ces cas, reproduit la traduction du premier, parue sous le titre « Marché du tra
vail et régime des peines», Déviance et Société, 1980, IV, 3, pp. 215-228.
** Les termes soulignés ici le sont également dans le texte allemand.
151 de Liepmann et Freudenthal. Et les informations actuelles font apparaître
qu'une telle dose d'humanité n'est nullement considérée partout comme un
élément opportun du traitement des détenus. L'observateur, pour peu qu'il
connaisse les notions de base des sciences sociales, est conduit par ce revir
ement à rechercher certains changements dans la structure sociale de l'Amér
ique. Car il est clair qu'un phénomène tel que le régime des peines est
enraciné au plus profond du système social dont il fait partie, de sorte qu'il
serait peu fructueux de l'en considérer indépendamment 6.
Nous ne voulons pas nous engager dans une vaste théorie de la nature
du crime ; nous pensons en tout cas pouvoir affirmer — sans être contredit
— que les crimes sont des actes que la société voit d'un mauvais oeil. Nous
ne discuterons pas non plus du sens de la peine. La question de savoir si elle
est destinée à venger l'acte, dissuader ou amender le criminel, protéger la
société ou remplir quelqu'autre fonction, reste ouverte. Toutefois il est cer
tain qu'une société ne peut assigner au régime des peines le but précis
d'encourager le crime. Cela signifie que le des doit être ainsi
conçu que les personnes qui paraissent présenter un risque criminel, ou
dont on peut supposer qu'elles risquent d'accomplir des actes socialement
indésirables doivent au moins n'y être pas encouragées par la perspective de
se faire pincer et punir. On espère, au contraire, dissuader par là même
sinon tous les membres de cette couche sociale, du moins une grande partie
d'entre eux.
L'expérience enseigne que même des gens riches violent parfois les
lois, mais c'est un fait que la plus grande partie de ceux qui emplissent les
prisons sont issus des couches inférieures du prolétariat. Pour ne point, dès
lors, contrevenir à sa fonction, le régime des peines doit donc être conçu de
telle sorte que les couches qui présentent précisément le plus grand risque
criminel préfèrent encore végéter dans les conditions les plus misérables en
liberté plutôt que sous le joug de la peine. On pourrait peut-être avancer
que ces considérations matérialistes ne tiennent pas suffisamment compte
de l'efficacité du sens de l'honneur et de la crainte de la honte qui accom
pagne la punition. Mais, d'une part, l'expérience nous apprend que si cet
argument vaut, c'est surtout pour des couches déjà mieux loties culturelle-
ment et matériellement. D'autre part, si de tels sentiments sont efficaces à
l'égard de tentations momentanées, ils ne peuvent combattre le poids d'une
paupérisation continue. On pourrait en d'autres termes affirmer, de façon
générale, que tous les efforts visant à une réforme du traitement des crimi
nels trouvent leur limite dans le sort fait à la plus basse des couches proléta
riennes socialement importante que la société veut dissuader d'enfreindre la
loi. Toutes les réformes qui vont au-delà, quelle que soit l'humanité de leur
inspiration, sont nécessairement condamnées à n'être qu'apparentes. Si elles
étaient proposées et mises en oeuvre par une opinion publique intéressée au
sort des prisonniers, il faudrait les compenser par quelque détérioration
moins visible. En effet, si une véritable amélioration de la situation des pr
isonniers se produisait au-delà de la limite indiquée, tout cadre possible d'un
régime des peines éclaterait, puisque des couches très étendues ne seraient
plus dissuadées 7.
152 Cette loi, qui joue comme avec une précision mathématique, est la clé
de la connaissance de la situation de la peine en Amérique et chez nous
également 8. Jusqu'à une date récente, le chômage n'avait pas atteint aux
Etats-Unis une ampleur socialement significative. Bien plus, la force de tra
vail était rare et les salaires élevés, malgré une forte immigration. La couche
la plus basse ayant une importance sociale était dès lors constituée des tra
vailleurs non qualifiés, immigrés récents ou indigènes de couleur, lesquels
trouvaient cependant toujours du travail à volonté, et jouissaient en consé
quence d'un niveau de vie relativement élevé. Comme quiconque était capa
ble de travailler et voulait le faire le pouvait, l'assistance aux chômeurs était
inutile. Une abondante charité privée suffisait pour les malades, les faibles
et ceux qui étaient incapables de gagner leur vie.
La forme du régime des peines pouvait en tenir compte. Les réformat
eurs osèrent s'avancer étonnament loin. En effet, la tâche du régime des
peines ne consistait pas à empêcher les couches vivant dans la détresse de
satisfaire leurs besoins élémentaires, mais d'éduquer les réfractaires au tra
vail et d'enseigner aux autres délinquants qu'ils devaient savoir se contenter
du revenu d'u

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