Sexe, genre et classes de sexe : quelques interpellations au droit pénal - article ; n°3 ; vol.16, pg 271-278
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Description

Déviance et société - Année 1992 - Volume 16 - Numéro 3 - Pages 271-278
8 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 20
Langue Français

Extrait

Danielle Laberge
Sexe, genre et classes de sexe : quelques interpellations au
droit pénal
In: Déviance et société. 1992 - Vol. 16 - N°3. pp. 271-278.
Citer ce document / Cite this document :
Laberge Danielle. Sexe, genre et classes de sexe : quelques interpellations au droit pénal. In: Déviance et société. 1992 - Vol.
16 - N°3. pp. 271-278.
doi : 10.3406/ds.1992.1813
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ds_0378-7931_1992_num_16_3_1813Déviance et Société, 1992, Vol. ^6, No 3, pp. 271-278
SEXE, GENRE ET CLASSES DE SEXE:
QUELQUES INTERPELLATIONS AU DROIT PÉNAL
D. LABERGE*
Dans une forme extrêmement succincte, Tamar Pitch réussit à faire état des
questions que posent à la sociologie du droit la pensée féministe et, dans un
mouvement de retour, des dilemmes que posent, pour les femmes, le droit et ses
orientations. Essentiellement, T. Pitch pose le problème du sens particulier de
la différence, et des conséquences de cette différence, d'abord sur le plan de la
déconstruction-reconstruction des sujets de droit, puis plus spécifiquement de
ce travail sur et dans le droit pénal.
Ce n'est pas dans la perspective d'une polémique avec Tamar Pitch que je
réponds à son texte, puisque, pour l'essentiel, son texte présente clairement les
confrontations importantes dans l'interprétation et les stratégies féministes par
rapport au droit pénal. Son texte, compte tenu de la brièveté imposée par le for
mat, laisse néanmoins certaines questions dans l'ombre. C'est à ces questions
particulières que l'on devine à travers l'exposé que je m'attaquerai plus spécif
iquement.
1. Le sexe, le genre et la bi-catégorisation
La distinction entre les hommes et les femmes est depuis fort longtemps pen
sée comme naturelle, si naturelle en fait qu'on pourrait la dire pré-pensée. Dis
tinction du corps, distinction dans le corps, distinction de la capacité. La pensée
féministe a en quelque sorte créé la dichotomie, en la nommant, en montrant
ses effets, ses enjeux, mais aussi et surtout en la posant comme objet de débat.
A ce sujet, il n'y a certes pas unanimité ou convergence de vue1. Sur quoi se
fonde la distinction? Question fondamentale comme le souligne Pitch d'entrée
de jeu; comment la situer historiquement? Qui sont les femmes? Quelle est
l'importance de la maternité dans la définition de leur identité? Au delà des
divergences de vue parfois profondes à l'intérieur de la pensée féministe, ces
débats constituent la preuve que les certitudes sont le produit de constructions
socio-historiques, qu'elles ne sont pas antérieures ou indépendantes du social.
* Université du Québec à Montréal, Département de Sociologie.
1 Pour un tour d'horizon des débats, voir Descarries-Bélanger et Roy (1988), Juteau et Laurin
(1988).
271 Le sexe et le genre sont distincts
Ce premier énoncé me semble un rappel méthodologique mais aussi théori
que important, au delà de son apparente évidence. Jane Flax, dans un article
portant sur pensée féministe et post-modernité, accuse un certain nombre de
théoriciennes d'accorder trop d'attention aux questions sémantiques:
L'emphase que (tout particulièrement) les féministes françaises placent sur
la centralité du langage (par exemple, les enchaînements de significations,
de signes et de symboles) dans la construction du genre semble aussi pro
blématique. (...) tout constitue un commentaire sur ou le déplacement
d'un autre texte, comme si l'activité principale était la critique littéraire
(ou l'écriture) (p. 81) \
Bien que la position de Flax soit beaucoup plus complexe que pourrait le
laisser croire cet extrait, elle illustre, à mon avis, un problème qui traverse un
certain nombre de travaux portant sur les rapports de sexe ou tentant d'intégrer
ce plan analytique. Je réfère plus spécifiquement ici à l'absence de distinction
entre le sexe et le genre qui sont trop souvent traités comme des synonymes ou
encore n'ont valeur que de préambule sans affecter les analyses. On a parfois
l'impression que le travail de construction théorique extrêmement important
fait depuis plusieurs années, et je pense ici particulièrement aux travaux de
Christine Delphy, Colette Guillaumin et Nicole-Claude Mathieu, n'ont pas
pénétré sérieusement les analyses opérées dans des champs particuliers. De
façon évidente, la criminologie a encore beaucoup de travail à faire sur ce chapit
re.
Il ne s'agit pas ici de restituer toute la complexité des distinctions entre sexe
et genre, telle qu'on la retrouve dans diverses théories, mais plutôt de montrer
rapidement à quels glissements de sens nous condamne nécessairement cette
confusion. Au sexe biologique3 s'oppose le genre ou sexe social. Le sexe social
est construit, entre autres, comme l'expression idéalisée, mais certainement
II s'agit de ma traduction: The emphasis that (especially) French feminists place on the centra-
lity of language (eg. chains of signification, signs, and symbols) to the construction of gender
also seems problematic, ... everything is a comment upon or a displacement of another text,
as if the modal activity is literary criticism (or writing).
Nous n'examinerons pas ici le caractère apparemment évident des distinctions sur des bases
biologiques. Plusieurs travaux ont été faits dans ce domaine pour contester l'évidence d'une
distinction fondée sur l'hypothèse d'une forte ressemblance intra-classe et d'une forte diffé
biologique' rence inter-classe. dans On le genre pourra Homo». lire avec L'ambiguïté intérêt le bref a article des conséquences d'Evelyne Peyre, importantes «Notion de dans 'sexe le
domaine de l'interprétation scientifique des découvertes paléontologiques: L'hominisation
conduit à une gracilisation. Or, à l'intérieur d'une population, si le caractère est robuste, il est
dit masculin,- s'il est gracile, pédomorphe, il est dit féminin. Cette ambivalence des caractères
est au cœur même de tous les débats de la paléontologie humaine. En conséquence, les recons
tructions de notre histoire à propos des rapports de sexe doivent en tenir compte. Ainsi, la pré
sence chez un certain fossile d'une gracilité plus marquée que chez un autre fossile peut être
interprétée comme un signe féminin ou comme un indice d'un degré supérieur d'évolution.
D'interprétation en réinterprétation, beaucoup d'Hominidés changent de sexe, certains chan
gent même d'espèce, voire de genre (p. 81).
272 du sexe biologique. Le genre pose le problème de la signification du efficace,
sexe — symbolique, politique, sociale, culturelle, ... — mais aussi de sa normati-
vation.
D'abord en ce qui concerne la signification, Nicole Claude Mathieu affirme
«le genre construit le sexe» plutôt que de dire que le genre traduit ou exprime
le sexe. En effet, il faut s'interroger sur le caractère «fondateur» d'une distinc
tion éminemment naturelle et invariable4 qui définirait de façon trans-histo-
rique les rapports sociaux. Comme le souligne N.C. Mathieu:
Etant donné qu'il n'y a pas d'être humain à l'état naturel (ce qui est après
tout une vieille idée, curieusement oubliée lorsqu 'on se réfère aux «sexes»
et surtout aux «femmes»), et d'autre part le constat qu'il y a presque tou
jours une asymétrie dans le genre (y compris dans les «transgressions»
qu'il fait subir au sexe, ...) on passe alors de l'idée de la différence à celle
de différenciation sociale des sexes, de construction sociale de la diffé
rence. Et, l'attention se réoriente, dans les sciences sociales, de la construc
tion culturelle du genre vers la construction culturelle du sexe, et particu
lièrement de la sexualité.
Cette inversion des rapports liant sexe et genre renvoie à l'idée, certes pas
révolutionnaire sur le plan des épistémologies contemporaines, selon laquelle le
social invente le naturel. Sur le plan aussi bien analytique que politique, cette
distinction nous interpelle sur l'identité des femmes et des hommes. De quelles
femmes s'agit-il? Sur le plan politique, les idées de «communauté des femmes»
ou de «sororité» ont été et seront encore pour longtemp

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