Singuliers Lovedu - article ; n°1 ; vol.55, pg 145-161
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Description

Journal des africanistes - Année 1985 - Volume 55 - Numéro 1 - Pages 145-161
Résumé La société lovedu est vraisemblablement la seule où, en Afrique, le mariage préférentiel avec la cousine matrilatérale ait engendré des cycles d'échanges longs. Cette situation tient à un enchaînement de facteurs : droit de la sœur sur la fille de son frère, statut de la femme, stratégie matrimoniale aux mains des femmes qui ne se retrouvent que partiellement ailleurs. Ceci permet de reconsidérer la fonction de la compensation matrimoniale dans les sociétés africaines et peut servir de point de départ à un rapprochement entre des sociétés aussi différentes que les WoDaaBe, les Bemba et les Lovedu.
Abstract The Lovedu society is probably the only one in Africa where preferential marriage with the MBD generates generalized exchange. This situation seems to result from several connected factors : the sister's right on her brother's daughter, women's status and their control of marriage. This leads to reconsider the question on bridewealth and allows for comparison between WoDaaBe, Bemba and Lovedu marriage practices.
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Cl. Tardits
Singuliers Lovedu
In: Journal des africanistes. 1985, tome 55 fascicule 1-2. pp. 145-161.
Résumé La société lovedu est vraisemblablement la seule où, en Afrique, le mariage préférentiel avec la cousine matrilatérale ait
engendré des cycles d'échanges longs. Cette situation tient à un enchaînement de facteurs : droit de la sœur sur la fille de son
frère, statut de la femme, stratégie matrimoniale aux mains des femmes qui ne se retrouvent que partiellement ailleurs. Ceci
permet de reconsidérer la fonction de la compensation matrimoniale dans les sociétés africaines et peut servir de point de départ
à un rapprochement entre des sociétés aussi différentes que les WoDaaBe, les Bemba et les Lovedu.
Abstract
Abstract The Lovedu society is probably the only one in Africa where preferential marriage with the MBD generates generalized
exchange. This situation seems to result from several connected factors : the sister's right on her brother's daughter, women's
status and their control of marriage. This leads to reconsider the question on bridewealth and allows for comparison between
WoDaaBe, Bemba and Lovedu marriage practices.
Citer ce document / Cite this document :
Tardits Cl. Singuliers Lovedu. In: Journal des africanistes. 1985, tome 55 fascicule 1-2. pp. 145-161.
doi : 10.3406/jafr.1985.2092
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1985_num_55_1_2092CLAUDE TARDITS
SINGULIERS LOVEDU
Des sociétés africaines où l'on a relevé la présence d'une règle de mariage
préférentielle avec la fille du frère de la mère et noté le taux de réalisation de
cette union, la société lovedu est celle où il est le plus élevé. Les Krige ont, dans
l'ouvrage qu'ils ont consacré à cette population (The realm of the rain queen)
ainsi que dans plusieurs articles consacrés au mariage, souligné que les alliances
s'enchaînaient et se répétaient de génération en génération engendrant des
réseaux d'échanges durables entre des segments de lignages — nuclei of patři-
lineages — ou des; maisonnées, la; qualification? variant avec le texte (Krige
1947 : 145, E.J. Krige 1975 : 237-238).:
Ils ont signalé que le mariage avec la fille de la sœur du père y est aussi
possible mais qu'il se réalise rarement, ce qui ne surprend pas, car il pourrait
perturber des enchaînements réguliers d'alliances engendrées par le mariage
avec la fille du frère de la mère. L'aspect le plus étonnant des institutions
matrimoniales lovedu tient à la remise, lors des mariages, de plusieurs têtes de,
bétail, le типу чо al о, à la famille de la mariée, toujours fille du frère de la mère
de l'époux, qui va permettre au frère de cette fille de se procurer à son tour, une
femme.
Ainsi coexistent un mariage préférentiel avec la cousine croisée matrila-
térale fort fréquent, générateur probable de cycles d'échanges longs, un maria
ge possible avec la cousine croisée patrilatérale et une remise de compensation
matrimoniale : une telle coexistence constitue, en Afrique, une véritable
singularité.
Cette société a, en raison de plusieurs particularités qui touchent,. à
côté de ses pratiques matrimoniales, à ses institutions politiques, suscité des
débats divers. Nous évoquerons l'un d'eux, qui intéresse notre propos.
Les textes des Krige ont conduit Leach dans R e thinking anthropology
à rapprocher la structure des Lovedu de celle des Kachin, à ceci près que,
pour lui, chez les premiers, les statut du groupe receveur de femmes aurait été su
périeur à celui des donneurs, situation inverse de celle : des seconds (Leach :
95-100). E. J. Krige fit une mise au point ultérieurement, rappelant que la
société lovedu ne présentait pas les différences sociales que Leach s'était cru
fondé à lui attribuer (E. J. Krige 1975 : 253-254). Son texte est plus surpre
nant lorsqu'elle rejette, en prétendant se fonder sur l'étroitesse de la concept
ion que Lévi-Strauss aurait eue du mariage entre cousins croisés, ces derniers
Journal des africanistes, 55 (1-2) 1985 : 144-161 146 CLAUDE TARDITS
termes de parenté pour parler du mariage préférentiel lovedu et lorsqu'elle
croit pouvoir écrire que Lévi-Strauss aurait par moments perdu de vue que le
mariage avec la cousine croisée était rarement la seule forme d'union dans les
sociétés qui le pratiquaient (E. J. Krige 1975 : 254-255).
On comprend qu'après ces débats, ce dernier auteur ait pu, dans un
chapitre d'un ouvrage relativement récent (Le regard éloigné) parler des obs
curités entretenues par ces propos sur les Lovedu. De son intervention,
retenons surtout son hésitation à considérer que nous sommes en présence
d'une société relevant, malgré la règle préférentielle de mariage avec la cou
sine croisée matrilatérale, de l'échange généralisé. L'argument est précis : on
n'y échange pas à terme des femmes contre des femmes mais, au comptant
pourrait-on dire, du bétail contre des épouses. Pour Lévi-Strauss, nous sommes
donc devant un cas limite.
Cette hésitation nous renvoie à quelques-unes des réflexions formulées
par cet auteur qui, à notre sens, intéressent l'Afrique et contribuent à élucider
des situations particulièrement complexes.
Nous rappellerons donc ici certains points des analyses de Lévi-Strauss
avant de réexaminer les données africaines qui, lorsqu'on les compare avec
les matériaux lovedu, conduisent à лош interroger sur ceux-ci.
Cycles d'échanges et compensation matrimoniale
II s'agit précisément des passages des Structures élémentaires de la parenté
où l'auteur souligne les difficultés que rencontre l'échange généralisé, et de
ceux où il aborde, à propos-. du lobola africain, le passage aux structures
complexes.
Examinant les cycles engendrés par les mariages entre un: homme et la
fille du frère de sa mère (ou une femme de cette classe), Lévi-Strauss souligne
que ces cycles sont doublement vulnérables. Ils résultent d'opérations à terme,
puisque le groupe qui donne en mariage filles et sœurs attend leur remplace
ment d'un autre groupe et court ainsi un risque de rupture du circuit : pour
diminuer ce danger, les partenaires des échanges peuvent élargir les réseaux
d'alliances et accumuler, par< la pratique de la polygynie, les épouses (Lévi-
Strauss : 305-306). Seconde cause de vulnérabilité : ces cyles conduisent
inéluctablement à des échanges entre des partenaires qui, avec le temps, ac
quièrent des statuts différents, ce qui ne peut qu'inciter les parties prenantes
à rechercher des unions plus profitables que celles qui les liaient initialement.
L'auteur des Structures élémentaires est à cet égard fort clair :
On arrive donc à la conclusion que l'échange généralisé conduit, de façon pres
que inéluctable, à Vanis о garnie, c'est-à dire au mariage entre conjoints de statuts
différents ; que cette conséquence doit apparaître avec d'autant plus de netteté
quand les cycles d'échanges se multiplient ou s'élargissent ; mais qu'en même
temps elle est en contradiction avec le système et doit entraîner sa ruine (Lévi-
Strauss :306). :
SINGULIERS LO VEDU 147
Pour tenter de réduire : les différences qui menacent la régularité des
cycles d'alliance, Lévi-Strauss relève que, dans les sociétés pratiquant l'échange
généralisé, les mariages s'accompagnent de prestations de services, de cadeaux,
de règlements qui représentent implicitement ou explicitement des éléments de
garantie ou de compensation, réels ou symboliques. De tels développements
constituent des moyens d'intégrer les «facteurs irrationnels issus de la chance
et de l'histoire» qui viennent troubler les cycles matrimoniaux qu'engendrent
les règles préférentielles.
Au système d'échanges à risques, lié au mariage avec la fille du frère de la
mère, Lévi-Strauss oppose un système à cycle court commandé par le mariage
avec l'autre cousine croisée, la fille de la sœur du père. Avec de telles unions, en
effet, le groupe qui donne une femme la récupère du donataire à

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