Spécialisation hémisphérique et reconnaissance des formes et des visages chez le nourrisson - article ; n°1 ; vol.91, pg 15-46

Deruelle

Description

L'année psychologique - Année 1991 - Volume 91 - Numéro 1 - Pages 15-46
32 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: L-annee-psychologique
• Publié le: 01 janvier 1991
• Nombre de lectures: 58
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Scania De Schonen
Christine Deruelle
Spécialisation hémisphérique et reconnaissance des formes et
des visages chez le nourrisson
In: L'année psychologique. 1991 vol. 91, n°1. pp. 15-46.
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De Schonen Scania, Deruelle Christine. Spécialisation hémisphérique et reconnaissance des formes et des visages chez le
nourrisson. In: L'année psychologique. 1991 vol. 91, n°1. pp. 15-46.
doi : 10.3406/psy.1991.29443
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1991_num_91_1_29443L'Année Psychologique, 1991, 91, 15-46
Unité de Neurosciences cognitives
Laboratoire de fonctionnelles1
SPÉCIALISATION HÉMISPHÉRIQUE
ET RECONNAISSANCE DES FORMES
ET DES VISAGES CHEZ LE NOURRISSON
par Scania de Schonen et Christine Deruelle
INTRODUCTION
L'une des approches possibles pour étudier les bases neurales
du comportement consiste à comparer les différences fonctionn
elles entre les deux hémisphères observables au cours de la
première année de vie, afin de rechercher les corrélations entre
la maturation neuronale et les changements dans les compor
tements cognitifs au cours de cette même période. Le fait que
les ensembles neuronaux ne deviennent pas fonctionnels tous
en même temps, permet d'observer des dissociations chrono
logiques entre comportements que l'état de fonctionnement
adulte ne permet pas d'observer, d'une part, et de corréler
l'émergence de ces avec l'état de maturité des
ensembles neuronaux, d'autre part. Cette approche des bases
neuronales d'un comportement par l'intermédiaire des disso
ciations observables entre comportements et entre structures
cérébrales est classique dans les études neuropsychologiques de
patients porteurs de lésions cérébrales. Cependant, à la différence
des études sur les cérébro-lésés, les études sur le nourrisson
offrent l'occasion d'étudier des « dissociations » normales et
fonctionnelles (Bresson et de Schonen, 1979). Par exemple,
l'immaturité du corps calleux, la voie interhémisphérique prin-
1. lnfI, cnrs, 31, chemin Joseph-Aiguier, 13402 Marseille Cedex 9. 16 Scania de Schonen ei Chrisline Deruelte
cipale, pendant les premiers mois de vie, son développement
lent ensuite, peut fournir l'occasion de comparer les modes de
traitement de l'information des deux hémisphères en l'absence
de collaboration ou d'interaction entre eux. L'absence de co
llaboration interhémisphérique dans ce cas est fonctionnelle
puisqu'il s'agit d'une étape normale du développement du
cerveau et du fonctionnement cognitif du nourrisson contrair
ement aux cas adultes où la déconnexion est le résultat d'un
processus pathologique. La maturation fonctionnelle du corps
calleux fournit ensuite l'occasion d'étudier comment les compét
ences des deux hémisphères interagissent et quelle sorte de
compétences cognitives nouvelles en résulte. De même, certaines
des spécialisations hémisphériques dans le traitement de l'info
rmation par le nourrisson peuvent être étudiées indépendamment
des éventuelles interactions avec d'autres traitements de l'info
rmation lorsque ceux-ci ne sont pas encore fonctionnels. Certains
processus de traitement du visage, par exemple, peuvent être
étudiés chez le nourrisson alors qu'ils ne peuvent être en inter
action avec les influences verbales ou culturelles inévitables
chez l'adulte sain (à condition, bien sûr, que l'on admette que
l'absence de paroles dans les premiers mois de vie reflète une
absence de lexique mental et de représentations verbales des
événements et des objets).
La chronologie des événements maturationnels du cerveau
du nourrisson après la naissance est relativement mal connue.
Cependant, un nombre croissant de recherches tentent aujour
d'hui de corréler les changements cognitifs avec des événements
de la maturation cérébrale tels qu'ils sont détectables par la
Tomographie par Emission de Positons (Chugani et Phelps,
1986), les Potentiels évoqués tardifs (Courchesne, Gantz et
Norcia, 1981 ; Hofman et Salapatek, 1981 ; Molfese et Molfese,
1985 ; Molfese, Freeman et Palermo, 1975), I'eeg (Thatcher,
Walker et Giudice, 1987) ou les études postmortem de l'arch
itecture neuronale du cerveau (Scheibel, Paul, Fied, Forsythe,
Tomiyasu, Wechsler, Kao et Slotnick, 1985 ; Simonds et Scheibel,
1989). De plus, l'intérêt croissant pour les relations entre matur
ation cérébrale et modifications avec l'âge des comportements
cognitifs a déclenché un mouvement important de recherche
impliquant des comparaisons entre enfants humains et jeunes
primates non humains (voir par ex. Diamond et Goldman-
Rakic, 1989). Hommage à François Bresson 17
On peut considérer par ailleurs que les tentatives pour cor-
réler les événements neuronaux liés à la maturation cérébrale
chez le nourrisson avec les changements comportementaux avec
l'âge constituent une approche raisonnable pour étudier le déve
loppement des processus cognitifs eux-mêmes. La nature des
relations de filiation entre deux comportements émergeant suc
cessivement au cours du développement peut être conceptualisée
de multiples façons. Il est très difficile de produire des critères
permettant de décider si l'émergence d'un comportement à un
âge donné dépend du fonctionnement autre
« ancêtre » apparaissant plus précocement (Bresson, 1976). Une
manière de traiter la question des relations entre deux compor
tements ou compétences apparaissant successivement au cours
du développement est de rechercher les événements neuronaux
corrélés avec l'apparition successive des deux comportements
en question. Si du comportement le plus tardif
dépend de la maturation d'ensembles neuronaux qui deviennent
fonctionnels plus tardivement que ceux contrôlant le compor
tement apparaissant en premier, il est alors évident que la
nature des relations de filiation entre les deux comportements
sera conçue différemment que si l'apparition du second compor
tement dépendait du fonctionnement et de l'activité des mêmes
ensembles neuronaux que ceux contrôlant le premier comport
ement. Ainsi par exemple, notre compréhension des modifi
cations dans les processus de perception des sons du langage
au cours de la première année ferait un grand progrès si l'on
connaissait les ensembles neuronaux contrôlant la perception
des sons du langage à la naissance et ceux en contrôlant la
perception vers l'âge de dix mois, lorsque apparaît une modif
ication importante dans la perception catégorielle de ces sons
(Werker, Gilbert, Humphreys et Tees, 1981 ; Werker et Tees,
1984).
C'est dans cette optique que nous avons commencé à étudier
chez le nourrisson les différences entre les deux hémisphères
dans le traitement des patterns visuels et des visages, ainsi que
les interactions interhémisphériques. En dépit des similitudes
dans l'organisation générale des deux hémisphères, ceux-ci
diffèrent certainement à un niveau ou à un autre de leur orga
nisation neuronale, puisqu'ils sont impliqués dans des trait
ements différents de l'information chez l'adulte. Le but de ce
type d'étude sur les asymétries hémisphériques est d'identifier 18 Scania de Schonen ei Christine Deruelle
les différences fonctionnelles pour rechercher les corrélations
existant entre les différences dans les organisations neuronales
des deux hémisphères et les différences dans les comportements
cognitifs qu'ils contrôlent ainsi que d'identifier une partie des
facteurs contribuant au développement de ces différences.
L'étude du traitement des patterns visuels au cours des
premiers mois de vie est tout particulièrement intéressante
parce que le début de l'expérience visuelle se situe à la nais
sance. L'état initial du traitement des informations visuelles,
les changements qui surviennent dans les comportements visuels
et leurs corrélats neurophysiologiques, les facteurs environne
mentaux, sont donc plus faciles à étudier que l'état initial du
traitement de l'information auditive dans la mesure où l'expé
rience auditive débute bien avant la naissance.
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