Sur les cendres des révolutions de couleur. Drogues et démocratisation en Asie centrale postsoviétique - article ; n°1 ; vol.38, pg 29-44
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Description

Revue d’études comparatives Est-Ouest - Année 2007 - Volume 38 - Numéro 1 - Pages 29-44
Out of the ashes of the color revolutions:
Drugs and democratization in post-Soviet central Asia
Since the mid-1990s, drug addiction has exploded in central Asia. Countries there have developed two strategies for helping addicts: the one inherited from the Soviet era, the other borne by international nongovernmental organizations, such as the Soros Foundation. Though both partly fit into a public-health perspective, two opposite political visions, above all, are at work.
L'Asie centrale connaît, depuis le milieu des années 1990, une véritable explosion de la toxicomanie. Dans ce contexte, deux stratégies d'assistance aux toxicomanes sont déployées dans les pays de la région : l'une est directement héritée de la période soviétique, l'autre est portée par certaines organisations internationales d'aide humanitaire et de développement telle que la Fondation Soros. Bien qu'elles relèvent partiellement de la santé publique, nous montrerons que ce sont avant tout deux visions politiques qui s'affrontent.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2007
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Laëtitia Atlani-Duault
Sur les cendres des révolutions de couleur. Drogues et
démocratisation en Asie centrale postsoviétique
In: Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 38, 2007, N°1. Métallurgie et pétrole en Russie. Fondations,
ONG et démocratisation. pp. 29-44.
Abstract
Out of the ashes of the "color revolutions":
Drugs and democratization in post-Soviet central Asia
Since the mid-1990s, drug addiction has exploded in central Asia. Countries there have developed two strategies for helping
addicts: the one inherited from the Soviet era, the other borne by international nongovernmental organizations, such as the Soros
Foundation. Though both partly fit into a public-health perspective, two opposite political visions, above all, are at work.
Résumé
L'Asie centrale connaît, depuis le milieu des années 1990, une véritable explosion de la toxicomanie. Dans ce contexte, deux
stratégies d'assistance aux toxicomanes sont déployées dans les pays de la région : l'une est directement héritée de la période
soviétique, l'autre est portée par certaines organisations internationales d'aide humanitaire et de développement telle que la
Fondation Soros. Bien qu'elles relèvent partiellement de la santé publique, nous montrerons que ce sont avant tout deux visions
politiques qui s'affrontent.
Citer ce document / Cite this document :
Atlani-Duault Laëtitia. Sur les cendres des révolutions de couleur. Drogues et démocratisation en Asie centrale postsoviétique.
In: Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 38, 2007, N°1. Métallurgie et pétrole en Russie. Fondations, ONG et
démocratisation. pp. 29-44.
doi : 10.3406/receo.2007.1813
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/receo_0338-0599_2007_num_38_1_1813o CsJ
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Sur les cendres des révolutions de couleur
Drogues et démocratisation
en Asie centrale postsoviétique
UennA ATLANI-DUAULT
Maître de conférences en anthropologie à l'Université Lyon II (Laetitia.Atlani-
Duault@univ-lyon2.fr)1.
Résumé : L'Asie centrale connaît, depuis le milieu des années 1990, une véritable
explosion de la toxicomanie. Dans ce contexte, deux stratégies d'assistance aux
toxicomanes sont déployées dans les pays de la région : l'une est directement
héritée de la période soviétique, l'autre est portée par certaines organisations
internationales d'aide humanitaire et de développement telle que la Fondation
Soros. Bien qu'elles relèvent partiellement de la santé publique, nous montrerons
que ce sont avant tout deux visions politiques qui s'affrontent.
1. Je tiens à remercier Rhonda Campbell pour son assistance dans la recherche bibliogra
phique et Emmanuelle Jamard pour sa relecture attentive. 30 Laetitia Atlani-Duault
Introduction
Depuis le milieu des années 1990,1a toxicomanie explose en Asie centrale.
La région semble payer au prix fort la chute d'un mur invisible qui a remplacé
le contrôle sanitaire et social soviétique par une désespérance bien éloignée
des espoirs que les indépendances politiques ont fait naître au début des
années 1990. Dans un tel contexte, dont nous analyserons les déterminants,
nous verrons que deux approches de la toxicomanie se font face.
La première, directement héritée des politiques soviétiques de contrôle
des comportements « déviants », vise avant tout à réprimer les consom
mateurs de drogue à l'aide des seuls appareils de l'État. La seconde,
portée par certaines organisations internationales d'aide humanitaire et
de développement comme la Fondation Soros, veut prévenir l'épidémie
par la dépénalisation et l'accompagnement de la toxicomanie en misant
pour ce faire sur les organisations non gouvernementales (ONG) locales,
mises en concurrence avec l'État.
Au-delà de leur apparente technicité, nous montrerons que ce sont
deux visions politiques qui s'affrontent dans une redéfinition violente des
rôles respectifs de l'État et de la« société civile », qui ne date
pas des supposées « révolutions » de couleur qui agitent la région mais de
la disparition de l'URSS et de l'arrivée massive d'organisations interna
tionales en Asie centrale au début des années 1990.
1. La toxicomanie en Asie centrale
La n'est pas un phénomène nouveau en Asie centrale. On
y cultive le pavot depuis longtemps et le recours à la khanka (pâte
d'opium séché que les consommateurs transforment en substance
injectable) est ancien. Mais l'usage de drogues injectables et, avec lui l'i
nfection par le VIH, est actuellement en pleine expansion2. Plusieurs fac
teurs expliquent ce phénomène.
Avant 1991, les opiacés d'Afghanistan étaient majoritairement achemi
nés vers l'Europe via le Pakistan ou l'Iran. À partir du début des années
1990, les trafiquants ont profité de l'ouverture des frontières et commencé
à faire transiter la drogue afghane par l'Asie centrale. Cette nouvelle
« Route de la soie »3 est désormais très utilisée pour l'approvisionnement
2. Phénomènes peu étudiés, la toxicomanie en Asie centrale postsoviétique et ses liens avec
l'épidémie de VIH/SIDA sont quasiment absents de la littérature internationale. Nous en pré
senterons les déterminants majeurs en nous fondant sur les données et la littérature dispo
nibles, ainsi que sur nos recherches de terrain menées depuis plus de dix ans dans la région.
3. Ce concept a été reformulé au XXe siècle car les axes de la Route de la soie étaient
anciennement transversaux, d'est en ouest et d'ouest en est. Nous l'utilisons ici dans son
acception récente.
Volume 38, mars 2007 Sur les cendres des révolutions de couleur : drogues et démocratisation en Asie centrale 31
en drogue de l'Europe, des pays nordiques, des pays baltes, de la Russie et
de l'Ukraine. Si l'on se base sur les chargements de drogue saisis dernière
ment aux frontières de l'Afghanistan, environ 20 % des opiacés afghans -
surtout de l'héroïne - sont acheminés vers l'Europe par l'Asie centrale et
le Caucase (UNODC 2003b ; Goodhand, 2000 ; Chouvy, 2006). Sachant
que l'Afghanistan est le plus grand producteur d'opium du monde, avec
87 % de la production totale en 2005, ces proportions sont énormes
(UNODC, 2005a).
Une part considérable des drogues en provenance d'Afghanistan et
passant par la Route de la soie fait une première escale au Tadjikistan. La
quantité d'héroïne saisie par les forces tadjikes - près de 4 tonnes pour la
seule année 2005 - illustre l'importance de cette voie (Zelitchenko, 2003 ;
UNODC, 2004 ; Fenopetov, 2006). Le Turkménistan est un autre pays
fréquemment traversé par les trafiquants (UNODC, 2002, 2003a, 2003b).
Les drogues circulent clandestinement par voie de terre, de mer (par la
Caspienne) ou dans des avions à destination de l'Azerbaïdjan et de la
Turquie. De même, l'Ouzbékistan est un pays de transit notable pour les
opiacés en provenance d'Afghanistan, après un passage par le Kirghizstan
et le Tadjikistan et à destination de l'Europe (Townsend, 2006 ; Cornell &
Swanstrom, 2006)4.
À l'heure actuelle, la vente intérieure d'opiacés d'origine afghane en
Asie centrale représente un marché estimé à 30 millions de dollars
(Makarenko, 2002 ; Jackson, 2005 ; Cornell, 2006). Cette somme est mini
me si l'on considère que les bénéfices à tirer de l'exportation des drogues
qui transitent par l'Asie centrale à destination de la Russie et des pays
européens approchent les 2,2 milliards de dollars (Fenopetov, 2006).
Cependant, ce marché est en forte expansion, la toxicomanie en Asie cen
trale augmentant constamment. Au Kazakhstan, par exemple, bien que les
données officielles ne fassent état que de 200 000 toxicomanes dans le
pays (Centre républicain kazakh du sida, 2005), l'UNODC (2005b) estime
qu'environ 3 % de la population s'injecteraient de la drogue, soit un nomb
re de toxicomanes kazakhs proche de 450 000. Au Kirghizstan, la pro
portion est évaluée à 2 %. Ces chiffres sont effrayants si l'on pense que,
4. Autre trafic empruntant la Route de la soie, celui, plus récent, des produits chimiques
« précurseurs ». Ces derniers, en revanche, circulent dans l

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