Taine et le positivisme - article ; n°21 ; vol.8, pg 21-33
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Description

Romantisme - Année 1978 - Volume 8 - Numéro 21 - Pages 21-33
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 60
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Thomas Nordmann
Taine et le positivisme
In: Romantisme, 1978, n°21-22. Les positivismes. pp. 21-33.
Citer ce document / Cite this document :
Nordmann Jean-Thomas. Taine et le positivisme. In: Romantisme, 1978, n°21-22. Les positivismes. pp. 21-33.
doi : 10.3406/roman.1978.5203
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1978_num_8_21_5203Jean-Thomas NORDMANN
Taine et le positivisme
Les rapports de Taine avec le positivisme ont donné lieu à bien
des controverses, à l'époque, du moins, où l'auteur des Origines de
la France contemporaine retenait l'attention des critiques et suscitait
les recherches des exégètes. « Delicatissima questione » remarque non
sans à propos l'auteur d'une copieuse étude sur la sociologie de Taine
qui regrette que ladite question n'ait jamais été sérieusement abor
dée l. En fait, la seule recension des réponses déjà formulées fournirait
le plus contrasté des tableaux. Avec deux thèses extrêmes et diamé
tralement opposées. Celle de Faguet, qui soutient, dans Politiques et
moralistes du XIX* siècle2, l'idée d'une filiation directe de Comte à
Taine et, partant, d'une continuité positiviste. Et celle de Rosca, qui,
étudiant l'influence de Hegel sur Taine théoricien de la connaissance
et de Vart1, explique la philosophie tainienne par la prédominance
d'un hégélianisme incompatible, dans l'esprit comme dans la lettre,
avec tout positivisme de tradition comtienne. Entre les deux, tout un
dégradé d'opinions, avec une tendance naturelle et fréquente à faire
de Taine le théoricien, le philosophe d'un réalisme vite prolongé en
naturalisme et en scientisme, et dont le strict positivisme constituerait
sans doute une composante. L'essai de Faguet a d'ailleurs connu un
retentissement et une audience autrement plus larges que celle de
Rosca pourtant bien plus fouillée ; la série des Politiques a rapidement
rejoint celle des Etudes sur chacun de nos siècles littéraires pour
constituer une espèce de dictionnaire des idées reçues, et même de
manuel de préparation au ci-devant baccalauréat. Rosca n'a jamais
touché que le bien petit cercle des spécialistes de Taine, sans même
intéresser vraiment les hégéliens...
Il en est resté l'habitude d'associer Taine à un positivisme d'ailleurs
mal défini et n'ayant que des rapports imprécis avec l'œuvre de Comte.
Une sorte d'esprit du temps, plus encore qu'une philosophie, un point
de convergence, un dénominateur commun. Taine en serait un inter
prète privilégié, mais non exclusif, partageant avec Renan le rôle
nécessaire de vulgarisateur « littéraire ». Thibaudet a pu écrire :
« durant les trente dernières années du XIXe siècle, le tétrasyllabe
Taine-et-Renan rendait dans la langue des lettres un son indivisible,
comme Tarn-et-Garonne ; c'était le nom des deux maîtres associés et
complémentaires d'une génération, le nom d'une magistrature collé
giale » 4. D'une magistrature qui passait pour sourdre du positivisme. 22 Jean-Thomas Nord] mann
On verra par ailleurs toutes les raisons qui font douter du positivisme
de Renan. Les apparences plus géométriques de l'œuvre de Taine accu
sent une différence de tempérament par rapport à Renan ; elles doivent
conduire à individualiser plus et mieux chacune des figures de ce
diptyque. En étudiant notamment les vrais rapports de Taine avec
la philosophie positive, sans préjugés et sans s'enfermer dans une
conception trop étroite, trop textuelle, trop restrictive de la notion
d'influence.
Dans la préface des Philosophes classiques, Taine s'adresse de
préférence aux jeunes gens de moins de trente ans :
« Passé cet âge, les opinions sont faites ; on lit pour s'amuser, pour être
au courant de ce qui s'écrit, pour s'éclairer sur un détail. Quant aux fonde
ments, ils sont bâtis, maçonnés, inébranlables ; autour d'eux l'habitude, la
paresse d'esprit, les occupations pratiques, la nécessité de ménager les
puissances, le désir de garder ses amitiés font comme un ciment que rien
ne peut dissoudre. Désormais on ne renouvelle plus sa philosophie ; on tire
les conséquences de celle qu'on s'est choisie, ou plutôt, ordinairement, on
n'en a plus.»5
Cette période critique de malléabilité intellectuelle, Taine Га vécue
dans l'ignorance du positivisme. A qui parcourt, même superficiell
ement, le premier tome du recueil Vie et correspondance, où se dessi
nent les grandes étapes d'un apprentissage philosophique mené de façon
méthodique et concertée, une évidence s'impose : Comte n'apparaît
point. Temps forts et grands hommes s'appellent Aristote, Spinoza et
Hegel. Dès l'année de philosophie, Taine a découvert Spinoza et s'est
enivré de la rigueur de l'Ethique ; il caresse alors le rêve d'établir
une géométrie métaphysique sans sortir de la sphère de Va priori, par
une série de déductions. Car, de la lecture des Analytiques d'Aristote,
Taine a retenu — et il ne s'écartera jamais de ce point — le caractère
éminemment scientifique du procédé déductif. Son idée de la science
est d'abord une idée philosophique, nourrie des doctrines classiques.
Dans une seconde étape de sa méditation, il cherchera à dépasser le
fixisme spinoziste manifestement insuffisant pour rendre pleinement
compte d'une réalité mouvante et soumise au temps. Et c'est alors la
révélation de l'hégélianisme, qui joue pour Taine le rôle d'un enr
ichissement et d'un dépassement, bien plus que d'une mutation. Au
même moment, Taine approfondit ses connaissances d'histoire natur
elle en suivant assidûment les cours du Muséum et de la Faculté des
Sciences et, là encore, dans le prolongement de ses réflexions anté
rieures, sans rupture ; la rigueur scientifique dé l'histoire naturelle lui
paraît liée à la classification qui permet, une fois l'investigation néces
saire effectuée, de présenter des résultats tels qu'on puisse déduire
d'un caractère fondamental les particularité d'un organisme. Et dès
lors se circonscrit clairement un idéal de rigueur scientifique distin
guant recherche et exposition et situant dans cette double perspective
les tâches respectives de l'induction et de la déduction : dans les domai
nes où s'impose le recours à l'expérience sensible, l'induction servira
à dégager les caractères généraux desquels le savant pourra, dans une
seconde étape, celle de l'exposition, déduire la diversité des cas concrets
expliqués, fondés en raison par ces caractères généraux. La complé
mentarité des deux procédés autorise, au moins au stade de l'exposition,
une conception unitaire de la science. Taine et le positivisme 23
Taine est déjà en plein possession de ce bagage intellectuel et de
cette idée logique de la science quand il fait la connaissance des
positivistes et entreprend la lecture de leurs œuvres. Les jugements
qu'il porte sur eux seront nuancés. Peu de contacts personnels avec
des membres de la secte. Taine ne connaîtra vraiment que l'un des
médecins disciples de Comte et fondateur de la Société de Biologie,
Charles Robin, nommé professeur à la Faculté de Médecine de Paris
en 1862 et qui lui apparaît un peu comme le prototype de l'homme de
science, avec « un peu de fanatisme », notamment dans la défense
d'un matérialisme rigide identifiant par trop la vie psychologique aux
mouvements physiologiques. Mais avec des apports féconds, « des
modèles d'investigation raisonnée et de classification méthodique ; c'est
là que tout historien de l'âme doit puiser » 6. De telles relations personn
elles (Taine présente Charles Robin à Sainte-Beuve) sont postérieures
à 1860. C'est à ce moment qu'on peut vraiment parler de découverte
du positivisme par Taine. Positivisme anglais, et non point orthodoxie
comtienne. Après avoir effectué un premier séjour en Grande-Bretagne
en juin et juillet 1860, Taine publie en mars 1861 une étude de la
logique de Stuart Mill : entre « des comparses monotones, voici un
maî

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