Un chant du Tibesti (Tchad) - article ; n°1 ; vol.46, pg 127-192
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Description

Journal des africanistes - Année 1976 - Volume 46 - Numéro 1 - Pages 127-192
Summary. The male solo analyzed here was composed by a youth during a fifteen-day trip by camel that took him from the Tibesti in the Chad to Fezzan in the Murzuk region of Libya. It is a dithyrambic song dedicated to a woman, and the Teda call it dobana tvrkia, or « song of the saddle. » A semantic analysis of the words shows that this is an elaborate composition that can be understood on several levels. The composer mixes stereotyped traits with real traits which, in fact, allow listeners to identify the family the song is destined for. As for the form, it is a poem in verse with a strophic structure. An analysis of the melody brings to light some of the norms which the author adheres to ; we can then establish the synoptic transcriptions and schémas of these norms, though they obviously remain implicit both for the singer and the listener. It appears that the melodic system is based on a hierarchy of degrees ; originality resides in the fact that each degree is polyvalent and its place in the hierarchy varies according to whether it is in one or the other segments that makes up the melodic strophe. This is exactly the opposite of the tonal system where, in a given key, the tonic, the dominant, and so on do not change throughout the composition. We will not study the rythmic system here, as it poses more general questions, which will be the subject of another paper. At the end of this analysis, we raise the question of the nature of the complex relations that exist between the music and the words. It seems that the two are of equal importance and coordinated rather than one being subordinate to the other.
66 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 7 Mo

Extrait

Monique Brandily
Un chant du Tibesti (Tchad)
In: Journal des africanistes. 1976, tome 46 fascicule 1-2. pp. 127-192.
Abstract
Summary. The male solo analyzed here was composed by a youth during a fifteen-day trip by camel that took him from the
Tibesti in the Chad to Fezzan in the Murzuk region of Libya. It is a dithyrambic song dedicated to a woman, and the Teda call it
dobana tvrkia, or « song of the saddle. » A semantic analysis of the words shows that this is an elaborate composition that can be
understood on several levels. The composer mixes stereotyped traits with real traits which, in fact, allow listeners to identify the
family the song is destined for. As for the form, it is a poem in verse with a strophic structure. An analysis of the melody brings to
light some of the norms which the author adheres to ; we can then establish the synoptic transcriptions and schémas of these
norms, though they obviously remain implicit both for the singer and the listener. It appears that the melodic system is based on a
hierarchy of degrees ; originality resides in the fact that each degree is polyvalent and its place in the hierarchy varies according
to whether it is in one or the other segments that makes up the melodic strophe. This is exactly the opposite of the tonal system
where, in a given key, the tonic, the dominant, and so on do not change throughout the composition. We will not study the rythmic
system here, as it poses more general questions, which will be the subject of another paper. At the end of this analysis, we raise
the question of the nature of the complex relations that exist between the music and the words. It seems that the two are of equal
importance and coordinated rather than one being subordinate to the other.
Citer ce document / Cite this document :
Brandily Monique. Un chant du Tibesti (Tchad). In: Journal des africanistes. 1976, tome 46 fascicule 1-2. pp. 127-192.
doi : 10.3406/jafr.1976.1778
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1976_num_46_1_1778/. des Africanistes, 46, 1-2 (1976), pp. 127-192.
UN CHANT DU TIBESTI (TCHAD)
PAR MONIQUE BRANDILY
introduction : — Le milieu culturel ; — le milieu naturel ; — le chant analysé.
I. le texte littéraire : i. Transcription et mot à mot. 2. Traduction. 3. Analyse
sémantique. 4. Analyse formelle.
II. la musique : 1. Remarques générales. 2. Analyse mélodique.
III. conclusion.
Annexes : Auteurs cités. Présentation du disque encarté.
Avant d'aborder l'étude du chant présenté ici, il importe de donner un bref aperçu
de la société et des lieux dans lesquels vit son auteur. En effet, les chanteurs-auteurs
teda s'expriment le plus souvent en se référant à des aspects concrets de leur milieu
naturel et culturel. Ces évocations concrètes, est-il besoin de le préciser, renvoient
à bon nombre de notions abstraites telles que le courage, la générosité, etc., mais
celles-ci demeurent presque toujours implicites. Les paroles de ces chants doivent
donc se lire à deux niveaux (au minimum) dont le premier correspond à la traduction,
stricto sensu, tandis que le second, qui permet d'accéder à la compréhension, nécess
ite des explications. Les notes que l'on trouvera ci-dessous en regard du texte cor
respondent, pour l'essentiel, à la lecture de second niveau.
Le milieu culturel.
Les habitants du Tibesti, souvent appelés improprement Toubou, se nomment
eux-mêmes [hda], au singulier [fodë]. En français le terme est orthographié le plus
souvent : Teda et c'est cette forme que nous utiliserons г. Différentes hypothèses
ont été formulées quant à leurs origines, cependant, dans l'état actuel de la recherche,
on ne peut déterminer avec certitude s'il s'agit d'une population paléo-saharienne
refoulée dans la montagne ou d'une population venue de l'Est aux temps proto
historiques. Eux-mêmes se considèrent comme originaires du massif à l'exception
de certains clans qui possèdent une tradition relatant leur arrivée dans le Tibesti à
une époque non précisée (J. Chapelle, 1957, p. 72 sqq.). Quoi qu'il en soit, à l'heure
actuelle, l'ensemble des Teda du Tibesti se présente comme un groupe culturelle-
ment homogène quel que soit le clan considéré et c'est ce qui importe ici.
Ils sont islamisés ; la polygynie est fréquente mais les familles monogames sont
nombreuses. Par rapport au clan (groupe large qui se réfère à un ancêtre commun
1. Quelques auteurs écrivent tedda, ce qui ne correspond pas à la prononciation des intéressés qui
accentuent la voyelle finale mais ne redoublent pas la consonne qui précède. 128 M. BRANDILY
et impose un interdit alimentaire), les mariages sont, le plus souvent, exogames
mais sans que cela constitue une obligation. En revanche on est très strict sur la
prohibition des mariages consanguins ; les degrés prohibés comportent quelques
variantes en fonction des clans et des groupes sociaux. En effet, indépendamment
du clivage par sexes, la société est subdivisée en trois strates hiérarchisées et endo-
games : les Teda proprement dits, les descendants de captifs et les forgerons. Cette
stratification a des incidences sur certaines pratiques musicales mais il est inutile de
s'y attarder ici puisque le chant dont il est question appartient à un genre qui peut
être pratiqué, sans discrimination, par les hommes appartenant à chacun des trois
groupes.
Les chants de ce type sont composés pour des femmes. On peut les faire soit
pour des jeunes femmes, veuves ou divorcées désignées en tegada par le terme [ogu],
soit pour des jeunes filles. Il est exclu de chanter pour des femmes mariées. En effet,
aux formules stéréotypées s'ajoutent des allusions à des traits réels qui permettent,
le plus souvent, d'identifier la dédicataire. Précisons que, chez les Teda, les filles ne
sont pas cachées comme chez leurs voisins arabes. Elles participent aux réunions
de musique et de danse [abi] avec les jeunes gens et peuvent parler librement avec
eux dans les 'maisons lorsqu'ils y viennent en visite avec un parent ou un ami de la
famille. Ainsi les garçons composent-ils des chants qui évoquent des personnes
réelles et non quelque image abstraite de la féminité. Cependant il est un homme,
même jeune, auquel une jeune fille ne doit pas parler et dont elle doit même éviter
la présence, c'est le fiancé que ses parents ont agréé pour elle.
Le milieu naturel.
Le Tibesti, massif volcanique situé dans le Sahara oriental entre le dix-huitième
et le vingt-quatrième parallèle, donc au sud du tropique, constitue la partie la plus
septentrionale du territoire de la République du Tchad. Il est entouré de toutes
parts d'immenses étendues désertiques ; ses plus hauts sommets (Emi Koussi, pic
Toussidé, etc.) culminent au-dessus de 3 000 m mais la plus grande partie du massif
est formée de hauts plateaux dits tarso qui s'étendent à une altitude moyenne comp
rise entre 1 000 et 2 000 m. Les plateaux sont couverts d'épaisses coulées de lave
et entaillés par des vallées sèches, profondément encaissées, aux parois abruptes,
dont le fond de sable pâle tranche sur les tonalités sombres des roches patinées qui
les enserrent. Quand il pleut sur les tarso (pluies d'été), l'eau ruisselle en donnant
naissance à des torrents temporaires qui emportent tout sur leur passage mais qui
disparaissent très rapidement dans le sol, alimentant la nappe souterraine que l'on
atteint en creusant des puits dans les parties basses. Autour des puits, qui n'existent
que dans certaines vallées, s'établissent des villages permanents et des palmeraies.
Celles-ci sont composées, pour la plus grande partie, de dattiers (Phoenix dactyli-
phera) et, en certains points seulement, de palmiers doums (Hyphaene thebaïca).
Dans la plupart des vallées croissent spontanément plusieurs espèces d'acacias et
des tamaris (Tamarix gallica). Près des villages, l'ombre des arbres abrite des jar
dins irrigués où l'on cultive un peu de blé, d'orge, de mil, d'oignons, de courges, de
pastèques et de tomates qui subsistent au prix de soins et d'arrosages incessants.
Dans le massif, les contrastes du climat saharien sont encore accentués par
l'altitude et l'on enregistre des écarts entre les températures diurne et nocturne UN CHANT DU TIBESTI
qui peuvent atteindre 300 С en 24 h. En revanche cette altitude favorise les préci
pitations grâce auxquelles de maigres pâturages apparaissent sur les tarso et per
mettent l'existence précaire de quelques troupeaux de chèvres, d'ânes et de

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