Une apologie éthiopienne de l islam - article ; n°1 ; vol.18, pg 7-35
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Une apologie éthiopienne de l'islam - article ; n°1 ; vol.18, pg 7-35

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Description

Annales d'Ethiopie - Année 2002 - Volume 18 - Numéro 1 - Pages 7-35
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 30
Langue Français
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Extrait

Eloi Ficquet
Une apologie éthiopienne de l'islam
In: Annales d'Ethiopie. Volume 18, année 2002. pp. 7-35.
Citer ce document / Cite this document :
Ficquet Eloi. Une apologie éthiopienne de l'islam. In: Annales d'Ethiopie. Volume 18, année 2002. pp. 7-35.
doi : 10.3406/ethio.2002.1012
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ethio_0066-2127_2002_num_18_1_1012Annales d'Ethiopie, 2002, vol. XVIII: 7-35
Une apologie éthiopienne de l'islam
Ficquet*
Éloi
Avant d'en présenter l'auteur et de présumer des conditions de sa rédaction et de sa
transmission, il faut d'emblée souligner que cette apologie de l'islam en langue
amharique est loin de représenter l'état actuel des relations sociales entre chrétiens et
musulmans en Ethiopie et plus précisément dans le Wâllo, d'où provient ce texte.
Situation inter-religieuse au Wâllo
De langue et de culture amhara, les habitants de cette région d'Ethiopie centrale
présentent aujourd'hui la caractéristique d'une coexistence très étroite entre
musulmans et chrétiens, qu'ils qualifient eux-mêmes d'harmonieuse : « Au Wâllo, les
différences religieuses sont exceptionnellement bien acceptées. Cela se manifeste par
un respect mutuel : chrétiens et musulmans ne vivent pas seulement les uns à côté des
autres en parfaite harmonie et dans une paix absolue, mais ils peuvent appartenir à
une même famille1 . » II n'est pas rare en effet que des liens familiaux collatéraux les
unissent, les mariages interconfessionnels étant fréquents et impliquant la conversion
de l'un des deux époux. Outre les motifs propres à chaque alliance, le passage d'une
religion à l'autre répond aussi à des stratégies de mobilité sociale, à des pérégrinations
spirituelles, voire à des impératifs thérapeutiques quand il s'agit de se débarrasser
d'un esprit malin. Sans qu'on puisse parler de syncrétisme, un certain degré d'osmose
est observable : les fidèles de l'une et l'autre religions s'accueillent mutuellement lors
de leurs cérémonies majeures, et peuvent être amenés à participer hors de leurs
liturgies respectives à des cultes de 1' «infra-divin ».
Néanmoins, islam et christianisme restent indissolublement distincts. Outre les
questions spécifiquement attenantes à la foi, dont la polémique présentée ici est une
expression outrancière, les identités correspondant à chaque groupe religieux se
distinguent plus prosaïquement par certaines pratiques de consommation. L'évitement
de la commensalité de la viande est l'une des expressions les plus flagrantes de la
distinction entre les deux groupes religieux. Quel que soit le degré de proximité
familiale ou amicale des commensaux, quelle que soit l'occasion de se réunir, l'interdit
de manger de la viande qui n'a pas été égorgée au nom de sa foi (en la Trinité, en
Allah) est absolument respecté et trace une démarcation nette dans l'espace inter
religieux. Les prohibitions portant sur les excitants, sur l'alcool pour les musulmans et
sur le qat pour les chrétiens, impliquent la dispersion des espaces de convivialité. Le
café, réservé aux musulmans jusqu'au 19e siècle est aujourd'hui consommé plusieurs
Doctorant, Centre d'Études Africaines (CEAf), École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris.
Cette recherche (1999-2001) a été financée par une allocation de thèse du Rectorat de Paris. Le Centre
Français d'Études Éthiopiennes a contribué aux missions de terrain.
1 Mesfin Wolde-Mariam, 1991 : 18. Notons que cet auteur est originaire du Wâllo. fois par jours dans tous les foyers. Le rituel qui régit sa préparation, le grignotage de
céréales grillées (qolo) qui l'accompagne, sont indispensables à l'hospitalité et aux
rapports de bon voisinage et constituent un médiateur social important, même si sa
dimension religieuse est plus soulignée par les bénédictions qu'y adjoignent les
musulmans. A ces disjonctions sur le plan alimentaire s'ajoutent quelques distinctions
des pratiques hygiéniques, corporelles et vestimentaires qui seront en partie abordées,
assez crûment, dans l'apologie (strophes 98-106).
Il faut noter que cette configuration interreligieuse ne se réduit pas au seul Wàllo,
elle se présente dans d'autres régions d'Ethiopie (Guragé, Sud-Shâwa) où l'on peut
observer une telle mixité interstitielle entre les sociétés chrétiennes orthodoxes et
musulmanes.
Consensus et polémique
Au cours de mes enquêtes sur la société wàllo, cet état de mixité christiano-
musulmane était présenté par un discours si unanimement consensuel, qu'on peut le
qualifier de « consensualiste ». L'un des traits de cette idéologie est l'abondance du
vocabulaire associatif dans la façon dont les Wâlloyyé rendent compte de leurs
relations sociales. Le champ lexical produit par la racine verbale abbûrû
« s'assembler » est ainsi spécialement sollicité : abro « ensemble », mattàbabûr
« solidarité » mahbar « association », hebret « réunion, harmonie »... L'unanimité et
l'uniformité de ce discours relève peut-être de l'imprégnation par une génération
d'Éthiopiens de la propagande collectiviste diffusée par le régime révolutionnaire.
Mais cette « éthique de la coopération » a sans doute des fondements plus anciens,
notamment dans les différentes formes d'entraide entre voisins. Ce n'est qu'à de rares
exceptions que certains de mes interlocuteurs, le plus souvent musulmans,
craquelaient ce vernis poli pour noter que, si la tolérance et la solidarité prévalaient
aujourd'hui, les persécutions du passé n'avaient pas été complètement oubliées. La
situation aujourd'hui pacifiée entre chrétiens et musulmans s'est en effet édifiée sur un
passé très anciennement conflictuel.
L'identité régionale du Wàllo s'est constituée après la dévastation de la province
d'Amhara par Yimam Ahmad Gran2. Les Oromo du clan Wâllo qui s'établirent
quelques années plus tard sur les vestiges de ce territoire, formèrent une périphérie
encastrée dans le royaume chrétien. Sans doute pour échapper à leur absorption
progressive dans la masse amhara-chrétienne, et pour trouver des appuis sur les vastes
réseaux commerciaux et politiques branchés à la mer Rouge, les chefferies du Wâllo
se sont converties à l'islam à partir de la fin du 18e siècle, en adhérant au soufisme
diffusé par des réseaux confrériques (qâdirî et shâdhilï en particulier)3. Au milieu du
19e siècle, la recomposition d'une autorité monarchique impliqua la reconquête et la
rechristianisation de ce territoire par les souverains Téwodros II (r. 1855-1868) puis
Yohannes IV (r. 1872-1889). En 1878, ce dernier réunissait à Boni Méda, localité du
Wàllo, un concile ecclésiastique pour affirmer l'unité de la foi chrétienne contre ses
dérives schismatiques. Au terme de cette assemblée, il lança une politique de
conversion de masse au christianisme, désignée dans la mémoire locale comme « l'ère
32 voir La processus l'article de d'islamisation D. Vô Vân dans du ce Wâllo numéro. a récemment fait l'objet d'un ouvrage de Hussein Ahmed, dont
nous proposons un compte-rendu dans ce numéro. du parjure » (yâ-kâfàm zamâri). La mémoire des Wàlloyyé conserve aussi le souvenir
amer de l'éviction du trône éthiopien de l'infant (lejj) Iyasu en 1916, parce qu'il était
soupçonné par l'oligarchie chrétienne d'entretenir des relations compromettantes non
seulement avec les notables musulmans mais avec la légation ottomane4. Petit-fils du
roi des rois Menilek par sa mère, Iyasu était en effet d'ascendance musulmane du
Wàllo par sa lignée paternelle5. Suite à sa déchéance, les Wàlloyyé furent sous la
coupe du régent Tàfàri, couronné roi des rois Haylâ Sellasé en 1930, dont l'épouse,
Vitégé Mânân Asfàw, était la nièce d'Iyasu6.
L'état de tolérance revend

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