Une aristocratie industrielle : les maîtres de forges en Lorraine - article ; n°70 ; vol.20, pg 69-79
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Description

Romantisme - Année 1990 - Volume 20 - Numéro 70 - Pages 69-79
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 163
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Marie Moine
Une aristocratie industrielle : les maîtres de forges en Lorraine
In: Romantisme, 1990, n°70. pp. 69-79.
Citer ce document / Cite this document :
Moine Jean-Marie. Une aristocratie industrielle : les maîtres de forges en Lorraine. In: Romantisme, 1990, n°70. pp. 69-79.
doi : 10.3406/roman.1990.5700
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1990_num_20_70_5700Jean-Marie MOINE
Une aristocratie industrielle :
les maîtres de forges en Lorraine
En elle-même l'expression de « maître de forges », titre porté et revendiqué
par la plupart des patrons de la sidérurgie lorraine au XIXe siècle, et au-delà, était
porteuse de connotations aristocratiques, issues des conditions sociales de
l'exercice de cette industrie sous l'Ancien régime. Certes tous les maîtres de
forges d'avant 1789 n'étaient pas des nobles. Au départ le titre était professionnel
et désignait le spécialiste qui dirigeait un établissement métallurgique dont il
n'était pas propriétaire \ Puis sa signification s'est élargie, désignant aussi bien
le propriétaire que l'exploitant d'une forge, ce dernier pouvant être tantôt le pro
priétaire lui-même, tantôt un locataire, un bailliste. En raison des contraintes
techniques - l'énergie nécessaire à la fusion du minerai ainsi qu'un travail du fer
était fournie par le charbon de bois, et il en fallait des quantités considérables - il
n'est pas surprenant de constater que les possesseurs de forges appartenaient le
plus souvent aux groupes sociaux disposant de larges assises foncières, et plus
exactement forestières, la noblesse et le clergé (abbayes et épiscopat). La fondat
ion de forges s'expliquait d'ailleurs largement par une stratégie de valorisation du
domaine forestier. Le grand aristocrate propriétaire d'établissements métallur
giques, à la titulature autrement brillante, n'avait nul besoin de se prévaloir de
titre de maître de forges, abandonné au roturier qui avait affermé ses usines. En
revanche le moyen ou petit noble s'en réclamait, tout spécialement s'il exploitait
lui-même les forges, la fabrication du fer n'entraînant pas la dérogeance. Cette ca
tégorie particulièrement bien représentée en Lorraine : pas de prince ou de duc
parmi les propriétaires de forges mais des familles placées moins haut dans la hié
rarchie aristocratique : de Sivry, de Wendel, Harons, d'Huart, comtes d'Ottange,
marquis de Gerbéviller...
La place de la noblesse
La Lorraine n'a guère été affectée par le vaste mouvement de transfert de la
propriété des usines métallurgiques françaises provoqué par la Révolution 2. Peu
de forges y ont été séquestrées après l'émigration de leurs propriétaires et vendues
comme biens nationaux. Les nobles frappés par ces confiscations ont pu rentrer
en possession de leurs établissements, soit par effet de l'amnistie (d'Huart,
d'Hunolstein), soit par rachat (de Wendel). En fin de compte les seules victimes
de la Révolution ont été les cisterciens d'Orval dont le haut fourneau du Dorlon a
été vendu en l'an VI à une famille roturière.
Les bouleversements révolutionnaires n'ont donc pas remis en cause la place
importante occupée par la noblesse dans l'industrie sidérurgique lorraine. Son
maintien est une caractéristique majeure du milieu patronal des maîtres de forges
ROMANTISME n°70 (1990 - IV) 70 Jean-Marie Moine
au XIXe siècle, en grande partie prolongée au XXe siècle. Parmi les soixante
noms retenus pour le dictionnaire prosopographique établi en annexe de la thèse
que nous lui avons consacrée 3, quatorze, soit près du quart, étaient des nobles. La
sidérurgie représentait donc une exception - qui n'a rien d'unique - aux réticences
des nobles à s'engager dans les affaires \ Certaines familles se sont contentées de
louer leurs usines, comme par le passé, avant de les céder finalement, au XXe
siècle. D'autres ont perduré et pris le tournant des mutations techniques qui ont
conduit d'une petite industrie rurale à la puissante sidérurgie moderne.
Les conditions qui expliquaient la prépondérance de Г aristocratie dans la mét
allurgie traditionnelle, liées à la grande propriété foncière, n'ont pas disparu
d'emblée. C'est seulement à partir de 1850 que les procédés anglais se sont sub
stitués de manière décisive aux vieilles méthodes. L'emprise sur le sol assurait la
maîtrise de l'énergie thermique, de l'énergie hydraulique, de l'approvisionnement
en matière première. Le charbon de bois a été remplacé par le coke dans les hauts
fourneaux, par la houille pour l'affinage, dans les fours à puddler. La machine à
vapeur a désormais fourni la force motrice. Le minerai de fer fort a été définitiv
ement éliminé par la minette, accessible par puits forés dans des concessions attr
ibuées par l'Etat 5.
Néanmoins le capital financier n'a pris que progressivement la place du capi
tal foncier 6. La détention de celui-ci a continué de favoriser les vieilles lignées
nobiliaires. Le sous-sol des forêts acquises en Sarre française a assuré aux Wendel
des ressources houillères dont leurs concurrents n'auront pas l'équivalent. La per
sistance du lien entre la sidérurgie et le sol est illustrée par l'entrée dans la profes
sion métallurgique d'autres propriétaires fonciers, roturiers ceux-là. En 1832 le
notaire Jean-Joseph Labbé a fondé la forge de Gorcy ; l'idée lui en était venue de
son père, un gros cultivateur qui avait l'habitude de voiturer du minerai pour les
maîtres de forges des environs et qui, en 1812, avait acheté une exploitation d'une
centaine d'hectares pour ses terres à minerai et comme site d'une future usine. En
1872 un autre paysan, de surcroît marchand de bois et céréales, Joseph Ferry, qui
s'était mis à acquérir des minières en vue de faire le commerce du minerai,
s'associait à son notaire, Emile Curicque ; tel fut le point de départ des futures
Aciéries de Micheville. C'est également la richesse foncière qui est à l'origine de
la vocation sidérurgique du baron Renaud-Oscar ď Adelswârd. Son père, un officier
suédois fait prisonnier en 1807 et interné au camp de Longwy avait épousé
l'héritière d'une dynastie notariale mêlée à l'histoire de plusieurs forges du Pays-
Haut Après une carrière militaire interrompue pour raisons de santé Renaud-Oscar
décidait, en 1863, d'exploiter le minerai affleurant sur les terres de sa mère. Très
vite il élargissait son projet et déposait une demande d'autorisation de hauts four
neaux à Mont-Saint-Martin. Quant au compte de Saintignon c'est également un
mariage, le sien, qui a fait de lui un maître de forges. Issu d'une très ancienne fa
mille de noblesse militaire, garde général des forêts et sans fortune, il a épousé en
1874 Louise Legendre, petite-fille par sa mère d'un maître de forges de Longwy et
fille d'un négociant, beau-frère et associé de Jean- Joseph Labbé à Gorcy. En 1878
il a pris la direction des forges héritées par sa femme, les Hauts fourneaux de
Longwy et de La Sauvage, dont la raison sociale est devenue De Saintignon et
Cie.
Un seul noble est devenu maître de forges par une autre voie d'accès que celle
de la tradition et de la propriété, qu'elle fût suivie par appartenance à une vieille aristocratie industrielle : les maîtres de forges en Lorraine 71 Une
lignée métallurgique ou adoptée en conséquence d'un bon mariage : le comte
Victor de Lespinats. Dans son cas c'est le capital intellectuel, assorti d'un hasard
lié à des circonstances familiales, qui a été determinant Originaire du Limousin,
sorti n°2 de l'Ecole Nationale des Mines à Paris, il avait entamé une carrière
d'ingénieur lorsque, en 1868, son attention sur la richesse minière du bassin de
Nancy fut attirée par son beau-frère, professeur à la faculté des Lettres. Il vint
donc s'installer en Lorraine pour y entreprendre de la prospection. La guerre
l'obligea à retarder ses projets, finalement réalisés en 1872 par la création de la
S

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