Une diaspora de l'intérieur? Le discours des responsables d'une organisation vorio-épirote à Athènes - article ; n°4 ; vol.38, pg 201-224

Alexandra Nestoropoulou, Pierre Sintès

Description

Revue d’études comparatives Est-Ouest - Année 2007 - Volume 38 - Numéro 4 - Pages 201-224
Depuis le début des années 1990, la Grèce a accueilli en grand nombre des migrants provenant des États de l'Europe balkanique au point de devenir l'un des pays de l'Europe communautaire où la part des étrangers dans la population totale est la plus élevée. Avec 438 000 personnes, les Albanais constituent de très loin le groupe le plus important parmi les 700 000 étrangers recensés sur le sol grec en 2001. Pourtant, certains de ces migrants ne bénéficient pas du même traitement que les autres. Ils sont en effet considérés, tant par les autorités grecques que par la population, comme des membres de la diaspora grecque en raison d'une helléno- phonie réelle ou supposée. Ces personnes, les Vorioépirotès (ou Épirotes du Nord), sont aujourd'hui nombreuses à vivre en Grèce. À partir de la situation de ce groupe, envisagée au travers des propos de l'une de ses associations, nous proposerons un point de vue sur la genèse des discours émanant d'une formation diasporique.
A domestic diaspora? The discourse of the leaders of an organization
of Greek Albanians in Athens
Since the early 1990s, a large number of migrants from the Balkans have come to Greece, now one of the EU member-states with the highest percentage of foreigners in its population. The 438.000 Albanians form, by far, the largest group among the 700.000 aliens registered in Greece in 2001. Not all migrants are treated alike. Greek authorities and the local population see some of them as belonging to a Greek diaspora with real or assumed Hellenic origins. This holds for the Vorioepirotes (Greek Albanians or northern Greeks), many of whom now live in Greece. A Vorioepirote association's declarations are analyzed to propose an interpretation of the origins and development of a discourse about a diaspora.
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: REVUE_D-ETUDES_COMPARATIVES_EST-OUEST
• Publié le: 01 janvier 2007
• Nombre de lectures: 19
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Alexandra Nestoropoulou
Pierre Sintès
Une diaspora de l'intérieur? Le discours des responsables d'une
organisation vorio-épirote à Athènes
In: Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 38, 2007, N°4. Les politisations de l'identité dans les Balkans
contemporains. pp. 201-224.
Résumé
Depuis le début des années 1990, la Grèce a accueilli en grand nombre des migrants provenant des États de l'Europe
balkanique au point de devenir l'un des pays de l'Europe communautaire où la part des étrangers dans la population totale est la
plus élevée. Avec 438 000 personnes, les Albanais constituent de très loin le groupe le plus important parmi les 700 000
étrangers recensés sur le sol grec en 2001. Pourtant, certains de ces migrants ne bénéficient pas du même traitement que les
autres. Ils sont en effet considérés, tant par les autorités grecques que par la population, comme des membres de la diaspora
grecque en raison d'une helléno- phonie réelle ou supposée. Ces personnes, les Vorioépirotès (ou Épirotes du Nord), sont
aujourd'hui nombreuses à vivre en Grèce. À partir de la situation de ce groupe, envisagée au travers des propos de l'une de ses
associations, nous proposerons un point de vue sur la genèse des discours émanant d'une formation diasporique.
Abstract
A domestic diaspora? The discourse of the leaders of an organization
of Greek Albanians in Athens
Since the early 1990s, a large number of migrants from the Balkans have come to Greece, now one of the EU member-states
with the highest percentage of foreigners in its population. The 438.000 Albanians form, by far, the largest group among the
700.000 aliens registered in Greece in 2001. Not all migrants are treated alike. Greek authorities and the local population see
some of them as belonging to a Greek diaspora with real or assumed Hellenic origins. This holds for the Vorioepirotes (Greek
Albanians or northern Greeks), many of whom now live in Greece. A Vorioepirote association's declarations are analyzed to
propose an interpretation of the origins and development of a discourse about a diaspora.
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Nestoropoulou Alexandra, Sintès Pierre. Une diaspora de l'intérieur? Le discours des responsables d'une organisation vorio-
épirote à Athènes. In: Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 38, 2007, N°4. Les politisations de l'identité dans les
Balkans contemporains. pp. 201-224.
doi : 10.3406/receo.2007.1869
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/receo_0338-0599_2007_num_38_4_1869o
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Une diaspora de l'intérieur ?
Le discours des responsables d'une organisation
vorio-épirote à athènes
Alexandra Nestoropoulou et Pierre Sintès
Doctorante, Université de Paris VII, UMR 7032 URMIS ([e-mail])
Maître de conférences, Département des sciences géographiques et de l'aménage
ment, Université de Provence, UMR 6570 TELEMME ([e-mail])
Résumé : Depuis le début des années 1990, la Grèce a accueilli en grand nombre des
migrants provenant des États de l'Europe balkanique au point de devenir l'un des
pays de l'Europe communautaire où la part des étrangers dans la population totale
est la plus élevée. Avec 438 000 personnes, les Albanais constituent de très loin
le groupe le plus important parmi les 700 000 étrangers recensés sur le sol grec en
2001. Pourtant, certains de ces migrants ne bénéficient pas du même traitement
que les autres. Ils sont en effet considérés, tant par les autorités grecques que par
la population, comme des membres de la diaspora grecque en raison d'une helléno-
phonie réelle ou supposée. Ces personnes, les Vorioépirotès (ou Épirotes du Nord),
sont aujourd'hui nombreuses à vivre en Grèce. À partir de la situation de ce groupe,
envisagée au travers des propos de l'une de ses associations, nous proposerons un
point de vue sur la genèse des discours émanant d'une formation diasporique. 202 Alexandra Nestoropoulou et Pierre Sintès
Depuis le début des années 1990, la Grèce est devenue une terre d'im
migration massive. Après la chute du rideau de fer, nombre de migrants i
ssus de pays d'Europe orientale comme la Bulgarie, la Roumanie, l'Ukraine
et surtout l'Albanie ont afflué au point de représenter aujourd'hui plus de
7 % de la population totale de la Grèce et plus de 10 % de sa population
active (ESYE1, 2001). Néanmoins, si l'on peut interpréter ce mouvement
comme la résultante d'une différence de potentiel économique, des recher
ches récentes montrent que certains des migrants se sont appuyés sur leur
connaissance du pays d'accueil pour s'assurer des soutiens et des réseaux
en Grèce (Sintès, 2003)2.
L'histoire politique de la région est en effet propice à l'existence de
groupes dont le positionnement par rapport à la nation grecque se fait
dans des termes nuancés qui ne sont pas ceux d'une altérité pure et sim
ple. C'est le cas de certains migrants, citoyens albanais, qui se considèrent
comme des membres de la diaspora grecque hors des frontières de l'État
grec, invoquant entre autres l'existence d'un groupe hellénophone en Al
banie du Sud et l'histoire du contentieux frontalier ayant opposé les deux
pays depuis la formation de l'État albanais en 19133. Ces personnes, que
l'on appellera ici - comme elles-mêmes se désignent - Vorio-Épirotes (ou
Épirotes du Nord en référence à la région d'Albanie méridionale dont el
les sont originaires), sont aujourd'hui nombreuses à vivre en Grèce depuis
l'ouverture de la frontière albanaise et la chute, en 1990, du régime hérité
d'Enver Hoxha.
Le but de notre propos est de présenter et d'analyser la situation parti
culière d'un groupe qui, tout en se considérant en exil depuis qu'il a quitté
la terre qu'il revendique comme sienne, se retrouve aujourd'hui sur le ter
ritoire de l'État, la Grèce, qui soutient son discours identitaire. Cette étude
repose sur l'analyse du discours d'une association vorio-épirote basée à
Athènes, Y ENVI (Jeunesse nationale de l'Épire du Nord), qui est une éma
nation d'un groupe plus ancien, la SEVI (Association des Vorio- Épirotes),
fondée à Ioannina en 19444. Ses positions politiques générales s'apparen
tent à celles de la droite nationaliste grecque, le LA.O.S. (Vigilance po-
1. Service national de la statistique (Grèce).
2. Pour plus d'information sur la migration albanaise en Grèce depuis le début des années
1990, voir Sintès, 2005.
3. Pour plus d'informations sur ce contentieux, voir Rapper & Sintès, 2006.
4. En Grèce, il existe d'autres associations qui défendent la cause de l'Épire du Nord : la
PASYVA (Association panhellénique de lutte pour l'Épire du Nord), la SFEVA (Associa
tion des étudiants d'Épire du Nord), qui est un émanation de la précédente, et le Diktyo 21
qui se présente plus généralement comme un cercle de réflexion sur les périls menaçant
selon lui la Grèce. Toutes sont cependant de moindre importance et leurs relations avec
VENVI sont officiellement inexistantes. En Albanie, l'association Omonia (« Concorde »
en grec) a été fondée dès la chute du régime communiste au début des années 1990 pour
défendre les droits de la minorité hellénophone.
Volume 38, Décembre 2007 Une diaspora de l'intérieur ? Le discours des responsables d'une organisation vorio-épirote 203
pulaire et orthodoxe) ou à l'aile nationaliste de la Nouvelle démocratie.
Beaucoup de ses membres se sont d'ailleurs portés candidats aux élections
législatives de 2004 sur les listes de cette dernière. Nous nous appuierons
ici sur le contenu des allocutions prononcées par ses dirigeants lors de la
commémoration des dix ans d'existence de l'association en février 2002
ainsi que sur des entretiens réalisés avec ses membres5.
Les revendications de cette association, que nous exposerons dans les
premières parties de notre texte ainsi que l'interprétation de l'histoire qui
en découle, renvoient à un contexte de production particulier : celui d'une
minor