Agitator ou Sparsor ? À propos d une célèbre statue de Carthage - article ; n°4 ; vol.143, pg 1081-1106
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Description

Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1999 - Volume 143 - Numéro 4 - Pages 1081-1106
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Monsieur Jean-Paul Thuillier
Agitator ou Sparsor ? À propos d'une célèbre statue de
Carthage
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 143e année, N. 4, 1999. pp.
1081-1106.
Citer ce document / Cite this document :
Thuillier Jean-Paul. Agitator ou Sparsor ? À propos d'une célèbre statue de Carthage. In: Comptes-rendus des séances de
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 143e année, N. 4, 1999. pp. 1081-1106.
doi : 10.3406/crai.1999.16066
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1999_num_143_4_16066COMMUNICATION
AGITATOR OU SPARSOR?
À PROPOS D'UNE CÉLÈBRE STATUE DE CARTHAGE,
PAR M. JEAN-PAUL THUILLIER
Deux statues d'auriges - ou plutôt de « cosidetti » auriges - ont
défrayé la chronique universitaire depuis leur récente découverte
(1979 et 1981), en raison de la qualité artistique de ces deux marbres
et des problèmes d'interprétation qu'ils soulevaient1. Le premier
personnage, connu également comme l'« Ephèbe de Motyè », et qui
date de la première moitié du V* siècle av. notre ère, présente une
telle ambiguïté qu'on l'a identifié, entre autres, comme un cocher
grec vainqueur lors d'un concours panhellénique, un pro
priétaire de char vainqueur dans les mêmes circonstances, comme
un prêtre, comme un dieu (Heraklès/Melqart), comme un per
sonnage mythologique { Icare), comme un personnage historique
(Hamilcar, le vaincu d'Himère)2 (fig. 1). S'il est permis à quelqu'un
qui n'est pas spécialiste de la sculpture grecque d'ajouter son grain
de sel, ce ne sera évidemment pas pour proposer une nouvelle
hypothèse mais simplement pour dire que cet ephèbe ne saurait
être un cocher : cette interprétation repose apparemment sur un
certain nombre de confusions techniques entre le monde grec et le
monde romain'. Mais il suffit de penser à l'Aurige de Delphes, qui
est pratiquement son contemporain, pour se rendre compte que le
vêtement du personnage de Motyè n'est en rien celui d'un heniochos
classique. Or, dans ce type de représentation agonistique et nous
aurons l'occasion de le souligner aussi pour le côté romain - on ne
1. Ces deux statues sont d'ailleurs rapprochées dans certains articles, ainsi dans celui de
P. Veyne. A. Beschaouch. A. Ennabli. « Statue d'aurige romain trouvée à ( larthage », RA, 1995,
p. 39 : « Quoique mutilée, elle i'la statue de ( larthagei produit encore le même effet monumental
que les répliques du Doryphore de Polvclète l'qui sont généralement hantes de deux mètres; ou
que Péphèhe de Motya, pour prendre ces exemples. ■» <cet article sera cité désormais : P. Veyne).
2. Voir récemment C. (). Pavese, L'Auriga di Mozia. Rome. 1996".
'i. VI. Denti écrit ainsi dans RA, 1997. p. 112, n. 14 : « L'aurige tenait habituellement les
rênes >sic< ou de sa main droite ou des deux mains, en particulier celles liées aux chevaux
extérieurs du quadrige, les autres étant fixées autour de sa poitrine : l'autre main pouvait
ainsi rester libre pour tenir le fouet. » dette description correspond à la réalité romaine et
non à la Grèce : à vrai dire, ces confusions sont fréquentes et se trouvent déjà dans l'ou
vrage classique de P. Vigneron. Le cheval dans l'Antiquité gréco- romaine, des guerres médiques
aux grandes invasions. Contribution à l'histoire des techniques, Nancy, 1968. chapitre 6. 1082 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
FlG. 1. - L'éphèbe de
Mozia (cliché surinten
dance des Antiquités,
Palerme).
badine pas avec les conventions et on n'introduit pas de variantes à
la légère, qui viennent brouiller la lisibilité de l'image. Cl. Rolley a
sans doute raison de chercher du côté de l'Orient l'origine d'une
telle robe aux « longs plis fluides », comme l'écrit justement aussi
S. Lancel qui refuse d'ailleurs l'interprétation « sportive »4.
La deuxième statue de marbre, celle de Carthage, qui date du milieu du
IIIe siècle de notre ère, a fait couler sans doute moins d'encre parce
qu'il ne s'agit pas d'une œuvre, toujours exceptionnelle, de la Grèce
4. Cl. Rolley, compte rendu de l'ouvrage de C. O. Pavese,/L4, 1998, p. 137 sq. ; S. Lancel,
Carthage, Paris, 1992, p. 343 sqq. AGITATOR OU SPARSOR ? 1083
du Ve siècle, et aussi parce que le champ des hypothèses est nettement
plus limité (fig. 2). On n'a jamais douté en effet que ce personnage
appartenait au monde du cirais. Ce n'est pas bien sûr parce que la sta
tue provient d'une nécropole, celle du quartier dit de Yasmina, située
à 200 m au sud-ouest du cirque : on sait bien que cet édifice, en ra
ison de la superficie qu'il réclame, est toujours excentré et donc
proche de nécropoles5. Même si notre défunt a sciemment voulu res
ter éternellement tout près du lieu de ses exploits, c'est la façon dont
il est vêtu (tunique courte, large ceinture, bande de cuir sur la cuisse
gauche oxxfascia cruralis) et surtout le fait qu'il tienne un fouet de la
main gauche qui attirent notre attention6. Ces éléments font incon
testablement de lui un acteur des ludi cirœnses, un employé d'une des
factions (peut-être la russata, si l'on doit se fier aux traces de peinture
brun-rouge retrouvées sur la manche droite du maillot-tunique)7.
Mais de quel employé s'agit-il ? Si les premières publications - en
particulier celles du fouilleur, M. K. Annabi hésitaient entre un
cocher et un sparsor c'est-à-dire un «jeteur d'eau », un « arroseur »,
dont nous verrons plus loin la fonction exacte , les études les plus
autorisées tendent aujourd'hui à considérer, essentiellement pour
une raison sur laquelle nous reviendrons, que cette magnifique statue
de marbre blanc (du Pentélique) est celle d'un aurige - on devrait
plutôt dire alors celle d'un agitator*. Il nous semble pourtant que l'on
doive revenir sans hésiter à la première interprétation9.
5. Sur la découverte de la statue - le fouet a été trouvé deux jours après la statue elle-
même , M. K. Annabi, « Découverte d'un édifice et d'une sculpture près du cirque
romain», dans CEDAC Carthage, 4, novembre 1981, p. 3.
6. Le fouet, contrairement à ce qui est dit supra dans la citation de la n. 3, appartient
d'ailleurs en propre à l'aurige romain, puisque Yheniochos grec brandit quant à lui un kentron.
Sur cejlagellum, voir par exemple Martial, Epigr. VI, 46 : « Le fouet s'abat sans repos sur ce <jua-
drige de la faction des Bleus, et pourtant il ne court pas : le cocher accomplit un prodige, Catia-
nus » ; et \IV, 55, de la même eau, mais pour une des deux factions à l'existence éphémère
créées par Domitien : « Tu n'arriveras à rien avec ce fouet, même en frappant sans arrêt, si ton
cheval appartient à la faction des Pourpres » (traduction : Collection des Universités de France).
7. P. Vevne, art. cit. (n. Yh p. 42. Voir la discussion à ce sujet ici-même p. 1093-1095 et n. 29.
8. Dans un article plus récent, M. K. Annabi parle uniquement d'un sparsor: « Deux
nécropoles au sud de la ville », dans Pour sauver ( 'arthage, A. Ennabli dir., Paris-Tunis, 1992,
p. 183 sqq. Pour l'interprétation du personnage comme aurige, on citera surtout, outre l'ar
ticle de P. Vevne et alii dans la RA, celui de J.-Ch. Balty, « Portrait et société : bustes et sta
tues d'auriges vainqueurs », à paraître dans Spectacula II 7, Le cirque et ses spectacles ( Actes du
colloque de Lattes. 5-7 octobre 1990) Je remercie l'auteur qui a bien voulu me trans
mettre les pages consacrées à la statue de Carthage. Cf. encore N. J. Norman, dans CEDAC
Carthage, 13, 1993, p. 9 (« ...statue of a eharioteer »j. Sur la distinction entre auriga et agita-
tor, J.-P. Thuillier, « Auriga/' Agitator : de simples synonymes ? », RPh 61, 1987, p. 233-237.
9. Justes remarques sur ce point de G. Horsmann, Die Wagenlenker der romischen Kaiser-
zeit, Stuttgart, 1998, p. 127, n. 133. Le mot sparsor n'est pas attesté littérairement mais seu
lement épigraphiquement. P. Vevne, qui voudrait « tordre le cou auxsparsores » >'p. 50), pré
fère qualifier d'« hortatores » ces personnages, munis d'une amphore, que l'on voi

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