Quelques problèmes actuels des campagnes tunisiennes - article ; n°321 ; vol.60, pg 255-269
18 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Quelques problèmes actuels des campagnes tunisiennes - article ; n°321 ; vol.60, pg 255-269

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
18 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annales de Géographie - Année 1951 - Volume 60 - Numéro 321 - Pages 255-269
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1951
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Poncet
Quelques problèmes actuels des campagnes tunisiennes
In: Annales de Géographie. 1951, t. 60, n°321. pp. 255-269.
Citer ce document / Cite this document :
Poncet Jean. Quelques problèmes actuels des campagnes tunisiennes. In: Annales de Géographie. 1951, t. 60, n°321. pp. 255-
269.
doi : 10.3406/geo.1951.13272
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1951_num_60_321_13272255
QUELQUES PROBLÈMES ACTUELS
DES CAMPAGNES TUNISIENNES
(Pl. XI-XII.)
A parcourir de nos jours les campagnes tunisiennes, on prend rapide
ment conscience de certains problèmes urgents, qui intéressent à maints
égards la géographie humaine.
Le paysage agricole moderne en Tunisie est caractérisé non seulement par
l'extension des cultures, mais aussi par la rareté et la pauvreté des agglomérat
ions humaines, là même où les progrès les plus sensibles ont été faits au point
de vue technique. Les grandes monocultures — olivier et blé surtout — vident
les campagnes sans enrichir l'ensemble des paysans tunisiens. Le plus grand,
nombre de ceux-ci, refoulés des terres où ils vivaient jadis, continuent à
mettre en culture de très grandes surfaces, mais selon des méthodes demeurées
la plupart du temps primitives, et dans des régions peu propices à une pro
duction abondante. De là une pauvreté qui contraste avec le modernisme
des grandes exploitations européennes.
Sous les formes actuellement adoptées par la majorité des grands domaines
tunisiens, l'agriculture mécanisée et rationalisée est non seulement un fléau
social, mais un danger pour l'avenir du sol productif lui-même. Un dirigeant
de la C. G. A. française a pu dernièrement dire que la Tunisie était en train
«d'exporter son sol vers la mer» : cette image n'a rien d'excessif en bien
des cas.
Tels sont les aspects les plus immédiats, à notre sens, des problèmes
agraires en Tunisie, aspects sur lesquels nous voudrions attirer l'attention.
I. — La Tunisie au moment de l'intervention
Lorsque l'armée française est entrée dans la Régence de Tunis en 1881,
celle-ci offrait le triste spectacle d'un pays presque complètement ruiné,
en grande partie dépeuplé, soumis, d'une part, à un régime féodal terribl
ement arriéré, objet, d'autre part, des entreprises rivales de plusieurs puis
sances étrangères. L'occupation ne faisait que mettre un point final à la
longue série des interventions européennes et des concessions déjà faites par
les castes maîtresses du pays aux intérêts français, anglais ou italiens. En un
quart de siècle, elle avait perdu le quart ou le tiers de sa population ; les
caisses beylicales avaient été vidées par les aigrefins et les usuriers ; les
villes, privées des ressources mêmes des taxes municipales absorbées par
le service de la dette publique, tombaient en ruines ; on n'ensemençait
plus guère que 400 000 à 500 000 ha., moitié moins peut-être qu'au début
du siècle. Les causes de cette situation désastreuse se ramènent à deux :
1° incapacité des grands seigneurs turcs de substituer à leurs anciennes
sources de revenus — piraterie et guerre contre les Chrétiens, commerce
des esclaves, offices lucratifs — autre chose que l'exploitation du paysan et ANNALES DE GÉOGRAPHIE 256
le pillage des dernières réserves économiques des tribus, des citadins et des
jardiniers du Sahel ; 2° décadence des industries artisanales, du com
merce et, par conséquent, faiblesse et ruine des classes travailleuses tuni
siennes. Celles-ci étaient incapables de réagir à l'oppression féodale et de
poursuivre le relèvement du pays, en bonne voie au début du siècle, à cause
de la concurrence des industries, des techniques et des machines européennes.
La faiblesse du pouvoir central, les révoltes paysannes, le pillage et le
brigandage élevés à la hauteur d'une institution financière, l'émigration
et l'abandon des campagnes, le marasme des échanges, les exigences
étrangères et la politique de vente des concessions aux affairistes, aux indust
riels et même aux premiers colons européens, enfin l'instauration du condo
minium financier exercé par les puissances étrangères sur les ressources de
l'État, tout cela découle de ces deux causes.
Il est de fait que l'intervention française et le régime du Protectorat
allaient rapidement mettre un terme à ce désordre financier. Nous n'avons
pas ici à rappeler les grandes étapes du redressement des affaires publiques
tunisiennes, l'œuvre accomplie du point de vue administratif, économique
et politique. C'est là une œuvre importante ; a-t-elle résolu vraiment les
grands problèmes tunisiens ? Les faiblesses matérielles et morales de la Tunis
ie ancienne ne se perpétuent-elles pas sous le couvert d'une apparente
prospérité, sans qu'aient été trouvées des solutions durables à des problèmes
qui, bien des fois déjà, dans le passé, ont provoqué en Tunisie des crises
collectives ?
On répète que la Tunisie est un pays agricole par nature. De fait, en 1881
et depuis 1881, l'agriculture était et est demeurée la principale activité du
peuple tunisien. On peut évaluer aujourd'hui à 1 000 000 le nombre des
citadins et à près de 2 500 000 celui des campagnards; la main-d'œuvre
salariée non paysanne ne comprend pas plus de 80 000 à 90 000 personnes.
S'il n'existe à ce jour aucune statistique précise de la population tunisienne
vivant du travail de la terre, on peut l'estimer au moins aux trois cinquièmes
de la population" totale (200 000 à 250 000 paysans inscrits sur les registres
des impôts fonciers et une masse prolétarisée à peu près impossible à déter
miner, mais qui atteint certainement 100 000 familles). Quelle est et comment
évolue la situation de cette majorité paysanne?
Au départ, c'est-à-dire en 1881, on peut considérer que, sur les terres
incomplètement cultivées de la Tunisie, vivaient 600 000 à 800 000 personnes
qui se répartissaient en paysans cultivant ou faisant cultiver par de véri
tables serfs, les khammès, à titre melk (propriétaires individuels), en tribus
nomades cultivant ou faisant paître leur bétail de façon très extensive sur
de vastes aires collectives déterminées par l'usage ou par la capacité de la
tribu à faire respecter ses droits par la force, enfin en petites communautés
villageoises fixées autour d'un site défensif naturel, d'un marabout ou d'une
zaouïa (fondation religieuse) les couvrant de son prestige, ces
se partageant généralement la terre et les eaux selon des traditions très
anciennes. Il n'y avait ordinairement titres de propriété individuels, cessibles ACTUELS DES CAMPAGNES TUNISIENNES 257 PROBLÈMES
et transmissibles, que dans les régions favorisées par le climat ou par le sol :
Sahel, banlieues des villes, oasis, terres plantées et jardinées. Partout ailleurs,
l'attachement du paysan au sol devenait un fait collectif, familial ou tribal.
Appuyée, dans les cas les plus favorables, sur des chartes écrites, des donations
féodales ou des fondations pieuses, cette relation perdait toute fixité juridique
dans les steppes sèches ou les grandes plaines ouvertes : là régnaient en maîtres
et percevaient des redevances sur leurs sujets les grands féodaux de la
capitale, ou quelques puissants seigneurs locaux inféodés au souverain. Les
plus fertiles terres à blé du Nord et les meilleures parties des steppes du Centre
et du Sud, la plupart du temps par blocs immenses, étaient les fiefs soit du
Bey, soit de ses favoris ou de ses ministres. D'autres appartenaient aux
grands fonctionnaires ou à des notables, qui les exploitaient par l'interméd
iaire des khammès ou de fermiers ; aux tribus maghzen chargées de la per
ception et du transport des impôts ou des redevances en nature revenaient
encore de beaux apanages, comme le droit de rançonner à merci les paci
fiques jardiniers des oasis méridionales. Les groupements assez forts pour
conserver leur indépendance, ou protégés par le relief et par l'éloignement de
la capitale, tribus guerrières des Fraichich et des Majeur, montagnards
kroumirs ou villageois des Matmata, formaient de véritables petits États
i

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents