Une pause dans la marche vers la civilisation des loisirs ? - article ; n°1 ; vol.352, pg 15-37
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Description

Economie et statistique - Année 2002 - Volume 352 - Numéro 1 - Pages 15-37
A Break in the March Towards the Leisure Civilisation
The advent of an economic-growth driven •leisure civilisation” posited by the sociologist Joffre Dumazedier in the early 1960s is fiction according to the observations based on the 1974, 1986 and 1998 Use of Time surveys. The time-honoured decrease in the number of hours worked came to a standstill between the last two surveys. Consequently, the number of leisure hours marked time in the case of employed workers and steadily rose in the case of individuals out of the labour force. Women were previously highly disadvantaged compared with men in terms of the length of their leisure time. This handicap was partly offset by the narrowing of professional and domestic working time disparities between men and women. Women’s free time is growing at the cost of domestic work rather than professional work. Whereas the working classes had less leisure than the well off in 1974, the reverse is true today. However, this development is due mainly to the working classes’ greater exposure to unemployment and the lengthening of periods of unemployment. The working hours determinant whose effect has changed the most is qualifications. It is now the most highly qualified who work the most and spend the least time on leisure. The differentiation between leisure practices based on level of education displays the same main characteristics in both 1974 and 1998: shows and outings, participation in associations, reading, playing games and music are the privilege of the most highly qualified. Television viewers are even more often school leaving certificate holders and without qualifications than in the past: their lead over baccalauréat
holders and higher education graduates has grown.
Eine Pause bei der Entwicklung hin zur Freizeitgesellschaft
Die Entstehung einer durch das Wirtschaftswachstum begünstigten «Freizeitgesellschaft», die Anfang der 1960er Jahre vom Soziologen Joffre Dumazedier angekündigt wurde, wird durch die Realität widerlegt, wenn man die Ergebnisse der Erhebungen Zeiteinteilung der Jahre 1974, 1986 1998 heranzieht. Der säkulare Trend der Abnahme der Arbeitsdauer kam zwischen den beiden letzten Erhebungen zum Stillstand. Im Gegenzug stagniert die Dauer der Freizeit bei den Erwerbstätigen und nimmt lediglich bei den Erwerbslosen weiter zu. In der Vergangenheit waren die Frauen gegenüber den Männern im Hinblick auf die Dauer der Freizeit sehr benachteiligt. Ausgeglichen wurde dieses Handikap teilweise durch die Abnahme der Ungleichheiten gegenüber den Männern, was die berufliche und heimische Arbeitszeit anbelangt. Die Freizeit der Frauen nimmt zu, allerdings nicht zu Lasten der Berufstätigkeit, sondern auf Kosten der Hausarbeit. Während 1974 die Arbeiter weniger Freizeit als die wohlhabenderen Bevölkerungsgruppen hatten, ist heute genau das Gegenteil der Fall; zurückzuführen ist dieser Anstieg aber hauptsächlich auf die höhere und längere Arbeitslosigkeit. Das Ausbildungsniveau ist die Determinante der Arbeitsdauer, deren Auswirkungen sich am meisten verändert haben: heute arbeiten diejenigen mit dem höchsten Ausbildungsniveau am längsten und haben am wenigsten Freizeit. Die Differenzierung der Freizeitpraktiken entsprechend dem Schulniveau weist 1974 wie auch 1998 die gleichen Hauptmerkmale auf: der Besuch von Aufführungen und Veranstaltungen, die Mitgliedschaft in Verbänden, Lesen, Spiele oder Musik sind eher die Domäne derjenigen mit dem höchsten Ausbildungsniveau. Noch mehr als in der Vergangenheit verbringen die Hauptschulabgänger und die Personen ohne Berufsabschluss ihre Freizeit vor dem Fernseher: der Vorsprung letzterer in diesem Bereich gegenüber den Abiturienten oder Inhabern von Hochschulabschlüssen hat noch zugenommen.
Un alto en la marcha hacia la civilización del ocio
El advenimiento de una civilización del ocio favorecida por el crecimiento económico, anunciada a principios de los sesenta por el sociólogo Joffre Dumazedier, se ve desmentida por los hechos, si nos referimos a los resultados registrados a partir de las encuestas Organización del tiempo de 1974, 1986 y 1998. La tendencia secular a la baja de la duración del trabajo se ha interrumpido entre las últimas dos encuestas. Como consecuencia, la duración del tiempo de ocio marca el paso en el caso de los activos ocupados, y sólo sigue aumentando en el caso de los inactivos. En el pasado, las mujeres no eran tan favorecidas como los hombres en cuanto a la duración del ocio. Esa desventaja se ha reducido en parte gracias a la disminución de las disparidades de los tiempos de trabajo profesional y doméstico con los hombres. El tiempo libre de las mujeres aumenta, pero en detrimento del trabajo doméstico, y no de la actividad profesional. Cuando en 1974, las medios populares se beneficiaban de menos ocios que los medios favorecidos, es hoy día lo contrario, pero esa evolución se debe esencialmente a la mayor exposición de aquellos al paro y a su extensión. Es el diploma el determinante de la duración laboral cuyo impacto ha sufrido el cambio más fuerte: ahora los que más trabajan y los que menos tiempo le dedican al ocio son los diplomados. La diferenciación de las prácticas de ocio según el nivel de estudios tiene las mismas características principales en 1974 y en 1998: los espectáculos y las salidas, la participación a la vida asociativa, la lectura, la práctica de los juegos o de la música son patrimonio de los más diplomados. Los televidentes son todavía más que en el pasado los que tienen estudios primarios y los no diplomados: el aumento de éstos en comparación con los que tienen estudios superiores se ha reforzado.
Une pause dans la marche vers la civilisation des loisirs
L’avènement d’une «civilisation des loisirs» favorisée par la croissance économique, annoncée au début des années 1960 par le sociologue Joffre Dumazedier, est démentie par les faits, si l’on se réfère aux constats dressés à partir des enquêtes Emploi du temps de 1974, 1986 et 1998. La tendance séculaire à la baisse de la durée du travail s’est interrompue entre les deux dernières enquêtes. En contrepartie, la durée du temps de loisir marque le pas dans le cas des actifs occupés, et ne continue à augmenter que dans celui des inactifs. Les femmes étaient par le passé très défavorisées par rapport aux hommes pour ce qui est de la durée des loisirs. Ce handicap a été en partie rattrapé par l’atténuation des disparités des temps de travail professionnel et domestique avec les hommes. Le temps libre féminin progresse, mais au détriment du travail domestique, et non de l’activité professionnelle. Alors qu’en 1974, les milieux populaires bénéficiaient de moins de loisirs que les milieux favorisés, c’est aujourd’hui l’inverse, mais cette progression résulte pour l’essentiel de leur plus grande exposition au chômage, et de l’extension de celui-ci. Le diplôme est le déterminant de la durée du travail dont l’impact a le plus changé: ce sont maintenant les plus diplômés qui travaillent le plus, et qui consacrent le moins de temps aux loisirs. La différenciation des pratiques de loisirs selon le niveau scolaire conserve les mêmes caractéristiques principales en 1974 et en 1998: les spectacles et sorties, la participation à la vie associative, la lecture, la pratique des jeux ou de la musique sont plutôt l’apanage des plus diplômés. Les téléspectateurs sont encore plus souvent que par le passé les titulaires du certificat d’études et les sans diplôme: l’avance en la matière de ces derniers, par rapport aux bacheliers et aux diplômés de l’enseignement supérieur, s’est accrue.
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 38
Langue Français

Extrait

EMPLOI DU TEMPS
Une pause dans la marche vers la civilisation des loisirs ? Alain Chenu et Nicolas Herpin*
L’avènement d’une « civilisation des loisirs » favorisée par la croissance économique, annoncée au début des années 1960 par le sociologue Joffre Dumazedier, est démentie par les faits, si l’on se réfère aux constats dressés à partir des enquêtes Emploi du temps de 1974, 1986 et 1998. La tendance séculaire à la baisse de la durée du travail s’est interrompue entre les deux dernières enquêtes. En contrepartie, la durée du temps de loisir marque le pas dans le cas des actifs occupés, et ne continue à augmenter que dans celui des inactifs. Les femmes étaient par le passé très défavorisées par rapport aux hommes pour ce qui est de la durée des loisirs. Ce handicap a été en partie rattrapé par l’atténuation des disparités des temps de travail professionnel et domestique avec les hommes. Le temps libre féminin progresse, mais au détriment du travail domestique, et non de l’activité professionnelle. Alors qu’en 1974, les milieux populaires bénéficiaient de moins de loisirs que les milieux favorisés, c’est aujourd’hui l’inverse, mais cette progression résulte pour l’essentiel de leur plus grande exposition au chômage, et de l’extension de celui-ci. Le diplôme est le déterminant de la durée du travail dont l’impact a le plus changé : ce sont maintenant les plus diplômés qui travaillent le plus, et qui consacrent le moins de temps aux loisirs. La différenciation des pratiques de loisirs selon le niveau scolaire conserve les mêmes caractéristiques principales en 1974 et en 1998 : les spectacles et sorties, la participation à la vie associative, la lecture, la pratique des jeux ou de la musique sont plutôt l’apanage des plus diplômés. Les téléspectateurs sont encore plus souvent que par le passé les titulaires du certificat d’études et les sans diplôme : l’avance en la matière de ces derniers, par rapport aux bacheliers et aux diplômés de l’enseignement supérieur, s’est accrue.
* Alain Chenu fait partie du CREST-Insee (Laboratoire de sociologie quantitative), Nicolas Herpin du département des prix à la co nsom-mation, des ressources et des conditions de vie des ménages de l’Insee, et du CNRS. Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 352-353, 2002
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a « révolution culturelle du temps libre » L (Dumazedier, 1988), fait partie des objec-tifs communément attribués à la société indus-trielle ou post-industrielle. Cependant, les enquêtes Emploi du temps , réalisées en France en 1974, en 1986 et en 1998 (avant que n’entrent en application les mesures de « Réduction du Temps de Travail »), font appa-raître des évolutions qui ne confirment qu’imparfaitement la tendance à la croissance de la durée des loisirs et, de façon concomitante, la baisse de celle du travail aux âges actifs. La durée des loisirs des actifs en emploi a cessé d’augmenter au cours des dix dernières années Observés sur la population urbaine des 18-64 ans (cf. encadré 1), les loisirs augmentent entre 1974 et 1998 de près d’une heure par jour : ils passent de 23 h 06 par semaine à 29 h 42 (cf. tableau 1). L’évolution n’a cependant pas la même ampleur au cours des deux périodes de douze ans. L’augmentation de la durée des loi-sirs est deux fois plus forte entre 1974 et 1986 qu’entre 1986 et 1998. Cet accroissement est en grande partie lié à l’évolution du temps de tra-vail professionnel. Celui-ci diminue d’un peu plus d’une demi heure par jour, passant de 32 h 24 par semaine à 29 h dans le dernier quart du siècle. Le ralentissement dans la période récente doit aussi être mis en rapport avec l’évo-lution différente de la durée du travail profes-sionnel au cours des deux sous-périodes. Après avoir diminué pendant la première période, cette durée augmente légèrement dans la seconde (de 28 h 42 en 1986 à 29 h en 1998). Ce renversement de la tendance séculaire à la baisse n’est pas propre à la France. Il concerne également d’autres pays industrialisés – notam-ment le Canada (Schor, 1990 ; Robinson et Godbey, 1999 ; Gershuny, 2000 : p. 177). L’évolution des emplois du temps combine trois types d’effets. La participation à l’emploi d’abord. Dans le dernier quart du XX e siècle, elle diminue parmi les 18-64 ans (cf. tableau 2). Certes le taux d’emploi des femmes augmente continûment au cours de la période examinée. Mais la division par deux de la proportion des femmes au foyer – de 17 % à 8 % – ne suffit pas à compenser l’ampleur prise par les autres caté-gories d’inoccupés. La proportion des 18-64 ans au chômage passe de 2 % en 1974 à 10 % en 1998, celle des étudiants de ces tranches d’âge, de 4,5 % à 10 %. Cette période se caractérise enfin par le quasi-doublement de la proportion
des retraités et de pré-retraités – de 4 % à 7 %. En conséquence, la part de la population (Chenu, 2001) en emploi à l’âge actif diminue de 70 % en 1974 à 61,5 % en 1998. Le développement du temps partiel au détriment du temps plein contribue aussi à faire reculer la part du travail dans les emplois du temps. Le temps partiel ne concernait que 5,2 % des actifs employés en 1974 ; cette proportion triple en 1998 et atteint 16,6 %. Le troisième élément est la durée du travail pro-fessionnel des actifs en emploi. Chaque statut d’emploi, bien qu’obéissant à des réglementa-tions collectives, n’interdit pas à l’employeur de rechercher une certaine flexibilité en offrant au travailleur les moyens de moduler sa durée de travail : heures supplémentaires pour le temps plein, travail rapporté au domicile notamment pour les enseignants, définition individualisée du temps partiel, seconde activité profession-nelle, allongement non rémunéré du temps passé au travail, au-delà des durées convention-nelles, notamment (mais pas exclusivement) pour les cadres, liberté encore plus grande pour le travail des indépendants. Cette modulation « contractuelle » de la durée du travail ne se réduit pas aux différences du statut de l’emploi. Elle s’y ajoute pour en émousser les contours. Or cette composante évolue aussi à la baisse, du moins pendant la première période examinée (cf. tableau 1). La semaine de travail (1) des actifs à plein temps (la catégorie la plus nom-breuse) atteint 44 h 24 en 1974 ; elle baisse de trois heures, jusqu’à 41 h 24, en 1986, mais elle augmente de plus d’une heure en 1998 (42 h 36). Leurs loisirs, dont la durée hebdoma-daire progresse entre 1974 et 1986 de plus de trois heures et demie, n’augmentent plus dans la période suivante. Chez les 18-64 ans employés à temps partiel, la durée du travail augmente sur les deux périodes. Elle passe de 22 h 12 en 1974 à 24 h 42 en 1986 et à 29 h 12 en 1998 : les horaires des personnes à temps partiel, de plus en plus nombreuses, se rapprochent de ceux des actifs occupés à temps plein. Chez les chômeurs, les étudiants, les retraités, les femmes au foyer, la durée du temps de loisir s’est accrue davantage que chez les personnes en emploi (cf. tableau 1). Le temps libre hebdo-madaire des personnes hors emploi progresse de cinq heures de 1974 à 1986, et de cinq nouvelles 1. Il s’agit de la semaine de travail au sens large, y compris les déplacements domicile-travail et la formation professionnelle.
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