Villes et Région dans un pays sous-développé : l'exemple du Recôncavo de Bahia - article ; n°406 ; vol.74, pg 678-694

Milton Santos

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Annales de Géographie - Année 1965 - Volume 74 - Numéro 406 - Pages 678-694
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: ANNALES_DE_GEOGRAPHIE
• Publié le: 01 janvier 1965
• Nombre de lectures: 14
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Milton Santos
Villes et Région dans un pays sous-développé : l'exemple du
Recôncavo de Bahia
In: Annales de Géographie. 1965, t. 74, n°406. pp. 678-694.
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Santos Milton. Villes et Région dans un pays sous-développé : l'exemple du Recôncavo de Bahia. In: Annales de Géographie.
1965, t. 74, n°406. pp. 678-694.
doi : 10.3406/geo.1965.18399
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1965_num_74_406_18399Villes et Région
dans un pays sous-développé :
l'exemple du Recôncavo de Bahia
PLANCHES XVII -XVIII par Milton Santos
Le Recôncavo est la plus ancienne région urbanisée du Brésil et, sans
doute, de toute l'Amérique. Son ancienneté, si elle lui donne une place par
ticulière parmi les régions sous-développées, n'est pourtant pas la respon
sable de son originalité. Celle-ci est due au fait que le Recôncavo est, à pro
prement parler, une réunion d'unités de production dont la ville de Salva
dor a été depuis toujours le pôle d'attraction. Des pôles secondaires corre
spondaient à chaque unité de production.
La culture de la canne à sucre a été la première en date. Par la suite
vint celle du tabac. Les besoins alimentaires de la capitale et des agglomér
ations nées ensuite dans chaque sous-région, ainsi que les besoins de pro
duction et de nourriture des engenhos (moulins à sucre et plantations), ont
stimulé l'élevage bovin extensif et les cultures alimentaires, le manioc étant
la principale. Il y a donc eu une certaine adaptation des activités aux condi
tions naturelles et économiques, donnant lieu à une spécialisation bien mar
quée de l'espace agricole. Cette spécialisation qui, à la moitié du xvne siècle,
était déjà esquissée, a duré jusqu'à nos jours. Ce n'est que récemment
que les données traditionnelles ont connu un changement, avec la révolution
des transports et l'implantation d'autres activités, comme le pétrole, l'él
evage semi-intensif pour les produits laitiers et la viande de boucherie, et,
plus au Sud, les plantations modernes de caoutchouc (fig. 1).
L'originalité de cette région persiste et la ville de Salvador conserve son
rôle de métropole du Recôncavo. Les transformations récentes n'ont affecté
que la distribution de l'espace agricole et les fonctions des divers centres
secondaires.
Les villes qui forment l'actuel réseau ont été créées pour répondre aux
besoins d'écoulement de la production propres à chaque activité agricole et, LE RECONCAVO DE BAHIA 679
en même temps, pour assurer selon les moyens particuliers à chaque époque
la liaison des unités de production avec Salvador qui, depuis toujours, est
le grand port de la région. Les nouvelles activités et la nouvelle organisation
de l'espace par les
routes ont profité о °
de l'ancien sque О
lette urbain. ЛЛ ALÁGOiNHAS
A travers cette
longue évolution,
Salvador a pu
garder son rôle
qui est d'assurer
une unité à la
région. Toutefois,
à chaque période,
les types et les CASTRO ALVES
formes de rapports
ont connu des OSTO ANTONIO de О moins de 2Û00
changements qui О 2000-5000
ont entraîné des O 5000-1QOOO
différences dans QiuOOO-ЯШ
l'importance des
Qpbsde/ШЮ centres.
Cette évolu Fig. I. —i La population urbaine du Recôncavo. tion n'est pas
encore achevée.
Mais, dans la conjoncture actuelle, la force de Salvador, capitale et métro
pole de l'État de Bahia, se fait sentir surtout dans le Recôncavo, dont
elle continue à être le centre incontesté.
I. LE RECONCAVO ET SES VILLES
Mais, qu'est-ce que le Recôncavo ? Quelles villes en font partie ?
La réponse est d'autant plus difficile que les critères de définition sont
multiples.
Tout d'abord, le nom recouvrait géographiquement sa signification
étymologique : Recôncavo, c'est-à-dire, en portugais, « terres autour d'une
baie. » II s'agit en l'occurrence de la baie de Tous les Saints, embouchure
de plusieurs fleuves et rivières et dont quelques anses sont occupées par des
rias. Sur la presqu'île qui la sépare de l'Océan s'est édifiée la ville de Sal
vador ou Bahia, d'où le nom de Recôncavo da Bahia.
On pourrait néanmoins parler, dans cette acception, d'autres Recôncavos
au Brésil, comme par exemple le Recôncavo de la baie de Guanabara ou
celui de la baie d'Angra dos Reis, dans l'État de Rio. Mais cependant c'est de Bahia qui a conservé le nom de Recôncavo, étant donné l'ancienneté 680 ANNALES DE GÉOGRAPHIE
de son peuplement. Celui-ci ayant été lié initialement à la production de la
canne à sucre, qui s'est très bien adaptée aux conditions naturelles, on a
commencé à associer l'idée de Recôncavo à celle de cette production. Cette
association demeure dans quelques esprits, bien que d'autres activités soient
venues s'implanter par la suite.
La baie de Tous les Saints (Bahia de Todos os Santos) correspond à la
partie Sud d'un fossé tectonique qui s'étend vers le Nord, jusqu'à l'État
d'Alagoas. Sur les deux bords du horst, à proximité de la baie, affleurent
des terrains du socle cristallin, coiffés en plusieurs endroits par des tabuleiros
(nom local donné aux formations de la série Barreiras). Dans le fossé dominent
diverses formations sédimentaires (séries Santo Amaro, Sâo Sebastiâo,
Brotas e Ilhas), datées du Crétacé, bien que la série Barreiras réapparaisse
vers l'intérieur, dans les tabuleiros tertiaires.
Les sols pauvres du cristallin ont. servi à l'implantation des cultures
alimentaires, tant au Nord qu'au Sud. Les Tabuleiros tertiaires ont constitué
l'endroit idéal pour le tabac. La canne à sucre s'est adaptée au massapê,
couche superficielle de la série Šanto Amaro, où elle est plantée depuis
quatre siècles. D'ailleurs, au cours de périodes de prix favorables, la canne
à sucre a débordé cette limite écologique et a gagné des terrains moins pro
pices, comme ceux de la formation Sâo Sebastiâo.
L'extension de la culture de la canne à sucre, l'introduction de nouvelles
activités sur les terres avoisinantes ont cependant élargi la zone soumise à
l'influence directe de la ville de Salvador. Ce fait a eu pour conséquence
l'extension de la valeur sémantique du mot : le Recôncavo n'est pas seulement
le vieux et originel Recôncavo de la canne à sucre, mais l'ensemble des
terres assujetties à une dépendance fonctionnelle directe de la ville de
Salvador. Cette dénomination englobe actuellement les aires anciennes et
récentes des cultures commerciales au Nord de la baie et les aires
et des alimentaires au Sud de celle-ci et au Nord des villes
de Feira de Santana et Alagoinhas. Ces deux villes bénéficient d'une organi
sation ancienne de l'espace, récemment renouvelée à leur profit. Leur situa
tion dans la zone de transition entre le Recôncavo et des régions moins
humides — véritables portes du sertâo {portas do Sertâo) — leur a donné la
possibilité de commercialiser la production agricole alimentaire qui a éno
rmément progressé afin de faire face à une demande toujours croissante : la
population de Salvador a presque triplé en trente ans. Nous ne saurions
exclure ces deux villes du Recôncavo, élargi jusqu'à elles en raison des fac
teurs historiques. En réalité, il s'agit d'un élargissement des rapports anciens
dans un plus vaste espace. La nature du phénomène, c'est-à-dire l'influence
directe de Salvador sur une partie du territoire, n'a pas changé ; le change
ment réside dans l'ampleur de sa réalisation.
En fait, l'idée traditionnelle ne pouvait pas servir à la définition d'un
fait dynamique. Cependant, cette conception traditionaliste est encore valable
carie Recôncavo a toujours été un concept historique beaucoup plus qu'une
réalité physiographique. LE RECONCAVO DE BAHIA 681
Aujourd'hui, le Recôncavo n'est plus seulement le vieux Recôncavo de
la canne à sucre et du tabac. On pourrait parler du Recôncavo du pétrole,