Le paratexte liminaire de la relation : le voyage en Amérique - article ; n°1 ; vol.42, pg 177-192
17 pages
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1990 - Volume 42 - Numéro 1 - Pages 177-192
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 34
Langue Français

Extrait

Real Ouellet
Le paratexte liminaire de la relation : le voyage en Amérique
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1990, N°42. pp. 177-192.
Citer ce document / Cite this document :
Ouellet Real. Le paratexte liminaire de la relation : le voyage en Amérique. In: Cahiers de l'Association internationale des
études francaises, 1990, N°42. pp. 177-192.
doi : 10.3406/caief.1990.1737
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1990_num_42_1_1737LE PARATEXTE LIMINAIRE
DE LA RELATION :
LE VOYAGE EN AMÉRIQUE
Communication de M. Real OUELLET
(Québec)
au XLP Congrès de l'Association, le 25 juillet 1989
Sous-genre complexe au statut incertain (1), la relation
de voyage en Amérique utilise un paratexte liminaire
d'autant plus abondant qu'elle cherche à légitimer à la
(1) Peu étudiée jusqu'à ces dernières années comme sous-genre littéraire, la
relation de voyage a suscité récemment plusieurs études dont je signale les plus
proches de mon questionnement Pierre Berthiaume, « Quelques remarques sur
la notion de récits de voyages au xvmc siècle», Revue de FUniversité d Ottawa,
janvier-mars 1986, pp 99-106, Paolo Canle, lo Sguardo impedito, Fasano,
Schena, 1987 , Jacques Chupeau, « Les Récits de voyage aux lisières du
roman », Revue ďhistoire littéraire de la France, mai-août 1977, p. 536-553 , Michel
de Certeau, L'Écriture de Fhistoire, Pans, Gallimard, 1975 , Normand Doiron,
« L'Art de voyager. Pour une définition du récit de voyage à l'époque
classique », Poétique, février 1988, pp 83-108 ; François Hartog, Miroir
ďHérodote, Pans, Gallimard, 1980; Christian Jacob, Frank Lestnngant et
autres, Arts et légendes de l'espace, Pans, Presses de l'École normale supéneure,
1981; Real Ouellet, «Le Discours fragmenté de la relation de voyage en
Nouvelle-France », Saggi e ncerche di letteratura francese, vol. XXV, 1986,
pp. 175-200 On trouvera encore un certain nombre d'études importantes dans
les collectifs suivants. Sur la Nouvelle-France: Documents et questionnements,
dans Études littéraires, avnl-août 1977, Voyages, récits et imaginaire. Actes de
Montréal, Biblio 17, Pans-Seattle-Tubingen, 1984; Scritti sulla Nouvelle-France
nel seicento, dans Quaderni del seicento francese, Ban, Adnatica, Paris, Nizet,
1984; Voyages en Nouvelle-France, dans Études françaises, 22, 2, 1986. REAL OUELLET 178
fois une action et une écriture. Aussi se situe-t-elle sur un
double registre, que je qualifierai ďactantiel et de viatique.
Contrairement au roman, auquel on Га beaucoup compar
ée, la relation de voyage récuse tout élément fictif et
prétend s'enraciner, non pas dans l'imaginaire, mais dans
l'histoire. Sa vérité n'est pas celle, morale, de la fiction, ni
même la vraisemblance, mais la véracité factuelle des
événements racontés et l'exactitude sans faille du savoir
encyclopédique.
A première lecture, la dédicace paraît reprendre plat
ement tous les clichés du discours d'escorte traditionnel.
Hommage rendu à un puissant de la terre, elle oscille
entre la prétention suggestive et la parataxe hyper
bolique :
Je n'entreprendrai pas, Sire, de faire ici le détail de tout ce que
vôtre rare prudence, & votre invicible valeur ont fait [...]. N'est-
ce pas vôtre Majesté [...] qui conserve cette heureuse intell
igence par la sagesse de ses conseils, par la douceur de sa
conduite Royale, par la modération de toutes ses actions, dont
la gloire est sans bornes, & par l'extrême consideration, que
tant de grands Princes ont pour les vertus héroïques de Vôtre
Majesté. Non, Sire, je ne craindray point de le dire ici, parce
qu'un principe de Religion, aussi bien que de reconnoissance &
de sincérité m'engage à rendre ce témoignage à toute la terre
(Hennepin, « Au Roy de la Grande Bretagne », Nouvelle
Découverte, 1697).
Mais cette rhétorique hommagière déborde largement
la fonction classique de l'épître dédicatoire définie par
Gérard Genette comme « l'affiche (sincère ou non) d'une
relation [...] entre l'auteur et quelque personne, groupe
ou entité» (2). La relation de voyage étant souvent
compte rendu d'une entreprise de colonisation, le dédica-
(2) Seuils, Pans, Éditions du Seuil, 1987, p 126 Ce livre analyse
longuement le paratexte littéraire « présentation éditonale, nom de l'auteur,
titres, dédicaces, épigraphes, préfaces, notes, interviews et entretiens, confidences
plus ou moins calculées, et autres avertissements en quatrième page de
couverture » LE VOYAGE EN AMÉRIQUE 1 79
taire sera choisi pour sa «puissance» et sa notoriété
militaires. Dans un éloge très courtisan de Guillaume
d'Orange, Hennepin écrit en 1698, dans son épître du
Nouveau Voyage:
Vôtre Gloire, Sire, est dans un si grand éclat, que Vos ennemis
ne pourront jamais l'obscurcir. On voit tous les Ans Vôtre
Majesté à la tête de ses Armées, & de celles des autres
Potentats Vos Alliez, travailler à la liberté de l'Europe, que l'on
voudrait opprimer. Vous conservez cette heureuse intelligence,
qui fait la force de leur grande, de leur longue & de leur rare
Union, & qui sera un jour la cause de la conservation de tant
de Pais, que l'on veut mettre sous le joug. Vôtre Sagesse
pareille à celle de Caesar, Vôtre Valeur, qui surpasse celle
d'Alexandre & cette rare Prudence, Sire, par laquelle comme un
autre Anibal, Vous conduisez ces grandes Armées, d'une
manière admirable, soutiennent ce concert avec gloire, & le
feront réussir heureusement pour la tranquillité de l'Europe
accablée.
Adressée à un personnage féminin (3), l'épître liminaire
piétine, se perd dans une métaphorique verbeuse (4) où la
dédicataire, réduite à quelques qualités primaires (vertu,
beauté et générosité), disparaît dans les fastes d'une
(3) Est-ce un hasard si Fépître liminaire des auteurs missionnaires est
souvent adressée à des personnages féminins'' Sans doute peut-on voir là une
reconnaissance de leur rôle, à la pénphéne du pouvoir, dans une sphère
d'intercession plutôt que de décision.
(4) Cf , par exemple, l'épître à la comtesse de Montmoron par le
dominicain Chevillard, en tête des Desseins de son Eminence de Richelieu : « Si
vostre Naissance est illustre, vostre Vertu est héroïque Cette Piété généreuse
qui anime toutes vos Actions, fait voir, qu'à bien prendre la Religion, elle n'est
pas incompatible avec le Monde. Vous ravissez toutes les Compagnies par
vostre Modestie pleine d'amour & de Majesté , & sanctifiez quasi à mesme
temps les Monastères les plus Réguliers où vous faites de si fréquentes retraites.
Enfin, MADAME, on peut dire, qu'estant selon le cœur de Dieu, vous ne
laissez pas d'estre les délices du monde Et comme dans la creation des Anges
il mesura les graces par les avantages de leur nature . j'oseray dire sans flatene,
que dans le dessein qu'il eut de toute éternité d'attacher vostre Ame à un
Corps, comme une Intelligence à un Ciel, il commanda à la Nature d'y faire le
plus pompeux étalement de ses charmes Je ferois icy le portrait de cette
Beauté si ma Profession le permettoit mais comme les vrais adorateurs
n'adorent que l'espnt, souffrez, Madame, que je sois le Paranymphe de ces
Quahtez Angéliques que tout le monde publie. » REAL OUELLET 180
généalogie glorieuse qui, remontant jusqu'aux Croisades,
énumère les noms d'« Illustres Héros », comme ces
«Princes d'Epinoy & de Melun [qui] entreprenoient
généreusement les voïages les plus célèbres de la Terre-
Sainte, avec Saint-Louis & nos autres Rois de France,
pour la retirer de l'opprobre où elle étoit parmi ces
Nations Infidèles, & la faire adorer par tout le Monde »
(Leclercq, «A Madame la Princesse d'Epinoy», Nouvelle
Relation de la Gaspesie).
L'hommage courtisan se double évidemment d'une
demande de protection qui instaure un équilibre presta-
toire entre solliciteur et sollicité. L'autorité morale du
dédicataire imposera le silence aux envieux et

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