La Cour des comptes s'est fixé comme but d'analyser et de comprendre les modes de fonctionnement du système éducatif afin de rendre compte des conditions d'emploi des très importants moyens en personnels et en crédits qui lui sont affectés. Identifier ses objectifs, appréhender ses moyens et déterminer si ses résultats sont précisément évalués pour améliorer sa gestion a ainsi été le guide de la démarche de la Cour. Selon elle, le système éducatif français a réussi à relever le double défi que constituaient l'exigence d'une amélioration des niveaux de qualification et le développement d'un enseignement de masse. Mais il n'y est parvenu que dans une relative ignorance de ses coûts et au prix de la mise en oeuvre de procédures dont la complexité même a contribué à multiplier les contraintes et à diluer les responsabilités. Une telle situation ne lui permet pas de répondre de la façon la plus efficace possible à la demande aujourd'hui générale d'une adaption la plus fine possible aux caractéristiques et aux besoins des élèves et des étudiants. A l'avenir, l'organisation du système éducatif devra s'adapter aux exigences actuelles de la gestion publique : préciser ses objectifs, mieux maîtriser l'emploi de ses moyens, compléter l'évaluation de ses résultats. Pour répondre aux évolutions démographiques prévues et aux besoins de la société, le système devra en outre améliorer considérablement sa capacité d'adaptation et sa rapidité de réaction.
Paternité, pas d'utilisation commerciale, partage des conditions initiales à l'identique
Langue
Français
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1 Mo
Extrait
COUR DES COMPTES
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LA GESTION DU SYSTÈME ÉDUCATIF
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RAPPORT AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE SUIVI DES RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS INTÉRESSÉES
AVRIL 2003
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COUR DES COMPTES
Sommaire
Délibéré..........................................................................................................Introduction...................................................................................................Chapitre I : Les traits caractéristiques de lensemble du système............I Le cadre général......................................................................................... II Lorganisation institutionnelle .................................................................. III Lévolution des effectifs.......................................................................... IV Le coût du système éducatif .................................................................... V Lévaluation en matière éducative............................................................ PREMIERE PARTIE : LENSEIGNEMENT SCOLAIRE......................Chapitre II : Les objectifs et leur mise en oeuvre.......................................I Des objectifs définis par la loi................................................................ II Des politiques diversifiées au service des élèves ................................... III Des moyens croissants et difficilement maîtrisés................................... Chapitre III : Pratiques, résultats et limites de lévaluation......................I Desperformances accrues mais sujettes à débat .................................... II La portée limitée de lévaluation ........................................................... Chapitre IV : Les contraintes de la gestion.................................................I Une gestion très complexe de loffre de formation scolaire................... II La gestion des enseignants, un enjeu majeur ......................................... III Une obligation annuelle : réussir la rentrée............................................ Chapitre V : La répartition des compétences.............................................I La mutation lente de ladministration centrale....................................... II Les académies, nouvel espace de cohérence .......................................... III Les collectivités territoriales : des compétences inégalement assumées IV Le pouvoir limité des établissements ..................................................... DEUXIÈME PARTIE : LENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR...................Chapitre VI : Les défis..................................................................................I La mutation vers un enseignement supérieur de masse.......................... II Trois nouveaux enjeux à affronter ......................................................... Chapitre VII : Lorganisation et le pilotage................................................I Une organisation complexe.................................................................... II Un pilotage central faible....................................................................... III Des universités en voie démergence .....................................................
Chapitre VIII Lefficacité de lenseignement supérieur.........................307 I Des objectifs très généraux .................................................................... 308 II Des résultats difficiles à mesurer ........................................................... 310 III Des réformes des premiers cycles universitaires aux résultats mitigés .. 318 Chapitre IX : Lévaluation...........................................................................331 I Labsence dindicateurs de coûts ........................................................... 332 II - Une évaluation des établissements à développer ................................... 333 III - Labsence dévaluation des enseignements et des formations à luniversité ............................................................................................. 337 Conclusion générale......................................................................................343 Annexe n° 1 : Lévaluation dans le système éducatif britannique ................... 349 Annexe n° 2 : Comparaisons internationales sur les enseignements scolaire et supérieur.......................................................................................................... 353 Annexe n° 3 : Liste des thèmes de contrôle de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes.................................................................... 361 Liste des sigles utilisés...................................................................................363 Réponses des administrations concernées...................................................367
DÉLIBÉRÉ _____
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La Cour des comptes publie, sous la forme dun fascicule séparé, un rapport concernant LA GESTION DU SYSTÈME ÉDUCATIF. Conformément aux dispositions législatives et réglementaires du code des juridictions financières, la Cour des comptes, délibérant en chambre du conseil, a adopté le présent rapport public. Ce texte a été arrêté au vu du projet qui avait été communiqué au préalable, en totalité ou par extraits, aux administrations concernées, et après quil a été tenu compte, quand il y avait lieu, des réponses fournies par celles-ci. En application des dispositions précitées, ces réponses sont publiées ; elles engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. Etaient présents : M. Logerot, premier président, MM. Menasseyre, Collinet, Delafosse, Gastinel, Fragonard, Cieutat, présidents de chambre, MM. Brunet, Berger, Mignot, présidents de chambre maintenus en activité, MM. Mathieu, Chartier, Capdeboscq, Join-Lambert, Murret-Labarthe, Sallois, Carrez, Giquel, Bady, Bénard, Billaud, Lagrave, Malingre, Paugam, Babusiaux, Mayaud, Hespel, Houri, Richard, Devaux, Rossignol, Arnaud, Descheemaeker, Bayle, Adhémar, Rémond, Mme Boutin, MM. Chabrol, Picq, Ganser, X-H. Martin, Mme Cornette, MM. Hernandez, Cardon, Thérond, Mme Froment-Meurice, MM. Pallot, Briet, Mme Bellon, MM. Gasse, Moreau, Frèches, Ritz, Duchadeuil, Attali, Moulin, Raynal, Lesouhaitier, Lefas, Gauron, Lafaure, Boillot, Mme Frandin, MM. Brochier, Auger, Mme Dayries, MM. Vial, Phéline, Moscovici conseillers maîtres, MM. Gadaud, Fernet, Lorit, David, Lazar, Audouin, Pascal, conseillers maîtres en service extraordinaire, Mme Bazy-Malaurie, conseiller maître, rapporteur général. Etait présente et a participé aux débats, Mme Gisserot, procureur général de la République, assistée de M. Bertucci, premier avocat général.
M. Bruno Ory-Lavollée, secrétaire général, assurait le secrétariat de la chambre du conseil.
Fait à la Cour, 19 mars 2003.
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Introduction
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La Cour sest déjà attachée au cours des dernières années à rendre compte dans plusieurs publications des contrôles et enquêtes quelle a menés dans le secteur éducatif : en 1990 sur la gestion des enseignants du premier degré, en 1994 sur lorganisation du baccalauréat et sur les IUT, en 1995 sur les effets de la décentralisation dans lenseignement secondaire, plus récemment, en 1999, sur lautonomie budgétaire et comptable des universités et enfin, dans les rapports consacrés à la fonction publique en 2000 et 2001, sur les effectifs, le recrutement et la gestion des enseignants du secondaire et du supérieur. Dans le même temps, les juridictions financières ont poursuivi des travaux récurrents sur les établissements publics denseignement supérieur et les établissements publics locaux denseignement.
Limportance de lenjeu quil représente pour les finances publiques mais aussi, au-delà, pour la société, et lampleur des débats quil suscite ont conduit la Cour à approfondir ses investigations sur lensemble du système éducatif.
En 2000, la Cour et les chambres régionales des comptes se sont donné un programme de travail pluriannuel permettant dappréhender les principaux aspects de la gestion tant de lenseignement scolaire que de lenseignement supérieur. Ce programme, centré sur la formation initiale, a été borné par les limites des compétences des juridictions financières : ainsi, les établissements à gestion privée ne sont pas contrôlés par la Cour et les CRC comme le sont les établissements publics ; lenseignement privé na été examiné quà travers les procédures contractuelles liant les établissements à lEtat. Certains aspects du système éducatif ont été par ailleurs écartés, notamment le secteur de lapprentissage et les dispositifs de qualification, en raison de leurs spécificités. En ce qui concerne lenseignement secondaire, aucun contrôle na été mené dans les départements et territoires dOutre-mer, léducation prioritaire na fait lobjet que de quelques analyses sur les sites précédemment retenus dans le cadre des travaux sur la politique de la ville dont la Cour a rendu compte dans un précédent rapport public particulier (2002). N ont pas non plus été examinées de façon approfondie la gestion des personnels administratifs et techniques en rectorat et dans les établissements, lintervention des communes dans
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COUR DES COMPTES
lenseignement primaire, et, en ce qui concerne lenseignement supérieur, la recherche universitaire et les bibliothèques. Sur tous ces sujets, la Cour poursuit actuellement ses travaux.
Le présent rapport est ainsi le résultat dune connaissance acquise antérieurement, mais surtout le fruit de rapports élaborés pendant les années 1999 à 2002 par 67 magistrats et rapporteurs de la Cour et 48 magistrats des CRC1, concernant au total (sur des aspects parfois différents) 109 établissements denseignement supérieur (dont 57 universités), 356 établissements publics locaux denseignement (EPLE), 7 conseils régionaux et 15 conseils généraux, ladministration centrale de léducation nationale et dautres ministères (agriculture et industrie), 21 rectorats et 13 services académiques.
Au terme de ses investigations, la Cour ne prétend aucunement porter un jugement sur la qualité de lenseignement, sur son contenu et ses méthodes, tous ces aspects pédagogiques excédant sa mission et ses compétences. Elle sest fixé comme but danalyser et de comprendre les modes de fonctionnement dun système complexe afin de rendre compte des conditions demploi des très importants moyens en personnels et en crédits qui lui sont affectés. Identifier ses objectifs, appréhender ses moyens et déterminer si ses résultats sont précisément évalués pour améliorer sa gestion a ainsi été le guide de la démarche.
Pour rendre compte des résultats de cette démarche, la Cour, après avoir décrit les principales caractéristiques de notre système éducatif, a choisi de présenter séparément lenseignement scolaire et lenseignement supérieur, en raison des spécificités dorganisation qui les distinguent.
1) Chambres régionales des comptes ayant participé à lenquête : Alsace, Aquitaine, Auvergne, Bourgogne, Bretagne, Centre, Franche-Comté, Ile-de-France, Lorraine, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais, Basse-Normandie, Haute-Normandie, Pays de Loire, Picardie, Provence-Alpes-Côte dAzur, Rhône-Alpes.
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Chapitre I Les traits caractéristiques de lensemble du système
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I Le cadre général
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Lhistoire de lenseignement en France traduit un profond attachement au modèle dune école républicaine, laïque, gratuite et obligatoire. Si ces principes constituent le socle de lécole, ils ont été enrichis par la loi dorientation sur léducation du 10 juillet 1989 qui a défini le droit à léducation.
A La genèse du système actuel
Le système éducatif actuel résulte dune sécularisation et dune démocratisation progressives de lécole. Alors que lécole était sous lancien régime un domaine réservé de lEglise, la période révolutionnaire en confie la responsabilité à lEtat. En 1791, la Constituante pose le principe dune instruction primaire publique. Depuis 1793, lenseignement est réparti en trois degrés : le primaire, le secondaire et le supérieur.
Ce cadre étatique connaît des aménagements au cours du dix-neuvième siècle avec la reconnaissance de la liberté de lenseignement. Ce principe de liberté est affirmé par la loi Falloux de 1850 pour lenseignement secondaire puis étendu à lenseignement primaire par la loi Goblet de 1886 et à lenseignement technique et professionnel par la loi Astier de 1919. Renforcé par lexpulsion des congrétations, puis par la loi de séparation de lEglise et de lEtat, le clivage entre enseignement public et privé va pourtant satténuer à partir de la décennie 1950, notamment avec la loi Debré de 1959 qui établit des relations contractuelles entre lEtat et lenseignement privé.
Lobligation et la gratuité scolaires dont Victor Duruy et Jules Ferry sont les promoteurs les plus connus émergent au cours du dix-neuvième siècle pour être consacrées par la Troisième République. Depuis 1808, au moins un lycée est créé par académie. La loi Guizot de 1833 prévoit louverture dune école primaire par commune, dun cours primaire supérieur par chef-lieu darrondissement et dune école normale par préfecture. La loi Goblet de 1886 rend lenseignement primaire obligatoire et gratuit. La gratuité est étendue à lenseignement secondaire en 1930. Initialement limitée à 11 ans, lobligation scolaire est portée à 14 ans en 1936. Elle le sera à 16 ans en 1967. La démocratisation de lécole est enfin illustrée par louverture de lenseignement secondaire aux jeunes filles avec la loi Camille Sée de 1880.