Le pénal ne tient-il plus le civil en l état ?
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Le pénal ne tient-il plus le civil en l'état ?

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La mise en mouvement de l’action publique n’impose plus la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile.
Pour autant, les dispositions nouvelles de l’article 4 alinéa 3 du
Code de procédure pénale issues de la loi du 5 mars 2007 n’interdisent pas au juge saisi de telles actions de prononcer le sursis à statuer jusqu’au prononcé définitif d’une action publique s’il l’estime opportun.

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Publié le 31 janvier 2012
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Langue Français

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Le pénal ne tient-il plus le civil en l’état ?
Auteur :Michaël GABRIELE
Licence professionnelle « Activités juridiques spécialité agent de recherches privées » Université de Nîmes, promotion 2008-2009
© M. GABRIELE – Tous droits réservés
Précis, Février 2009
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© M. GABRIELE – Tous droits réservés
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Avant proposDe la constitution de partie civile etdel'autoritédelachosejugée(non bis in idem)
En France, la procédure pénale autorise la constitution de partie civile. Dans la mesure où une infraction pénale peut entraîner un préjudice pour la partie civile, l’instance répressive est compétente pour statuer aussi sur la réparation en terme de dommages et intérêts subis par la victime.
La condamnation portant sur l'action en réparation dessaisit simultanément le juge au Civil. En effet, toute décision rendue par un juge est assortie de l’autorité de la chose jugée ; cela concerne plus précisément le dispositif du jugement.
La décision d'un procès pénal en matière de réparation est ainsi frappée de cette qualité (non bis in idem), tant et si bien quele pénal tient le civil en l'état. Trois conditions sont néanmoins requises (article 1351 du Code civil) :
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que la chose demandée soit identique. Une nouvelle prétention devra être comparée à ce qui a déjà été jugé, eu égard aux débats et au dispositif du jugement ;
que la demande soit fondée sur la même cause, c'est-à-dire un fondement 1 juridique similaire ;
que les parties au procès soient les mêmes. Cela désigne l'identité civile des 2 intéressés ainsi que la qualité invoquée .
1Par exemple, si un justifiable demandait réparation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et perdait son procès, il pourrait renouveler sa demande sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1 du Code civil. Toutefois, depuis un arrêt de laCour de Cassation, 2e chambre civile, du 4 mars 2004, pareil procédé peut être considéré comme un changement de moyen et pas comme un changement de cause, auquel cas il ne pourra pas y avoir de nouveau procès.
Cette position a été confirmée par un arrêt de laCour de Cassationrendu enassemblée plénière le 7 juillet 2006 : «le demandeur doit présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci.» Elle a considéré que le plaideur n'est «pas admis à contester l'identité de causes de deux demandes en invoquant un fondement juridique qu'il s'est abstenu d'invoquer en temps utiles.» 2Par qualité invoquée on entend le titre juridique en vertu duquel les parties ont agi. Ainsi, une personne agissant comme représentant d'un incapable, est autorisée à former une nouvelle demande dans la mesure où elle se constitue partie civile la seconde fois à titre personnel.
Le changement de qualité autorise la deuxième demande : elle ne sera pas frappée d'irrecevabilité du fait de l'autorité de la chose jugée.
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Les changements entraînés par la loi du 5 mars 2007
L’article 4 du Code de procédure pénale, en vigueur jusqu'au 5 mars 2007 disposait ainsi :
dans son premier alinéa, de la possibilité de mener une action au Civil parallèlement à celle menée au Pénal. dans son second alinéa, du sursis à statuer au Civil tant que le jugement au Pénal n’est pas prononcé.
L'article 20 de la loi 2007-291 du 5 mars 2007 qui modifie l'article 4 du Code de procédure pénale répond à deux besoins :
·Améliorer l’application du principe de célérité. La France a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour la violation de l’article 6, paragraphe 3 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, au titre du procès équitable pour non respect du principe de délais raisonnable.
·Faire l'économie, aux sens comptable et fonctionnel, de mises en mouvement d'actions en justice obsolètes Le but est d'enrayer le phénomène des constitutions de partie civile abusives et vouées à se solder par un non-lieu car motivées par des manœuvres dilatoires. Le juge d'instruction cessera ainsi d’être instrumentalisé à tort et à travers.
Le nouvel article 4 du Code de procédure pénale n'est pas l’effet d’une refonte. Le législateur n'a même que fort peu bouleversé les deux alinéas qu'il comportait initialement, pour simplement expliciter leur portée : la réparation.
En revanche, un troisième alinéa a été créé et introduit une notion nouvelle. Désormais, le fait d’exercer une action au pénal n’impose pas la suspension des autres actions menées. La portée de la règle selon laquellele pénal tient le civil en 3 l'états'en trouve atténuée .
3Cette atténuation vaut quand bien même la décision au pénal pourrait avoir une influence, même indirecte, sur les autres actions, à l'instar d'un divorce pour faute, au cours duquel des faits de violence seraient dénoncés et donneraient lieu à des poursuites pénales pour violences conjugales.
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Du principe à sa nuance : surmonter la contradiction
La cohérence de la loi ainsi modifiée ne va pas de soi :
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L’alinéa 2 impose au juge civil de surseoir à statuer lorsqu'une action publique est menée ; l’alinéa 3 permet au juge civil de maintenir son audience indépendamment de l'action publique, et ce, quelle que soit la nature de l’action ou son influence éventuelle sur le procès civil.
Une synthèse pourra nous éclairer sur ce point :
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l’alinéa 2 commence par « il est sursis au jugement » et finit par « lorsque [l’action publique] a été mise en mouvement » ;
l’alinéa 3 commence par « la mise en mouvement de l’action publique » et continue ainsi : « n’impose pas la suspension du jugement des autres actions ».
En premier lieu, «n’impose pas» ne signifie pas «interdit». Le juge compétent a l'opportunité de surseoir à statuer ou pas. Il revient à ce dernier d'apprécier la pertinence de la mise en mouvement de l'action publique au regard de l'affaire pour laquelle il siège.
Au demeurant, pourquoi s'agit-il, dans l'alinéa 3, de suspendre un jugement et non de surseoir à statuer ? Si l'on passe outre l'hypothèse que cette terminologie fait l'objet d'un choix, on n'échappe alors pas à la contradiction.
Cette « suspension » est à l'origine de la notion introduite par la loi de 2007 car suspendre, par essence, c'est interrompre ce qui a commencé. En se prononçant en ces termes, le législateur a associé une temporalité bien précise à la disposition introduite par l'alinéa 3 : c'est une fois que la phase d'audience a commencé que le juge qui y siège a toute latitude pour surseoir à statuer eu égard à l'ouverture d'une action publique.
L’alinéa 2 quant à lui, en revanche, ne comporte pas de notion de temporalité. On en déduit que sa portée se limite au procès lorsqu'il n'est pas ouvert, autrement dit, à la phase préparatoire, au stade de la « mise en état », de la phase de conciliation (aux prud'hommes) au terme de l'échange des conclusions. C’est donc le juge de la mise en état qui est visé par l’alinéa deux, pas le juge à l’audience.
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Par ailleurs, au sein du Code de procédure civile, ce ne sont pas les mêmes 4 dispositions qui encadrent le sursis à statuer selon que l'audience ait été ouverte 5 ou que l’action en justice soit au stade de la mise en état .
Le juge à l'audience n'est donc plus tenu par l'adagele pénal tient le civil en l'état.
Enfin, c'est au Juge et non aux parties que la loi de 2007 attribue un droit. Cela n'a donc aucun effet sur les droits de la victime et les droits de la défense, au sens strict. Le demandeur et le défendeur peuvent déposer plainte auprès du procureur de la République bien que la phase d'audience au civil ait été atteinte. Le juge qui siège se réservera l’appréciation quant à l'opportunité de suspendre ou pas l’audience et d'appliquer l’adagele pénal tient le civil en l’étatou pas, en fonction de la pertinence, de la légitimité que revêtent, selon lui, cette action.
Confère, un arrêt de la Cour de Cassation, Chambre Sociale du 17 septembre 2008 pour illustrer la présente interprétation.
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Article 378 et suivants du Code de procédure civile. Lesursis dilatoirevisé parl’article 108 du Code de procédure civile.
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Annexes
Arrêt de la Cour de Cassation, Chambre Sociale, 17/09/2008
Article 4 du Code de procédure pénale (ancienne et nouvelle version)
Articles 2 du Code de procédure pénale
Article 1351 du Code civil
Article 108 du Code de procédure civile
Articles 378, 379, 380 et 380-1 du Code de procédure civile
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Cour de cassationchambre socialeAudience publique du 17 septembre 2008N° de pourvoi: 07-43211 Publié au bulletin RejetMme Collomp, présidentMme Quenson, conseiller apporteur M. Foerst, avocat général SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Gatineau, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant : Attendu, selon l’arrêt attaqué (Poitiers, 9 mai 2007), que M. X... a été engagé par la société Logilog en qualité de responsable logistique après qu’il ait cédé les parts sociales de la société X... logistique à M. Y..., gérant de la société Logilog ; que le 3 octobre 2005 il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail ; qu’il a été licencié le 14 octobre 2005 pour faute grave ; Sur le premier moyen : Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
Sur le second moyen : Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt d’avoir sursis à statuer sur le bien-fondé du licenciement et les demandes qui y sont liées jusqu’à ce qu’une décision ait été prise par le juge d’instruction ou la juridiction répressive à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par la société Logilog contre M. X... pour abus de confiance alors, selon le moyen, que les dispositions nouvelles de l’article 4 alinéa 3 du code de procédure pénale issues de la loi du 5 mars 2007 prévoient que “la mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil ; que cette disposition d’application
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immédiate était en vigueur à la date du 9 mai 2007, date du prononcé de l’arrêt par la cour d’appel de Poitiers ; qu’en ne faisant pas application des dispositions de la loi nouvelle et en considérant que la plainte pénale déposée par la société Logilog était de nature à exercer une influence sur l’appréciation du bien-fondé du licenciement, la cour d’appel, en ordonnant le sursis à statuer, a violé le texte susvisé, ensemble l’article 2 du code civil ; Mais attendu que si l’alinéa 3 de l’article 4 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 n’impose pas la suspension du jugement des autres actions civiles que celles de la partie civile, il n’interdit pas au juge saisi de telles actions de prononcer le sursis à statuer jusqu’au prononcé définitif d’une action publique s’il l’estime opportun ; Et attendu que le sursis a été prononcé non pas en application d’une règle de droit gouvernant le sursis à statuer mais dans l’exercice par la cour d’appel de son pouvoir discrétionnaire ; que le moyen n’est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. X... aux dépens ; Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille huit. Publication : Décision attaquée :Cour d’appel de Poitiers du 9 mai 2007 Titrages et résumés :PROCEDURE CIVILE - Sursis à statuer - Pouvoirs des juges -Pouvoir discrétionnaire - Office du juge Si l’alinéa 3 de l’article 4 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 n’impose pas la suspension du jugement des actions autres que celles de la partie civile, il ne prive par la cour d’appel de la possibilité de prononcer un sursis à statuer dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire Textes appliqués : ·article 4 du code de procédure pénale
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Partielégislative
Code de procédure pénale
Titrepréliminaire:Del'actionpubliqueetdel'actioncivile.
Article 4 Version en vigueur au 6 mars 2007 Modifié parLoi n°2007-291 du 5 mars 2007 - art. 20 JORF 6 mars 2007
L'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique.
Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.
La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.
Article 4 Version en vigueur du 8 avril 1958 au 6 mars 2007
L'action civile peut être aussi exercée séparément de l'action publique.
Toutefois, il est sursis au jugement de cette action exercée devant la juridiction civile tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.
Article 2 Modifié parOrdonnance n°58-1296 du 23 décembre 1958 - art. 1 JORF 24 décembre 1958 en vigueur le 2 mars 1959 L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction.
La renonciation à l'action civile ne peut arrêter ni suspendre l'exercice de l'action publique, sous réserve des cas visés à l'alinéa 3 de l'article 6.
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Code civil LivreIII:Desdifférentesmanièresdontonacquiertlapropriété.TitreIII:Descontratsoudesobligationsconventionnellesengénéral.ChapitreVI:Delapreuvedesobligationsetdecelledupaiement.Section3:Desprésomptions.Paragraphe1:Desprésomptionsétabliesparlaloi.
Article 1351 Créé parLoi 1804-02-07 promulguée le 17 février 1804
L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
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Code de procédure civile Livre Ier : Dispositions communes à toutes les juridictions TitreV:Lesmoyensdedéfense.ChapitreII:Lesexceptionsdeprocédure.SectionIII:Lesexceptionsdilatoires.
Article 108 Le juge doit suspendre l'instance lorsque la partie qui le demande jouit soit d'un délai pour faire inventaire et délibérer soit d'un bénéfice de discussion ou de division, soit de quelque autre délai d'attente en vertu de la loi.
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TitreXI:Lesincidentsd'instance.ChapitreIII:Lasuspensiondel'instance.SectionI:Lesursisàstatuer.
Article 378
La décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.
Article 379
Le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. A l'expiration du sursis, l'instance est poursuivie à l'initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d'ordonner, s'il y a lieu, un nouveau sursis.
Le juge peut, suivant les circonstances, révoquer le sursis ou en abréger le délai.
Article 380
La décision de sursis peut être frappée d'appel sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime.
La partie qui veut faire appel saisit le premier président, qui statue dans la forme des référés. L'assignation doit être délivrée dans le mois de la décision.
S'il fait droit à la demande, le premier président fixe le jour où l'affaire sera examinée par la cour, laquelle est saisie et statue comme en matière de procédure à jour fixe ou, comme il est dit à l'article 948, selon le cas.
Article 380-1 Créé parDécret 79-941 1979-11-07 art. 7 et 16 JORF 9 décembre 1979 en vigueur le 1 janvier 1980
La décision de sursis rendue en dernier ressort peut être attaquée par la voie du pourvoi en cassation, mais seulement pour violation de la règle de droit.
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