Emprisonner l’avenir: Le pétrole non conventionnel en Afrique
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Aujourd’hui, dans un monde contraint en ressources et
en carbone, les économies industrialisées et émergentes,
notamment celles qui sont tributaires des importations
de combustibles fossiles polluants, sont confrontées à
la problématique suivante : comment gérer la transition
structurelle vers des sources d’énergie permettant à la fois
d’assurer la sécurité de l’approvisionnement et le respect des
frontières écologiques?

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Publié le 09 février 2012
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Langue Français
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Extrait

Emprisonner lavenir Le pétrole non conventionnel en Afrique  
Commission Justice et Paix
ENVIRONMENTAL RIGHTS ACTION/FRIENDS OF THE EARTH, NIGERIA
OGNOoP C 4 : m,1lapuonti D02P(UNno sliilème Le 7II 11)Vcudorp sorg sulpe oltrpée  durte)110R Itece setAfdquri(Be  2P,ilrasdU $S ,odtn(2009) : 5,6 mil4 etneséillim 6,trpée  lprree olIII10)0éprtL  e US$ardsI, 2 (FMetecs te d % resutit09 e elosnoc 85 % de environtaoi ntedxeoptrésprrel .Iesirtaégdub settecer st seemenlass. CP BI %ud6  7neetID (inma1 01 2H)emè731 :81 rus( linlon  de diceolppédev tuhmenedee er pnnso vesnavine tsed suos7 pays) - faiblem yoneIVIN morb : )APP  ruoj rARSCGADAMA %,154p ua ledesiud  u$ pa,25 é (1vretIIV)eR  ,DU1102,3 1il mttce :esitno: 2  oPupalions (PN1,3 milled6 ul sedl  7 %2011le, I P)VIIuqnaB( 8aidnom eUSd arli00 2en$ p uarvte éP(UN,Dsous du seuil dehcagiv ene tsed poa lapuontial m Le VII011)D, 2P(UNlb ef iaem- 1è15: H IDt enemssalC IIV)1102 ment cliu changeibiléta v luénaricnddee oneli lap es syiortmèis)VII2011UD,  (PNsop  srgp ul eLét pder euctduro( euqirfAd elor(Maplecrmatique )1IIINEGfo,t2 10atuln ioARIop Pllimsnoi61 : 4,2udp et sele téor gazt durése repne tnetn12 norivliil m,4S$ UdsarPB ,0211I) eRecttes (2009) : 33m 5,illisdra$SU do,  lnt resetecttecer sed % 56 onirnv eetn ioat e13estnpeérlIr es. tairudgées b elosnoc eL rtép1)01 VIFM ( 2I,dxeoptrceteet s % des rtitue 95 5 :térean(B% 5 liues udvuap ed II 1)VIs deMoinomdnuq e2 10aiel1120VI).No rembd % IP uF( B ,IMvant en dessous d  eepsrnoen siv -meai f: H 6è152 ,D)110 elbUNP(k 2011)Iy Outloomene tDIVC alss (técirictleé lgrenE dlroW ,EIApopu la % de 50 sèà a ccnoa alitIVI
Tunisie
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Libye Égypte
AngolaMalawi Zambie Mozambique Zimbabwe Namibie Botswana MADAGASCAR Swaziland AdfuriSquudeLesotho 0 1000km 2000km
Niger Soudan Tchad
Emprisonner l’avenir: Le pétrole non conventionnel en Afrique
Nigeria : Le torchage et lévacuation des gaz dans les puits de pétrole constituent une source importante de dégradation de lenvironnement et démissions de gaz à effet de serre. © Kadir van Lohuizen
Aujourd’hui, dans un monde contraint en ressources et pauvres du monde, est aussi l’une des dernières « frontières » en carbone, les économies industrialisées et émergentes, en matière d’exploration du pétrole conventionnel, et elle notamment celles qui sont tributaires des importations attire désormais des investissements dans les formes les plus de combustibles fossiles polluants, sont confrontées à polluantes de pétrole « non conventionnel ». Le danger ainsi la problématique suivante : comment gérer la transition posé aux moyens de subsistance et aux environnements déjà structurelle vers des sources d’énergie permettant à la fois fragiles des communautés d’accueil est bien réel. Ce bref rapport d’assurer la sécurité de l’approvisionnement et le respect des présente trois investissements dans le pétrole non conventionnel, frontières écologiques? actuellement au stade de la prospection, avec, en toile de fond, les débats sur la nécessité de réduire les menaces environnementales  Pour nombre de pays en développement qui tentent mondiales et d’assurer le développement durable. d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), en particulier ceux qui portent sur l’éradication de la Assurer notre avenir énergétique – mais à quel prix ?  pauvreté et la durabilité environnementale, un défi primordial consiste à permettre à la grande majorité de leurs citoyens La décarbonisation des systèmes énergétiques du monde vivant dans un état de pauvreté énergétique d’accéder à une entier constitue la seule option durable viable pour stopper énergie moderne, sécurisée et durable pour répondre aux le changement climatique dangereux (60 % des émissions besoins élémentaires et aux exigences de production. 1 En effet, mondiales de carbone résultant d’un usage énergétique 4 ). « tandis que les [OMD] n’incluent pas d’objectifs spécifiques en L’adaptation aux menaces émanant d’un climat en plein matière d’accès à l’électricité et à des équipements de cuisine changement est un enjeu de taille pour les décideurs politiques salubres, les Nations Unies ont déclaré que 2012 serait ‘l’année africains. En effet, l’Afrique est susceptible d’être l’une des internationale de l’énergie durable pour tous’ ». 2  L’accès à régions les plus rudement frappées par un nombre croissant l’énergie, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables d’événements climatologiques imprévisibles, extrêmes et devraient ainsi être des thématiques importantes lors de la intenses, exacerbant les contraintes sociales, politiques et de Conférence des Nations Unies sur le développement durable ressources qui pèsent déjà sur elle. 5  (Rio+20) prévue pour 2012. 3  Parallèlement, la demande mondiale de sources d’énergie  À court terme, la question est de savoir comment trouver le fossile augmente, 6  stimulée de manière exponentielle par les juste équilibre entre la nécessité, d’une part, de répondre à la économies émergentes, 7 tandis que la production des ressources hausse de la demande énergétique mondiale, notamment dans le pétrolières conventionnelles diminue. Comme l’a résumé le Sud et, d’autre part, de résoudre les problèmes environnementaux PDG de Shell, Jeroen van der Veer, en 2008 : « L’humanité n’avait et sociaux externes posés par les combustibles fossiles, lesquels jamais fait face à des perspectives si difficiles pour l’énergie et constituent à l’heure actuelle la principale source énergétique de la planète. Cette situation se résume en quelques mots : ‘Plus la planète. L’Afrique sub-saharienne, l’une des régions les plus d’énergie, moins de dioxyde de carbone.’ » 8
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 En outre, les compagnies pétrolières internationales (CPI) bénéficient dorénavant d’un accès bien plus restreint aux dernières ressources pétrolières mondiales – et selon des modalités moins favorables – que par le passé, essentiellement en raison de la hausse du nationalisme des ressources. La majeure partie du pétrole mondial « facile d’accès » encore disponible est 9 contrôlée par l’OPEP.
 Face au dilemme mis en exergue par Shell, une stratégie reposant sur le statu quo se soldera inévitablement par une intensification de la concurrence entre les acteurs de l’industrie pétrolière mondiale autour des méthodes permettant de remplacer les réserves et, encouragée par la hausse des prix du pétrole, une course aux dernières ressources conventionnelles « frontières » se trouvant notamment en Afrique de l’Est  et dans l’offshore arctique. 10  Les CPI et les compagnies pétrolières asiatiques sont également prêtes à consentir des investissements considérables dans de nouvelles formes « non conventionnelles » de pétrole en Amérique du Nord et ailleurs 11 . L’extraction de ces ressources et leur transformation en produits pétroliers nécessitent généralement des procédés techniquement plus complexes et plus coûteux. Elles posent également un risque accru pour le climat, ainsi que pour l’environnement local et les communautés. 12  Le pétrole dérivé du goudron ou des sables bitumineux représente sur un plan commercial le type le plus avancé de production de pétrole non conventionnel. Les sables bitumineux sont une forme de pétrole visqueux et dense appelé bitume, que l’on trouve généralement mélangé à du sable, de l’argile et de l’eau. Leur transformation en produits pétroliers conventionnels nécessite des procédés gourmands en énergie et en eau. 13  Les sables bitumineux canadiens constituent de par leur volume la troisième ressource pétrolière au monde. 14  La province de l’Alberta a déjà reçu des milliards de dollars d’investissements, des centaines de milliards supplémentaires étant, d’après les estimations, prévus pour la décennie à venir. 15   Le pétrole issu des sables bitumineux est extrêmement nocif pour le climat : en effet, la production d’un baril émet, selon la technique de production employée, entre 17 et 23 % de gaz à effet de serre (GES) de plus qu’un baril de pétrole conventionnel. 16 L’industrie des sables bitumineux a par ailleurs été accusée d’engendrer une destruction environnementale localisée en A lberta (notamment l’abattage de vastes étendues de forêt boréale et la pollution et l’assèchement de la rivière Athabasca) et d’avoir des impacts sociaux négatifs, notamment sur les moyens de subsistance traditionnels et sur la santé des communautés des Premières nations qui vivent à proximité des sites d’exploitation. 17  Pour les partisans de l’exploitation des sables bitumineux au Canada, de telles préoccupations sont exagérées et cette industrie fait partie intégrante de la sécurité énergétique nord-américaine actuelle et future, notamment celle des États-Unis. 18 Ce pays, consommateur de 75 % des exportations canadiennes, est en effet la destination numéro 1 du pétrole extrait des sables bitumineux canadiens. 19  À de tels arguments, les critiques, comme James Hansen, scientifique à la NASA, répondent que le développement de quantités considérables de sables bitumineu x au Canada, avec les émissions qui y sont associées, signa lera la fin de la protection du climat. D’après les estimations du gouvernement canadien, les rejets annuels de GES imputables au x sables bitumineu x vont doubler de 2009 à 2020 selon le scénario du statu quo. 20  Tout récemment, les impacts env ironnementau x potentiels d’un projet de pipeline devant relier les gisements
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Mine de sables bitumineux Aurora de Syncrude, au nord de Fort McMurray, Canada. © Peter Essick 2009. Tous droits réservés de sables bitumineu x canadiens à des raffineries américaines situées dans le golfe du Mex ique (l’oléoduc Keystone X L de 2 673 k m de long) ont suscité une v irulente polémique au Canada et au x États-Unis. 21 En Europe, les actions de lobby ing du gouvernement canadien, v isant à diluer des propositions de la Commission européenne qui limiteraient l’importation dans l’UE de pétrole dérivé des sables bitumineu x, sont elles aussi jugées préoccupantes. 22  La Directive sur la qualité des carburants (DQC) contraint les fournisseurs de carburants de l’UE à réduire de 6 % l’intensité de leurs émissions de GES d’ici à 2020. Le mécontentement du Canada est dû au fait que l’UE compte affecter différentes valeurs d’intensité de GES à différentes sources de carburants pour pouvoir assurer une mise en œuvre efficace de la Directive. 23  D’après une étude scientifique, les carburants produits à partir de sables bitumineux rejettent des quantités de GES particulièrement élevées : l’intensité moyenne de GES imputable à cette industrie se situe ainsi 23 % au-dessus de celle du carburant issu du pétrole conventionnel utilisé dans l’UE. 24  L’UE a par conséquent décidé qu’au titre de la DQC, le carburant provenant des sables bitumineux devrait avoir une valeur GES plus élevée pour que les importateurs tiennent compte de ce facteur lorsqu’ils sélectionnent leurs matières premières. 25 Le message de l’UE est clair : il faut décarboniser les carburants utilisés dans le transport. La Commission européenne a avalisé cette mesure en octobre 2011 et attend désormais l’accord des États membres de l’UE et l’approbation du Parlement européen. 26  Même si l’on fait abstraction des questions environnementales, il convient de reconnaître qu’un investissement dans les ressources non conventionnelles comme les sables bitumineux ne permettra pas de résoudre le problème de l’approvisionnement sécurisé à long terme. L’une des raisons en est que la capacité excédentaire des sables bitumineux canadiens est insuffisante pour réagir rapidement à la contraction de l’offre de pétrole qui surviendrait si les producteurs de l’OPEP décidaient d’influer sur cette dernière. Globalement, pratiquement sans exception, les sables bitumineux et les autres ressources non conventionnelles sont plus coûteuses à développer et à produire que le pétrole conventionnel et leur rentabilité est par conséquent tributaire d’un pétrole au prix fort, lui-même stimulé par une hausse de la demande. Pour résumer, les investissements dans les sables bitumineux et d’autres formes de pétrole onéreuses sont symptomatiques  de prix élevés et d’une demande excessive, au lieu de constituer une solution à ces deux problématiques. 27  La seule solution viable capable d’assurer à la fois la sécurité énergétique et la protection du climat pour le long terme est une baisse de la demande mondiale de pétrole et d’autres combustibles fossiles. Il pourrait ainsi s’agir d’améliorer l’efficacité du pétrole
Colorado
schistes bitumineux – moins certains schistes bitumineux – plus certains pétrole extra-lourd et bitume
Maroc
Jordanie
Ressources mondiales de pétrole non conventionnel. Friends of the Earth, mai 2010
Chine
Australie
à court terme et d’introduire des systèmes énergétiques et de des citoyens de la région. Les pays africains producteurs de transport non polluants à moyen terme. L’« alternative » – rester pétrole sont fortement associés au « fléau des ressources » : sur notre chemin énergétique en maintenant le statu quo développement économique asymétrique, forte pauvreté, faible – entraînera « une hausse rapide de la dépendance envers les développement humain et tendance aux régimes autoritaires, combustibles fossiles, avec des répercussions alarmantes sur le à la corruption et aux conflits. 33  D’ailleurs, l’Angola et le changement climatique et la sécurité énergétique ». 28 Nigeria, deux grands pays africains producteurs de pétrole, ont récemment été qualifiés d’« États fragiles ou défaillants à  En outre, le maintien du statu quo se soldera revenu intermédiaire ». 34  inév itablement par une expansion de l’industrie du pétrole non conventionnel, y compris des sables bitumineu x, vers Au vu de ces éléments implacables, un rapport publié par les régions où se trouvent ces ressources, notamment les la Banque mondiale en 2004 concluait que les investissements pays en développement dotés de systèmes de gouvernance extractifs ne pouvaient contribuer à la réalisation des OMD insuffisants ou déficients et à l’env ironnement fragile. À v rai que si un certain nombre de conditions de bonne gouvernance dire, l’expansion des sables bitumineu x en dehors du Canada étaient remplies dans les pays d’accueil. 35  Or, bien que la société a déjà démarré, des campagnes d’exploration étant prév ues civile africaine et internationale se mobilise de plus en plus pour dans trois pays d’Afrique, à savoir Madagascar, la République réclamer aux gouvernements et aux entreprises une gestion plus du Congo (Congo-Bra zzav ille) et le Nigeria. transparente et plus responsable de la richesse pétrolière, 36 la question des externalités sociales et environnementales de la  Ces trois projets, bien qu’ils n’en soient encore qu’à un production pétrolière dans la région reste essentiellement ignorée. stade embryonnaire, sont d’ores et déjà jugés préoccupants au niveau local et à l’échelle internationale en raison de leurs coûts Faute d’une amélioration radicale de la gouvernance, tout environnementaux et sociaux potentiels. 29 nouvel investissement dans le secteur pétrolier – conventionnel ou non – en Afrique semble avoir peu de chances d’aider les Le pétrole en Afrique : une histoire ternie pays concernés à concrétiser les OMD. Les impacts négatifs du pétrole sur le développement humain et l’environnement sont Les préoccupations des communautés confrontées à des projets désormais aggravés par des externalités climatiques imputables de sables bitumineux s’expliquent en partie par l’expérience à la consommation mondiale de pétrole, qui nécessitent de que l’Afrique a jusque-là faite de la production de pétrole toute urgence l’adoption généralisée de systèmes énergétiques conventionnel et des autres activités extractives. En effet, en à émissions de carbone faibles ou nulles. Afrique sub-saharienne, près de la moitié de la population vit dans un pays riche en pétrole et en minerais, 30  ces ressources En Afrique, tant sur le plan du développement que du climat, comptant pour environ 70 % du PIB du Continent. 31  Le pétrole l’expansion des investissements dans les sables bitumineux ou du Nigeria, de l’Angola – et de la République du Congo –, des dans d’autres formes de carburant à forte intensité de carbone producteurs arrivés à maturité, est exploité depuis des décennies. est une tendance tout à fait contraire au bon sens. L’impératif de Récemment, les travaux visant à identifier de nouvelles sources décarbonisation des systèmes énergétiques mondiaux pourrait de pétrole ont entraîné une nouvelle vague d’expansion rapide en effet offrir l’opportunité de résoudre certaines des inégalités des investissements au Ghana, en Afrique de l’Ouest, ainsi qu’en socioéconomiques fondamentales actuellement associées Ouganda, en Afrique de l’Est. À l’avenir, cette tendance pourrait aux économies africaines tributaires de leurs exportations concerner d’autres pays de la région comme le Kenya, l’Éthiopie, de combustibles fossiles. Plus spécifiquement, l’adoption de la Tanzanie et, en Afrique australe, la Namibie. 32 nouvelles technologies énergétiques non polluantes pourrait aider la grande majorité des citoyens de ces pays, qui vivent à  Le pétrole et les autres industries extractives sont loin l’heure actuelle dans un état de pauvreté énergétique, à accéder d’avoir amélioré les moyens de subsistance de la grande majorité à un approvisionnement énergétique sécurisé et moderne. 37 Emprisonner l’avenir: Le pétrole non conventionnel en Afrique 5
Investissements dans les sables bitumineux : République du Congo, Madagascar et Nigeria
Échantillonnage de sables bitumineux, Dionga, Congo. © Elena Gerebizza République du Congo à risque et à 2,5 milliards de barils sans risque. 45  On ignore à l’heure actuelle s’il s’agit là d’une évaluation précise des En République du Congo 38 , les communautés voisines du ressources récupérables. principal centre pétrolier de Pointe-Noire (département du Kouilou, sud-ouest du Congo) subissent depuis longtemps les Parmi les projets d’ENI figurent également la culture effets des opérations de production de pétrole conventionnel, du palmier à huile à des fins de production alimentaire et d’après les organisations de la société civile Rencontre pour la de biocarburants, ainsi que la construction d’une centrale Paix et les Droits de l’Homme (RPDH) et la commission Justice électrique alimentée au gaz sur le site de son gisement de pétrole et Paix de l’Église catholique, Pointe-Noire (CJP-PN). 39 conventionnel de Mboundi. 46  ENI affirme que la nouvelle centrale permettra de réduire le torchage de gaz et « bénéficiera  En plus d’être le septième plus gros producteur de pétrole des crédits accordés au titre du Mécanisme de développement d’Afrique, 40  la République du Congo détient d’importantes propre (MDP) prévu par le Protocole de Kyoto ». 47 ressources forestières (environ les deux tiers du pays étant recouverts de forêts 41 ) qui fournissent des moyens de subsistance La vaste concession de sables bitumineux (1 790 kilomètres aux communautés locales et contribuent à la protection du carrés) englobe deux zones, Tchikatanga et Tchikatanga-climat. Cependant, le Congo est un exemple typique de pays Makola, et comprend savanes, forêts tropicales humides et touché par le « fléau des ressources » : il enregistre en effet de marécages abritant des espèces d’oiseaux menacées. Elle jouxte mauvais résultats en termes de développement humain, et est un parc national décrit par le gouvernement congolais comme systématiquement qualifié de pays extrêmement corrompu « l’habitat le plus écologiquement diversifié du Congo » 48  et et doté de réglementations insuffisantes et/ou non respectées déborde sur la biosphère de Dimonika, reconnue par l’Unesco. dans les domaines de l’environnement et des droits humains. 42 Globalement, la République du Congo se place dans un contexte Le RPDH et CJP-PN, soutenus par des partenaires que l’on peut qualifier d’« impunité officielle ». 43  internationaux, observent l’évolution de cette proposition d’investissement depuis 2009. Les deux organisations sont  En outre, le Congo, qui se classe seulement à trois places de préoccupées à deux égards : d’une part, les communautés la queue du palmarès de tous les pays évalués pour les besoins locales sont peu informées sur le projet et le comprennent des indicateurs Doing Business  de la Banque mondiale pour mal et, d’autre part, le projet manquant de transparence, le 2012, a désormais le douteux privilège d’être le premier pays gouvernement n’en comprend peut-être pas parfaitement les africain ciblé par l’exploration des sables bitumineux 44 impacts environnementaux et sociaux potentiels. .
 Le gouvernement a commencé par signer avec la grande ENI avait déclaré publiquement que l’exploration des compagnie pétrolière italienne ENI des accords portant sur sables bitumineux ne se déroulerait ni dans des zones de un nouvel investissement de 3 milliards $ en mai 2008. ENI a forêts tropicales humides, ni dans des régions à forte diversité annoncé qu’elle débuterait sa campagne d’exploration d’une biologique, et qu’elle ne nécessiterait pas la réinstallation ressource de bitume estimée (selon elle) à 500 millions de barils des populations. Toutefois, des études ont révélé que d’après
6 Emprisonner l’avenir: Le pétrole non conventionnel en Afrique
les propres estimations (non publiées) d’ENI, les forêts tropicales et les autres zones hautement sensibles sur un plan environnemental représentaient 50 à 70 % des zones de sables bitumineux. Par ailleurs, des études sur le terrain ont établi la présence de communautés vivant à proximité ou au sein-même des principaux sites d’exploration, ces communautés déplorant les impacts qu’ont les activités sismiques et d’échantillonnage sur leurs terres. 49
 Suite à la publication d’un rapport soulevant plusieurs questions dont celles énoncées ci-dessus, le RPDH et ses partenaires européens ont rencontré la direction de la compagnie à Milan pour débattre de ses responsabilités sociales et environnementales en République du Congo, plus spécifiquement concernant l’investissement dans les sables bitumineux. ENI a ainsi promis de donner suite aux questions qui avaient été soulevées, notamment en nouant un dialogue plus ouvert avec les communautés locales et en demandant au gouvernement de permettre la publication de toutes les études d’impact environnemental et social (EIES) consacrées au projet de sables bitumineux.  À partir du mois de décembre 2009, le RPDH et CJP-PN ont poursuivi leurs travaux de plaidoyer à l’échelle nationale et internationale, ainsi que leurs actions d’information sur le terrain auprès des communautés locales. En 2010, les deux organisations ont fait part de leurs inquiétudes à la Commission européenne et au Parlement européen à Bruxelles. Elles ont ainsi ex horté l’Union européenne à demander au gouvernement congolais de tenir les engagements qu’il avait pris au titre des accords de partenariat Afrique-UE.  Certains progrès ont été réalisés au Congo, notamment la signature d’un accord de partenariat entre ENI et l’Église catholique afin de promouvoir le dialogue et la mise en œuvre future de projets de développement dans les régions affectées par les opérations de la compagnie. Le site Internet d’ENI indique également qu’elle a mené en 2010 des campagnes d’exploration sur les sites de Tchikatanga et de Tchikatanga-Makola « avec pour objectif spécifique d’identifier les régions où le développement [des sables bitumineux] respecterait les paramètres rigoureux d’ENI en matière de protection et de durabilité environnementales ». 50  Il est vrai que la compagnie concentre actuellement ses activités sur un site à Dionga, jugé par ENI « moins sensible sur un plan environnemental » qu’un autre site, plus éloigné (au bord du lac Kitina, dans une zone de marécages et à proximité de forêts humides primaires). On ignore si cette décision, même si elle est motivée par des considérations environnementales, sera pérenne étant donné qu’ENI continue de maintenir que les deux zones de permis recèlent « un potentiel considérable ». 51  
 Un « projet pilote de travaux de carrière » a été mené à Dionga de mai à octobre 2010. D’après ENI, le bitume ainsi extrait répondait à une demande de revêtement routier émanant du gouvernement. Une réunion publique a eu lieu au mois d’avril pour débattre du projet avec les parties prenantes, au cours de laquelle ENI a présenté son étude d’impact environnemental.
 Cette démarche dénote une amélioration par rapport au manque de communication avec les communautés locales dont ENI a fait preuve par le passé. Cependant, la compagnie a affirmé que ses activités d’extraction avaient accordé « une attention ma ximale […] à la protection de l’environnement et de la biodiversité », le site pilote ayant été « complètement réhabilité grâce à des travaux de réaménagement et de replantation ». 52  Des organisations locales signalent en
revanchent que des communautés se plaignent des impacts des travaux de carrière sur les terres et les sources hydriques et sont inquiètes des éventuelles répercussions du stockage du bitume sur leur santé. Par ailleurs, la question de l’inadéquation du dédommagement octroyé en contrepartie des dégâts causés par les travaux d’exploration et de carrière aux biens et aux moyens de subsistance des communautés est de plus en plus de préoccupante.
 En outre, on manque toujours d’informations ex haustives et d’une consultation pertinente de la part d’ENI sur ses intentions en matière de futurs projets de développement des sables bitumineux, les résultats de la campagne d’échantillonnage du bitume menée à Dionga en 2010 n’ayant notamment toujours pas été publiés. ENI maintient que « les opérations destinées à la production de pétrole brut en sont […] encore au stade de l’exploration » et que les sables bitumineux « ne recevront le feu vert qu’à l’issue d’études de faisabilité rigoureuses […] et les régions affichant une riche biodiversité et les zones de forêts primaires seront exclues ». 53  Cependant, v u que les précédentes études de faisabilité et les versions intégrales des EIES réalisées dans le cadre du projet de sables bitumineux n’ont pas encore été rendues publiques, la validité de ces affirmations est difficile à confirmer.  En ce qui concerne le mode d’extraction, ENI déclare en outre que « les techniques opérationnelles env isagées excluent l’exploitation à ciel ouvert et la création de bassins de rétention, ces deu x procédés étant considérés comme posant un risque élevé et étant employés dans le cadre des opérations de sables bitumineu x au Canada ». Cependant, cela ne signifie pas qu’un recours au x techniques in situ  employées au Canada soit exclu. En moyenne, les projets in situ « contribuent davantage au changement climatique et au x dépôts acides par baril de bitume produit que l’extraction des sables bitumineu x » et sont susceptibles d’avoir des impacts 4 env ironnementau x globau x plus importants. 5  La phase d’exploration suivante aurait peut-être commencé. Le 6 octobre, ENI a publié une déclaration laconique aux termes de laquelle son PDG Paolo Scaroni avait rencontré le Président congolais Sassou-Nguesso « afin de discuter du statut des activités et des projets d’ENI dans le pays ». 55  Une source médiatique locale a cité M. Scaroni comme ayant déclaré : « Le grand projet dans le futur est celui des sables bitumineux pour lesquels on a déjà un petit projet pilote qui démarrera l’année prochaine. » 56 Reconnaissant peut-être la controverse soulevée jusqu’à présent par les plans d’ENI, il a ajouté : « Tout cela sera fait en tenant compte de l’environnement qui reste la première priorité de notre activité dans le pays. »
Des villageois congolais vivant à proximité du gisement pétrolier de MBoundi. © Chris Walker
Emprisonner l’avenir: Le pétrole non conventionnel en Afrique 7
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