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Publié par | Thesee |
Nombre de lectures | 121 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 2 Mo |
Extrait
MÉDIAS ET POLITIQUE AU PRISME DE
BERNARD KOUCHNER
Cherfaoui Farida
22007089
Thèse de doctorat sous la direction de Monsieur David Buxton
Sciences de l’information et de la communication
Ecole doctorale Connaissance, langage, modélisation
Centre de recherches sur l’information spécialisée et la médiation des savoirs
Université Paris X Nanterre 2009-2010
Membres du jury : David Buxton (directeur de thèse), Jacques Guyot (rapporteur), Majid
Ihadjadene (rapporteur), Francis James. 2
« On peut montrer qu’il y a des riches, oui. On peut aussi dire qu’il y a des pauvres, et que
c’est bien triste. Mais ce qu’on ne peut absolument pas dire, c’est que les riches sont riches
parce qu’ils exploitent les pauvres. »
Bertolt Brecht.
« Exhortant à la justice, à la générosité, à l’amour, ils [les philosophes bourgeois] fournissent
moyennant le salaire que la bourgeoisie leur sert, les armes spirituelles, les justifications que
requiert son maintien. »
Paul Nizan.
3 SOMMAIRE
Introduction 5
I Bernard Kouchner ou le destin d’un humanitaire à la dérive… droitiste 13
1. Actualité de Kouchner, de l’affaire Total au ministère des Affaires étrangères et
européennes, itinéraire d’une résurrection médiatique 13
2. Le fond et la forme 23
2.1. Une trajectoire biographique et sociale 23
2.2. Un sens de la prospective 34
3. Le Malheur des autres ou les nouveaux habits d’un humanitaire d’Etat 43
4. Si vis pacem, para bellum 68
5. L’origine du mythe 98
II De l’omniprésence médiatique 135
1. Les profits d’un discours 135
1.1.Bernard Kouchner, au jour le jour 136
1.2.Hors du pouvoir, une référence incontournable 150
2. Les invariants d’un discours 181
2.1. « Néoconservatisme », le révélateur irakien 182
2.2. Une critique de la gauche 193
III De l’intellectuel authentique à l’homme d’affaires ? 212
1. De la multipositionnalité et du prisme médiatique 213
1.1. Kouchner institutionnalisé, Kouchner intellectualisé 213
1.2. Intellectuel, intellectuel médiatique, intellectuel de médias 223
1.3. Bernard Kouchner est-il un intellectuel de médias ? 236
1.4. Kouchner éditorialise 250
2. Une entreprise biographique contrariée 268
2.1. A Bernard Kouchner, les médias reconnaissants 269
2.2. Le désenchantement (relatif) 283
3. De la politique à la morale 334
Conclusion 340
Bibliographie 344
4
« Incontrôlable », « trublion », « solitaire qui ne respecte aucune frontière »,
1 2« plébiscité par l’opinion publique » , « courageux », « aventurier » , « une des figures les
plus populaires, une des plus originales, des plus modernes et, hors de France, de loin la plus
prestigieuse (…), le French doctor, animal politique complètement atypique, incarne une
3forme de générosité, d’engagement, d’intrépidité antitotalitaire profondément novatrice » ,
etc. L’entrée de Bernard Kouchner dans un gouvernement de droite a ainsi été saluée par la
presse.
Martin Hirsch, Jean-Marie Bockel, Jean-Pierre Jouyet, Eric Besson sans compter les
présidents ou membres de commissions comme Jacques Attali, Michel Rocard ou encore Jack
Lang, sont d’autres personnalités classées à gauche qui ont accepté de rejoindre le
gouvernement de droite dirigé par le président de la République élu en 2007, Nicolas Sarkozy.
Ce dernier est à l’origine de cette « ouverture » qui a bénéficié de l’attribut de la
nouveauté. Michel Rocard en 1988 avait déjà gouverné avec des politiques venus de tous
horizons, et avant lui Charles de Gaulle avec la gauche y compris communiste dans le
contexte particulier certes de l’après-guerre, mais dans l’euphorie de la victoire de l’avocat
d’affaires, les médias de masse l’avaient oublié.
Qu’importe à la limite, cette « ouverture » a été médiatiquement présentée comme un
témoignage de modernité politique. A quoi correspond cette « ouverture » ? Désigne-t-elle
une altérité intellectuelle, politique, sociale ou même philosophique ?
Une gauche soluble dans un gouvernement de droite ne signe t-elle pas plutôt la fin de
la gauche, d’une certaine gauche en tout cas ? Une gauche qui peut tout aussi bien défendre et
appliquer une politique de droite ultra-libérale ne deviendrait-elle pas inutile ? « Fin de la
gauche », « fin des idéologies », « fin de l’histoire », la prophétie des idéologues de la fin des
idéologies se réaliserait-elle enfin ? Les indices se sont récemment révélés en nombre : un
candidat de droite à l’élection présidentielle citant Jean Jaurès et Léon Blum dans des discours
destinés aux classes laborieuses, une candidate présentée comme de gauche se précipitant
dans l’entre-deux tours pour proposer au candidat « centriste » un jeu d’alliance, renonçant
ainsi à la traditionnelle « union sacrée » des gauches socialiste, communiste, radicale,
4révolutionnaire, écologiste.
1 Le Figaro, 19/05/2007.
2 Le Nouvel observateur, 24/05/2007.
3 Libération, 23/05/2007.
4 Michel Rocard lance, quant à lui, un appel pour une alliance effective dès avant le premier tour entre les
socialistes et les « centristes » de l’Union pour la démocratie française (UDF), rebaptisé depuis Mouvement
démocrate (Modem). Il sera notamment signé par Bernard Kouchner (Journal du dimanche du 15/04/2007).
5 Tout ceci interroge l’évolution du champ politique.
C’est ce brouillage des pistes, l’indifférenciation des courants politiques dominants,
qui a été qualifié par les médias de masse et leurs intervenants extérieurs de « modernisation
de la vie politique ».
Cette gauche de gouvernement ne parle pas d’assumer une « droitisation » mais
d’assumer le « marché », la « mondialisation ». Contrainte qu’elle est par le « principe de
réalité », elle conçoit la gouvernance d’un pays comme un patron gère une entreprise : il s’agit
de le rendre attractif aux investissements, favoriser la compétitivité, augmenter la productivité
des agents, veiller au bon respect des préceptes élémentaires du capitalisme libéral auto-régulé
tels que la garantie d’une « concurrence libre et non faussée ». Ce, tout en se disant attachée
aux valeurs de gauche, sans préciser lesquelles. La question est alors comment concilier
défense effective des principes économiques du capitalisme libéral et financier et rhétorique
progressiste ? Mécaniquement, le discours de justification sera bancal.
Ainsi, celui de Bernard Kouchner. Celui-ci incarne la trajectoire de cette gauche
mutante qui travaille à redessiner les lignes de fracture entre la gauche et la droite. Un combat
idéologique qui trouve toute sa place dans les médias de masse partie prenante du débat.
Le parcours de Kouchner symbolise l’histoire de plus de trois décennies d’attaques
frontales de la gauche. Tant et si bien qu’il en est devenu un intellectuel attitré, un intellectuel
de médias, qui ne vit que pour et par les médias qui lui pourvoient sa légitimité, son existence.
En effet, dans ce combat idéologique, les médias de masse ne se sont pas contentés de
rapporter les termes du débat, ils ont été des acteurs de premier plan, posant les critères
définissant les problématiques légitimes, distribuant les bons points aux uns, disqualifiant les
autres.
« Assumer la mondialisation », c’est-à-dire la faire accepter à ceux qui ne l’acceptent
pas, assurer un consensus sur l’hégémonie du capitalisme, renoncer à ses « privilèges » au
nom du partage avec les indigents, défendre les entreprises guerrières du Nord contre le Sud
au nom de la lutte contre le « terrorisme » et pour la démocratie et les droits de l’homme,
relever le tout d’un discours sur la morale en politique et en économie et de quelques mesures