à propos d’un thÉorÈme de Tchebychev sur la rÉpartition des nombres premiers
Introduction Ètant donn un entier natureln, on considreπ(n)le nombre de nombres pre-miers compris entre0etn. Ce sujet s’intresse au comportement de la suite(π(n))n. Il est compos de deux grandes parties A et B. La partie A vise á tablir l’encadrement suivant : n n (ln 2)6π(n)6e lnnlnn valable pour toutn>3. Elle est compose de deux sous-parties, A.I et A.II, consa-cres respectivement á la minoration et á la majoration annonces. Ce genre d’encadrement suggre l’existence d’un lien asymptotique fort entre n les suites(π(n))nLa partie B s’intresse á cette question puisque sonet . lnnn objectif principal est de montrer le rsultat suivant : n 1 Thorme.—(Tchebychev )S’il existe un rÉelc >0telle queπ(n)∼calors n lnn nÉcessairementc= 1. Elle est compose de quatre sous-parties B.I, B.II, B.III et B.IV. C’est dans la par-tie B.III qu’on tablit le thorme annonc. La preuve qu’on en propose repose sur ! X 1 l’tude du comportement asymptotique de la suite . Cette tude est p ppremier6n n ralise au dbut de la partie B.III. Les parties B.I et B.II sont consacres á l’ta-blissement de formules importantes pour la suite. Dans la partie B.I on tablit une 2 formule due á Legendre qui donne l’expression de lavaluationp-adiqueden!. Dans 3 la partie B.II on dmontre un thorme de Mertens qui prcise le comportement ! X lnp asymptotique de la suite . La partie B.IV est une application de p ppremier6n n la formule asymptotique trouve dans la partie B.III. On y tudie ladensitÉde l’ensemble des entiers possdant degrands facteurs premiers. â la fin du sujet, une note documentaire met en perspective, d’un point de vue historique, le thorme de Tchebychev dmontr ici. Sa lecture n’est pas essentielle au bon traitement du sujet. Les parties de ce problme ne sont pas indpendantes entre elles.
Notations et rappels •On notePl’ensemble des nombres premiers positifs. •SiEdsigne un ensemble fini, on note#Elecardinalde cet ensemble, c’est-á-dire le nombre d’lments deE. •Si(un)net(vn)ndsignent deux suites numriques, on noteraun∼vnpour dire n que ces suites sontÉquivalentes. On noteraun=o(vn)pour dire que la suite(un)n estnÉgligeabledevant la suite(vn)net enfin, on noteraun=O(vn)pour dire que la suite(un)nestdominÉepar la suite(vn)n, c’est-á-dire, qu’il existe un relcet un entiern0tels que pour toutn>n0on ait|un|6c|vn|. •Sixdsigne un rel, on notera[x]sapartie entiÈre, c’est-á-dire le plus grand entier infrieur ou gal áx; autrement dit,[x]est l’unique lment deZvrifiant :
[x]6x <[x] + 1.
•On rappelle que siaetbsont deux entiers tels que06b6a, le coefficient a a! binomial est gal á . b(a−b)!b! •Pour tout entiern>0, on noteπ(n)le nombre de nombres premiers compris dans l’intervalle[0, n]; ainsi on aπ(0) =π(1) = 0,π(2) = 1,π(3) = 2,π(4) = 2, etc. Pour tout entiern>1, on noteδ(n) =π(n)−π(n−1), de sorte que si l’on pose δ(0) = 0, on voit queδest la fonction caractristique dePdansN(c’est-á-dire,δ(n) vaut1sinest premier, et0sinon). •Dans tout ce texte la lettrepdsignera toujours et exclusivement un nombre premier, ceci y compris lorsque la lettrepsera utilise comme symbole X 1 d’indice d’une somme ou d’un produit. Par exemple, la notation dsigne la p p6x somme des inverses des nombres premierspinfrieurs ou gaux au relx. •Ètant donns un entiern>1et un nombre premierp, on appellevaluationp-adiquedenl’entier notvp(n)et gal á l’exposant depdans la dcomposition en 2 facteurs premiers den. Par exemple, si l’on prendn= 350 = 2∙5∙7on av2(350) = 1, v3(350) = 0,v5(350) = 2,v7(350) = 1etvp(350) = 0pour tout nombre premier p>11. On admet les proprits lmentaires suivantes : k k+1 a)vp(n)est l’entierktel quepdivisenetpne divise pasn. b) Pour toutn>1fix, la suite(vp(n))p∈Pest nulle á partir d’un certain rang, Y vp(n) de sorte que l’on peut criren=p(ce produit pouvant alors tre considr p∈P comme un produit fini). Cette criture n’est alors rien d’autre que la dcompostion en facteurs premiers de l’entiern. c) Pour tousn, mentiers naturels non nuls et toutp∈ P, on a
vp(nm) =vp(n) +vp(m)
Aucune preuve de ces trois rÉsultatsn’est demande aux candidats.
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A. Une estimation À la Tchebychev
I. Une minoration de la fonctionπ
On considre, pour tout entiern>1, l’entierΔn= ppcm(1,2, . . . , n). Dans cette partie nous allons tablir une minoration deΔn. Nous en dduirons ensuite une minoration deπ(n). On considrea, b∈Nvrifiant16b6aet l’on pose : Z 1 b−1a−b I(b, a) =x(1−x) dx. 0
A.I.1. A.I.1.a.ExpliciterI(1, a)en fonction dea. b A.I.1.b.Montrer que sib < aalorsI(b+ 1, a) =I(b, a). a−b 1 A.I.1.c.En dduire queI(b, a) = . a b b
A.I.2.On se propose dans cette question de donner une autre mthode pour calculer I(b, a). On considre un rely∈[0,1[. A.I.2.a.En dveloppant á l’aide de la formule du binÔme de Newton, montrer que : Za 1 X a−1 a−1k−1 (1−x+xy) dx=y I(k, a) 0k−1 k=1
A.I.2.b.En calculant maintenant directement l’intgrale, montrer que : Za 1 X 1 a−1k−1 (1−x+xy) dx=y 0a k=1
1 1 A.I.2.c.En dduire queI(b, a) = = . a a−1 b a b b−1
A.I.3. P a−b k a−b1 A.I.3.a.Montrer queI(b, a() = −1). k=0k k+b A.I.3.b.En dduire queI(b, a)Δa∈N. a A.I.3.c.Prouver que l’entierbdivise l’entierΔa. b
A.I.4.Soitn>1un entier. 2n2n A.I.4.a.Montrer que les entiersnet(2n+ 1)divisent l’entierΔ2n+1. n n (Indication : On remarquera que pour toutk>1,ΔkdiviseΔk+1.) 2n A.I.4.b.En dduire que l’entiern(2n+ 1)diviseΔ2n+1. n (Indication : On remarquera que les entiersnet2n+ 1sont toujours premiers entre eux.) 2n2n A.I.4.c.Montrer que pour toutk∈ {0, . . . ,2n}on a l’ingalit6. k n
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2n n A.I.4.d.En dduire que(2n+ 1)>4. n n2n (Indication : On dveloppera l’galit4 = (1 + 1).) n A.I.4.e.En dduire queΔ2n+1>n4. n A.I.4.f.Montrer que sin>9alorsΔn>2et vrifier que cette ingalit est encore vraie pourn= 7et8.
A.I.5.Soitn>1un entier. vp(Δn) A.I.5.a.Soitp∈ P, montrer quep6n. (Indication : On commencera par exprimervp(Δn)en fonction des entiers vp(1), . . . , vp(n).) Y vp(Δn) A.I.5.b.Montrer queΔn=p. p6n π(n) A.I.5.c.En dduire queΔn6n.
A.I.6. A.I.6.a.Montrer que pour toutn>7on a n π(n)>(ln 2). lnn A.I.6.b.Pour quels entiersn∈ {2,3,4,5,6}l’ingalit de la question prcdente est-elle encore vraie ?
II. Une majoration de la fonctionπ Y A.II.1.On cherche dans cette question á majorer simplement le produitpen p6n fonction de l’entiern>1. b A.II.1.a.Soientaetbdeux entiers tels que0<6a < b. Montrer que le produit 2 Q b pdivise l’entier (le produit considr est suppos tre gal á1dans a a<p6b le cas oÙ il n’y aurait pas de nombre premierpdans l’intervalle]a, b]). Q A.II.1.b.En dduire que pour toutm>1, le produitpdivise l’entier m+1<p62m+1 2m+1 . m+1 2m+1 2m+1 A.II.1.c.Comparer, pourm>1, les entiers et . m m+1 2m+1m A.II.1.d.En dduire que pour tout entierm>1on a64. m 2m+1 (Indication : On dveloppera la quantit(1 + 1).) Q m A.II.1.e.Montrer que pour tout entierm>1, on ap64. m+1<p62m+1 A.II.1.f.Prouver finalement que pour tout entiern>1, on a Y n p64. p6n (Indication : On pourra montrer par rcurrence, pourn>1, la propritPn: Y k pour toutk∈ {1, . . . ,2n}on ap64.) p6k
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A.II.2. m m A.II.2.a.Montrer que pour tout entierm>1on am!>. e (Indication : On pourra penser au dveloppement en srie entire de la fonction exponentielle.) n A.II.2.b.Dduire de ce qui prcde que, pour toutn>2, on aπ(n)!64et que par suite, on a π(n) lnπ(n)−π(n)6nln 4
A.II.3.On souhaite montrer, á partir du rsultat prcdent, que pour toutn>3 on a n π(n)6e lnn Pour cela on raisonne par l’absurde, en supposant qu’il existe un entiern0>3 n0 tel queπ(n0)>e. lnn0 A.II.3.a.Montrer que la fonctionx7→xlnx−xest strictement croissante sur [1,+∞[. En dduire que e−ln 4 ln lnn0 < e lnn0 lnx −1 A.II.3.b.Montrer que la fonctionx7→est majore par e sur[1,+∞[. x Conclure.
B. Autour d’un thÉorÈme de Mertens
I. Une formule de Legendre sur la valuationp-adique den!
On considre un entiern>2et un nombre premierp. Pour tout entierk>0, on considre les sous-ensembles finisUk,VketΩkdeNdfinis par k Uk={a∈ {1, . . . , n} |pdivisea} k Vk={a∈ {1, . . . , n} |pne divise pasa} Ωk={a∈ {1, . . . , n} |vp(a) =k}
k0 B.I.1.Justifier qu’il existe un plus petit entierk0>0tel quen < p. Montrer que k0>1et expliciterk0en fonction denetp.
B.I.2. B.I.2.a.Montrer que, pour toutk∈ {0, . . . , k0−1}, l’ensembleUk+1est strictement inclus dansUket que pourk>k0on aUk=∅. B.I.2.b.Montrer que, pour toutk∈ {0, . . . , k0−1}, l’ensembleVkest strictement inclus dansVk+1et que pourk>k0on aVk={1, . . . , n}. B.I.2.c.Prouver que la famille de parties{Ω0, . . . ,Ωk0−1}forme une partition de l’ensemble{1, . . . , n}.
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B.I.3. B.I.3.a.Pour toutk>0, tablir queΩk=Uk∩Vk+1. B.I.3.b.Calculer, pour toutk>0,#Uket#Vkpuis#Ωken fonction den, p. P B.I.4.Montrer quevp(n!) =k#Ωket en dduire que k>0 X n vp(n!) = k p k>1
(formule de Legendre)
II. Un thÉorÈme de Mertens
Dans toute cette partieII, on considre un entiern>2.
B.II.1.Prouver que pour toutp∈ Pon a n n n −1< vp(n!)6+ p p p(p−1) (Indication : On pourra utiliser l’encadrementx−1<[x]6xvalable pour tout relxet la formule de Legendre.)
B.II.2.En dduire que X X X X lnplnplnp n−lnp <lnn!6n+n p p p(p−1) p6n p6n p6n p6n Q vp(n!) (Indication : On pourra commencer par montrer quen! =p.) p6n
B.II.3.Dans cette question on tablit plusieurs majorations techniques utiles aux deux questions suivantes. +∞ P P r r B.II.3.a.Montrer la convergence de la srieret prouver quer= 2. 2 2 r=1 Pk x (Indication : On pourra s’intresser á la srie entirekainsi qu’á sa srie 2 k>0 drive.) P 1 B.II.3.b.Calculer pour tout entierr>1la somme finie . En d-m(m−1) r−1r 2<m62 P lnm r duire que si l’on poseUr=alors on aUr6rln 2. m(m−1) 2 r−1r 2<m62 +∞ P P B.II.3.c.Montrer que la srieUrconverge. Donner un majorant deUr. r=1 P lnm B.II.3.d.est convergente et que l’on a :En dduire que la srie m(m−1)
+∞ X lnm 6ln 4. m(m−1) m=2
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1 1 1 1 B.II.3.e.Montrer que l’ on a :1−6nln 1 +61etln 1 +>. 2nn n 2n (Indication : On commencera par dterminer pour quels relsuon a les inga-2 litsu−u /26ln(1 +u)6u.) B.II.3.f.En dduire, par rcurrence surn, qu’ il existe un relθn∈[0,1]tel que :
lnn! =nlnn−n+ 1 +θnlnn.
B.II.4.Prouver, en utilisant les rsultats des questions B.II.2 et B.II.3, que : X lnp lnn−(1 + ln 4)< . p p6n
B.II.5.De mme, en utilisant les questions B.II.2, B.II.3 et A.II.1.f, montrer que : X lnp <lnn+ ln 4. p p6n
En dduire que
(thorme de Mertens).
X lnp = lnn+O(1) p p6n
P 1 III. Le comportement asymptotique de p p6n n
B.III.1.Dans cette question on tablit des rsultats prliminaires utiles pour la suite. P P 1 1 B.III.1.a.Montrer que la srie2estest convergente, que la srie nlnn nlnn divergente et qu’on a n−1 X 1 = ln lnn+O(1) klnk k=2
(Indication : On comparera les sries considres avec les intgrales gnralises R R +∞+∞ dt dt 2et .) 2tlnt2tlnt n−1 P 1 B.III.1.b.On considre la suite(un)n>3dfinie parun=−ln lnn. Montrer klnk k=2 que 1 1 un+1−un= +o . 2 2 2nlnn nlnn B.III.1.c.En dduire qu’il existe un rel`tel que
n−1 X 1 = ln lnn+`+o(1). klnk k=2
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P lnp B.III.2.On note(ψ(n))la suite dfinie parψ(n) =. On considre un n>2p p6n entiern>3. P P 1n−1 ln(1+1/k)ψ(n) B.III.2.a.Montrer que=ψ(k) +. p k=2 lnkln(k+1) lnn p6n n P P 1δ(k) lnk1 (Indication : On pourra remarquer que=.oÙδest la fonc-p klnk p6n k=2 tion caractristique deP, puis utiliser la transformation d’Abel sous la forme suivante : si(an)n>1,(bn)n>1sont deux suites numriques et si pourn>1on n P poseAn=ak, alors pour toutN>2, on a k=1 N N−1 X X anbn=ANbN+An(bn−bn+1) ) n=1n=1 B.III.2.b.Prouver, en utilisant le thorme de Mertens, que : ln(1 + 1/k1) 1 ψ(k) = +O 2 lnkln(k+ 1)klnk klnk ln(1+1/k) (Indication : On commencera par crire la fraction sous la forme lnkln(k+1) 1t(k) , oÙt(k)est une suite qu’on dterminera. On montrera ensuite que lnk1+t(k) t(k) 1 1 1 =−2+o2.) 1+t(k)klnk2klnk klnk
B.III.3.Dduire de ce qui prcde qu’il existe une constanteλ∈Rtelle que X 1 = ln lnn+λ+o(1). p p6n P P n−1π(k)π(n) 1 B.III.4.Montrer que pour toutn>2on a= +. En dduire p k=1k(k+1)n p6n n que s’il existe une constante rellectelle queπ(n)∼calorsc= 1(thorme lnn n de Tchebychev).
IV. Une application À l’Étude des entiers possÉdant de grands facteurs premiers
+ Ètant donn un entiern>2, on noteP(n)le plus grand facteur premier ap-+ paraissant dans la dcomposition en facteurs premiers den. Par exemple,P(50) = + 2 P(2∙5 ) = 5. On s’intresse dans cette question á l’ensembleAconstitu des en-√ + tiersn>2vrifiantP(n)> n(c’est ce qu’on entend parentiers possÉdant de grands facteurs premiersdans le titre de cette partie). L’objectif de cette partie est de montrer que l’ensembleApossde unedensitÉvalantln 2. En d’autres termes, si pour un relx>2on poseA(x) =A∩[0, x]eta(x) = #A(x)le cardinal deA(x), a(n) nous allons montrer que la suite possde une limite (on dira alors queA n n possde unedensitÉ) et que cette limite vautln 2(qui sera donc appele ladensitÉde A). Ce rsultat signifiera que, « moralement », il y a une proportion deln 2≈0,69 d’entiers dansNqui possdent de grands facteurs premiers.