Epreuve de français 2003 ISFA
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Examen du Supérieur ISFA. Sujet de Epreuve de français 2003. Retrouvez le corrigé Epreuve de français 2003 sur Bankexam.fr.

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Publié le 05 mars 2007
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Langue Français

Extrait

2003
I.
S.
F.
A.
2003-2004
__________
_________
Concours d'Entrée
______________
ÉPREUVES DE FRANÇAIS
_______________________
1
ère
Epreuve : Contraction de texte (2 heures)
2
ème
Epreuve : Dissertation (1 heure)
Les copies de la première épreuve seront rendues au bout de deux heures.
Le sujet de la deuxième épreuve sera alors communiqué aux candidats.
1ère EPREUVE
CONTRACTION DE TEXTE
-------------------------------------
(Durée : 2 heures)
Vous résumerez en 250 mots (tolérance + ou - 10 %) ce texte d’environ 2 600 mots, extrait du livre de
Emmanuel TODD,
Après l’Empire. Essai sur la décomposition du système américain
, Gallimard, 2002
CHAPITRE 5
Le recul de l’universalisme
L’une des forces essentielles des empires, principe à la fois de dynamisme et de stabilité, est l’universalisme, la
capacité à traiter de façon égalitaire hommes et peuples. Une telle attitude permet l’extension continue du système de
pouvoir, par l’intégration au noyau central des peuples et des individus conquis. La base ethnique initiale est dépassée. La
taille du groupe humain qui s’identifie au système s’élargit sans cesse, parce que celui-ci autorise les dominés à se redéfinir
comme dominants. Dans l’esprit des peuples soumis, la violence initiale du vainqueur se transforme en générosité.
Le succès de Rome, l’échec d’Athènes, on l’a vu, tinrent moins à des aptitudes militaires différentes qu’à l’ouverture
progressive du droit de cité romaine et à la fermeture de plus en plus marquée du droit de cité athénienne. Le peuple athénien
resta un groupe ethnique, défini par le sang : à partir de 451 av. J.-C. il fallut même avoir deux parents citoyens pour y
appartenir. Le peuple romain, qui n’avait rien à lui envier originellement quant à la conscience ethnique, s’élargit en
revanche sans cesse pour inclure, successivement, toute la population du Latium, celle de l’Italie, enfin celle de tout le bassin
méditerranéen. En 212 apr. J.-C., l’édit de Caracalla accorda à tous les habitants libres de l’empire le droit de cité. Les
provinces finirent par donner à Rome la majorité de ses empereurs.
D’autres exemples pourraient être cités, de systèmes universalistes capables de démultiplier leur potentiel militaire par
un traitement égalitaire des peuples et des hommes : la Chine, qui rassemble encore aujourd’hui la plus grande masse
d’hommes jamais réunie sous un seul pouvoir étatique ; le premier empire arabe, dont la croissance fulgurante s’explique
autant par l’égalitarisme extrême de l’islam que par la force militaire des conquérants ou la décomposition des États romain
et parthe. Dans la période moderne, l’empire soviétique, emporté par sa fragilité économique, s’appuyait sur une capacité de
traitement égalitaire des peuples, qui semble bien à l’origine caractéristique du peuple russe plutôt que de la superstructure
idéologique communiste. La France, qui fut, avant son déclin démographique relatif, un véritable empire à l’échelle de
l’Europe, fonctionnait avec un code universaliste. Parmi les échecs impériaux récents, on peut mentionner celui du nazisme,
dont l’ethnocentrisme radical interdisait qu’à la force initiale de l’Allemagne s’agrégeât la puissance supplémentaire des
groupes conquis.
L’examen comparatif suggère que l’aptitude d’un peuple conquérant à traiter de façon égalitaire les groupes vaincus
ne résulte pas de facteurs extérieurs mais se trouve logée dans une sorte de code anthropologique initial. C’est un a priori
culturel. Les peuples dont la structure familiale est égalitaire, définissant les frères comme équivalents – les cas de Rome, de
la Chine, du monde arabe, de la Russie et de la France du Bassin parisien –, tendent à percevoir les hommes et les peuples en
général comme égaux. La prédisposition à l’intégration résulte de cet a priori égalitaire. Les peuples dont la structure
familiale originelle ne comprend pas une définition strictement égalitaire des frères – cas d’Athènes et encore plus nettement
de l’Allemagne – ne parviennent pas à développer une perception égalitaire des hommes et des peuples. Le contact militaire
tend plutôt à renforcer une conscience de soi « ethnique » du conquérant. Il conduit à l’émergence d’une vision fragmentée
plutôt qu’homogène de l’humanité, à une posture différentialiste plutôt qu’universaliste.
Les Anglo-Saxons sont difficiles à situer sur l’axe différentialisme/universalisme. Les Anglais sont clairement
différentialistes, ayant réussi à préserver l’identité des Gallois et des Écossais dans les siècles des siècles. L’empire
britannique, établi outre-mer grâce à une supériorité technologique écrasante, dura peu. Il ne tenta nullement d’intégrer les
peuples soumis. Les Anglais firent du pouvoir indirect, l’
indirect rule
, qui ne remettait pas en question les coutumes locales,
une spécialité. Leur décolonisation fut relativement indolore, un chef-d’oeuvre de pragmatisme, parce qu’il n’avait jamais été
question pour eux de transformer les Indiens, Africains ou Malais en Britanniques de format standard. Les Français, dont
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beaucoup avaient rêvé de faire des Vietnamiens et des Algériens des Français ordinaires, eurent plus de mal à accepter leur
reflux impérial. Entraînés par leur universalisme latent, ils s’engagèrent dans une résistance impériale qui leur valut une
succession de désastres militaires et politiques.
On ne doit cependant pas exagérer le différentialisme anglais. Compte tenu de la petite taille de l’Angleterre,
l’immensité de la formation impériale britannique, même si elle fut éphémère, révéla une aptitude certaine à traiter les
peuples conquis de façon relativement égalitaire et décente. Les chefs-d’oeuvre de l’anthropologie sociale britannique que
sont les études d’Evans-Pritchard sur les Nuer du Soudan ou de Meyer Fortes sur les Tallensi du Ghana, admirables par leur
sensibilité autant que par leur rigueur, ont été réalisés à l’époque coloniale. Ces analyses combinent la traditionnelle aptitude
anglaise à décrire les différences ethniques avec une perception aiguë de l’universel humain masqué par la diversité des
structures. L’individualisme anglo-saxon laisse toujours la possibilité d’une saisie directe de l’individu, de l’homme en
général plutôt que de l’homme façonné par la matrice anthropologique.
Le cas américain exprime de façon paroxystique l’ambivalence anglo-saxonne vis-à-vis des principes concurrents de
l’universalisme et du différentialisme. Les États-Unis peuvent être décrits, d’une première façon, comme le résultat national
et étatique d’un universalisme radical. Il s’agit, après tout, d’une société née de la fusion d’immigrés fournis par tous les
peuples d’Europe. Le noyau anglais initial a révélé une capacité absolue à absorber des individus d’origines ethniques
différentes. L’immigration, interrompue durant la deuxième moitié des années 20, a repris dans les années 60 mais en
s’élargissant à l’Asie, à l’Amérique du centre et du Sud. La capacité à intégrer, à
élargir le centre
a permis le succès
américain, ce qui existe de réussite impériale dans le destin des États-Unis. La masse démographique – 285 millions en 2001,
346 millions prévus en 2025 – témoigne à elle seule de cette aptitude.
Mais les États-Unis peuvent être aussi décrits dans les termes opposés d’un différentialisme radical. Dans leur histoire,
il y a toujours un autre, différent, inassimilable, condamné à la destruction ou, plus souvent, à la ségrégation. L’Indien et le
Noir ont joué, continuent de jouer dans le cas du Noir, et de l’Indien, sous la forme de l’Hispanique, le rôle de l’homme
différent. Le système idéologique américain combine universalisme et différentialisme en une totalité : ces conceptions en
apparence opposées fonctionnent en réalité de manière complémentaire. Au départ, il y a l’incertitude sur l’autre, qu’on ne
peut définir a priori comme semblable ou différent. Certains étrangers seront perçus comme semblables, égaux, d’autres
comme différents, inférieurs. Similitude et différence, égalité et infériorité naissent
ensemble
par polarisation. Le rejet des
Indiens et des Noirs a permis de traiter les immigrés irlandais, allemands, juifs, italiens en égaux. La définition de ces
immigrés comme égaux a permis en retour de bien situer les Indiens et les Noirs comme inférieurs.
L’incertitude anglo-saxonne sur le statut de l’autre n’est pas un fait de modernité : elle provient au contraire
vraisemblablement d’une certaine primitivité anthropologique, de l’appartenance des Anglais à une strate historico-culturelle
périphérique à l’Ancien Monde, peu ou mal intégrée aux empires qui s’y sont succédé, et ne maîtrisant pas bien les principes
d’égalité et d’inégalité. Cette primitivité ne concerne que le champ familial ; elle n’a nullement empêché l’Angleterre et les
États-Unis de se manifester dans la phase la plus récente de l’histoire comme des pionniers de la modernité économique.
La culture anglaise se caractérise donc par une certaine indéfinition des valeurs d’égalité et d’inégalité, si claires en
général en Eurasie
1
. Si nous revenons au modèle anthropologique associant structure anthropologique et perception
idéologique a priori, nous pouvons effectivement identifier dans la famille anglaise traditionnelle une indéfinition
correspondant à celle de la sphère idéologique : les frères sont
différents
, ni égaux ni inégaux. Aux règles d’héritage
inégalitaires des Allemands ou des Japonais, égalitaires des Français, des Russes, des Arabes ou des Chinois, répond la
liberté de tester des parents anglais, qui peuvent répartir comme ils l’entendent leurs biens entre leurs enfants. Cette liberté
n’entraîne pas en général, hors de l’aristocratie anglaise, de grandes inégalités comme l’exclusion de tous les enfants au
profit d’un seul.
La tension entre différentialisme et universalisme rend le rapport des Anglo-Saxons à l’autre, à l’étranger, tout à fait
intéressant et spécifique : instable.
Les peuples universalistes définissent a priori, une fois pour toutes, les peuples extérieurs comme semblables à eux-
mêmes, attitude qui peut les conduire à s’impatienter lorsque les étrangers concrets ne vérifient pas au premier coup d’oeil
leur a priori idéologique. Le potentiel xénophobe des peuples universalistes est évident : énervement des Français devant
l’enfermement des femmes arabes, mépris des Chinois classiques ou des Romains pour les peuples périphériques qui
n’oppriment pas leurs femmes, sans oublier la négrophobie des Russes, peu habitués à la couleur noire, etc. Mais jamais le
système anthropologique adverse n’est théorisé et condamné. Les peuples franchement différentialistes, au moins dans leurs
périodes conquérantes – Allemands jusqu’au nazisme, Japonais de l’époque militariste -, hiérarchisent de façon stable les
peuples de la terre, en supérieurs et en inférieurs.
Le rapport au monde des Anglo-Saxons est mouvant. Ils ont dans la tête une frontière anthropologique, qui fait défaut
aux peuples universalistes et les rapproche des peuples différentialistes, mais cette frontière peut se déplacer. Dans le sens de
l’extension ou du rétrécissement. Il y a nous et les autres, mais parmi les autres certains sont comme nous et d’autres
différents. Parmi les différents, certains peuvent être reclassés comme semblables. Parmi les semblables, certains peuvent être
reclassés comme différents. Mais, toujours, il y a une limite séparant l’humain complet de l’autre, «
there is some place
1
J’aurai l’occasion de développer ce point dans un ouvrage à venir sur
L’origine des systèmes familiaux
qui démontrera le caractère
relativement archaïque, en un sens anthropologique, de la forme familiale anglo-saxonne. Cet archaïsme anthropologique ne dit absolument
rien des potentialités de développement, culturel ou économique, des régions caractérisées par ce type familial. J’aurai également
l’occasion de démontrer que certaines formes familiales hautement évoluées en un sens anthropologique – arabe, chinoise – freinent le
développement. Bref que l’évolution de la famille peut bloquer le développement éducatif et économique.
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3
where you must draw the line
». L’espace mental des Anglais peut être réduit au minimum, à eux-mêmes, mais il peut
s’étendre à tous les Britanniques, et il est certainement aujourd’hui en cours d’extension à l’ensemble des Européens.
L’histoire des États-Unis peut être lue comme un essai sur ce thème d’une fluctuation de la limite, avec un
élargissement continu du groupe central de l’indépendance à 1965, suivi d’un rétrécissement tendanciel de 1965 à nos jours.
Anglais au départ, les Américains ont appris à intégrer tous les Européens, après des hésitations notables sur le statut
d’égaux des Irlandais, des Italiens et des Juifs. La catégorie « blanc » a permis de formaliser cet élargissement partiel, rejetant
les Indiens, les Noirs et les Asiatiques au-delà de la barrière mentale qui sépare le semblable du différent. Entre 1950 et 1965,
nouvelle expansion : les Asiatiques et les Indiens autochtones sont redéfinis comme Américains pleins et entiers, phénomène
qui peut être mesuré par leur entrée sur le marché matrimonial américain général. Leurs femmes en particulier ne sont plus
taboues pour les mâles du groupe dominant qui peuvent désormais les épouser. En 1950 et 1965, le problème noir,
cependant, fait apparaître une tension maximale entre universalisme et différentialisme : au niveau conscient du politique, la
lutte des droits civiques essaye de les inclure dans l’espace central ; au niveau inconscient des croyances profondes, la
situation ne change guère et la ségrégation matrimoniale des femmes noires ne diminue que de façon infinitésimale.
La tendance à l’expansion peut être expliquée, de manière optimiste, par l’hypothèse d’une raison humaine finalement
apte à reconnaître, avec le temps, la similitude d’autrui. Une telle interprétation suggère l’existence d’une dynamique
égalitaire autonome, une supériorité intrinsèque du principe d’égalité sur le principe d’inégalité. Mais si l’on veut pleinement
comprendre la montée en puissance ultime, et malheureusement temporaire, de l’universalisme, dans l’Amérique des années
1950-1965, la plus authentiquement impériale, on ne peut faire l’économie d’un facteur explicatif secondaire : la concurrence
de l’empire soviétique. L’époque de la guerre froide a été celle de l’universalisme américain maximal.
La Russie a inventé et tenté d’imposer au monde le communisme, certainement l’idéologie la plus universaliste depuis
la Révolution française. Cette dernière offrait le principe de liberté à tous les hommes. Non moins égalitaire, la révolution
russe a proposé à la planète le goulag pour tous. Quels qu’aient été ses défauts, on ne peut reprocher au communisme de ne
pas avoir traité de façon égalitaire les peuples soumis. L’examen du fonctionnement concret de l’empire soviétique montre
que la violence et l’exploitation d’État pesaient beaucoup plus durement sur le centre russe que sur les peuples annexés, les
démocraties populaires est-européennes jouissant d’un maximum de « liberté ».
L’universalisme russe est clair et net. Il a une forte capacité de séduction, que l’on a pu voir en action lors de
l’établissement de l’Internationale communiste. Comme les révolutionnaires français, les bolcheviques semblaient avoir une
aptitude naturelle à considérer tous les hommes et tous les peuples de la même manière, attitude non seulement sympathique
mais aussi favorable à l’expansion politique.
Pendant la guerre froide, l’Amérique a dû faire face à ce potentiel menaçant. A l’intérieur comme à l’extérieur.
L’universalisme s’est exprimé, à l’extérieur, par l’élargissement aux pays développés alliés d’une économie libérale
homogène et par l’encouragement à la décolonisation dans l’ensemble de la sphère occidentale. A l’intérieur de la société
américaine, la concurrence de l’universalisme communiste a rendu la lutte contre la ségrégation des Noirs nécessaire. Le
monde, sommé de choisir entre deux modèles, ne pouvait opter pour une Amérique traitant certains de ses ressortissants
comme des sous-hommes. L’assimilation des Japonais et des Juifs est une réussite indéniable. Dans le cas des Noirs,
l’intégration au système politique ne s’est pas accompagnée d’une émancipation économique et d’une dispersion dans la
société américaine générale. Une classe moyenne noire s’est développée mais elle a ses propres ghettos, s’ajoutant à ceux,
largement majoritaires, des Noirs pauvres.
La période la plus récente, correspondant à l’effondrement du rival communiste, voit le recul de l’universalisme
américain. Tout se passe comme si la pression de l’empire concurrent avait mené les États-Unis au-delà de ce dont ils sont
réellement capables dans la dimension de l’universalisme. La disparition de cette pression permet au système mental
américain de retrouver son équilibre naturel, et donc de réduire le périmètre d’inclusion des peuples à « son » universel.
Le recul de l’universalisme interne : les révélateurs noir et hispanique
Le caractère « multiracial » de la société et de la statistique américaine nous permet de suivre « en interne »
l’affaiblissement de l’universalisme américain, de saisir par l’analyse démographique l’échec de l’intégration des Noirs et
l’émergence possible d’un troisième groupe séparé, les « Hispaniques », en fait les Latino-Américains d’origine indienne,
mexicains dans leur écrasante majorité.
La statistique américaine suggère cependant en première approche une légère augmentation du nombre des mariages
mixtes pour les Noirs américains de sexe masculin au tournant du millénaire : de 2,3 % chez les plus de 55 ans à 11 % chez
les 15-24 ans. Mais l’augmentation pour les femmes noires est insignifiante, ce qui suggère une persistance du tabou racial
fondamental : les femmes du groupe dominé ne doivent pas être épousées par les hommes du groupe dominant. Le mariage
interracial noir/blanc est légèrement plus fréquent dans les catégories ayant reçu une éducation supérieure. Pour les
Asiatiques, l’augmentation est en revanche très importante, menant de 8,7 à 30,1 % de mariages mixtes pour les mêmes
groupes d’âge. Les jeunes Juifs américains atteignent quant à eux un taux de mariage mixte de 50 %, l’entrée sur le marché
matrimonial général, c’est-à-dire la dispersion du groupe, s’accompagnant d’une bruyante montée en puissance de la
solidarité active avec l’État d’Israël.
Les statistiques les plus récentes révèlent cependant que la légère augmentation du nombre des mariages mixtes
observée pour les Noirs entre 1980 et 1995 a cessé par la suite. L’annuaire statistique des États-Unis permet de suivre le
dégel des années 1980-1995, minimal, et le blocage de la situation raciale les années suivantes. Le taux de mariage mixte
était pour les femmes de 1,3 % en 1980, de 1,6 % en 1990. Il est monté à 3,1 % en 1995, pour stagner à 3 % en 1998. Mais
c’était sans doute déjà trop pour les statisticiens américains qui ont senti d’instinct que cette augmentation, quoique
insignifiante, était déjà impossible : «
enough is too much already
». Pour l’année 1999, ils ont judicieusement exclu les
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Hispaniques
blancs et noirs de la statistique, choix catégoriel qui a fait retomber le taux de mariage mixte des femmes noires
à 2 ,3 %
2
. Fausse alerte, une minorité porteuse de l’universalisme espagnol réalisait une proportion énorme des mariages
mixtes, les Portoricains sans doute. Actuellement, près de 98 % des femmes noires, lorsqu’elles sont en couple, vivent avec
un Noir. Si l’on ajoute à cette endogamie raciale presque absolue le fait qu’une bonne moitié des femmes noires sont mères
célibataires, et ne sont par conséquent certainement pas mariées avec un Blanc, nous aboutissons au constat d’une
permanence remarquable du problème racial. Il serait plus exact de parler de pourrissement car d’autres données
démographiques indiquent une régression.
Le taux de mortalité infantile, proportion des enfants décédant avant l’âge de un an, est traditionnellement beaucoup
plus élevé pour les Noirs que pour les Blancs aux États-Unis : en 1997, 6 pour mille chez les Blancs et 14,2 chez les Noirs.
La performance est en fait médiocre pour les Américains blancs eux-mêmes puisque leur taux est supérieur à ceux du Japon
et de tous les pays d’Europe de l’Ouest. Mais du moins baisse-t-il. En 1999, il était tombé à 5,8 pour mille. Celui des Noirs,
en revanche,
fait extraordinaire
, est remonté entre 1997 et 1999, de 14,2 à 14,6
3
. Le lecteur n’est peut-être pas habitué à une
interprétation sociologique des indicateurs démographiques et peut considérer avec un certain bon sens que cette
augmentation est faible. Il peut croire que la mortalité infantile n’a pas de signification générale pour la société. Le taux de
mortalité infantile est en fait un indicateur crucial parce qu’il révèle la situation réelle des individus les plus fragiles dans une
société ou un secteur particulier d’une société. La légère augmentation de la mortalité infantile russe entre 1970 et 1974
m’avait fait comprendre dès 1976 le pourrissement de l’Union soviétique et permit de prédire l’effondrement du système
4
. La
légère augmentation de la mortalité infantile des Noirs aux États-Unis signe l’échec de l’intégration raciale, au terme d’un
demi-siècle d’efforts.
Le système mental américain n’est cependant pas biracial en ce début de troisième millénaire, mais triracial, dans la
mesure où les statistiques et la vie sociale ont constitué les Hispaniques, en réalité les Mexicains d’origine indienne, en un
troisième groupe spécifique, fondamental par la taille
5
. La société américaine a retrouvé la structure ternaire qu’elle avait au
moment de l’indépendance ou lorsque Tocqueville l’analysa au début du XIX
e
siècle : Indiens, Noirs, Blancs…..
Est-il vraiment étonnant d’observer, au sein d’une société qui a remplacé la glorification de l’égalité des droits par la
sacralisation de la « diversité » – des origines, des cultures, des races – baptisée « multiculturalisme », un échec de
l’intégration…..
Un empire ne peut être différentialiste
La rhétorique américaine de l’ « empire du mal », de l’ « axe du mal » ou de toute autre manifestation diabolique sur
terre nous fait sourire ou hurler…. Elle doit
pourtant être prise au sérieux, mais décodée. Elle exprime
objectivement
une
obsession américaine du mal, dénoncé à l’extérieur, mais qui vient en réalité de l’intérieur des États-Unis. La menace du mal
y est en effet partout : renonciation à l’égalité, montée d’une ploutocratie irresponsable, vie à crédit des consommateurs et du
pays, application de plus en plus fréquente de la peine de mort, retour à l’obsession raciale…. Ceci peut nous faire prendre
conscience de ce que nous sommes en train de perdre : l’Amérique des années 1950-1965, pays de la démocratie de masse,
de la liberté d’expression, de l’élargissement des droits sociaux, de la lutte pour les droits civiques, était l’empire du bien.
Ce que l’on appelle l’unilatéralisme américain, expression éclatante en politique internationale du différentialisme, ne
doit cependant pas être considéré dans le cadre de cet essai sous un angle essentiellement moral. Ses causes et ses
conséquences pratiques doivent être envisagées. La cause fondamentale est, ainsi qu’on vient de le voir, la régression du
sentiment égalitaire et universaliste aux États-Unis mêmes. La conséquence fondamentale est la perte pour les États-Unis
d’une ressource idéologique indispensable aux empires. Privée d’une perception homogène de l’humanité et des peuples,
l’Amérique ne peut régner sur un monde trop vaste et divers. Le sentiment de la justice est une arme qu’elle ne possède plus.
L’immédiat après-guerre – les années 1950-1965 – a donc représenté une sorte d’apogée de l’universalisme dans l’histoire
américaine. Comme l’universalisme impérial romain, celui de l’Amérique triomphante fut alors modeste et généreux.
Les Romains ont su reconnaître la supériorité philosophique, mathématique, littéraire et artistique de la Grèce ;
l’aristocratie romaine s’hellénisa, le vainqueur militaire s’assimilant sur de nombreux points à la culture supérieure du pays
conquis. Rome finit d’ailleurs par se soumettre à plusieurs, puis à une seule des religions de l’Orient. Les États-Unis, durant
leur époque authentiquement impériale, étaient curieux et respectueux du monde extérieur. Ils observaient et analysaient avec
sympathie la diversité des sociétés du monde, par la politologie, l’anthropologie, la littérature et le cinéma. L’universalisme
vrai garde le meilleur de tous les mondes. La force du vainqueur permet la fusion des cultures. Cette époque qui combinait,
aux États-Unis, puissance économique et militaire, tolérance intellectuelle et culturelle, paraît bien lointaine. L’Amérique
affaiblie et improductive de l’an 2000 n’est plus tolérante. Elle prétend incarner un idéal humain exclusif, posséder la clef de
toute réussite économique, produire le seul cinéma concevable. Cette prétention récente à l’hégémonie sociale et culturelle,
ce processus d’expansion narcissique n’est qu’un signe parmi d’autres du dramatique déclin de la puissance économique et
militaire réelle, ainsi que de l’universalisme de l’Amérique.
Vous indiquerez sur votre copie le nombre de mots employés, par tranches de 50, ainsi que le nombre total.
2
Statistical Abstract of the United States : 2000
, p. 51, tableau 54.
3
National Vital Statistics Reports
, vol. 49, n° 8, septembre 2001
.
4
E. Todd,
La chute finale, op. cit.
5
Il y a en fait cinq groupes dans la statistique américaine qui isole, à côté des
Blancs
, des
Noirs
et des
Hispaniques
, les
Asiatiques
et les
Indiens.
Au stade actuel, les Indiens, peu nombreux et intégrés par le mariage mixte, tout comme les Asiatiques, intégrés par le mariage,
doivent être considérés comme des « résidus » ou des « leurres » idéologiques.
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5
Il convient de dégager les idées essentielles du texte dans l'ordre de leur présentation, en
soulignant l'articulation
logique et sans
ajouter de considérations personnelles.
Il est rappelé que tous les mots - typographiquement parlant - sont pris en compte : un article (le, l'), une préposition
(à, de, d') comptent pour un mot.
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Les copies de la première épreuve seront rendues au bout de deux heures.
Le sujet de la deuxième épreuve sera alors communiqué aux candidats.
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« Diversité des origines, des cultures, des races » et « intégration » : incompatibilité au sein d’une société ?
Exposez votre point de vue en une argumentation structurée.
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