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classe de seconde, Secondaire - Lycée, 2nde
  • cours - matière : histoire
  • exposé - matière potentielle : oral
  • mémoire
  • cours - matière potentielle : pour le jour de l' interrogation
  • mémoire - matière potentielle : professionnel
  • cours magistral
  • cours - matière potentielle : la séance
w w w .la ng ag es .c rd p. ac -c re te il. fr - C en tr e A ca dé m iq ue d e R es so ur ce s su r la m aî tr is e de s la ng ag es - w w w .la ng ag es .c rd p. ac -c re te il. fr w w w .la ng ag es .
  • progression tableau de progression objectifs
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Langue Français

Extrait

Autoriser, encourager et intégrer la parole des élèves 1 pour construire le cours en histoire géographie Dans son mémoire professionnel, Gaëlle Deschodt explore l’oral dans la classe, ses formes et ses fonctions, d’abord par le biais d’une réflexion théorique, de manière à se construire un étayage conceptuel, puis, en écho, à travers l’analyse de situations d’oral mises en place dans une classe de seconde. Mettre en ligne l’intégralité du mémoire étant impossible, le choix a été fait, après la présentation de la problématique d’ensemble, d’isoler une des séances d’oral qui paraissait emblématique et de regrouper les fragments d’analyse figurant au fil du texte, selon le plan adopté dans le mémoire. Ce parti pris peut donner l’impression au lecteur que l’enseignante interprète fortement les interventions orales des élèves. Cependant, dans l’intégralité du mémoire, ses analyses se fondent sur un corpus beaucoup plus riche de treize transcriptions. Choix, démarches, objectifs Analyse de la situation : Le cours est traditionnellement considéré comme l’espace de communication de délivrance de connaissances par le professeur. D’ailleurs, pour que sa parole soit valorisée, dans la salle de classe, l’organisation matérielle le met en valeur. Toutes les paroles qu’il 2 prononceex cathedrasont ainsi mises en valeur.  Cependant, pour moi, les cours d’Histoire Géographie du secondaire ne sont pas une simple transposition du traditionnel cours magistral délivré à l’Université. J’ai donc voulu faire une place aux élèves dans la construction du cours. En effet, mes élèves de la seconde 19 du lycée Frédéric Mistral à Fresnes sont assez expressifs. J’ai eu un peu de mal à les canaliser au départ, et j’ai eu envie d’utiliser cette spontanéité qui les caractérise dans le cours pour la rendre utile. Cette classe est très hétérogène tant du point de vue social que scolaire. Mais je me suis heurtée à quelques difficultés, en premier lieu la timidité ou la surprise des élèves. En effet, répondre à des questions que je pose ne leur a pas posé de problème, mais quand je leur demande de répéter pour que tout le monde note la réponse qui constitue la trace écrite de cette partie du cours, j’ai d’abord rencontré des résistances quelque soit leur niveau social ou scolaire. Cellesci étaient de différentes natures. D’abord, les élèves ont été surpris de cette méthode, ils n’osaient pas répéter, le faisaient d’une voix basse à peine audible, m’obligeant ainsi à répéter ce qu’ils avaient dit de façon très correcte. D’autres ont refusé alors qu’ils répondent régulièrement et pertinemment en cours.  Par conséquent, lorsque je préparais mes cours, je me demandais comment faire pour 3 améliorer la participation des élèves dans la construction du cours et l’appropriation des
1 Titre du mémoire professionnel réalisé sous la direction de MarieLaure Gache, IUFM de Créteil, 20042005. 2 Souvent, le professeur est assis au bureau sur une chaise qui est différente de celle de ses élèves. En effet, celle ci contient des accoudoirs, autre façon de différencier le professeur de ses élèves et, ainsi, de le mettre en valeur. 3  Pour E. BAUTIER, « Maîtriser la langue, oui mais pour quoi (en) faire ? »,X.Y.ZEP, n° 2, avril 1998, il est important de penser l’oral comme un moment et un moyen dans la structuration des activités de connaissances, d’élaboration.
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4 connaissances , autrement dit comment autoriser et faire accepter aux élèves leur parole dans le cours. Il fallait également, au début, encourager cette parole en général et encourager la parole de certains élèves plus en difficulté avec l’oral. Enfin, je me suis interrogée sur la façon d’intégrer cette parole au même niveau que ce que je faisais ou disais pour que les élèves essaient d’adopter une posture d’apprentis historiens et d’apprentis géographes. Objectifs : Mon objectif global est donc d’amener mes élèves, chacun selon leur situation, à être un peu plus à l’aise à l’oral. Ce n’est pas un objectif purement scolaire. En effet, cela permet aussi de participer à la formation de citoyens qui réfléchissent par euxmêmes et qui peuvent intervenir dans la 5 société, en prenant la parole notamment , objectif plus directement lié à ma discipline, l’histoiregéographieéducation civique, précisément juridique et sociale pour ce qui est de la 6 classe de seconde . Enfin, et peutêtre surtout, cela va leur permettre par leur participation 7 d’améliorer la dynamique d’apprentissage puisque l’interaction contient une dimension 8 formatrice importante . Cet oral va leur permettre de construire une démarche d’analyse en 9 10 histoire et en géographie . La mise en situation force les élèves à chercher comment ils vont faire pour y parvenir. En outre, la confrontation peut être mise en place pour construire des 11 savoirs, révélant ainsi aux élèves comment naît le savoir . Mes objectifs sont donc :
4  La participation que je demande s’avère relativement pertinente puisque j’ai fait un contrôle surprise de connaissances sur le premier chapitre d’histoire « Un exemple de citoyenneté dans l’Antiquité : le citoyen à Athènes au V° sièclea.C.» pour voir si le cours était compris. La moyenne des 34 copies est d’environ 12. Avant de leur rendre, je leur ai demandé de me dire honnêtement qui avait appris ou relu son cours pour le jour de l’interrogation (que j’avais tout de même un peu suggérée en insistant sur le fait d’apprendre le cours). Seule une dizaine d’élèves l’avait fait, ce qui tend à prouver qu’une grande partie est attentive en cours, peutêtre du fait de leur intégration au cours. Comme l’a montré E. NONNON (« Rôle des échanges verbaux et de la verbalisation dans les démarches d’apprentissage »,Innovations, n°2323, 1992, p. 4384), les travaux de psychologie sociale et de psycholinguistique prouvent que la verbalisation et les échanges langagiers oraux participent de la dynamique d’apprentissage. Même si M. BAKER (« Argumentation et coconstruction des connaissances »,Interactions et cognitions, n°1, 1996) met en doutes l’hypothèse de l’explicitation des connaissances par l’argumentation comme moteur d’apprentissage.Cf. L. VYGOTSKY (Pensée et langage, Paris, Editions Sociales, 1985 cité par Catherine LE CUNFF et Patrick JOURDAIN (coord.),Enseigner l’oral à l’école primaire, Paris, Hachette Education, 1999, p. 174) pour qui les outils intellectuels sont construits dans une interaction avec ceux qui détiennent cette culture et particulièrement les enseignants. De même, l’hypothèse de travail du groupe « OralCréteil » est qu’à travers les échanges se construisent des outils intellectuels pour lire le monde et s’approprier une culture (Ibid., p. 174). 5  Voir Thierry BOUR, JeanCharles PETTIER, Michel SOLONEL,Apprendre à débattre. Vie collective et éducation civique au cycle 3, Paris, Hachette Education, 2003, p. 1214, pour qui le débat peut permettre de restaurer le lien social dans le sens où la violence est une parole inaboutie. Faire aboutir cette parole par le débat devrait éviter la violence. Le débat étant d’ailleurs un instrument pour construire une citoyenneté responsable et réfléchie. 6 Même si cette dimension citoyenne peut entrer dans n’importe quelle discipline. 7 Voir note 3. 8  Thierry BOUR, JeanCharles PETTIER, Michel SOLONEL,op. cit., p. 11. Cette thématique est développée par L. Kohlberg reprenant les travaux de Piaget (cité parIbid: le débat aide à l’élargissement du., p. 1617) niveau de jugement, ce qui facilite le passage d’un niveau à l’autre par le développement d’un conflit sociocognitif. 9 Voir la séance sur le plan de Constantinople. 10 Voir le module sur le croquis de synthèse. 11  Voir Bernard CHARLOT,Du rapport au savoir. Elément pour une théorie, Paris, Anthropos, 1997, notamment p. 70 et 80.
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– acquérir une aisance à l’oral. – savoir prendre la parole en public, notamment en ECJS. – améliorer les apprentissages pour construire des démarches historiennes et géographiques. – faire prendre conscience de la façon dont naît le savoir. Afin d’atteindre ces objectifs, j’ai tenté de mettre en place une progression TABLEAU DE PROGRESSION  Objectifs Moyens mis en commentaires place Premier Faciliter la Préparation d’un Lorsque l’on arrivait au document dans trimestre participation document à la la progression du cours, tous les élèves maison pouvaient participer s’ils avaient préparé sérieusement le travail. Un obstacle était donc ôté. En effet, Alain Boissinot, « Vers une didactique de l’oral »,La Place de l’oral dans nos enseignements, colloque de Limoges, 2000, p. 24, montre que la parole des élèves ne va pas de soi, ils doivent avoir quelque chose à dire. Ne rien avoir à dire peut être un blocage redoutable. Par conséquent, la préparation évite cet obstacle Après la Augmenter une Moins de Cela avait pour but d’amener les élèves Toussaint participation préparation à réfléchir en classe simplement sans la directement en protection de ce qu’ils avaient pu faire à classe la maison  Faire parler en Entretien personnel Michel Perraudeau,Echanger pour module les apprendre. L’entretien critique,Paris, élèves timides Armand Colin, 1998. Deuxième Développer Exposé oral de 10 Les élèves en groupe font une recherche semestre l’aisance à l’oral min et préparent un dossier. Ils devront et la réflexion débat présenter leurs idées en 10 minutes plus spontanée devant leurs camarades. Il s’agit de la grâce à l’ECJS moitié de la classe, soit 17 élèves. Valoriser les Quelque chose est préparé, ce n’est pas timides en les un oral sans filet. mettant présidents, laisser la parole aux autres en mettant les plus actifs secrétaires
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Depuis Continuer la Travail en classe Il s’agit de développer l’oral pour 12 janvier réflexion en entière ou en apprendre , un oral premier qui classe en faisant groupe sur des constitue une étape vers l’écrit, qui est argumenter les documents donc un outil employé pour favoriser la élèves d’eux construction des connaissances par les mêmes élèves et éviter une pédagogie trop axée sur le discours du professeur dans laquelle l’élève n’a qu’à remplir les espaces interactionnels restreints et stéréotypés. La pratique de l’oral est obligatoire dans le fonctionnement de la classe pour que le 13 14 cours ait lieu . Cependant, qu’estce qui est exprimé et à quoi sert de savoir parler ? Le paradoxe de l’oral est de ne pouvoir être analysé que sous une forme écrite. Par conséquent, il doit donc être transcrit. Cependant, cette mise par écrit pose des problèmes de transcription. En effet, les phrases peuvent être « nettoyées » de leurs scories par le transcripteur sans que celuici s’en rende compte parfois. De même, un autre problème peut être posé par les 15 élisions , comment les rendre au plus près de ce qui est dit ? J’ai donc été confrontée à ces problèmes pour retranscrire les échanges oraux dans la classe. Séance 7 e (le 11/12)séance sur la Méditerranée au XII° siècle, 1 J’annonce mes deux objectifs de la séquence : travailler la prise de notes et faire une carte de synthèse finale à partir des éléments du cours à cartographier que l’on déterminera au fur et à mesure. 16 Introduction : document amorce p. 6667 , je leur demande de le décrire: levers de mains pour répondre. 1Frédéric  on a l’Empire byzantin, l’Occident chrétien et les musulmans, ce sont des pays et leur religion.
12  Sur cette question, Voir également Baudry, Bessonnat, Laparra et Tourigny,La maîtrise de la langue au collège, CNDPSavoir Lire, 1997, Chap. Parler et écrire pour apprendre, c’est apprendre à parler et à écrire, p. 89 ; Frédéric François, « Contours de l’oral ? »,Cahiers Pédagogiques, 400, janvier 2002, p. 5758 ; Le Cunff et Jourdain (coord.),Enseigner l’oral à l’école primaire, Paris, Hachette Education, 1999, p. 123144 ; Gadet et Turco, « L’oral pour apprendre. L’évolution dans le champ de la didactique »,Repères,L’oral pour apprendre, 17, 1998, p. 38 : les travaux de linguistique montre un continuum entre l’oral et l’écrit ; De Pietro et Wirthner, « L’oral, bon à tout faire… Etat d’une certaine confusion dans les pratiques scolaires »,Repères, L’oral pour apprendre,17,1998, p.2140. 13 Voir JeanFrançois Halté, « Pourquoi fautil oser l’oral ? »,Cahiers Pédagogiques, 400, janvier 2002, p. 16 : les trois quarts du temps scolaires se passent en échanges de paroles. 14  Yvette GINSBURGERVOGEL (coord.),La relation d’apprentissage au lycée, Paris, Hachette Education, CRDP des Pays de Loire, 1998, p. 25.15 Elisabeth NONNON, « L’enseignement de l’oral et les interactions verbales en classe : champs de référence et problématique »,Revue française de pédagogie, 129, oct.nov.déc. 1999, p. 96. 16 Livre d’histoire, collection Hatier.
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17 2G des pays ? 3F  enfin non, y’a plusieurs pays. 4G  comment la carte appelle ces éléments qui sont plusieurs pays avec leur religion ? Sous quel terme la légende regroupeelle ces éléments ? Brouhaha général pour répondre et forêt de mains levées 5G c’est Frédéric qui est interrogé! 6F  des mondes 7G oui, des mondes. Vincent, tu veux la parole. 8V  on a trois plages de valeur pour trois civilisations différentes (fierté!) 9G d’accord, on a effectivement trois zones différentes que tu as appelées civilisations, alors que le livre les appelle « mondes ». Tu pourrais nous définir « civilisation » ? 10V euh…on a des éléments de religion d’un monde. 11G  n’y atil que la religion ? 12V non, on a la culture 13G  effectivement, essaie de faire une définition 14V c’est les éléments religieux et culturels d’un monde 15G  En effet, une civilisation correspond à l’ensemble des caractères religieux, culturels, économiques propres à une société humaine. Le titre du cours est la Méditerranée au XII° s, un carrefour de civilisations. Nous avons défini ce qu’est une civilisation, maintenant tournonsnous vers le mot carrefour. Joanna ? 15J  ben, un carrefour, c’est … euh… où il y a des voitures 16G qu’y fontelles, ces voitures ? 17J  elles se croisent pour prendre une direction ou une autre! 18G donc, en général, comment peuxtu définir un carrefour ? 19J  … un croisement ? (timidement) 20Gexactement, un carrefour est un espace de croisement, de rencontre. Qu’elles sont donc les questions que l’on va se poser ? 21 pourquoi estce un carrefour ? 22Quels conflits cela entraînetil ? 23quel est le commerce ? 24Comment estce un carrefour ? 25G quelle peut être une question globale qui les recouperaittoutes ? 26Hélène  quelles relations entre les trois ? 27G Très bien, ce sera notre problématique pour la leçon. Il faut maintenant définir le contexte pour l’étude de ces relations. Quelles sont les bornes de début et de fin du XII° s que l’on peut prendre ? 28Gquel est le début de notre étude ? 29Mianfing  1200 30G ce n’est pas le début du XII°s 31V  non, c’est 1101! 32G Cette date atelle une importance particulière? 33G  non, nous allons prendre comme début 1095. 34Massil  c’est la première croisade 35G  presque, c’est l’appel à la croisade par le pape Urbain II. Le terme final sera 1204, la IV° croisade détournée contre Constantinople. 36Cynthia  madame, c’est quoi la croisade ?
17  Dans la transcription G correspond à moimême, puisque je me prénomme Gaëlle ; les prénoms des élèves sont transcrits dans leur intégralité la première fois, puis seulement mentionnés par l’initiale.
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37G quelqu’un saitil ce qu’est la croisade ? (Housny doigt aussitôt levé) Housny 38H  c’est euh …le départ des chrétiens … euh qui z’allaient en guerre … contre les musulmans pour …euh récupérer …euh les Lieux saints. (dans un brouhaha parce que les autres élèves attendaient une définition d’un trait qu’ils n’auraient plus qu’à copier, alors qu’Housny construisait sa définition en la disant, il cherchait donc ses mots) 39G  très bien, c’est une bonne définition 40Hélène  c’est une guerre sainte madame alors ? 41G non, une guerre sainte a pour but la propagation de la foi, ce qui n’est pas tout à fait le cas ici puisque le but est d’occuper les Lieux saints, notamment Jérusalem trois fois sainte pour les trois religions juive, chrétienne et musulmane ; et notamment faciliter les pèlerinages qui cependant étaient toujours possibles même sous la domination musulmane, mais il n’y a pas de réelle volonté de diffuser la foi, les populations de la région n’ont pas été obligées de se convertir au christianisme. Analyse thématique de la situation mise en place : Du point de vue du rapport au savoir Dans toutes les séances analysées, les élèves ont des postures révélatricesd’une conception d’un savoir en soi, alors que le savoir est une construction, une relation, et un 18 résultat . Ils manifestent des réticences visàvis d’une construction, d’une recherche d’un savoir qui ne tomberait pas du ciel. Pour Bernard Charlot, « le savoir apparaît comme existant en soi, dans un univers de savoirs distinct du monde de l’action, des perceptions, des 19 émotions » , ceci est lié à l’énonciation du savoir sans l’évocation du processus d’apprentissage. Cette conception est particulièrement perceptible au cours de la séance 7. En effet, Housny est en train d’élaborer sa définition pendant qu’il parle :  38H  c’est euh …le départ des chrétiens … euh qui z’allaient en guerre … contre les musulmans pour …euh récupérer …euh les Lieux saints. Pendant ce temps, un brouhaha s’installe parce que les autres élèves attendaient une définition d’un trait qu’ils n’auraient plus qu’à copier. Cela révèle la conception des élèves sur le savoir qui est quelque chose de net, de construit qu’il ne faut que restituer. Ils pensent que ce sont des « savoirs qui existent en soi, réifiés, des “matières” qu’il s’agirait uniquement de 20 découvrir et de restituer » . Ils ne perçoivent pas que le langage est un moyen pour penser et 21 construire son savoir, et pas seulement le vecteur d’un savoir figé . La construction du savoir avec les élèvesse fait par tâtonnement afin de leur faire 22 prendre conscience de la façon dont est produit le savoir. A cette fin, le tableau a uneimportance cruciale, il formalise la parole de chacun, enseignant comme élève, et la constitue comme un objet. Cette parole peut ainsi être retravaillée, ce qui permet une progression sur 18 Bernard CHARLOT,op. cit., p. 70. 19 Ibid., p. 80. 20  MarieLaure GACHE et AnneMarie HOSEK, « De ma ville à la ville »,Les Cahiers Innover et Réussir, 2, janvier 2002, p. 23.21 Ibid., p. 28. 22 Pour Monique BAUDRY, Daniel BESSONNAT, Marceline LAPARRA et Francis TOURIGNY,op. cit., p. 9091, le rôle du tableau est de fixer les grandes lignes des échanges oraux au tableau. Il s’agit de faire croire aux élèves que l’on transcrit scrupuleusement leurs propositions, alors que l’on reformule pour hisser à la conceptualisation car on écrit pas ce qu’on dit et c’est une étape dans la construction des savoirs qui devrait être faite non seulement par le professeur mais par tous les élèves.
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23 cette idée . Il valorise aussi les élèves et les réconforte dans leurs savoirs. Il sert également de brouillon à la pensée.  La séance 7 permet une nouvelle tentative de construction d’une introduction. Les élèves ont une participation active dans les échanges avec l’enseignant. Ils réemploient leurs connaissances, par exemple Vincent : 8V  on a trois plages de valeur pour trois civilisations différentes (fierté!) 24 Un transfert a été effectué entre l’histoire et la géographie pour le vocabulaire . La trace d’une réelle réflexion des élèves est présente dans les hésitations verbales, celles de Joanna : 15J  ben, un carrefour, c’est … euh… où il y a des voitures 19J  … un croisement ? (timidement) mais surtout celles d’Housny qui construit sa définition en même temps qu’il parle (en 38). 25 Nous avons l’élaboration d’une pensée par le langage, par une parole qui se cherche . 26 Elisabeth Nonnon fait un parallèle à ce propos avec les écrits brouillon . Cela est visible dans 27 les hésitations, les blancs, les répétitions : c’est la preuve d’une activité métalangagière . En effet, l’oral est fondamentalement lié à la pensée en construction, c’est un oral réflexif ou un 28 oral pour apprendre , preuve de la construction des savoirs. Il faut donner du temps aux enfants pour clarifier leur pensée oralement, par tâtonnement, se 29 reprendre, favoriser les initiatives de parole, susciter les échanges entre pairs . Je prends le temps de m’appuyer sur les élèves (en 1520). Je peux alors demander de formuler une problématique (2027). Ce sont les élèves qui sont placés en position d’acteurs et de constructeurs du savoir. L’oral permet de travaillerdes éléments et les démarches propres à l’histoire et à la géographie, au premier chef la problématique. Cet élément fondamental de nos disciplines, est mis en valeur par le travail sur des documents. Les élèves sont amenés à voir comment une problématique se construit. En effet, le problème exige de la réflexion et des recherches. Il correspond à ce qu’on ne sait pas tout de suite, ce à quoi nous n’avons pas de réponse. La problématique exige donc le déploiement de la question en sousproblèmes, de distinguer des données et des conditions qui rendent possibles la résolution, vers quoi il faut amener les 30 élèves . La démarche est visible lors de la séance 7, les questions sont regroupées en une seule (en 2027). C’est la problématique des élèves, ce sera donc plus facile pour apprendre la
23 Voir Thierry BOUR, JeanCharles PETTIER, Michel SOLONEL,op. cit., p. 29. 24 Dans la typologie établie par E. Bautier et J.Y. Rochex des « nouveaux lycéens », Vincent apparaît comme un élève en réussite puisqu’il commence à opérer des transferts entre matières et à décloisonner les savoirs (op. cit., chap. 5B et 3) de la conclusion) 25 Pratiques», intervention d’Annie Portelette lors d’une réunion du groupe de travail « et ses risque « L’oral orales dans les disciplines et les projets pluridisciplinaires », voir le CARMaL et son centre de ressources sur la maîtrise des langages sur le site de l’académie de Créteil http : //www.accreteil.fr/langages/contenu/mis_acad/groupe_travail_pratique_orale.htm 26  Elisabeth NONNON, « Interaction et apprentissages »,Le Français aujourd’hui,Interaction : dialoguer, communiquer,113, mars 1996, p. 61. 27  Catherine LE CUNFF et Patrick JOURDAIN (coord.),Enseigner l’oral à l’école primaire, Paris, Hachette Education, 1999, p. 148149. 28  Voir Catherine Le CUNFF, « Ecritoral : solidarité ou conflit »,Cahiers Pédagogiques, 400, janvier 2002, p. 30 ; MarieThérèse CHEMLA et Martine DREYFUS, « L’oral intermédiaire de la lecture littéraire » dans JeanCharles CHABANNE et Dominique BUCHETON,Parler et écrire pourpenser, apprendre et se construire. L’oral et l’écrit réflexifs, Paris, PUF, 2002, p. 114. 29  Monique BAUDRY, Daniel BESSONNAT, Marceline LAPARRA et Francis TOURIGNY,op. cit., p. 90. Voir également Yvette GINSBURGERVOGEL,op. cit., p. 33. 30 Voir Michel FABRE, « Problème et projet »,Les Cahiers Innover et Réussir, 2, janvier 2002, p. 7.
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leçon puisse qu’elle vient en partie d’eux. Il en est de même de la coconstruction des définitions au début de la séance (1 à 20). Du point de vue des interactions : En classe, la parole n’est pas neutre, elle s’adresse toujours à quelqu’un. La personne ou le groupe visé réagit, interprète cette parole différemment. Ainsi, diverses interactions sont mises en place. 31 Intéraction professeurélèves : La classe apparaît comme un lieu d’échanges sociaux, d’interactions pour la construction du langage et des savoirs. Dans cet espace, deux acteurs se distinguent : l’enseignant et les élèves.L’interaction peut se réaliser en rebondissant sur les propos des élèves, ce qui les valorisent en leur montrant que ce qu’ils disent est important et a de la valeur. De plus, cela les oblige à réfléchir, à se justifier et à comprendre pourquoi ils ont pu tenir tel propos. Dans la séance 7, je rebondis sur les propos tenus par les élèves : 7G  oui, des mondes. Vincent, tu veux la parole. 8V  on a trois plages de valeur pour trois civilisations différentes (fierté!) 9G d’accord, on a effectivement trois zones différentes que tu as appelées civilisations, alors que le livre les appelle « mondes ». Tu pourrais nous définir « civilisation » ? Ou bien encore en 1420. Le but est de les amener là où je veux en partant d’eux afin de créer un déplacement. L’interaction entre les acteurs passe également par le jugement que porte le professeur sur les paroles prononcées. Cette appréciation permet aux élèves de réorienter leur réflexion. Ainsi, dans la séance 7, il existe une évaluation de la contribution des élèves pour stimuler 32 l’attention des autres : « oui » en 7, « d’accord » en 9, « effectivement » en 13, « en effet » en 15, « exactement » en 20, « très bien » en 27 et 39, « non » en 33, « presque » en 35. Les interactions ont lieu également dans des attitudes, des regards, des gestes difficiles à retranscrire, sauf à filmer la classe. Les interactions apparaissent donc multiples et complexes. Le fait de susciter une réflexion peut provenir également des conditions proposées aux élèves comme simplement un peu de temps pour les laisser réfléchir. Lors de la séance 7, je délègue la parole aux élèves en régulant la parole en rappelant l’élève qui est interrogé face au 33 brouhaha, ce qui laisse un peu de temps pour réfléchir .
L’interaction entre élèves : Elle consiste en une aide entre les élèves dans la construction du savoir et des démarches. Ainsi, lors de la séance 7, je demande aux élèves des définitions qu’un de leur camarade demande : 36Cynthia  madame, c’est quoi la croisade ? 37G quelqu’un saitil ce qu’est la croisade ? (Housny doigt aussitôt levé) Housny
31  Voir notamment Elisabeth BAUTIER, « Pratiques langagières et scolarisation »,Revue française de pédagogie, 137, oct.nov.déc. 2001, p. 117161. 32  Voir Jacques VUILLET, « Réguler l’interaction en classe »,Français aujourd’hui Le ,Dialoguer de la conversation au texte, 71, septembre 1985, p. 2935, en particulier p. 33. 33 Voir sur ce point Yvette GINSBURGERVOGEL,op. cit., p. 33.
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34 Cela révèle une tentative pour établir un étayage entre pairs par les élèves. Cependant, ce n’est pas exploité systématiquement puisque cette situation aurait pu être mise en place en 30 sur le début du XIIème siècle et en 40 sur la guerre sainte. Je réponds à l’élève en justifiant ma réponse, comme ce que j’attends d’eux, non pas en le passant sous silence. Il est toutefois à noter un progrès depuis le début de l’année. à supprimer ? Ces interactions permettent un investissement plus important des élèves dans le cours, ce qui entraîne un rôle différent pour le professeur. Du point de vue du rôle du professeur : L’interaction implique une place différente de l’enseignant dans la classe : il n’est plus celui qui dit le savoir, mais celui qui le fait construire et qui installe du coup un autre rapport au savoir. Le professeur détenteur du savoir qui valide Dans tous les cours, l’enseignant est celui qui représente le savoir. En effet, spontanément, c’est vers lui que se tournent les élèves lorsqu’ils ne savent pas ou ne comprennent pas quelque chose, comme lors de séance 7 : 36Cynthia  madame, c’est quoi la croisade ? 40Hélène  c’est une guerre sainte madame alors ? Ces questions prouvent que les élèves reconnaissent le professeur comme détenteur du savoir, vers qui ils se tournent quand eux ne savent pas et qui est là pour leur distiller ce précieux 35 mélange qui est inné pour eux. L’enseignant est garant du savoir dans le sens où il valide ou non les réflexions des élèves. Ainsi, lors de la séance 7, il existe également une évaluation de la contribution des élèves. Par ailleurs, je me pose en « valideur » du savoir par le jugement que j’émets sur les réponses de l’élève : « d’accord » en 30 et en 36. Le rôle de l’enseignant est donc de 36 déterminer le niveau de pertinence et de légitimité de toutes les prises de parole . Le professeur qui sollicite les élèves et clarifie la construction de la pensée. Le professeur fait réfléchir les élèves par les questions qu’il leur pose. Cette sollicitation doit permettre à chacun de construire sa réflexion. La réflexion peut être amenée par des questions de l’enseignant dans le sens d’une abstraction, d’une dénomination précise des éléments observés. Ainsi, la séance 7 voit une régulation des échanges par le professeur, par un rappel à l’ordre en 5 par exemple ; en 7, je donne la parole à Vincent, à Joanna en 15, à Housny en 37. Je demande de la réflexion par un questionnement ouvert, sauf sur quelques points précis où je veux amener les élèves (en 4 et 11). En 4, la question fermée vise un 37 étayage verbal, à savoir dénommer , ce qui est repérable par les expressions « comment appelleton », « quel terme ». Différents étayages sont présents : la définition (9, 37), la justification (32). Cela force donc les élèves à développer leur propos, à se justifier. Cette réflexion passe, on vient de le voir, par de l’étayage.
34 Voir Catherine LE CUNFF et Patrick JOURDAIN (coord.),op. cit., , p. 182. 35 Voir les analyses sur les rapports au savoir. 36  Claudine GARCIA, « Dialoguer en classe c’est aussi … méta communiquer »,Français aujourd’hui Le , Dialoguer de la conversation au texte, 71, septembre 1985, p. 24. 37 Voir Catherine LE CUNFF et Patrick JOURDAIN (coord.),op. cit., p. 181.
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Conclusion L’oral n’est pas au programme de seconde en histoiregéographie, mais il l’est en Education civique, juridique et sociale sous la forme d’un débat. Pourtant, l’oral me semble pouvoir (ou devoir) y avoir sa place. Comme l’écrit, sinon plus, l’oral permet aux élèves de se construire des postures d’apprentis historiens ou géographes dans la mesure où la verbalisation produit une appropriation, voire une intégration au sens sociologique du terme, c’estàdire l’acquisition d’une posture qui devient une sorte de réflexe, un comportement inconscient. De même, l’oral rend possible un renversement des représentations du savoir chez les n’est qu’amorcée, certains élèves persistent dans leur représentation initiale, qui les accompagne depuis le début de leur scolarité. Cependant, un mouvement est amorcé dans cette révolution copernicienne pour eux. Par ailleurs, les interactions mises en place grâce à l’oral amènent un cours et une classe qui peut être plus intéressante à la fois pour les élèves mais aussi pour l’enseignant qui n’est pas en train de parler dans le vent ou pour le mur. Cela modifie le rôle et la place du professeur dans la classe, il devient un accompagnateur et non un dispensateur de savoirs. Ce rôle différent est quelque chose d’intéressant à tenir, mais aussi quelque chose de très difficile, même si, il faut l’avouer, il procure une sensation de satisfaction infiniment plus grande quand les élèves ont pu occuper toute la place orale. Ainsi, l’analyse des pratiques de l’oral que j’ai mises en place dans ma classe de seconde a été très instructive. Elle m’a permis par des lectures théoriques de mettre des mots sur des pratiques que je faisais parfois sans en avoir conscience. Mais, cela m’a permis également de prendre conscience plus globalement de tout ce qui soutend une situation d’oral et dont un jeune professeur qui débute n’a pas ou ne peut pas toujours avoir conscience.  Gaëlle Deschodt, lycée Jacques Brel, La Courneuve
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