Lauréats
11 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
11 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

  • cours - matière potentielle : la vie
  • cours - matière : philosophie
  • mémoire

 
 Concours de Correspondance 2011 « Lettre à un(e) ami(e) inconnu(e) » Page 1 sur 11 Lauréats du Concours de Correspondance 2011 « Lettre à un(e) ami(e) inconnu(e) » Organisé dans le cadre du Salon du Livre de Châtenay-Malabry du 27 au 29 mai 2011
  • moi
  • paladine
  • organisé dans le cadre du salon du livre de châtenay-malabry
  • ton nom
  • doute
  • tables
  • table
  • temps
  • livre
  • livres

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 66
Langue Français

Extrait






Lauréats
du Concours de Correspondance 2011
« Lettre à un(e) ami(e) inconnu(e) »

Organisé dans le cadre du Salon du Livre de Châtenay-Malabry du 27 au 29 mai 2011











Concours de Correspondance 2011 « Lettre à un(e) ami(e) inconnu(e) » Page 1 sur 11



Premier Prix décerné à Anne Buhler

Lire mon amie


Chaque jour ou presque vous prenez place à la même table de ce petit café de la rue L. Elle ne
vous est pas réservée mais miraculeusement jusqu'à aujourd'hui elle a toujours été libre à votre
arrivée.
Je rêve de ce jour où je vais oser me glisser sur la banquette quelques minutes avant votre arrivée.

Chaque jour ou presque vous commandez un café puis un thé puis, si vous prolongez votre séjour,
un chocolat chaud ou un nouveau café. Quelques mots jamais trop, jamais plus,
échangés avec le garçon qui va de table en table.
Je rêve d'enfiler son gilet noir et tablier pour vous approcher, vous parler enfin.

Chaque jour ou presque vous venez lire dans ce café tranquille à cette heure où la plupart
travaillent. Vous partirez un peu avant midi quand l'agitation s'installe avec les préparatifs du
déjeuner. Un roman, plus rarement un journal, vous accompagne dans cette heure ou deux que
vous passez ici sans me voir, absorbée, happée par la lecture.
Je rêve d'être ces mots imprimés, couchés sur du vélin pour qu'enfin vos yeux se posent sur moi.

Chaque jour ou presque ... et cela fait des mois, dix mois.
Juin 2010 marque la fin de mon histoire professionnelle du moment, chômage, écrire des lettres,
rendez-vous attendus, espérés et puis à nouveau lire les journaux, pointer les annonces.
Je franchis la porte de ce café un peu par hasard, y trouve comme vous un havre de paix pour
parcourir la presse et préparer mes lettres. Je choisis de m'y installer par intermittence, recréant
sans en avoir conscience un rythme de vie "kiosque, café, maison" en lieu et place de mon ancien
"métro, boulot, dodo".

Je ne crois pas vous avoir vu les premières fois mais je vous ai certainement manquée car je
n'imagine pas cette table inoccupée, je devais être absorbée, toute encore à ma recherche,
consciencieuse, mettant toute mon application dans ma lecture, histoire de forcer le destin, trouver
enfin...
Mais les jours, les semaines se sont écoulées et j'ai lâché prise, dénoué la tension qui m'oppressait,
levé les yeux. Vous étiez là comme aujourd'hui, l'arrête du livre posée inclinée sur la table, vous
droite le dos appuyé à la moleskine de la banquette, le regard fixé, hypnotisé par les mots.

Difficile de vous donner un âge mais vos cheveux gris et blancs trahissent le nombre des années.
Ondulés et mi-longs, vous les lâchez de temps en temps, dénouant d'une main le chignon que
j'imagine vous avez mis du temps à fixer. Et cela sans quitter des yeux le livre que vous tenez de
l'autre main. Vos lunettes ombrent vos yeux que je devine sombres sans être noirs. Vêtue
sobrement vous portez avec élégance les lainages confortables ou le lin printanier.


Concours de Correspondance 2011 « Lettre à un(e) ami(e) inconnu(e) » Page 2 sur 11

Mais ce qui frappe surtout c'est votre visage si doux et pourtant si concentré, où rien ne transparaît
des aventures, des horreurs ou des histoires d'amour que vous lisez. Je ne vous ai vu qu'une fois ou
deux esquisser un sourire, le récit devait être vraiment drôle.

Je suis un peu trop loin pour entendre distinctement le son de votre voix que seul le serveur
connaît. Vous ne parlez à personne et personne ne vient vous saluer. Dès votre manteau, votre
chapeau ou votre châle posé sur la chaise qui vous fait face, vous ouvrez votre sac, chaussez vos
lunettes et prenez votre livre. Là commence ce que j'imagine être votre meilleur moment de la
journée, votre regard glisse entre les pages et jamais il ne cherche quelqu'un ou quelque chose dans
la salle. Il ne quittera les lettres tracées que pour saluer le garçon venu prendre la commande.

J'ai tenté d'en savoir davantage, interrogé l'air de rien ce serveur qui par respect pour votre lecture
n'entame jamais avec vous de conversations légères et inutiles. Il ne connaît pas votre nom, mais
vous sait proche voisine. Veuve depuis peu vous avez pris l'habitude de vivre vos matins à cette
table où jamais auparavant on ne vous avait vu. Fuyez-vous la solitude de votre cuisine devenue
trop grande ou bien retrouvez-vous une habitude de jeunesse, quand
étudiante, vous hantiez un café pour lire vos classiques ?

Vos absences sont généralement de courte durée deux ou trois jours tout au plus qui me font
redouter de ne plus vous revoir, de ne pas avoir la chance de vous aborder. A chaque fois
l'angoisse me saisit et si l'envie vous prenait de déménager sans préavis ? Je crains la maladie qui
vous clouerait au lit, j'imagine le pire et regrette cent fois de ne pas avoir eu le cran de ce premier
pas.
Le café sans vous perd de son charme quand cette table un peu isolée reste désespérément
inoccupée. Ces jours-là je réécris à l'envie notre rencontre improbable. Vous presque arrivée, moi
au milieu du chemin de la vie, mais toutes deux liées par quelques feuilles de papier.

C'est votre concentration, qui n'a rien de sévère, qui m'a tout d'abord intriguée, puis émue.
Quelle force réside donc dans ces pages pour vous tenir ainsi captive ? Quel sortilège dessine
autour de vous ce rempart invisible qui fait que vous êtes là et pourtant si lointaine ?
Quelle alchimie vous offre ce don d'ubiquité, le corps ici, l'esprit ailleurs vivant une tout autre
aventure ?

Inexorablement votre présence me renvoie à mon enfance, ces après-midi allongée sur le lit de la
petite chambre toute occupée à dévorer un récit, découvrir une intrigue. En vain maman
m'appelle, mon frère m'invite aux jeux, je suis sourde mais surtout pas aveugle tant je brûle de lire
encore quelques lignes, finir la page puis une autre et encore...

Aujourd'hui encore mon compagnon envie cette capacité à me soustraire au monde quand je
plonge dans un roman. Les enfants chahutent, le voisin taille ses arbres, le téléphone sonne mais je
demeure insensible, toute entière dédiée à ces mots qui me font partager une autre vie, voyager,
pleurer, me révolter...

Et c'est sans aucun doute pourquoi je vous ai reconnue immédiatement, comme il suffit de croiser
on reflet dans le miroir pour se reconnaître. J'aime m'imaginer "être vous", jeu du temps,
distorsion magique qui me projette dans mon futur, vous êtes ce que je souhaite être, là, dans
quelques années perpétuer ce rite, intriguer, attirer. Etre passeur de cette passion de lecture.

Je m'inquiète, qu'adviendra-t-il si je romps le charme, si je m'approche, m'assois et prononce


Concours de Correspondance 2011 « Lettre à un(e) ami(e) inconnu(e) » Page 3 sur 11
quelques mots ? Allez-vous disparaître mirage de mon esprit ? Allez-vous fuir pour ne pas revenir,
tels ces oiseaux dont on découvre le nid ?
J'ai peur... mais aujourd'hui mon désir est plus fort que mes craintes. Ce livre posé sur la petite
table de marbre devant vous me rend intrépide et courageuse.

Ce roman je l'ai lu, fini il y a quelques jours à peine et il m'a tant bouleversée que je brûle d'en
parler avec vous. Je comprends soudain que tout ce temps passé à vous contempler, je dialoguais
sans voix avec vous, écoutant votre silence qui me contait vos émotions de lecture.

Il me faut savoir. Avez-vous aussi succombé au charme de cette grand-mère qui ouvre le récit pour
découvrir quelques chapitres plus loin ce monstre qu'elle était ? Et que faire de cette affection
ressentie aux premières lignes une fois l'horreur dévoilée ? Avez-vous tremblé pour la jeune fille
souhaitant plus que tout que jamais la voiture noire ne parvienne à mettre fin à sa fuite ? Quand
avez-vous cessé d'espérer une fin heureuse à ce récit si noir ?

Pour ce livre reconnu combien d'autres j'ignore encore. J’ai t

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents