Le capitalisme est-il moral ? - d André Comte-Sponville
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Le capitalisme est-il moral ? - d'André Comte-Sponville

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Le capitalisme est-il moral ? est une synthèse de plusieurs conférences dispensées par André Comte-Sponville sur la question de l'éthique de l'entreprise. L'objectif de l'auteur est d'abord d'apporter des clarifications conceptuelles sur les rapports entre l'économie, la politique et la morale pour sortir des amalgames auxquels auraient mené les courants de la « responsabilité sociale de l'entreprise » et de l' « entreprise éthique ». Selon André Comte-Sponville, prétendre marier profit et éthique relève d'une confusion entre deux ordres différents et ne permet pas de répondre aux problèmes soulevés par les dérives contemporaines de l'économie. Le capitalisme n'est ni moral, ni immoral ; il est « a-moral » dans le sens où la morale est intrinsèquement étrangère à l'ordre économique.
Mastère Spécialisé Management du Développement Durable - HEC2007-2008

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ObservatoireduManagementAlternatif Alternative Management Observatory __ Fiche de lecture Le capitalisme est-il moral ? Sur quelques ridicules et tyrannies de notre temps André Comte-Sponville 2004
Violaine Laurens-Berge - Avril 2008 Mastère Spécialisé Management du Développement Durable – HEC 2007-2008  Laurens-Berge V.– Fiche de lecture :Le capitalisme est-il moral ?– Avril 2008 1
Genèse de la fiche de lecture Cette fiche de lecture a été réalisée dans le cadre du cours « Histoire de la critique » donné
par Eve Chiapello et Ludovic François au sein de la Majeure Alternative Management, spécialité de troisième année du programme Grande Ecole d’HEC Paris. Origin of this review This review was presented in the “Histoire de la critique” course of Eve Chiapello and Ludovic François. This course is part of the “Alternative Management” specialization of the third-year HEC Paris business school program. Charte Ethique de l'Observatoire du Management Alternatif Les documents de l'Observatoire du Management Alternatif sont publiés sous licence Creative Commons http://creativecommons.org/licenses/by/2.0/fr/pour promouvoir l'égalité de partage des ressources intellectuelles et le libre accès aux connaissances. L'exactitude, la fiabilité et la validité des renseignements ou opinions diffusés par l'Observatoire du Management Alternatif relèvent de la responsabilité exclusive de leurs auteurs.
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Le capitalisme est-il moral ? Albin Michel, Paris, janvier 2007 (3èmeédition) (Première parution : Octobre 2004) Résumé : Le capitalisme est-il moral ?est une synthèse de plusieurs conférences dispensées par André Comte-Sponville sur la question de l’éthique de l’entreprise. L’objectif de l’auteur est d’abord d’apporter des clarifications conceptuelles sur les rapports entre l’économie, la politique et la morale pour sortir des amalgames auxquels auraient mené les courants de la « responsabilité sociale de l’entreprise » et de l’ « entreprise éthique ». Selon André Comte-Sponville, prétendre marier profit et éthique relève d’une confusion entre deux ordres différents et ne permet pas de répondre aux problèmes soulevés par les dérives contemporaines de l’économie. Le capitalisme n’est ni moral, ni immoral ; il est « a-moral » dans le sens où la morale est intrinsèquement étrangère à l’ordre économique. Mots-clés :Capitalisme, Ethique, Ethique de l’entreprise, Responsabilité sociétale de l’entreprise,Doctrine politico-économique, Approche philosophique. Is Capitalism moral? Albin Michel, Paris, January 2007 (3rdedition) (First publication: October 2004) Abstract:Is Capitalism moral?is a synthesis of several lectures delivered by André Comte-Sponville about business ethics. His first goal is to clarify the concept of relations between economics, politics and ethics in a context where the trend of Corporate Social Responsibility might lead to confusion on this topic. According to him, it’s a mistake to mix profit and ethics because economics and ethics belong to separate fields. Mixing them is not the way to solve the problems caused by the drifts of capitalism. Capitalism is neither moral nor immoral; it is a-moralin the sense that moral has basically nothing to do with economics. Keywords: Capitalism, Ethics, Business ethics, Corporate Social responsibility,Political and economical doctrine, Philosophical approach.
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Table des matières
1.............................................................................. 5André Comte-Sponville et son œuvre 1.1. Le bonheur avant tout............................................................................................. 5 1.2. Une synthèse appréciée sur l’éthique et la morale ................................................. 62.Résumé de l’ouvrage ........................................................................................................ 72.1. Plan de l’ouvrage.................................................................................................... 7 2.2. Capitalisme et morale :la distinction des ordres................................................... 83.Des limites ? .................................................................................................................... 163.1. Des nuances à apporter......................................................................................... 16 3.2. L’avis du rédacteur ............................................................................................... 174.Bibliographie de l’auteur............................................................................................... 195.Références ....................................................................................................................... 21
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1.
André Comte-Sponville et son œuvre
1.1.Le bonheur avant tout André COMTE-SPONVILLE est né à Paris en 1952. Ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm, agrégé de philosophie, il a été maître de conférences à la Sorbonne jusqu’en 1998 et DocteurHonoris Causade l'Université de Mons-Hainaut, en Belgique. En 1998, il démissionne de l’Université de Paris I pour se consacrer exclusivement à l'écriture et aux conférences qu’il dispense dans des cadres et devant des publics très divers. 1 Depuis 1995, André Comte-Sponville a publié une trentaine d’ouvragesdont les qualités pédagogiques ont rapidement conquis le grand public. En outre, il a dirigé notamment trois numéros de laRevue internationale de philosophie, consacrés à Montaigne (n° 181, 1992), à Pascal (n° 199, 1997), et à Alain (n° 215, 2001). Il publie également de nombreux articles dans la presse grand public (L'Express, Le Point, Le Nouvel Observateur, Le Monde, LeFigaro, Psychologies...). André Comte-Sponville a été nommé membre du Comité consultatif national d'éthique le 4 mars 2008 par Nicolas Sarkozy. L’œuvre d’André Comte-Sponville est fortement imprégnée de l’influence de ses maîtres à penser, au premier rang desquels Epicure, les Stoïciens, Montaigne et Spinoza. Ayant « perdu la foi » à l’âge de dix-huit ans, André Comte-Sponville se dit également proche de la tradition matérialiste et sceptique, tout en se définissant lui-même comme un « athée fidèle » dans la mesure où il s’inscrit dans l’histoire des valeurs judéo-chrétiennes. Philosophe humaniste, sa réflexion porte surtout sur l’idée de bonheur et la recherche de la sagesse : selon lui,«Qu'est-ce qu'être heureux ?»doit être la première question philosophique. Cherchant ainsi à renouer avec l'idéal ancien de sagesse tout en assumant les défis de la modernité (tels qu'on les voit 2 apparaître chez Nietzsche, Marx et Freud) , il propose une métaphysique matérialiste, une éthique humaniste et une spiritualité sans Dieu. Fidèle à la tradition matérialiste, l’auteur dénonce les illusions ou espérances spontanées de l'homme, qui, selon lui, éloignent de la sagesse. L’idée de bonheur chez Comte-Sponville se rapproche en fait du concept d’ataraxie développé par les philosophes antiques. Il s'agit de connaître et de vouloir, de « comprendre la réalité de nos désirs, plutôt que prendre nos désirs pour la réalité», pour atteindre le bonheur dans un élan constant de lucidité. 1 Cf. Bibliographie. Le petit traité des grandes vertus, publié en janvier 1995 a été vendu en France en 300 000 exemplaires et traduit en 24 langues 2 Octobre 2002 -Traité du désespoir et de la béatitude,Paris, PUF, 707 p.
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1.2.Une synthèse appréciée sur l’éthique et la morale Le capitalisme est-il moral ?est une synthèse de plusieurs conférences dispensées par André Comte-Sponville entre 2000 et 2004 devant des publics très divers (étudiants et enseignants d’écoles de commerce, membres d’associations ou cadres d’entreprises). L’objectif à l’origine de ces conférences était de proposer une clarification de la complexité « caractéristique de notre modernité intellectuelle, économique ou politique », afin d’ « aider chacun à prendre ses décisions et à assumer ses responsabilités face aux différents défis que le monde aujourd’hui nous impose ». L’ouvrage est structuré autour de deux grandes parties. Dans la première, l’auteur développe sa thèse en quatre points qui s’enchaînent de manière didactique pour apporter une réponse à la question-titre (le capitalisme est-il moral ?). La deuxième partie comprend la transcription d’échanges ayant eu lieu entre le philosophe et son public lors de ses conférences, avec pour objectif d’apporter un éclairage complémentaire au développement. La publication de cet ouvrage a fortement contribué à la notoriété du philosophe auprès du grand public, qui avait déjà très bien accueilliLe Petit traité des grandes vertus, publié pour la première fois en 1995. Ce succès de librairie avait attesté du regain d'intérêt dans un large public pour la réflexion éthique et morale. AvecLe Capitalisme est-il moral ?, André Comte-Sponville propose une nouvelle grille de lecture claire et accessible à tous sur les interactions et les frontières entre l’éthique, la morale et l’économie. Par sa démarche volontairement pédagogique, l’auteur se rapproche de la tendance des « nouveaux philosophes », à l’instar d’un Luc Ferry par exemple, qui revendiquent leur volonté de sortir la philosophie des sphères d'experts pour la mettre au service de tous comme guide de réflexion individuelle et collective.
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2.
Résumé de l’ouvrage
2.1.Plan de l’ouvrage PREMIERE PARTIE: LECAPITALISME EST-IL MORAL? Introduction I – Le retour de la morale 1. Deux générations, deux erreurs 2. Le « triomphe » du capitalisme 3. La « mort de Dieu » 4. La mode de « l’éthique de l’entreprise » II- Le problème des limites et la distinction des ordres 1. L’ordre techno-scientifique 2. L’ordre juridico-politique 3. L’ordre de la morale 4. L’ordre éthique III- Le capitalisme est-il moral ? 1. Morale et économie 2. L’erreur de Marx
3. Le veau d’or IV- La confusion des ordres : ridicule et tyrannie, angélisme et barbarie 1. Ridicule et tyrannie selon Pascal 2. La tyrannie de l’inférieur : la barbarie 3. La tyrannie du supérieur : l’angélisme 4. Responsabilité et solidarité Conclusion DEUXIEME PARTIE: QUESTIONS AANDRECOMTE-SPONVILLE
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3 2.2.Capitalisme et morale :la distinction des ordresPREMIERE PARTIE– LE CAPITALISME EST-IL MORAL? I - LE RETOUR DE LA MORALE Avant d’entrer dans le cœur de sa thèse, l’auteur propose une analyse préalable du « retour de la morale » qui se serait selon lui progressivement affirmé depuis les années 1980, dans les discours bien plus que dans les comportements. Il propose trois voies d’explications, dans une perspective de court, moyen et long terme. Deux générations, deux erreurs Le premier facteur d’explication réside selon l’auteur dansle passage d’une génération du tout politique, la génération de mai 1968 pour laquelle ce qui était « juste » politiquementétait nécessairement « bon » moralement,à une « génération morale », celle qui fit sonentrée dans les années 80 et qui délaissa la politique au profit de la « solidarité » et del’« humanitaire ». Ces deux générations ont été l’une comme l’autre dans l’erreur, dans la mesure où contrairement à ce qu’elles revendiquaient de manière antagoniste, politique et morale coexistent nécessairement et sont tout aussi importantes l’une que l’autre. Il semblerait aujourd’hui que cette « génération morale » laisserait progressivement la place à une toute nouvelle génération « spirituelle »qui placerait la question du sens de la vie au centre de ses préoccupations.Le triomphe du capitalisme A un horizon de moyen terme, ce retour de la morale s’explique par le « triomphe » du
capitalisme consécutif à l’effondrement du bloc soviétiqueà la fin des années 1980. Alors que l’antagonisme entre le modèle occidental, libéral et capitaliste et le modèle soviétique stalinien se servaient mutuellement de justification, la fin de la guerre froide aurait entériné la domination du capitalisme occidental comme modèle économique incontesté. Cependant, la disparition de l’ « ennemi communiste » a eu pour effet paradoxal de faire perdre de son sens au modèle occidental. C’est donc aussi pour retrouver une justification positive dans des valeurs et des idéaux que l’Occident serait entré dans cette tendance au«retour de la morale».
3  Nous avons choisi ici de suivre la structure de l’ouvrage pour respecter le caractère pédagogique de l’enchaînement des différentes étapes du raisonnement.
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La mort de Dieu Enfin, à l’échelle du « temps long » de l’Histoire, ce phénomène semble lié au processus de sécularisation et de laïcisation amorcé pendant la Renaissance, accéléré avec les « 4 Lumières » et aujourd’hui quasi-achevé.« Dieu est aujourd’hui socialement mort », c’est-à-dire que s’il est toujours possible de croire individuellement en Dieu, il n’est plus possible de 5 communiersocialementen lui. La mort sociale de Dieu et l’affaiblissement de la religion , se traduisent ainsi par une dissolution du lien social et l’avènement d’unindividualisme triomphant, un « cocooning » dont le capitalisme s’accommode fort bien mais qui menace l’existence même de la communauté et de la civilisation. Dans ce contexte,« nous avons d’autant plus besoinde morale que nous avons moins de religion »car nous avons un besoin irrépressible de substituer aux préceptes de la religion des principes moraux qui puissent guider nos choix. La mode de l’éthique d’entreprise Ce retour de la morale a été progressivement décliné dans une« version managériale » avec l’apparition des discours sur l’éthique de l’entreprise. Concept à la mode importé d’outre-Atlantique, la notion même d’éthique d’entreprise est non seulement porteuse de confusion mais elle est même ridicule car« ce serait la première fois que la vertu, à elle seule, feraitgagner de l’argent ».Le risque est donc grand à force d’accommoder la morale tous azimuts d’en diluer complètement le sens. C’est donc pour défaire cette tendance qu’il, importe d’identifier les limites entre ce qui est permis et ce qui ne l’est pas, et ce en fonction des sphères dans lesquelles s’inscrit l’action. II - LE PROBLEME DES LIMITES ET LA DISTINCTION DES ORDRES L’auteur définit dans cette partie quatre « ordres », au sens pascalien du terme, ayant leur cohérence propre et circonscrit à des limites intrinsèques spécifiques : l'ordre technico-[économico]-scientifique, l'ordre politico-juridique, l'ordre de la morale, l'ordre de l'éthique, de l'amour. Il évoque la possible existence d'un cinquième ordre, celui du divin, mais n'y souscrit pas et déclare même en athée pouvoir très bien s'en passer.
4 André Comte-Sponville reprend ici l’analyse de Nietzsche sur la « mort de Dieu » dans la modernité. 5 Etymologiquement, la religion est « ce qui lie ».
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L’ordre techno-scientifique,ordre des sciences du vivant mais aussi de l’économie, est structuré par l’opposition du techniquement possible et du techniquement impossible, du techniquement vrai et du techniquement faux. Mais la frontière interne entre le possible et l’impossible ne permet pas de limiter l’ordre techno-scientifique lui-même puisqu’elle est en constant mouvement. Pourtant« le progrès technologique n’est pas une garantie »: il peut se retourner contre l’homme. Il est donc nécessaire que l’ordre techno-scientifique soit limité de l’extérieur. Il peut notamment être limité par la loi, c’est-à-dire par l’ordre juridico-politique.
Celui-ci est structuré intérieurement par l’opposition du légal et de l’illégal.Juridiquement, il y a ce que la loi autorise (le légal) et ce que la loi interdit (l’illégal). Politiquement, il y a ceux qui sont en état de faire la loi et ceux qui ne sont pas en état de faire la loi. C’est ce qui fonde la République démocratique. Pour autant, la démocratie ne confère pas de limite à la démocratie : à l’échelle individuelle, un individu totalement respectueux des lois peut être« un vrai salaud légaliste »; à l’échelle collective les citoyens d’un pays peuvent voter des lois génocidaires ou racistes. Il est donc également nécessaire d’établir des limites extérieures à cet ordre. L’ordre de la moralepose des limites tant au possible qu’à la légalité, sur le plan individuel et à l’échelle collective. L’ordre de la morale est structuré intérieurement par l’opposition du Bien et du Mal, du devoir et de l’interdit. La morale est forcément relative, puisque façonnée par l’Histoire et les cultures, mais fonctionne en même temps comme un absolu. Si la morale n’a pas besoin d’être limitée, elle a cependant besoin d’être complétée car elle est en elle-même insuffisante. Un individu qui ne ferait que son devoir manquerait une dimension essentielle : la civilisation, c’est-à-dire l’amour. C’est pour cette raison qu’un quatrième ordre peut être proposé :l’ordre de l’éthique. Il est en effet important de distinguer ce qui est moral (tout ce qu’on fait par devoir) de ce qui est éthique (tout ce qu’on fait par amour). L’ordre éthique est structuré intérieurement par l’opposition de la joie et de la tristesse, c’est-à-dire par le désir lui-même. C’est dans cet ordre que se rencontrent les trois formes d’amour : l’amour de la vérité (de la science), l’amour de la liberté (de la démocratie) et l’amour du prochain (humanisme). L’ordre éthique intervient dans les ordres précédents en tant que facteur de motivation pour le sujet mais il ne pourrait se
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suffire à lui-même. C’est donc pour cette raison que« nous avons besoin de ces quatre ordres6 à la fois, dans leur indépendance au moins relative et leur interaction » .III - LE CAPITALISME EST-IL MORAL ? Morale et économie Cette distinction des ordres permet de poser un constat fondamental:« Prétendre que le capitalisme est moral, ou même vouloir qu’il le soit, ce seraitprétendre que l’ordre techno-scientifique est intrinsèquement soumis à l’ordre de lamorale, ce qui [est portant] exclu par leur type respectif de structuration interne ».Dans le domaine de l’économie par exemple, rien n’est jamais moral ni immoral. En effet, par exemple, on ne compte pas sur l’immoralité du coût des logements en France pour que les cours viennent à baisser. Les cours de l’immobilier dépendent uniquement de la marche générale de l’économie et de la loi de l’offre et de la demande.Le capitalisme n’est donc pasmoral ; il est plutôta-moraldans le sens privatif du terme.Par conséquent, si nous souhaitons que la morale s’exerce sur la société capitaliste (et c’est nécessaire), ce n’est ni de l’économie ni du capitalisme qu’elle pourra émerger. L’erreur de Marx « Cette amoralité foncière du capitalisme ne suffit pas à le condamner (…), notamment parce que ce qui a fait la force du capitalisme, au moins pour une part, dans sa rivalité contre le socialisme marxiste, toujours empêtré dans son exigence au moins initiale de moralité ».En effet, Marx avait pour objectif d’en finir avec l’injustice, c’est-à-direin finede soumettre l’ordre techno-scientifique à l’ordre moral. La faiblesse de Marx est d’avoir pensé que l’intérêt général pourrait dépasser, dans l’esprit du peuple, la somme des intérêts particuliers. Mais l’homme étant intrinsèquement mû par ses intérêts égoïstes, la dérive totalitaire du régime communiste marxiste était quasiment inévitable puisqu’il fallait bien imposer par la contrainte ce que la morale collective ne pouvait parvenir à atteindre. A l’inverse, le « génie du capitalisme » réside dans le fait qu’il s’accommode fort bien des intérêts individuels selon égoïstes : il n’a pas besoin de justification morale pour exister, ni même pour réussir.
6 Comte-Sponville mentionne également la possibilité pour les croyants d’envisager un cinquième ordre,l’ordre de Dieu, plaçant l’amour en Dieu, absolu, comme échelle ultime de valeurs. Cependant, l’auteur précise que « faute d’avoir la foi, c’est une possibilité que [il] ne peut pas faire [sienne] ».
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