Conférence sur DAF Sade (1740-1814
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1 Donation Alphonse François de SADE (1740-1814) « Cet être que rien ne peut réduire » (gouverneur de la Bastille) [ Portrait par Man Ray, 1920]
  • écrivains du xixe siècle
  • couches privilégiées de l'ancien régime
  • jeunes domestiques
  • condamnation du parlement de provence
  • milieu du xxe siècle
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Langue Français

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Donation Alphonse François de SADE (1740-1814)


« Cet être que rien ne peut réduire » (gouverneur de la
Bastille)


[
Portrait par Man Ray, 1920]
1
INTRODUCTION.
Un demi millénaire sépare Dante (1265-1321) de Sade (1740-1814). De
l’un à l’autre une même violence se déploie sous nos yeux ébahis. Cependant,
Dante et Sade donnent une signification différente, opposée même, à leur
peinture du vice. Le premier veut pousser les hommes dans les bras de Dieu
en leur montrant les chemins escarpés de l’Enfer ; le second, en philosophe
athée qu’il est, vise au contraire à les en détourner en leur montrant que le
plaisir, est leur seul horizon, que le péché est une fable inventée par l’homme
pour brider sa liberté. Il n’est que de relire la « Dédicace » de la Philosophie dans
le Boudoir, pour prendre la mesure du caractère subversif du message sadien :

Jeunes filles trop longtemps contenues dans les liens absurdes et
dangereux d’une vertu fantastique et d’une religion dégoûtante, […]
détruisez, foulez au pied, […] tous les préceptes ridicules inculqués par
d’imbéciles parents. (p. 37, éd. Folio).

Sade est-il un fou dangereux, ou un homme sensé ? Un horrible obsédé, ou un
philosophe éclairé qui cherche à éclairer la pénombre de nos âmes, à
débusquer les démons qui se terrent au tréfonds de nous ? Quoi qu’il en soit,
Sade est un écrivain d’exception, qui rivalise avec Dante, Shakespeare, et
Joyce.
L’homme est moins connu que le concept qu’on a fait dériver de son
1nom : le « sadisme » (le néologisme date de 1834)… Dès 1857, on peut lire
dans un dictionnaire, à l’article « Sade ».

Voilà un nom que tout le monde sait et que personne ne prononce ; la
main tremble en l’écrivant, et quand on le prononce les oreilles vous
tintent d’un son lugubre. Non seulement cet homme prêche l’orgie, mais
il prêche le vol, le parricide, le sacrilège, la profanation des tombeaux,
l’infanticide, toutes les horreurs. Il a prévu et inventé des crimes que le
code pénal n’a pas prévu ; il a imaginé des tortures que l’inquisition n’a
pas devinées.

L’œuvre est encore plus mal connue que l’homme, malgré son accès
aisé (il est disponible en poche). Ceux qui en parlent ne l’ont souvent pas lu,
ou mal lu. Sade est pourtant avec Rousseau, Montesquieu, Diderot, Voltaire,
Fontenelle, Condorcet, d’Alembert, d’Holbach, Helvétius, Hume, Smith,
Locke, Kant, Vico, l’un des plus grands philosophes des Lumières. Dans le
domaine érotique – genre qu’il a pratiqué plus que tous les autres – Sade égale,
eet même surpasse, les auteurs libertins du XVIII siècle : Crébillon, Laclos,

1 Le « masochisme », perversion symétrique à laquelle on l’associe souvent, vient de l’écrivain
Léopold von Sacher-Masoch, auteur de La Vénus à la fourrure, 1870.
2 Duclos, Prévost, Godard d'Aucour, La Morlière, Voisenon, Restif de la
Bretonne, Boyer d'Argens, Fougeret de Monbron, Chevrier, Dorat, Andréa de
Nerciat, Vivant Denon, Casanova… Au strict point de vue littéraire, il est du
niveau de Marivaux, Beaumarchais, Bernardin de Saint-Pierre, Chamfort,
Sterne, Swift, Goldoni, Grimm, et… Goethe, son contemporain !
Mais comment parler de Sade ? Maudit par ses contemporains (il passe
quasiment la moitié de sa vie en prison), censuré en France jusque dans les
2années 50 (remercions Jean-Jacques Pauvert de s’être battu pour le publier),
Sade est aujourd’hui consulté dans les bibliothèques, étudié dans les colloques,
3lu à la radio, visible au cinéma , etc. En quelque sorte « banalisé »… alors qu’il
edemeure éminemment sulfureux. Au milieu du XX siècle, Simone de
Beauvoir se demandait encore s’il fallait « brûler Sade ». Certains en ont fait un
4auteur préfasciste . En même temps, Sade n’a cessé de fasciner les écrivains et
eles artistes. Les écrivains du XIX siècle le lisent sous le manteau. Les
surréalistes en font une figure héroïque de la résistance à l’ordre moral.
Philippe Sollers aujourd’hui le porte aux nues…
Sade brûle d’une lumière noire qui attire et repousse tout à la fois. C’est
un mythe (On ne possède aucun portrait authentique de lui à l’exception d’un
profil dessiné par Charles van Loo vers 1760). A défaut de pouvoir le lire en
public (ses textes, d’une pornographie insoutenable, sont inaudibles), on peut
tenter de rétablir quelques vérités sur l’homme et l’œuvre, essayer d’en
comprendre le message philosophique, d’en apprécier, le cas échéant, la
troublante beauté.

I. LA VIE DU MARQUIS
« Les entractes de ma vie ont été trop longs », note à la fin de sa vie ce
passionné de théâtre. Détenu sous tous les régimes (Monarchie, République,
Empire), jamais jugé, Sade est incarcéré 27 ans sur 74. Mais ce qui est une
catastrophe pour l’homme est une bénédiction pour nous, car c’est
emprisonné qu’il écrit ses chefs-d’œuvre… Sa vie est aussi scabreuse que celle
ede Casanova (1725-1798) – cet autre libertin célèbre du XVIII siècle – mais
bien plus douloureuse…

1. Une jeunesse gâtée et tumultueuse
Sade naît à Paris le 2 juin 1740 à l’hôtel de Condé, de Jean Baptiste
François, comte de Sade, héritier d’une des plus anciennes maisons de
Provence, seigneur de Saumane et de Lacoste, et de Marie Éléonore de Maillé

2 Il est le premier éditeur à publier l’œuvre intégrale de Sade. Bien qu’encourant la prison, il prend le
risque de publier de 1947 à 1949 l’Histoire de Juliette. Accusé de démoraliser la jeunesse, traîné en
ejustice, suspendu de ses droits civiques, mais défendu par M Maurice Garçon, expert des lois sur la
censure, il achève son entreprise en 1955 et gagne ses procès en appel. En 1958, le tribunal déclare
que « Sade est un écrivain digne de ce nom ».
3 Sade, réalisé par Benoît Jacquot, avec Daniel Auteuil, 1999.
4 Pasolini lui rend un hommage empoisonné en transposant son chef d’œuvre (Les Cent Vingt
Journées dans l’Italie fasciste (Salo, 1976).
3 de Carman, parente et « dame d’accompagnement » de la princesse de Condé.
Sa mère se retire dans un couvent. Il admire son père, libertin notoire
(L’homme recrute plusieurs maîtresses à la Cour, où il exerce des fonctions
importantes…)



Le jeune Sade est élevé dans la conviction d’appartenir à une caste
supérieure. Son caractère tyrannique et brutal se manifeste très tôt :

Allié, par ma mère, à tout ce que le royaume avait de plus grand ; tenant,
par mon père, à tout ce que la province de Languedoc pouvait avoir de
plus distingué ; né à Paris dans le sein du luxe et de l’abondance, je crus,
dès que je pus raisonner, que la nature et la fortune se réunissaient pour
me combler de leurs dons ; je le crus, parce qu’on avait la sottise de me le
dire, et ce préjugé ridicule me rendit hautain, despote et colère ; il
semblait que tout dût me céder, que l’univers entier dût flatter mes
caprices, et qu’il n’appartenait qu’à moi seul et d’en former et de les
satisfaire.

4 5De 4 à 10 ans il est élevé par son oncle, ecclésiastique, un sybarite qui
s’entoure de livres et de femmes (« tout prêtre qu’il est, il a toujours un couple
de gueuses chez lui… Est-ce un sérail que son château ? Non, c’est mieux,
c’est un bordel », écrit Donatien en 1765).
Sade fait ses études au collège Louis-le-Grand (Paris), où il contracte la
passion pour le théâtre. Il est reçu à l’École des chevau-légers de la garde du
roi, en garnison à Versailles, qui n’accepte que des jeunes gens de la plus
6ancienne noblesse. Il fait une carrière d’officier brillante (guerre de sept ans ).
Le jeune homme a mauvaise réputation. Il est joueur, prodigue et débauché.
On cherche à le caser pour le calmer… Le 17 mai 1763 a lieu le mariage du
marquis et de Mme de Montreuil, fille aînée d’un président à la cour des Aides
de Paris, de petite noblesse de robe, mais dont la fortune dépasse largement
celle des Sade. Trois mois après son mariage, Sade est enfermé pour
débauches : c’est le début des ennuis. Il est surveillé par un inspecteur, q

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