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Description

  • exposé - matière potentielle : sur l' existence de rythmes universels
  • cours - matière potentielle : des pre
  • cours - matière potentielle : des premières années du xxe siècle
  • redaction - matière potentielle : la gazette des sept arts
  • cours - matière potentielle : des années
  • cours - matière potentielle : la première moitié du xxe siècle
  • cours - matière potentielle : la phase de légitimation artistique du film
  • cours - matière potentielle : ambivalent
Le 9 février 1929, l'Université des Annales de Paris propose une confé- rence sur «Le Rythme dans tous les Arts», un sujet vaste et ambitieux traité à cette occasion par le poète et critique Fernand Divoire. Rédac- teur en chef du grand quotidien L'Intransigeant, cette figure familière du milieu culturel parisien a publié des essais sur l'occultisme et signé des chroniques pour divers périodiques artistiques. Spécialiste de danse, il a également écrit une série de livres aujourd'hui précieux pour les histo- riens des nouvelles tendances chorégraphiques en France1.
  • théoriciens
  • relations structurelles
  • rythme cinématographique
  • mières années de l'existence du film
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Langue Français

Extrait

Introduction
Le 9 février 1929, l’Université des Annales de Paris propose une confé-
rence sur «Le Rythme dans tous les Arts», un sujet vaste et ambitieux
traité à cette occasion par le poète et critique Fernand Divoire. Rédac-
teur en chef du grand quotidien L’Intransigeant, cette figure familière
du milieu culturel parisien a publié des essais sur l’occultisme et signé
des chroniques pour divers périodiques artistiques. Spécialiste de danse,
il a également écrit une série de livres aujourd’hui précieux pour les histo-
1riens des nouvelles tendances chorégraphiques en France . Il a enfin parti-
cipé à deux groupes animés par Ricciotto Canudo: Montjoie! (1913-
21914), où il a pu côtoyer les artistes les plus importants de l’époque ,et
le comité de rédaction de la Gazette des Sept Arts, qui projette en 1922
d’envisager de concert l’architecture, la peinture, la sculpture, la musique,
la poésie, la danse et la «cinégraphie». Située à la croisée des différents
domaines artistiques, cette activité légitime certainement son interven-
tion orale sur les correspondances rythmiques entre les arts.
Scandée par des performances musicales sur lesquelles évolue la balle-
rine russe Nikitina, la conférence de Fernand Divoire remplit bien les
promesses de son intitulé en abordant la question du rythme dans plusieurs
secteurs artistiques, mais sa réflexion esthétique se limite malheureuse-
ment à quelques vagues énoncés très généraux, à des évocations suc-
cinctes formulées dans un langage plus exalté que véritablement théo-
rique. Au fil de son discours, la définition du rythme ne cesse en outre
de varier, puisqu’il est tour à tour considéré comme une «structure» du
mouvement, un principe de différenciation biologique, un équivalent du
«nombre», une série d’accents frappés à certains intervalles repérables,
et comme un équilibre de proportions communes aux deux dimensions
distinctes de l’espace et du temps. A l’issue d’un exposé sur l’existence
de rythmes universels et naturels régissant le mouvement des astres, des
végétaux et des êtres vivants, Divoire évalue successivement différents
arts (danse, architecture, poésie) en explicitant pour chacun sa part de
rythmicité, mais il choisit de ne pas développer la question du cinéma:
«Je n’insiste pas sur le rythme cinématographique dont tout le monde6INTRODUCTION
parle: on ne sait pas encore très bien ce que c’est.» En avouant son incom-
pétence en la matière, le critique se borne à «constater que tous les
cinéastes parlent de rythme » et d’estimer en conséquence que « cela doit
correspondre à une réalité» (Divoire 1929a: 81-89).
Le secteur écarté ici par Divoire est justement celui auquel j’ai choisi
de consacrer ma recherche: le rythme cinématographique. Plus précisé-
ment, mon attention se portera sur les proclamations esthétiques et les
débats théoriques suscités par ce dernier. En recourant deux fois au verbe
«parler», Divoire indique d’ailleurs qu’une telle perspective se situe plus
sur le terrain du discours que de la pratique. Il précise en outre que cette
question ne concerne pas seulement le champ du cinéma («tous» les
cinéastes), mais également la communauté intellectuelle la plus vaste
possible («tout le monde»). Toute problématisation du rythme engage
une démarche pluridisciplinaire, impliquant la circulation, l’échange et
la comparaison entre des espaces de réflexion éloignés les uns des autres.
C’est pourquoi il est nécessaire de l’inscrire dans un réseau de concepts
et de discours qui dépasse largement l’esthétique pour toucher à des inter-
rogations scientifiques et philosophiques. A partir du dernier quart du
eXIX siècle, le rythme est en effet l’objet privilégié de recherches en
psychologie expérimentale (la perception de stimuli sonores ou visuels)
et en physiologie du mouvement (la circulation du sang, la respiration,
le battement cardiaque, les gestes animaux ou humains...) qui s’appuient
généralement sur le postulat d’une énergie universelle en oscillation cons-
tante. En vertu des relations qui se nouent à la même époque entre les
divers domaines du savoir, via l’institutionnalisation de nouvelles disci-
plines comme la psychologie ou l’anthropologie, ces études scientifiques
sont examinées avec attention par Henri Bergson, dont les écrits influe-
ront considérablement sur les conceptions philosophiques et esthétiques
edu rythme et du mouvement au cours des premières années du XX siècle.
Pour analyser d’un point de vue historique les réflexions sur le rythme
cinématographique, il convient donc d’ouvrir partiellement un champ
d’investigation qui n’a lui-même pas encore été vraiment défriché. Large-
ment oubliées ou brièvement évoquées dans l’historiographie contem-
poraine, les diverses théories du rythme peuvent effectivement êtres ran-
gées pour l’instant parmi «ces connaissances imparfaites, mal fondées,
qui n’ont jamais pu atteindre tout au long d’une envie obstinée la forme
de la scientificité» auxquelles se réfère Michel Foucault (1969: 179) dans
son Archéologie du savoir,«ces philosophies d’ombre qui hantent les
littératures, l’art, les sciences, le droit, la morale, et jusqu’à la vie quoti-
dienne des hommes», et dont l’entreprise d’historicisation se fonde sur
la prise en considération «des sous-littératures, des almanachs, des revues
et des journaux, des succès fugitifs, des auteurs inavouables». En dépit
du fait qu’elles aient été encore très peu étudiées, les questions dont je
vais débattre n’ont pourtant rien d’une philosophie de l’ombre. Je postule
même qu’elles ont joué un rôle primordial dans les controverses artis-
etiques au cours de la première moitié du XX siècle, participant d’uneINTRODUCTION 7
série d’aspirations culturelles et sociales liées à la naissance de ce qu’on
a appelé alors la «vie moderne».
Le succès remporté à cette époque par la notion de rythme s’explique
en grande partie par son aspect fédérateur. Dans un contexte où s’opère
une transformation radicale des conditions d’existence sous l’action du
progrès scientifique et de l’industrialisation, le rythme permet d’embrasser
les phénomènes les plus disruptifs de la «vie moderne» en fonction de
perspectives multiples. En effet, le terme paraît à même de saisir les chan-
gements en cours autant comme le triomphe d’une nouvelle logique d’ac-
célération et de démultiplication que comme la résurgence d’idéaux
antiques de civilisation ou de réflexes archaïques mis en évidence par
des découvertes historiques, archéologiques ou ethnologiques. Ce dis-
cours ambivalent vise certainement à recouvrir de concepts familiers les
caractéristiques les plus inédites de nouveaux médias, comme pour com-
penser l’éventuel choc traumatique qu’ils pourraient représenter. A propos
des techniques de reproduction et de simulation sonores apparaissant à
ela fin du XIX siècle, James Lastra (2000: 58-59) souligne ainsi les «stra-
tégies discursives et pratiques» censées parer au sentiment de déper-
sonnalisation et d’absence de subjectivité qu’a provoqué l’émergence
d’une certaine mécanisation des conditions d’existence. Cette réaction
a avant tout consisté à appréhender les potentialités jugées «inhumaines»
des outils machiniques à partir d’une « conception élargie de l’humain ».
Si un tel «redéploiement du sujet» est indéniablement à l’œuvre dans
les discours français sur le cinéma, il ne faut pourtant pas négliger l’exis-
tence d’une véritable mythologie qui informe a priori le champ même
de la recherche et des inventions techniques. Comme l’ont montré
Jay David Bolter et Richard Grusin (1999), la réception sociale d’un
nouveau médium implique généralement une logique de remédiation où
les innovations réelles ne peuvent pas être dissociées de références cultu-
relles traditionnelles et d’emprunts à des médias préexistants. Dans son
essai Le cinéma ou l’homme imaginaire, Edgar Morin a notamment soulevé
l’existence de cette «relation entre modernité et archaïsme», souvent
eoccultée dans les recherches sur le XX siècle en raison de la dialectique
3comp

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