Oscar Lopez Rivera
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Description

 Le premier janvier de cette année, j'ai traduit un billet d'une jeune journaliste collaboratrice de Global Voices pour les Caraibes: Firuzeh Shokooh Valle, c'était une des lettres d'Oscar Lopez Rivera à sa petite fille, j'ai été pris par l'émotion, le contenu et le style, j'ai traduit les onze autres lettres elles sont ici. J'ai tenu à publier également les textes originaux en espagnol, à la fin de ce post.

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Publié le 20 janvier 2014
Nombre de lectures 61
Langue Français

Extrait

Lettres à ma petite fille
Le premier janvier de cette année, j'ai traduit un billet d'une jeune journaliste
collaboratrice de Global Voices pour les Caraibes: Firuzeh Shokooh Valle, c'était
une des lettres d'Oscar Lopez Rivera à sa petite fille, j'ai été pris par l'émotion, le
contenu et le style, j'ai traduit les onze autres lettres elles sont ici. J'ai tenu à publier
également les textes originaux en espagnol, à la fin de ce post.
Le photomontage avec Nelson Mandela est osé, mais il a ses raisons…..les deux
personnages n'ont évidemment pas la même aura internationale, loin de là, mais
lorsqu'on commence à s'intéresser à la vie de ce portoricain de 70 ans qui patiente
depuis 32 ans dans les prisons des USA, on va de surprises en surprises…
On s'aperçoit que c'est un garçonnet de neuf ans qui laisse derrière lui Porto-Rico
pour suivre sa famille aux États-Unis, à 14 ans il ira vivre avec sa sœur à Chicago,
à 18 ans il sera pendant des années, soldat au Vietnam.
De retour avec sa médaille militaire, il découvre, en 1967, dans l'Illinois la réalité
sociale déplorable de la diaspora portoricaine. Il s'engage très activement dans un
gigantesque travail pour améliorer la qualité de vie de cette communauté. Il semble
être partout à la fois: Un lycée pour les Portoricains, un centre culturel, un combat
pour une éducation bilingue, un accès à l'université, la fin de la discrimination dans
les services publics (l'apartheid n'a pas été l'apanage de l'Afrique du sud). Il a été
l'un des fondateurs de l'école Rafaël Cancel Miranda, il a été également animateur
de la première communauté du Nord-ouest (NCO) , ASSPA, ASPIRA, et de la
première église congrégationiste de Chicago….Non ce n'est pas fini, attendez, il
s'est battu pour créer FREE: un centre de semi-liberté pour des toxicomanes
condamnés, et un centre éducatif pour les prisonniers latinos de la prison de
Stateville dans l'Illinois.
Cette liste est longue, impressionnant, pour un homme qui en 1967 n'a que 24
ans, elle est largement suffisante pour nous permettre d'apprécier l'invraisemblance
d'une implication directe d'Oscar Lopes Rivera dans les attentats meurtriers
commis par des indépendantistes portoricains au début des années 70. Pendant l'année 2013, Oscar Lopez Rivera a décidé d'écrire régulièrement une
lettre ouverte à sa petite fille Karina. Ces lettres qui sont au nombre de 12, ont été
publiées chaque samedi par un quotidien de Porto Rico: "El Nuevo Dia " (un titre
que l'on pourrait traduire librement par: "le jour se lève"). Oscar écrit lui-même
que, s'adressant à elle il s'adresse aussi à des milliers de jeunes Portoricains pour
qui son nom ne signifie rien .Voici ces lettres, elles sont une belle, émouvante
expérience de vie, un hymne à la vie!
Première lettre : "Les mains contre la
vitre"
Ma Chère Karina, il n'a pas été facile de choisir un titre pour ces lettres que j'ai
décidé de t'envoyer régulièrement depuis la prison.
En t'écrivant à toi dont j'ai définitivement perdu l'enfance et l'adolescence, je sais
que je parle à des milliers de jeunes portoricains pour qui mon nom ne signifie rien.
Je suis un vieux lutteur de 70 ans, je suis en prison depuis 32 ans, je ne veux pas
revenir sur les raisons politiques qui m'ont conduit à cet enfermement, d'autres l'ont
déjà fait. Je veux seulement clamer de nouveau que je place le respect de la vie
humaine au-dessus de tout, que je respecte la vie au-dessus de tout, que je n'ai
jamais fait de mal à un être humain et n'en ferai jamais.
La première fois que je t'ai vu, pendant l'été 91, dans la prison de Marion, Illinois,
où j'ai été ensuite enfermé, c'était au travers d'une vitre. Tu étais dans les bras de
ta mère et tu regardais partout, curieuse. Il y avait pourtant bien peu à voir . La
cabine où s'asseyaient les visiteurs était très petite, il y avait un téléphone de
chaque côté de la vitre pour pouvoir se parler. Clarisa, ta mère, m'a demandé de te
dire quelque chose, c'était la première fois que tu entendais ma voix, et j'ai pu voir
à ta réaction, de la perplexité devant cet homme qui commençait à t'aimer mais ne
pouvait ni t'embrasser, ni te susurrer à l'oreille les secrets du grand-père à sa petite
fille.
On laissait Clarissa rentrer avec un paquet contenant trois langes et quelques
biberons de lait. Pendant les visites, il y a du côté de la famille comme du côté des
détenus, des caméra qui enregistraient tous nos mouvements, mais ironiquement,
aucune n'a jamais pu me laisser une photo de moi et ma petite fille. Il y avait
toujours trois ou quatre gardiens qui m'escortaient et j'avais les pieds enchaînés.
J'étais le seul prisonniers a être à ce point surveillé aux heures de visites.Il était difficile de te distraire quand on était dans le local des visites. Alors, pour
aider ta mère qui essayait de passer le plus de temps possible avec moi et
t'occuper un peu, on avait inventé un jeu spécial. Tu posais tes petites mains de
bébé sur le verre et je faisais la même chose, ainsi nos quatre mains se
retrouvaient ensemble et pouvaient "se toucher". Nos mains sautaient, se
poursuivaient comme des araignées sur les fils invisibles de la tendresse. Il
manquait le contact véritable interdit par la vitre, mais il y avait un langage privilégié
entre toi et moi, entre tes tendres mains de bébé et mes vieilles mains, pâles de
réclusion, qui voulaient s'envoler mais se calmaient, soumises quand tu les
caressais.
Nous avons utilisés pendant des années cette "danse des mains" pour
communiquer entre nous. Le temps est passé, tu as grandi, le contact physique
avec les visiteurs m'étant interdit, pendant toutes les années que j'ai passé à
Marion, je n'ai pas pu t'embrasser, toucher et sentir tes cheveux. C'était pareil pour
ta mère qui me quittait en larmes quand je savais contenir les miennes.
Un jour enfin, on m'a transféré à la prison de "Terre haute" dans l'Indiana. La-
bas, on m'a annoncé que je pourrai recevoir des visites et avoir des contacts
physiques avec mes proches. Ta mère est arrivée avec toi et ma nièce Wanda, tu
avais seulement sept ans. Elle et ma nièce m'ont alors embrassé, mais toi, tu t'es
mise face à moi et tu as levé tes mains pour les poser sur une vitre imaginaire
attendant que je fasse la même chose. Encore bien jeune, après tant d'années
derrière cette barrière, tu croyais que nous devions continuer notre jeu. Ta mère t'a
dit alors:" Maintenant tu peux toucher ton grand-père", tu t'es jeté dans mes bras,
nous nous touchions pour la première fois….
Cette vitre, malgré tout, reste encore un complice entre toi et moi. A travers elle,
dans ces pages, je continuerai à te raconter mes souvenirs, mon histoire présente,
nièce tant attendue...
Avec énormément d'amour, en résistance et lutte…
Deuxième lettre : “ Là, où respire la
mer"
Ma chère Karina,
Après la famille, ce qui me manque le plus c'est la mer. 35 années sont
déjà passées depuis la dernière fois que je l'ai vue . Et pourtant je l'ai très souvent peinte, aussi bien celle de l'Atlantique que celle de la
Caraïbe…cette écume souriante de Cabo Rojo est de la lumière mêlée
de sel. Pour n'importe quel habitant de Porto Rico, vivre loin de la
mer est une chose incompréhensible. Et c'est bien différent quand on
est en liberté de se mouvoir n'importe où et de voyager à sa rencontre.
Peu importe qu'elle soit grise et froide, même si tu rencontres la mer
dans un pays lointain, tu te rends compte qu'elle est “toujours
recommencée", comme l'écrit un poète (note du traducteur : il s'agit
probablement d'une allusion au poème de Paul Valéry: Le cimetière
marin), et qu'à travers elle peuvent passer des poissons qui
s'approcheront de ta terre et venant de là-bas, t'apporteront des
souvenirs J'ai appris à nager très jeune, je devais avoir trois ans. Un
cousin de mon père qui vivait avec nous était pour moi comme un
frère aîné, il m'avait emmené à la plage où il avait l'habitude de nager
avec ses amis, il me lançait à l'eau pour que j'apprenne. Après cela
quand j'étais à l'école, j'avais l'habitude de faire des escapades avec
d'autre

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