Alter-EGO - Mars 2013
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Numéro 76 alter Mars 2013 EG le journal LA GOUTTE D'OR SE TRANSFORME. EGO S'ENGAGE DANS LE CHOIX DES PRIORITÉS SOCIALES. RENCONTRE AVECNINA ENTRE AQUARÊVES ET AQUARELLES 8 MARS 2013 DROGUE JOURNÉE DE LA FEMME ET MATERNITÉ de prévention des risques et de réduction des dommages liés à l’usage de drogues, réalisée revue par des usagers de drogues, des bénévoles et des travailleurs sociaux 03. ÉDITO La réduction des dépenses publiques en Europe risque de se payer cher. 04-05. ÉCHOS D’EGO Quand le CVS et le directeur général d'Aurore se rencontrent. 06. VIES DE QUARTIER La chronique de Maurice Goldring. 07. N.76 EG le journal le journal Alter-Ego Le Journal Directeur de la publication Maurice Goldring Coordination de la rédaction Mireille Riou Comité de rédaction Abdellah Berghachi, Lia Cavalcanti, José Dicanot, Jean-Paul Edwiges, Philippe Ferin, Maurice Goldring, Léon Gombéroff Aude Lalande, Claude Moynot, Mireille Riou VIES DE QUARTIERConception Qui était Noëlle Savignat? et réalisation Riou Communication 08-10. mireille.riou@neuf.fr DOSSIERIconographie Usagères de drogues et futures mères:Mireille Riou un vrai réseau de prise en charge. Imprimerie 11. DEJAGLMC Garges-les-Gonesse 95146 RENCONTRE. Ses aquarelles rythment de temps à autre les pages d'Alter-Ego. Nina parle de sa passion. Parution Trimestrielle - 2000 ex. 12-13.

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Publié le 17 mars 2015
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Langue Français
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Numéro 76 alter Mars2013 EG le journal
LA GOUTTE D'OR SE TRANSFORME.EGO S'ENGAGE DANS LE CHOIX DES PRIORITÉS SOCIALES.
RENCONTRE AVECNINA ENTRE AQUARÊVES ET AQUARELLES
8 MARS 2013 DROGUE JOURNÉE DE LA FEMME ETMATERNITÉ
de prévention des risques et de réduction des dommages liés à l’usage de drogues, réalisée revue par des usagers de drogues, des bénévoles et des travailleurs sociaux
03.
ÉDITOLa réduction des dépenses publiques en Europe risque de se payer cher.
04-05.
ÉCHOS D’EGO Quand le CVS et le directeur général d'Aurore se rencontrent.
06.
VIES DE QUARTIERLa chronique de Maurice Goldring.
07.
N.76
EG le journal le journal
Alter-Ego Le Journal
Directeurde la publication Maurice Goldring
Coordinationde la rédaction Mireille Riou
Comité de rédaction Abdellah Berghachi, Lia Cavalcanti, José Dicanot, Jean-Paul Edwiges, Philippe Ferin, Maurice Goldring, Léon Gombéroff Aude Lalande, Claude Moynot,Mireille Riou
VIES DE QUARTIERConceptionQui était Noëlle Savignat? et réalisation Riou Communication 08-10. mireille.riou@neuf.fr DOSSIERIconographieUsagères de drogues et futures mères:Mireille Riou un vrai réseau de prise en charge. Imprimerie 11. DEJAGLMC Garges-les-Gonesse 95146 RENCONTRE.Ses aquarelles rythment de temps à autreles pages d'Alter-Ego. Nina parle de sa passion. ParutionTrimestrielle - 2000 ex. 12-13. ISSN 1770-4715 habits. Sa transformation se poursuit.& PROJET DE TERRITOIREContact Depuis quelques années le quartierEGO de la Goutte d'Or enfile de nouveaux Association AURORE 6 rue de Clignancourt 75018 Tel 01 53 09 99 49 Fax 01 53 09 99 43 alterego@ego.asso.fr www.ego.asso.fr séochmoms.daiergeo revue de prévention des risques et de réduction des dommages liés à l’usage de drogues, réalisée 2par des usagers de drogues, des bénévoles et des travailleurs sociaux
EG le journal N.76 édito Quand des gens intelligents semblent avoiravaléleur calculatrice Maurice GOLDRING etLiaCAVALCANTI ontraints de réduire les Concrètement, en ce qui nous préven-dépenses publiques, la concerne, la Grèce illustre tragique- tions, il fau-C Grèce, l’Espagne, le ment cette réalité avec une augmen- dra payer des frais Portugal, tranchent dans tation des cas VIH diagnostiqués de d’intervention et d’hospi-les budgets de santé et les effets 57 % entre 2010 et 2011. talisation beaucoup plus cher. Une se font sentir rapidement pour seringue propre coûte quelques cen-les secteurs de la population les es usagers de drogues sont les pre- times, un abcès quelques centaines L plus précaires, les plus fragiles, mières victimes: chez cette popu- d' euros à soigner, le VIH quelques ceux qui sont déjà éloignés des lation le chiffre a été multiplié par 16 dizaines de milliers. Nous vivons dans réseaux sanitaires. Du point de en une année. La situation espagnole des sociétés contraintes de soigner vue moral, de telles coupes est aussi alarmante en raison de la l’abcès et les maladies graves, sont monstrueuses. Du point privatisation de certains hôpitaux et mais où il est possible de rechigner de vue politique, elles sont d'une nouvelle loi limitant sensible- pour des actions de prévention qui désastreuses, du point de vue ment l'accès aux soins de la population empêcheront de creuser davantage ïnancier, elles sont catastro- d'étrangers en situation irrégulière. les budgets de santé. phiques. A qui la suite? le Portugal, l'Italie ou l'Irlande ? ien évidemment nous prê-B u point de vue poli- chons pour notre paroisse. D tique, frapper les plus oumis à ces tensions contradic- Notre travail à EGO est un travail S démunis sape ce qui est toires, la nécessité de réduire d’accueil et de réduction de au cœur de nos sociétés les dépenses, l’obligation de protéger risques et de soins qui, indé-développées. Ces coupes la veuve, l’orphelin et l’usager de niablement, à un coût effectif sont ressenties comme drogues, des gens pourtant intelligents important. Comme il est tout une immense régression. semblent avoir avalé leur calculatrice. aussi indéniable que cette Moralement, elles ren- Si on diminue les logements d’urgence, action génère, dans le temps, forcent le pessimisme et il faudra payer des chambres d’hôtel d'importances économies. les replis égoïstes. beaucoup plus cher. Si on diminue les Tout en préservant des vies.
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LE CVS D'EGO RENCONTRE LE DIRECTEUR D'AURORE E 8 JANVIER 2013, LE CONSEIL DE LA VIE SO-CIALE (CVS) D’EGO ET ERIC PLIEZ, DIRECTEUR GENERAL D’AURORE, SE SONT RENCON-CavaLlcanti, directrice d'EGO et des accueillants. De la TRÉS. UN RENDEZ-VOUS QUI RÉPONDAIT A UN DESIR RECIPROQUE. Une dizaine d’usagers étaient présents, ainsi que Lia part des usagers présents -surtout le président Alik, les vice-présidents José et Jean-Paul- émergeait la volonté de montrer le fonctionnement réel du CVS. Les boissons gazeuses, les chips et les biscuits étaient des amuse-gueules « payés sur le budget du CVS ». On rappelle le fonctionnement de l’accueil : les réunions du mercredi, le repas assuré deux fois par mois par les accueillants et des usagers, le film du mercredi, le jeudi journée d’aide aux démarches, le mardi pour les femmes. Parmi les projets à venir ou déjà réalisés, le jardin est unanimement salué comme un facteur de pacification, de bien-être. Pourrait-on échanger avec d’autres expériences à Sevran par exemple ? Un usa-ger propose "une brocante qui rapporterait des sous pour partir à la neige". Partir au ski ? Lia n’est pas contre le projet, mais un séjour à la neige, c’est beaucoup trop cher. Et pourquoi pas un théátre de rue en même temps qu’un vide-grenier ? Katie rigole : "le théátre, c’est tous les jours qu’on en fait dans la rue". Les gens se présentent. Yannis, Stéphane "usager au centre d'accueil d' EGO, usager chez STEP, usager partout dans Paris". Vœux de bonne année. Proposition d’un groupe de parole de type « narcotiques anonymes » pour parler des produits qui sont néfastes, des difficultés liées à la consommation. Véronique souhaiterait une réunion de ce type au moins une fois par mois. Un article est prévu pour Alter EGO sur la situation des usagers de drogues en Géorgie. "Là-bas, la réduction des risques est très peu développée. La vodka et la prison sont les produits de substitution". Première question de
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Jean-Paul: "Serait-il possible de ren-contrer le CVS d’Aurore ?" Réponse d’Eric Pliez: "Aurore estun regroupement d’associations et pos-sède donc plusieurs CVS". Des organes qui ne communiquent pas trop entre eux et il réfléchit en ce moment à unenouvelle structure, une sorte de CVS centralisé. Chaque CVS enverrait deux délégués quiseraient des « grands électeurs » pour désigner les repré-sentants des usagers au conseil d’administra-tion d’Aurore. Question d’un usager : "Est-ce que le CVS peut soutenir ceux quisont dans la drogue et dans la rue ? Ceux quisont dans la drogue et dans le trou ?" Réponse du président Alik : "il faut que l’usager puisse venir exposer son problèmeet le président transmettra son dossierau person-nel compétent d’EGO. Je ferai passer le mes-sage". Lia précise qu’il peut aussi s’adresser directement à l’équipe des accueillantssans passer par le CVS. Le logement Mais pour un logement, nous n’avons pas de baguette magique. Yannis hoche de la tête. Il y a des problèmes que le person-nel d’EGO ne peut pas résoudre. Pour les situations les plus compliquées,il faut des programmes de réinsertion. "S’il faut attendre un logement des mois et des mois, c’est difficile... Il faudrait démultiplier les alter-natives d' hébergement pour les usagers de drogues. Dans une chambreà trois, je ne dors pas et je n’arrive même pas à prendre mes médicaments. Je fumais dix grammes de crack par jour, j’aiarrêté tout seul". Un autre présent fréquente EGO depuis vingt-sept ans. Il n’est toujours pas dans une chambre individuelle. "Moi, j’aidéjà arrêté l’héroïne, je ne me shoote plus. Je fumaisvingtgalettesparjour, j’ai réduit à quatre depuis qu’Aurore m’a trouvé un hébergement. Donc, merci Aurore". Eric Pliez est conscient de l’urgence de l’hébergement. Mais il expose la multiplicité des situations. "Chaque cas est particulier. Chaque personne évolue. Un jour, l’urgence c’est un lit, le lendemain, une démarche, une aide médicale ou psychologique." La fusion avec Au-rore a donné quelques outils supplémentaires pour répondre à ces demandes multiples et diversifiées. Nul doute que d'autres échanges aussi riches auront lieu, puisque le CVS se réunit chaque semaine. MAURICEGOLDRING
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le jEournalG le journal N.76 AVEC EGO C'ESTVRAIMENT TOUS LES ANS NOËL omme chaque année, EGO et ses usa-C gers ont célébré les fêtes de fin d’année, gráce au soutien de la Fondation de France. Les festivités ont eu lieu le 24 dé-cembre dans la salle Saint-Bruno aménagée et décorée par nos soins. Salariés et usagers ont participé à la décoration, chacun a pu ap-porter sa petite touche et le résultat a donné quelque chose de sobre et fantaisiste. Des tables ont été dressées pour nos convives, une piste de danse dégagée au milieu de la salle et un imposant sapin richement décoré trônait dans un coin de la salle.La fête s’est déroulée durant tout l’après-midi et l’association n’a pas lésiné sur les moyens : au menu, il y avait des toasts et tartines variés, des cocktails (évidemment sans alcool) savam-ment composés par des connaisseurs, un repas copieux commandé chez un traiteur accom-pagné de petits légumes mijotés par l'auteur de ces lignes et, enïn, des petites bûchettes qui sont parties comme des petits pains. Cette année, parmi l’assistance, il y avait un nombre important de russophones et le président du CVS (Conseil de la vie sociale) a fait un discours en russe avec traduction simultanée en français (on n’arrête pas le progrès !) Côté musique, c’est notre fameux groupe des Bolchéviks (anonymes… évidemment !) com-posé d’usagers et de travailleurs sociaux qui a assuré l’animation. Le public a eu droit à des morceaux de choix qui ont mis l’ambiance dans la salle. De temps à autre, des usagers talen-tueux nous offraient des intermèdes de percus-sions enïévrés et entraînants qui ont poussé du monde surPas même nos usagers en détention. Nous avons veillé à leur la piste de danse. Certains invités dotés d’un grand sens du faire parvenir des colis pour Noël. C’était un petit « coucou ! » rythme nous ont offert un spectacle de danse réjouissant. Ce de notre part, pour leur dire qu’on est là et qu’on ne les oublie sont des moments où l’on s’abandonne au rythme, où l’éner- pas. Car c’est ça aussi l’esprit d’EGO, esprit que nous avons gie et la vitalité s’expriment, où on oublie qui est qui et où tout intérêt à préserver. A l’issue de cette joyeuse rencontre, tout semble possible. et comme pour le service, la salle a été rangée en un temps Comme un Noël est inconcevable sans Père Noël, j'ai eu le record, avec la participation active de nos usagers volontaires. plaisir de l'incarner dans une version plus vraie que nature. Nous nous sommes séparés en songeant aux prochaines célé-Notre Père Noël n’est pas venu les mains vides mais avec brations. beaucoup de cadeaux qu’il a pris plaisir à distribuer aux usa-Jean-Paul EDWIGES gers tout heureux de les recevoir. Personne n’a été oublié.vice-président du CVS
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^ ^ ^Par Maurice GOLDRING
dire voirPARLER
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Rester une terre d'accueil dans une zone de sécurité prioritaire ! n groupe de travail pilote actuellement un « projet de territoire » sous la U direction de Frédéric Pigeon, élue chargée de la politique de la ville et des services publics du 18ème arrondissement et de Guillaume Huet, chef du projet de la politique de la ville. L’objectif : que la Goutte d'Or reste quartier d’accueil. Que l’éducation, la formation, l’insertion, des mille enfants et jeunes de moins de vingt ans permettent aux écoles, aux associations, de faire reculer l’échec scolaire,l’exclusion, la délinquance. Un autre groupe de travail pilote actuellement la mise en place d’une Zone de Sécurité Prioritaire (ZSP), sous la direction d’une autre élue, Myriam El Khomry, chargée des questions de sécurité, et du commissaire de police du 18ème arron-dissement. L’objectif est d’intervenir efIcacement contre les dérives inquié-tantes de la Goutte d'Or: le commerce illicite, la prostitution, les nuisances sonores, les deals. L’objectif est aussi d’intervenir sur l’insertion des jeunes. Le travail du premier groupe ne se voit pas. C’est un travail de longue haleine, dont les résultats se mesurent dans la durée. Le travail du second groupe est spectaculaire. Les uniformes se promènent dans les rues, le commerce illicite se replie, les ventes de cigarettes fuient le métro Barbès, les trottoirs sont libérés. Entre les deux groupes, pas de concertation, pas de réunion commune. Dans les réunions de quartier, quand les uns interviennent, les autres restent silencieux. Se parlent-ils ? Je ne sais pas. Se concertent-ils ? Je ne sais pas. Avec EGO, et grâce à son journal Alter EGO, les activités des uns et des autres peuvent être confrontées dans ce dossier spécial. Formons le vœu que ce soit une première étape vers une concertation souhaitable.
Philippe et Jean-Paul élus conseillers de quartier. C'estpresqueunsymbole:PhilippeFérin,éducateuretJean-PaulEdwiges,vice-présidentdu Conseil de la vie sociale d'EGO ont été élus Conseillers du quartier de la Goutte d'Or. Quelle meilleure illustration du lien profond noué par EGO avec les habitants du quartier? L'élection de ces deux figures connues de l'association, pour représenter et porter la parole des habitants auprès des élus d'arrondissement, est le témoignage d'un investissement auprès des habitants reconnu par tous. Ils siègeront donc dans le conseil de quarier pour participer à l'élaboration de projets d'aménagement, pour contribuer à l'amélioration du cadre de vie, pour faire des propostions, bref pour participer à la vie démocratique locale. À un moment où la Goutte d'Or connaît de profondes transformations, nul doute qu'ils sauront être à la hauteur de leur engagement.
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e sont les usagers d'EGO qui ont choisi le nom du jardin éphémère de la rue Cavé. Noëlle Savi-aCquittés sans faire de bruit en janvier de l'année gnat, qui fut longtemps bénévole à EGO, nous dernière, alors qu’elle entamait sa 90ème année. Depuis quelques temps des terrains, laissés en friche par la démolition d’immeubles insalubres de la Goutte d’Or, abritent des jardins éphémères, gérés solidairement par des habitants ou des associations du quartier. En passant rue Cavé, vous avez pu admirer, au numéro 24, un joli jardin bien entretenu ; fixé sur la grille qui le sépare de la rue, un charmant panneau fleuri indique : « Jardin Noëlle Savignat ». Si le jardin est fermé, vous repasserez pour connaître ceux qui y soignent avec compétence et sûrement avec amour ces légumes et ces fleurs et leur demanderez "Pourquoi lui avoir donné ce nom ? Qui est cette Noëlle Savignat ?" Vous avez bien sûr reconnu le jardin solidaire cultivé gráce à la participation active des usagers et des éducateurs d’EGO. Ce sont les usagers qui ont choisi le nom du jardin. Noëlle Savignat, qui fut pendant longtemps bénévole à EGO, nous a quittés sans faire de bruit en janvier de l'an-née dernière, alors qu’elle entamait sa 90ème année. Le
dernier temps de sa vie à la Goutte d’Or, Noëlle, affaiblie, se réfugiait souvent au Centre d’accueil Ego, parmi ceux qu’elle considérait comme sa famille. Ceux qui l’ont bien connue, lui gardent reconnaissance et tendresse. Si vous l’aviez croisée dans les rues de la Goutte d’Or, vous n’auriez sans doute pas remarqué cette petite dame si discrète, qui habitait le quartier depuis des dizaines d’années. Sa vie a été parfois très difficile. Malgré cela, les plus anciens d’EGO se souviennent de l’énergie avec laquelle elle a contribué, dès le début, aux actions menées par EGO, participant par exemple au groupe des parents préoccupés par l’arrivée des drogues dans le quartier. Elle fut à l’origine du journal Alter-Ego, qu’elle appelait « mon bébé » et resta longtemps Vice-présidente de l’asso-ciation. Sa contribution nous a toujours été précieuse. Noëlle avait longtemps résisté à ceux qui lui conseillaient de s'installer en maison de retraite. Ce n’est que vers la fin 2011 qu’elle accepta d’y aller. Et c'est là, doucement, qu'elle s' est éteinte. C’est pour lui rendre hommage que les usagers ont décidé de donner son nom à leur jardin pour, en quelque sorte, prolonger sa présence parmi nous.
Claude MOYNOT
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DROGUE ET MATERNITÉ COMMENT FAIRE ?
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ELLES VONT AVOIR UN ENFANT ET CONSOMMENT DES DROGUES. COMMENT ASSURER LE SUIVI DE GROSSESSE À DES FEMMES QUI VIVENT DANS L’INSTANT PRÉSENT ? COMMENT PRÉPARER L’ARRIVÉE DE L’ENFANT DANS LES MEILLEURES CONDITIONS ? C’EST TOUT L’ENJEU DU TRAVAIL MENÉ PAR LES PROFESSIONNELS D’EGO EN COLLABORATION AVEC LESMATERNITÉS ET UN RÉSEAU DE SOINS.
i, parmi les usagers de drogues les femmes sont beaucoup moins nombreuses que les hommes, les observations réa-lisées indiquent que, parmi les usagers de crack, la part des femmes serait plus importante que pour les autres substances. Ces femmes, très désocialisées, ont la plupart du temps un niveau de consomma-tion souvent supérieur à celui des hommes. Nombre d’entre elles vendent leurs corps pour ïnancer leurs consommations. Et la vie sexuelle, la vie amoureuse sous crack rend les femmes plus vulnérables aux infections sexuellement transmissibles et multiplie les risques de grossesses non désirées. Cepen-dant, certaines ont un vrai désir d’enfant. Les questions qui se posent alors sont : quels sont les risques encourus par le fœtus dont la mère a consommé plusieurs produits ? Com-ment ces futures mamans sont elles suivies durant leurs grossesses ? Comment sont elles accueillies dans les maternités ? Depuis plusieurs années maintenant des réseaux se sont constitués qui réunissent à la
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fois les structures d’accueil des usagers de drogues, les assistantes sociales et les services de maternité. Des progrès ont été réalisés dans la prise en charge et le suivi de ces femmes enceintes. Il fut un temps, en effet, où ces femmes qui venaient accoucher étaient mal reçues. Il était mal vu de se présenter pour accoucher sans avoir respecté les visites régulières de suivi de grossesse et, qui plus est, être consommatrice de produits et enceinte. Les jugements réprobateurs étaient légion. Souvent, on imposait à la par-turiente un sevrage brutal qui avait des conséquences sur le nouveau-né et la mère risquait de se détourner de ce nouvel enfant. Fort heureu-sement, l’utilisation des produits de substitution aux opiacés a modiïé cette approche. Aujourd’hui les professionnels n’hésitent plus à augmenter les doses de traitement de substitution pour atteindre un équilibre confortable pour la mère durant la grossesse. De fortes doses n’augmentent pas le syndrome de sevrage pour l’enfant après la naissance. Au contraire, un traitement bien pris, régulièrement, est bénéïque pour la mère donc pour le bébé à naître.
UNE GROSSESSE A RISQUE Des médecins pionniers, comme le Pr Lejeune à l’hôpital Louis Mourier à Colombes, ont beaucoup écrit sur les pratiques de différentes maternités re-cevant des femmes enceintes consom-matrices de drogues. Ils afïrment que, s’il faut avoir une prise en charge par-ticulière compte tenu de leurs consom-mations, ces femmes ont le droit de bénéïcier de la même attention et des mêmes soins que les autres femmes. Cette approche a contribué à changer le regard des soignants qui accueil-laient ces futures mères et a favorisé la conïance de celles-ci à leur égard.Le lien mère-enfant s’est trouvé amé-lioré. Il reste que ces grossesses ne sont pas tout à fait comme les autres dans la mesure où l’enfant à naître a été exposé au crack, que la future mère n’observe pas souvent les rendez-vous de suivi de grossesse et par conséquent ces grossesses sont considérées « à risque ». Selon une étude (1) une femme qui est grande consommatrice de crack pré-sente un risque plus élevé de fausse-
couche au premier trimestre, d’hémorragie en cours de grossesse et d’accou-chement préma-turé.
Cer-tains nouveaux-nés présentent un syndrome d’imprégnation à la cocaïne avec un état transitoire d’hyperactivité, d’hyper succion et petits cris aigus. Mais, à plus long terme, ces études sont plutôt rassurantes : les enfants ne souf-friraient pas de troubles d’apprentis-sage, ni de retard moteur, ni de trouble du comportement jusqu’à trois ans. Mais le Pr Lejeune insiste sur une notion très importante : tous ces résul-tats doivent être reliés au contexte de la vie des mères. Car, dans les études, il est très difïcile de distinguer parmi les anomalies observées ce qui relève de la cocaïne de ce qui relève d’autres facteurs comme l’association avec d’autres produits en particulier l’alcool responsable de lésions cérébrales fœ-tales graves et le tabac. D’autres élé-ments entrent aussi en ligne de compte notamment les conditions de vie. Une grande précarité et un suivi médiocre ou nul de la grossesse peuvent, à eux seuls, induire des complications
périnatales (menaces d’accouchement prématuré, retard de croissance) avec des risques pour le développement de l’enfant.
UNE PRISE EN CHARGE COLLECIVE C’est dire l’importance d’un accompa-gnement précoce de ces femmes. La plupart des femmes enceintes rencon-trées à EGO ont été orientées vers la maternité de Port-Royal où il existe une équipe mobile spécialisée dans l’ac-cueil des femmes toxicomanes. Cette équipe très disponible est très appré-ciée des femmes enceintes, même si elles ne se rendent pas régulièrement aux consultations. Grâce à son soutien, le personnel de la maternité accepte de travailler de façon un peu différente avec des femmes qu’il reçoit à un stade souvent avancé de la grossesse et peu présentes aux rendez-vous. A l’extérieur, l’équipe de cette mater-nité compte sur les professionnels qui interviennent auprès des usagères de
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C'est la mèrequi a les réponses à des questions toujours difficiles drogues pour constituer en quelque sorte un « ïlet ». Dès qu’une femme enceinte se présente dans l’une des structures de soins, elle se voit propo-ser un accompagnement à l’hôpital ou, lorsqu’un médecin ou une inïrmière de la structure qu'elle fréquente est sur place, une consultation pour évaluer au minimum quelques facteurs de risque. Ce travail est également relayé par certaines équipes qui se déplacent auprès d’usagers dans les squats lors des actions de maraude. L’objectif de tous est de faire en sorte, par tous les moyens disponibles, de rester en contact avec celle qui, souvent, n’a absolument rien demandé. Les grossesses peuvent être détectées grâce aux remarques des femmes qui se retrouvent à l’accueil des structures d’accompagnement aux usagers de dro-gues : « t’as pas un peu grossi toi ? Je
suis sûre que t’es enceinte ! ». Il faut dire que la consommation d’un opiacé conjugué à la malnutrition provoque souvent une perturbation du cycle menstruel et c’est au moment où le ventre s’arrondit franchement qu’une grossesse est repérée. Le personnel des différents CAARUD et CSAPA peuvent s’appuyer sur le DAPSA (voir encadré) véritable réseau médico-social de la pé-rinatalité qui sait tisser les mailles d’un ïlet de prise en charge de ces femmes enceintes. Car tous ceux qui inter-viennent auprès des femmes enceintes consommatrices de crack savent les difïcultés, les petites joies ressenties lorsque leur travail donne des résultats mais aussi les frustrations lorsqu’ils ont le sentiment que ces femmes semblent échapper à toute offre de soutien.
LA CONFIANCE PAS À PAS Chacun sait que la conïance de ces femmes se construit pas à pas. Et parce que les accueillies établissent progres-sivement des liens de conïance avec les équipes d’EGO, celles-ci sont des interlocuteurs précieux pour la sage-femme et l’assistance sociale de la maternité de Port-Royal qui font partie du DAPSA. Et ce travail en réseau per-met de s’appuyer sur l’un quand l’autre sent des limites à son intervention. Les équipes des CAARUD et le DAPSA organisent des rencontres pour adapter au mieux leurs interventions. Car là, il n’y a pas de proïl type. Chaque cas est particulier. Les situations sont si com-plexes, les demandes formulées ou non sont si diverses, qu’il ne peut y avoir un
TOUJOURS MIEUX ACCOMPAGNER Les personnels des CAARUD se forment en permanence pour rendre leur travail plus efficace, pour rendre leur accompagnement toujours plus pertinent. C’est ainsi qu’à EGO, Claire, l’infirmière du CSAPA et chef de service, a suivi en 2008/2009, un Diplôme universitaire « Périnata-lité et addictions ». Mais pour Claire, « rien n'est possible tout seul. C’est toujours un travail d’équipe ».
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seul interlocuteur. Tous les intervenants ont conscience qu’ici « on s’occupe de cas complexes. Nous avons à faire avec des femmes qui ne sont pas forcément compliantes. Et tout le monde n’est pas prêts à les accueillir. » Or, s’assurer que la grossesse et que l’accouchement se passent dans les meilleures conditions implique de savoir travailler auprès de ces futures mères et futurs pères. Parmi ces derniers il en est qui mani-festent le désir d'assumer ce nouveau rôle. Nathalie Le Bot, sage-femme à Port-Royal estime que « lorsqu’ une femme arrive aux urgences, il faut être disponible et réactive. On doit faire du sur-mesure, être particulièrement à l’écoute, se prémunir de tout juge-ment ». Est-ce à dire que tout va et ira pour le mieux ? Ce qui est sûr c’est que tout est mis en œuvre pour que la grossesse et l’accouchement soient suivis dans les meilleures conditions sanitaires et sociales. Cela ne dit rien de ce que deviendra le couple mère/ enfant. La mère saura t-elle, voudra t-elle, pourra t-elle s’en occuper ? La réponse lui appartiendra. En tout cas tout un réseau aura pris soin d’elle et de son enfant. Et les liens qu’elle aura tissés durant sa grossesse sont autant de jalons pour un possible choix.
Mireille RIOU (1) Addiction et cocaïne, Laurent Karila et Michel Reynaud, Médecines-Sciences Flamarion 2009.
A QUOI SERT LE DAPSA ? Le Dispositif d’appui à la périnatalité et aux soins ambu-latoires (DAPSA) est un réseau de santé animé par une équipe pluridisciplinaire. Sa mission consiste à favoriser l’accès et la continuité des soins quand les parents ou futurs parents souffrent de troubles psychiques et/ou somatiques, en lien avec une consommation de subs-tances psycho-actives licites ou illicites. Il accompagne les femmes enceintes, les futurs pères, les couples pendant les périodes pré et post natales et ce jusqu’aux trois ans de l’enfant.
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SES AQUARELLES ILLUSTRENT RÉGU-LIÈREMENT ALTER-EGO. POUR CE NU-MÉRO DE MARS NOUS AVONS CHOISI D’ALLER À LA RENCONTRE DE NINA. ina à l’abord chaleureux et le regard sombre des N femmes de la Méditerranée. Ses traits juvéniles étonnent chez cette brune de quarante ans. Les coups durs de la vie semblent ne pas avoir laissé de traces. En apparence. Jusqu’à ce qu’elle confie ses failles et ses blessures. Sans fausse pudeur. Sans esquive non plus. Elle raconte un par-cours chaotique qui lui a fait rencontrer la drogue très jeune. Trop jeune. Puis les rencontres avec le milieu punk et al-ternatif qui l’ont conduit en Allemagne, en Hollande. Elle raconte aussi ses lon-gues années d’abstinence lorsqu’elle vivait à Londres, puis sa rechute avec la découverte du crack dans le quar-tier jamaïcain : « A l’époque, la Goutte d’Or c’était un jardin d’enfant comparé au quartier jamaïcain de Londres! » dit Nina. Lorsqu’elle parle de ses oeuvres, de ses aquarelles, Nina s’anime. Elle en parle avec gourmandise. Autodidacte, elle n’a fréquenté aucune école d’art. Mais aussi loin qu’elle se souvienne elle a toujours dessiné. Et puis, des rencontres ont fait le reste. Comme l’encourager à poursuivre dans cet art
qu’elle aime et qu’elle pratique avec talent. « Je dois beaucoup à Meobius, que j’ai eu l’occasion de côtoyer pen-dant quelques mois et qui m’a donné l’envie de poursuivre dans cette voie » confie Nina. Evidemment, ses études ont vite pris fin. A 16 ans elle « ne veut plus subir de contraintes » et décide de faire des pe-tits boulots. Tout en continuant à dessi-ner. Et à « dévorer les livres ». Et c’est gráce à un encadreur du 18ème arron-dissement qui transformait sa boutique en galerie de peintures qu’elle a pu vendre ses premières aquarelles. Elle en garde un souvenir précieux. Lorsqu’on lui fait remarquer que ses portraits de femmes sont évanescents, semblent dégager un certain mys-tère, Nina confirme « oui, elles sont empreintes d’un orientalisme que j’aime particulièrement ». Comme chez Delacroix ? « J’aime Delacroix, mais plus encore José Tapiro, un peintre espagnol contemporain de Delacroix. Lui, c’est fou ce qu’il arrivait à faire avec de l’aquarelle ! C’est simplement incroyable ! » Des peintres qui ont peint, de l’Algérie ou du Maroc, des femmes alanguies et mystérieuses d’un Orient en vogue chez les poètes et les peintres de la fin du 19ème siècle. Mais elle aime aussi Toulouse-Lautrec et ses représentations des danseuses des ca-
DEUXOU TROIS CHOSESDE NINA barets. C’est que Nina a grandi près de la Place Blanche… « Il faut laisser la place au rêve, dit Nina. Dans un tableau, je suis bien sûre sensible à une technique. Mais je dois avant tout éprouver une émotion, retrouver ce qu’il y a de pathétique dans la condition humaine » Ce mys-tère, cette évanescence qu’elle reven-dique s’expriment au mieux dans la technique choisie par Nina. L’aquarelle en effet, à la différence de la gouache, donne des couleurs transparentes qui se perdent et se fondent dans le sup-port de papier ou de carton. Et pour Nina, nul dessin préalable. Elle utilise le pinceau d’un premier jet, « en direct, là tu gardes ta spontanéité, c’est expres-sif. De toute façon, je ne connais pas les techniques d’atelier. Je travaille au feeling ». Aujourd’hui elle aimerait réaliser des grands formats, peut être aussi des dé-cors pour l’atelier Théátre d’Ego. Ce qui est sûr c’est que la peinture l’immerge dans un coin de paradis. Et celui-là n’est pas artificiel. Mireille RIOU
revue de prévention des risques et de réduction des dommages liés à l’usage de drogues, réalisée par des usagers de drogues, des bénévoles et des travailleurs sociaux
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