Le célibataire et les tatouages

Pierre Beauparlant

Description

Ha! Ces dessins sur la peau.

Informations

• Publié par: Pierreb
• Publié le: 06 septembre 2012
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• Langue: Français

Extrait

Le célibataire et les tatouages.

Ma première confrontation avec les tatouages remonte à ma prime jeunesse. Unde mes oncles, le méchant garnement de la famille arborait sur le biceps gauche un Popeye.

Son influence aurait pu être néfaste. Chaque fois, à l’été débutant, lorsque sa BSA pétaradait dans l’entrée de notre garage et que mon père se précipitait à sa rencontre avec une bière à la main en guise de bienvenu, il prenait un malin plaisir à gonfler son biceps à chaque gorgée de bière, devant mon regard ébahi. Il me disait alors, avec le clin d’œil approprié que ce breuvage amer à mes jeunes papilles était ses épinards. C’est quand je voyais ce Popeye se bomber de plaisir que vitement, j’allasse en catimini, prendre goulûment une gorgée de ce nectar interdit dans la bouteille de mon père.

Durant toute ma jeunesse j’ai gardé cet attrait et cette curiosité pour les tatouages. De ce temps, ma mère désignait les hommes tatoués, d’encrés. « Tiens un encré ». J’avais la fâcheuse habitude, dès cet instant, de chercher l’ancre à bateau sur le pourtour de l’individu. J’ici trouvais le plus souvent une sirène, la face du Christ, un cœur saignant ou un prénom nébuleux, perdu dans des arabesques asymétriques.

C’est à l’orée de l’âge adulte que j’ai commencé à désenchanter sur ces estampes à plein temps. Imaginez! L’une de mes premières blondes exhibait, sur le bras, écrit dans un caractère malhabile, un « Je t’aime, Alain ». J’en suis resté traumatisé toute ma vie. Dès lors, ma priorité fut de dénuder le plus rapidement possible mes nouvelles compagnes à la recherche d’un sceau de propriété.

Et là, je vous en passe un papier, j’ai fait des découvertes incroyables, loufoque et insolite. Des dauphins, des vignes, des barbelés, des anges, titi et gros minet, un zoo au complet, des simagrées, Jean-Paul II (probablement, une ancienne religieuse) des lettres et des chiffres, des signes chinois, hébreux, arabes, une ceinture autour de la taille (viarge, elle n’avait qu’à me le dire si elle avait peur de perdre sa culotte de cheval) des soleils, et le top, un pénis en érection sur le bas du ventre. Pu, capable!

Je ne peux même pas en parler avec ma poubelle, elle a clos le sujet il y a au moins cinq ans. Vous savez maintenant comment elle est susceptible. Alors, c’est pour cette raison que j’ai fait enquête auprès de mes amies de Netlog. Qui avait un tatouage? Qu’est-ce qu’elles en pensaient? Bref, je voulais savoir leurs opinions. En voici donc les résultats. 38 % d’entre elles possèdent un tatouage, 7 % y pensent, le reste, faites le calcul, sont vierges (hum) de toutes traces indélébiles.

Hier, encore, passant devant ma confidente rouge, j’ai proclamé haut et fort « je suis anti- tatouage », C’est pareil comme si je ne lui avais pas parlé. Il faut dire que depuis qu’elle côtoie bac bleu, elle m’ignore de plus en plus. Je suis donc monté sur la table du salon et dans un soliloque à l'emporte-pièce, j’ai affirmé.

« Je n’aime pas les tatouages parce que je ne veux pas me mettre la langue dans un encrier, si je veux lécher de la couleur, alors je m’achèterai des jujubes rouges et verts »

Je suis descendu de ma table, avec flegme, la tête haute et je suis sorti de l’appartement. J’ai mis l’oreille à ma porte. La rouge et le bleu marmonnaient et ricanaient de plus belle. J’ouvris brusquement la porte. Silence complet. J’ai refermé et parti pour le restaurant.

Mademoiselle, une crêpe et deux jujubes, s’il vous plaît.

Le cél ib at ai re .