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Publié par | erevistas |
Publié le | 01 janvier 2009 |
Nombre de lectures | 232 |
Extrait
#01
AUTOBIOGRAPHIE
ET FICTION.
LE CAS D’ENFANCE
DE
NATHALIE SARRAUTE
Hamza Boulaghzalate
Máster Oficial en Literatura Comparada: Estudios Literarios y
Culturales
Universidad Autónoma de Barcelona
Citation recommandée || BOULAGHZALATE, Hamza (2009): “Autobiographie et fction Le cas d’ Enfance de Nathalie Sarraute” [article online] 452ºF.
Revue électronique de théorie de la littérature et de littérature comparée, 1, 133-148, [Date de consultation: jj/mm/aa], < http://www.452f.com/issue1/
autobiographie-et-fction-le-cas-d’enfance-de-nathalie-sarraute/ >.
Illustration || Elena Macías
Article || Reçu: 03/04/2009 | Apte Comité Scientifque: 29/05/2009 | Publié: 01/07/2009
License || Creative Commons Paternité-Pas d’Utilisation Commerciale-Pas de Modifcation 2.0 License. 452ºF
Résumé || Enfance de Nathalie Sarraute est l’oeuvre qui refète comment un auteur peut traverser
les lignes du rêve et de la fction dans un récit qui prétend être autobiographique. Le lecteur se
trouve donc face à un jeu bien composé où la fction sarrautienne, l’autobiographie classique et
l’usage singulier des voix narratives se fondent et se confondent de façon harmonique en un point
qui nous porte à nous interroger sur la nature et l’identité même des genres littéraires.
Mots-clé || Sarraute | Enfance | Autobiographie (genre) | Fiction | Autofction | Diégèse | Modes et
voix narratives | Chronologie.
Abstract || Enfance is Nathalie Sarraute work that depicts how an author can cross the hues of
dream and fction in a story that purports to be autobiographical. The reader is thus encountered
with a highly composed game where sarrautian fction, lassical autobiography and the singular use
of narrative voices are interwoven harmoniously to a point that leads us to question the nature and
identity of even literary genres.
Keywords || Sarraute | Enfance | Autobiography (genre) | Fiction | Autofction | Diegesis | Mode
and narration voices | Chronology.
Autobiographie et fction. Le cas d’ Enfance de Nathalie Sarraute - Hamza Boulaghzalate
452ºF. #01 (2009), 133-148.1Alors, tu vas vraiment faire ça? “Evoquer tes souvenirs d’enfance” .
NOTES
Qui parle? Est-ce la voix de Nathalie Sarraute, ou celle de son double 1 | SARRAUTE, Nathalie,
Enfance, Ed. Gallimard, coll. qui, par ses mises en garde, ses scrupules, ses interrogations, l’aide
“Folio”, 1983, p.7. à faire surgir “quelques moments, quelques mouvements encore
intacts, assez forts pour se dégager de cette couche protectrice 2 | Émission de 5 avril 1984 de
Jean Montalbetti, sur France-qui les conserve, des ces épaisseurs (…) ouatés qui se défont et
Culture: Entretien avec Natacha disparaissent avec l’enfance”? Cet incipit singulier met l’accent sur
Sarraute. La transcription est
un élément, voire une technique littéraire peu fréquente dans le récit effectuée par Philippe Lejeune,
cité par LECARME, Jacques, autobiographique, à savoir celle du dialogisme. Or, s’agit-il vraiment
et LECARME-Tabone, Eliane, et avant tout d’une autobiographie si on prend en considération
L’autobiographie, A. Colin,
l’existence d’une idéologie anti-autobiographique (le cas de Paul 1997.
Valéry, Julien Green, Gertrude de Stein, etc)? Il est bien connu
3 | Ibid. que Nathalie Sarraute a laissé clair lors de deux interviews que…
ce n’est pas une autobiographie. Elle a affrmé qu’elle avait horreur 4 | LECARME, Jacques, et
de l’autobiographie et suggérait implicitement ne venait en LECARME-Tabone, Eliane,
op.cit, p. 10.aucune manière d’en commettre une avec Enfance: “Je n’aime
pas l’autobiographie, parce que je n’ai aucune confance dans les
5 | LEJEUNE, Philippe, Le
autobiographies, parce qu’on s’y décrit toujours sous un jour…, on Pacte autobiographique, Ed. du
Seuil, coll. « Poétique », 1975, veut se montrer sous un certain jour. Et puis c’est toujours très partial,
p. 13-14. enfn, moi, je n’y crois jamais. Ce qui m’intéresse quand je
lis les vraies autobiographies, c’est de voir “ah bon c’est comme ça 6 | Concept utilisé par
2 Philippe Lejeune (Le pacte qu’il voulait qu’on le voit” . Sarraute introduit également une objection
autobiographique),qui distingue plus inquiétante encore que celle formulée dans le préambule
différents “pactes”. Kerbart
abandonné des Confessions, une critique qui relève de son point de le défnit comme étant “la
promesse implicite que fait vue de lecteur. “Si le lecteur ne croit pas à l’autobiographie, celle-ci se
a ses lecteurs l’auteur d’un décompose littéralement, faute d’un crédit que personne d’autre ne
livre, en suscitant chez eux,
3peut lui donner” . Mais voici que Sarraute se souvient de quelqu’un d’emblée, une certaine attente”
(Leçon littéraire sur l’écriture auquel elle a fait confance: le Rousseau des Confessions, et la
de soi, Presses Universitaires voilà toute retourné sur l’enjeu du débat: “Ecoutez, je crois qu’un
de France, 1996, p.40).
des textes que j’admire le plus de tous les textes littéraires, ce sont
7 | GOSSELIN, Monique, Les Confessions de Rousseau. Alors, ça suffrait déjà pour que je
Enfance de Nathalie Sarraute, ne puisse pas dire du mal d’une autobiographie. Je trouve surtout le
Ed. Gallimard, 1996, p.23.
premier volume admirable d’un bout à l’autre, quelque chose qui n’a
4jamais été dépassée, ni même atteinte” .
Nathalie Sarraute, en refusant alors de considérer Enfance comme
une autobiographie ne se réfère pas à la conception poéticienne
formulée par Philippe Lejeune qui, dès 1972, la défnit comme étant:
“un récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa
propre existence, lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle, en
5particulier sur l’histoire de sa personnalité” . “Cela implique –comme
6le souligne Monique Gosselin– un pacte suivant lequel le nom du
signataire –Nathalie Sarraute– est identique à celui de la narratrice et
7à celui de l’héroïne –Natacha ou Tachok– dont la vie est racontée” .
Á ce titre, Enfance serait sans le moindre doute une autobiographie
même si Sarraute ne s’appesantisse pas sur ce problème d’identité.
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Autobiographie et fction. Le cas d’ Enfance de Nathalie Sarraute - Hamza Boulaghzalate
452ºF. #01 (2009), 133-148.
Autobiographie et fction. Le cas d’ Enfance de Nathalie Sarraute - Hamza Boulaghzalate
452ºF. #01 (2009), 133-148.8“Á l’évidence, une autobiographie” , comme le réaffrme clairement
NOTESJean Lévi Valens dans Esprit.
8 | LEVI-VALENS, Jean,
“Enfance de N. Sarraute”, in Avant de revenir sur le début du récit sarrautien, il nous parait
Esprit, novembre, 1983, voir indispensable de s’arrêter sur le titre: “Enfance”. L’auteur de Le
dossier, p. 234.
portrait d’un inconnu a affrmé à Monique Gosselin lors d’un entretien
qui a eu lieu le 16 novembre 1993 que le titre lui fut suggérer par 9 | GOSSELIN, Monique, op.cit,
p. 21. l’un des ses amis proches, soucieuse de récuser toute infuence
du titre de Tolstoï sur le sien. Or, c’est un titre qui laisse dans le 10 | GOSSELIN, Monique,
doute le genre du livre: de nouveau, s’agit-il d’une autobiographie? Enfance de Nathalie Sarraute,
p. 22. Faut-il entendre dans ce titre une enfance singulière, mais digne
de constituer un modèle ou au contraire une enfance commune où
11 | SARRAUTE, Nathalie,
chacun de nous pourrait retrouver quelque chose de son enfance? “Le interview donnée à Lire, juin
1983, p. 87-92. Voir dossier, p. but de Sarraute, avance Monique Gosselin, y est moins de raconter
195 sa propre enfance que de saisir à travers elle ce continent inconnu
ou méconnu qu’est toute enfance, en particulier si l’on se réfère
à l’étymologie latine du mot (L’enfant est celui qui n’a pas encore
9accès aux mots)” . Une dernière question doit être également posée
et qui, selon notre point de vue, résulte d’une importance majeure:
s’agit-il d’une fction? Nul ne peut contester que certaines scènes de
fction semblent trouver leur origine dans l’enfance. La fction dans
Enfance de Tolstoï a été bel et bien démontrée à plusieurs reprises.
Gosselin nous apporte que “le récit de Tolstoï relève explicitement
de la fction. Il y dépeint sa propre enfance, mais aussi celle de
ses amis Isléniev. C’est un récit linéaire, où le temps est fortement
distendu. Le narrateur y introduit des souvenirs de sa mère qui ne
peuvent être les siens puisqu’il l’a perdue quand il avait deux ans.
Dès le début, la dramatisation romanesque est très apparente, le
jeune Tolstoï invente un cauchemar dans lequel il aurait vu sa mère
mourir, et qui rétrospectivement apparaît comme annonciate