CONCLUSION de SYNTHÈSE par Jean GUÉGUINOU

Administrateur

Description

CONCLUSION de SYNTHÈSE par Jean GUÉGUINOU

Informations

• Publié par: ivelitan
• Nombre de lectures: 77
• Langue: Français

Extrait

Ordre du Saint Sépulcre de Jérusalem

Lieutenance de France

Le Proche Orient a toujours été une région ou le politique et le religieux ont été

étroitement imbriqués, où tout ce qui est politique côtoie le religieux et où tout ce qui est

religieux côtoie le politique. Les traditions communautaires y sont fortes et les identités

communautaires s’y définissent en priorité par une appartenance religieuse.

Le religieux ayant retrouvé une place de premier plan depuis quelques années dans

la vie politique et sociale de la région, le thème du colloque était particulièrement d’actualité.

Ses débats l’ont confirmé en soulignant la difficulté pour des sociétés laïcisées comme les

nôtres de comprendre la complexité des enjeux dont les racines plongent dans l’histoire des

mentalités et l’histoire tout court.

Le colloque s’est beaucoup penché sur l’avenir - si ce n’est la survie - des chrétiens dans

une région ou leur présence est millénaire. Comme au synode des évêques du Moyen-

Orient qui s’est tenu à Rome à l’automne, beaucoup de questions ont été posées qui n’ont

pas reçu de réponses définitives ou rassurantes : les chrétiens pourront ils affirmer

leur foi

et la vivre ouvertement dans des sociétés qui deviendraient islamistes ? La fragmentation

des églises n’est elle pas une source d’affaiblissement et feront-elles tous les efforts

nécessaires pour surmonter leurs divisions ? Un état laïc où règnent liberté de conscience et

liberté religieuse est il concevable au Moyen Orient en dehors de quelques exceptions ? Que

deviendront ces sociétés qui ont toujours connu des cohabitations entre musulmans, juifs et

chrétiens, plus ou moins pacifiques d’ailleurs, selon les époques ?

Beaucoup d’incertitudes donc mais une conclusion certaine : le départ des chrétiens

serait une perte pour cette partie du monde. Ils y ont été depuis longtemps porteurs de

modernité au sein de sociétés qui pour différentes raison ont du mal à se confronter a elle.

Ils ont formé des élites culturelles qui ont permis d’ouvrir les pays où ils vivent aux vrais

débats du temps. Leur absence serait un appauvrissement.

Si le paradigme religieux est essentiel aujourd’hui dans l’analyse de la situation

géopolitique de la zone c’est aussi parce que le monde musulman lui-même apparaît de plus

1

CONCLUSION de

SYNTHÈSE

par Jean GUÉGUINOU

GÉOPOLITIQUE et RELIGIONS

au PROCHE – ORIENT

Colloque du 26 mars 2011

en plus divisé sur ce plan, notamment entre sunnites et chiites. Or ces divisions ont des

conséquences à l’intérieur des Etats mais aussi dans les relations entre les Etats. Leurs

répercussions diplomatiques sont nombreuses et, comme on peut le voir dans le cas de

l’Iran, elles se ramifient bien au delà du Proche et Moyen-Orient.

Le colloque n’a pas abordé en détails les raisons de cette montée du fait religieux sur

la scène moyen-orientale, où elle s’accompagne de l’expansion des

fondamentalismes et

des extrémismes

politiques inquiétants.

Certaines de celles-ci méritent d’être brièvement

évoquées.

Après la première guerre mondiale, le Proche-Orient a été le théâtre de la naissance

du nationalisme arabe, nationalisme qui n’était pas en premier lieu un nationalisme d’Islam.

La création de l’Etat d’Israël a fait naître une grande cause arabe, la cause palestinienne, qui

s’est appuyée sur le thème mobilisateur de l’unité arabe et du panarabisme incarné par des

personnalités charismatiques comme Gamal Abdel Nasser. Mais les espoirs suscités ont été

vite déçus. Les Etats arabes ont perdu les guerres. Les peuples ont éprouvé un sentiment

d’humiliation et une forte

frustration. Les promesses en des jours meilleurs n’ont pas été

tenues. Le développement, quand il a été au rendez-vous, ne s’est pas traduit par une

répartition plus équitable des richesses, ni par une participation satisfaisante de tous à

l’action publique. Les jeunes plus et mieux éduqués que leurs aînés ont du mal à avoir accès

au monde du travail et à satisfaire leurs ambitions.

Par ailleurs le temps paraît loin où la vision d’un Etat palestinien laïc était portée avec

conviction par des leaders politiques écoutés, souvent chrétiens, et où le régime irakien par

exemple se voulait et était, avec le parti Baas, un régime laïc dans lequel toutes les

communautés religieuses devaient trouver leur place.

La création d’un Etat juif a par ailleurs introduit des arguments religieux dans les

polémiques politiques, comme le montrent les pamphlets et les diatribes extrémistes qui s’en

prennent plus aux Juifs et au Judaïsme qu’aux Israéliens et à Israël, et dont le premier mot

d’ordre est la « libération

de la Ville Sainte de Jérusalem ».

La défaillance des gouvernements a amené les habitants déçus et inquiets à se

replier sur la religion. Beaucoup de mouvements

religieux musulmans ont su saisir

l’occasion et donner à la population

le sentiment d’être plus attentifs à ses problèmes que

ne le sont les autorités politiques. Le cas du Hamas à Gaza est à cet égard exemplaire.

Le Proche-Orient et le monde arabe vivent actuellement une période de transition

agitée. Il est probable que cette période va durer et que les nouveaux équilibres politiques

internes et externes ne se mettront pas en place de sitôt. La jeunesse qui est un des fers de

lance, mais pas le seul, de la contestation et des bouleversements en cours a–t-elle des

mobiles autres que politiques ? Est-ce une crise de modernité et une revendication purement

démocratique ? Les déceptions inévitables ne renforceront-elles pas les tendances

religieuses intégristes ?

Les partis religieux n’occuperont ils pas une place

prépondérante dans des sociétés désorientées ? Il est bien trop tôt pour le dire. Ce qui est

sûr en revanche, c’est que dans la géopolitique de la zone, le paradigme religieux n’est pas

prêt de disparaître ou de perdre de son influence.

Jean Guéguinou – 26 mars 2011

2