Considérations sur le masochisme et la culpabilité
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Je vous propose de cheminer quelques instants en compagnie de Freud et de Lacan sur le thème du masochisme et du sentiment de culpabilité en revenant, notamment, sur la lecture du fantasme décrit par Freud comme étant celui du châtiment d'un enfant...

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Publié le 13 juin 2013
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Langue Français

Extrait



Considérations sur le masochisme
et la culpabilité



La douleur est
l'auxiliaire de la
création.

1Léon Bloy












Je vous propose de cheminer quelques instants en compagnie de Freud et de Lacan sur le
thème du masochisme et du sentiment de culpabilité en nous appuyant notamment sur le
2Séminaire V prononcé par Lacan entre 1957 et 58 (intitulé Les formations de l'inconscient )
3au cours duquel il revient sur la lecture d'On bat un enfant .
J'ai souhaité, en guise d’introduction, faire un détour auprès de Léopold Von Sacher-Masoch
et de ses contrats pervers. J'en ai reproduis deux, ci-après, dans lesquels Mr Masoch fait
successivement part de sa totale soumission à deux galantes avec qui il va se nouer, si j'ose
dire, au travers des règles d'un jeu qui, disons le mot ''tout attaché'', est un peu particulier.
Ces règles vont, paradoxalement et comme chez l'arroseur arrosé, ''lier'' également le futur
« ligoteur »... dans une servitude volontaire toute boétienne.

4Ces contrats nous plongent d'emblée dans le monde étrangement inquiétant de la
perversion. Étrangement inquiétant mais suscitant également un sentiment de malaise diffus,
d'inconfort, voire de confuse excitation apportant de l'eau au moulin de l'existence chez tout
un chacun, d'une certaine tendance à la perversion. Une amie qui, à l'approche des fêtes de
fin d'année, lisait ces contrats, s'est exclamée avec exaltation : « j'en veux aussi un comme
ça pour Noël ! » sous-entendu un pareil esclave mais, se reprenant aussitôt, ajouta : « je suis
tout de même un peu gênée, on ne devrait pas souhaiter des choses pareilles »...

1 Léon Bloy, écrivain français (1846-1917), auteur de pamphlets et de romans.
2 Lacan J., Les formations de l'inconscient (1957-58), Le séminaire, Livre V Paris, Le Seuil, 1998
3 Op. Cit., note de haut de page, p. 233
4 Deleuze G., Présentation de Sacher Masoch, le froid et le cruel (inclus, le texte intégral de la Vénus à la fourrure),
èmeU.G. Editions, Paris 6 , 1967, p. 296-299
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3 / 12 Pour aborder le thème du masochisme, nous reviendrons sur le fantasme intitulé par Freud
5Un enfant est battu (1919) et sur un autre de ses articles majeurs, le Problème économique
6du masochisme (1924) mais auparavant, rappelons qu'au cours des vingt-six années de
séminaires qu'a duré l'enseignement de Lacan, ce dernier a toujours maintenu centrale la
place du signifiant dans la structuration de l'inconscient et dans la formation des
symptômes ; et que, chez Freud déjà, l'équivalent du signifiant – Vortsellungrepräsentanz –
7était partout. On en trouve des tas d'exemples dans la Traumdeutung , la Psychopathologie
8 9de la vie quotidienne et le Mot d'esprit ... pour ne citer qu'eux. Cette place centrale du
langage, nous ne devrions pas être surpris de la retrouver également, par conséquent, dans
les perversions.
10Introduisons-les donc en jetant un pont entre elles et la névrose et en citant Lacan : « il y a
dans toute formation dite perverse, quelle qu'elle soit, exactement la même structure de
compromis, d’élusion, de dialectique du refoulé, et de retour du refoulé, qu'il y a dans la
11névrose ». Un peu plus loin il ajoute : « il y a toujours, dans la perversion, quelque chose
que le sujet ne veux pas reconnaître ». Sans le dire précisément, c'est de la castration qu'il
s'agit et de la défense qu'occasionne cette reconnaissance, ainsi que du refoulement du désir
qui s'y connecte. L'Autre est manquant, énonce sans le savoir tout névrosé, et ce serait à lui
de devoir faire quelque chose pour compléter son Autre en demande. Du coup, celui-ci ne le
serait plus (manquant)… mais manquant n'est pas troué ! Le ''trou'' (celui dont on fait
l'hypothèse de structurer l'inconscient) est radicalement autre et radicalement ''sans''. Il
tiendrait plutôt d'une absence fondamentale qui confine à l'abyssal, c'est-à-dire à l'abussos,
au sans-fond. Un ''rien'', circonscrit par un tunnel de signifiants (et on retrouve là la figure
12topologique du tore ). Énoncer le sujet comme manquant, présente d'ailleurs le trou comme
remplissable puisqu'il suffirait de trouver l'objet à même de le remplir ; l'énoncer comme
troué aussi d’ailleurs, même si c'est d'un peu plus loin...
Il est, en réalité, extrêmement difficile de parler de ce ''sans'', de ce rien, sans lui donner
instantanément une consistance qu'il n'a pas, sans approcher un impossible, un Réel qui dès
qu'on s'y penche, entraîne un étrange sentiment de vertige ; un peu comme quand, au bord
d'un précipice ou au pied d'un arbre immense, on perd, en les fixant du regard, tout repère de
distance, écrasé par le fantasme et la réalité de leur vide ou de leur grandeur.
Le refoulement dont parle la psychanalyse est ainsi, en quelque sorte, la tentative d'oubli de
ce qui est intolérable, et cet intolérable qui n'a pu être assimilé ou bien encore amorti, se
trouve refoulé via une trame de langage. L’expérience clinique de la psychanalyse en
témoigne quotidiennement.

5 Freud S., Ein kind wird geschlagen (1919) – contribution à la connaissance de la genèse des perversions sexuelles,
in Névrose, psychose et perversion, PUF, Paris 2008, p. 219-243
6 Freud S., Le problème économique du masochisme (1924), in Op. Cit., p. 287-297
7 Freud S., L'interprétation des rêves (1900), PUF, 1996
8 Freud S., La psychopathologie de la vie quotidienne (1901), NRF Gallimard, 1997
9 Freud S., Le mot d'esprit et sa relation à l'inconscient,(1905), Folio essais, 2006
10 Lacan J., Les formations de l'inconscient (1957-58), Le séminaire, Livre V, Paris, Le Seuil, 1998, p. 233
11 Ibidem
12 L'on peut parcourir la surface d'un tore en tous sens, sans prendre conscience de son vide central. Toutefois, quand
celui-ci surgit, c'est tout l'être qui vacille car nous sommes ainsi des sujets toriques – intrication d'un dedans et d'un
dehors suturés comme le figure la bouteille de Klein ou notre propre revêtement cutané arrimé au tube digestif par
ex. – enveloppant un vide. C'est cet insupportable vide, autour duquel nous tournons pourtant et notamment en
terme de désir, qui nous saute yeux par instants et qui participe à l'émergence des points d'angoisse.
4 / 12 C'est à partir de 1923 que l'attention portée par Freud à la perversion l'a fait apparaître sous
un masque névrotique d'élision de termes œdipiens et non plus simplement comme elle lui
apparaissait jusqu'alors, c'est-à-dire comme le négatif de la névrose. Il me semble qu'il y
avait, d'ailleurs, dans ce concept de ''négatif de la névrose'' quelque chose de vrai et de faux.
Vrai parce qu'effectivement le quantum d'affect libidinal de la sexualité infantile n'était pas
refoulé au sens névrotique classique, mais faux car ce refoulement ne se faisait pas sans
mécanismes de défenses, à savoir le déni, le clivage du Moi, la fétichisation, la prévalence
de la métonymie sur la métaphore et la propension à l'action au détriment de l'imagination :

 En ce qui concerne le déni, une de ses facettes peut être illustrée au travers de cette
13séquence où un enfant dit à sa mère : « maman, je t'aime tellement que si tu venais
à mourir, je te ferais empailler et te mettrais dans ma chambre de manière à te voir
tout le temps ». La mort, en tant que disparition définitive, y est déniée et ne sera pas
sans nous rappeler le scénario du film d’Hitchcock, Psychose (1960).
14 Pour le clivage, une note au bas de cette même page en donne un autre exemple :
un enfant très intelligent de dix ans dit après la mort subite de son père : « je
comprends bien que mon père est mort, mais je ne peux pas comprendre pourquoi il
ne rentre pas pour dîner ». Ici, l'enfant sait que son père est mort mais croit, en même
temps, qu'il ne l'est pas.
 La fétichisation va promouvoir, quant à elle, un objet vicariant l'absence de pénis de
la mère (autrement dit la castration de l’Autre). Cet objet sera un accessoire signifiant
capable d'érotiser une s

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