Dette, circulation et crise du franc de 1924-1926 : le tournant du ...
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Dette, circulation et crise du franc de 1924-1926 : le tournant du scandale des faux bilans de la Banque de France
Bertrand Blancheton (ATER, CHE-IFREDE, Université Montesquieu-Bordeaux IV) et Marc-Alexandre Sénégas (Maître de Conférences, Université Montesquieu-Bordeaux IV)
Résumé : Cette contribution propose un réexamen de la crise du franc de 1924-1926. Dans le prolongement des travaux d'Albert Aftalion, elle montre tout d’abord l’importance de la circulation fiduciaire dans l’enchaînement des déséquilibres monétaires et financiers du milieu des années vingt. Un modèle formel de la politique monétaire du Cartel des Gauches est ensuite proposé : il se focalise sur les modalités du financement de la dette publique française et offre par extension un cadre analytique de la crise de change. Celle-ci débute, selon nous, début avril 1925 à la suite de la révélation de la publication depuis plus d’un an de bilans falsifiés de la Banque de France. Ce scandale sanctionne l’échec de la politique monétaire française et ruine définitivement la crédibilité des autorités en la matière. Il ouvre la voie à la formation d’anticipations inflationnistes à caractère auto validant qui poussent les agents à fuir le franc français.
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Dette, circulation et crise du franc de 1924-1926 : le tournant du scandale des faux bilans de la Banque de France
Pour de très nombreux auteurs, la crise du franc français de 1924-1926 trouve son origine dans l’incertitude qui entourait les modalités de la politique budgétaire et, en particulier, la levée souvent évoquée, mais pourtant jamais votée, d’un impôt sur les valeurs mobilières françaises. Dans cette perspective, les vicissitudes de la politique monétaire passent au second plan de l’analyse. Elles constituent tout au plus un corollaire de ces difficultés budgétaires. Il est cependant probable que les engagements pris dans le domaine monétaire et le désarroi que laissent transparaître à de multiples reprises les autorités concernées aient eu une influence spécifique et tout aussi importante sur le comportement des agents économiques (notamment au travers du rejet des titres libellés en francs) que les discussions parlementaires sur le vote d’un hypothétique impôt sur le capital. Comme un symbole d’ailleurs la raison immédiate de la chute du cabinet Herriot le 10 avril 1925 est moins à chercher du côté du « Mur de l’argent » que de celui des « Deux cents familles » dont sont issus des Régents de la Banque de France qui refusent au Cartel des Gauches la possibilité que soient présentés plus longtemps des bilans falsifiés de la situation monétaire nationale.
Dès lors, une analyse du rôle joué par la politique monétaire dans cette course vers l’abîme paraît inévitable. Makinen et Woodward ([1989], [1990]) privilégient cette grille de lecture pour interpréter la nature du changement de régime qui s’opère avec le retour au pouvoir de Poincaré en juillet 1926. La réussite du « sauveur du franc » réside, selon ces auteurs, davantage dans la réorientation radicale de la politique monétaire que dans les ajustements
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fiscaux entrepris par le gouvernement d’union nationale qu’il dirigeait. C’est dans cette perspective qu’il nous paraît également instructif de relire les événements précédant ceux de l’été 1926. Les problèmes cambiaires de 1924-1926 sont en effet, selon nous, le reflet de l’incapacité des autorités monétaires à contrôler l’évolution de la circulation fiduciaire et de la défiance que suscite cette absence croissante de crédibilité dans la conscience collective. Ils signalent par conséquent une crise de la politique monétaire plus qu’un seul problème budgétaire.
Donner la primauté au facteur monétaire ne revient cependant pas à exclure l’explication budgétaire. En effet, comme rarement au XXèiem siècle, les deux sphères de la politique économique entretiennent des relations très étroites : la pression de la dette flottante contribue grandement à cet état de fait. L’accent mis sur une interprétation monétaire des déboires du franc nous conduit par contre à discriminer au sein de l’argumentaire avancé par certains auteurs. En particulier, il paraît hasardeux de tenir compte de l’évolution du déficit public pour expliquer la détérioration de la situation économique française. De même, la dynamique de la dette et son caractère insoutenable ne semblent pas devoir être retenus comme des facteurs immédiats de l’ébranlement latent puis manifeste de la confiance envers les titres nationaux. En conséquence et plus généralement, si l’usage du seigneuriage1ou celui de la taxe inflationniste ne peuvent être ignorés à moyen terme dans l’analyse (la valeur réelle de la dette chute de manière considérable depuis 1921), l’appel à de tels schémas explicatifs n’est pas totalement adéquat pour appréhender la dynamique si volatile de la défiance bien qu’il le soit pour mettre en perspective les problèmes fondamentaux que posait la gestion de la dette aux autorités françaises dans les années vingt. Il est pourtant tentant de s’en remettre au schéma classique selon lequel, d’une part, la hausse des prix trouverait son origine dans le recours de l’Etat à la monétisation de son déficit budgétaire et d’autre part l’envolée des cours de la livre et du dollar contre franc serait une conséquence logique de cette issue inflationniste. Cependant, comme l’a bien montré Aftalion [1927], pour appréhender le déroulement et l’ampleur des événements cambiaires sur la période, cette interprétation doit être dépassée pour une raison simple : le change est en avance sur les prix. Dans le contexte français, l’approche quantitative n’est pas le cadre d’analyse le
                                                  1Entendu ici comme mode de financement monétaire dudéficitbudgétaire
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mieux à même de rendre compte de la crise éminemment psychologique à laquelle était soumis le franc français. Empiriquement, la relation entre la circulation et le change souffre du problème de la double endogénéité de ces variables.
Dès lors, l’enjeu de l’analyse tient dans l’établissement d’une grille de lecture selon laquelle la politique monétaire agit à court terme sur le change par le canal des anticipations que formulent les agents sur son évolution future et donc sur le devenir de la gestion de la dette flottante. Cette influence se matérialise par des arbitrages entre titres nationaux et étrangers qui modifient instantanément la valeur courante du cours de change. Dans ces conditions, l’identité budgétaire à laquelle fait face le secteur public consolidé (Banque Centrale, banques commerciales et Trésor) peut être considérée comme l’équation fondamentale de la politique monétaire française. Dans un contexte où le déficit budgétaire est maîtrisé, elle peut en effet s’interpréter comme une contrainte portant sur le renouvellement (rollover) des titres de la dette publique : la défiance sur le franc trouve ici la source de sa nature potentiellement auto-réalisatrice en ce qu’elle agit, au travers de cette contrainte, sur l’évolution de la circulation et de la base monétaire. En mettant l’accent sur la dimension monétaire de cette crise de la dette publique française, nous privilégions le risque inflationniste auquel pouvait exposer la détention des titres qui la composaient2au détriment du risque de défaut ou de celui lié à son imposition éventuelle qui ont reçu une attention quasi exclusive dans les travaux3.
Notre démarche se déroule en trois temps. Une première section met en perspective l’histoire économique française des années 1924-1926 et revient sur les interprétations de la crise du franc. Ce retour montre les difficultés rencontrées pour clarifier les mécanismes de genèse et de propagation de la crise et révèle, de manière liée, un problème de datation. De même, elle met en exergue le rôle central de la circulation fiduciaire dans l’enchaînement des déséquilibres monétaires et financiers du milieu des années vingt. Une deuxième section propose un cadre d’analyse formel de la politique monétaire du Cartel qui se focalise sur les modalités du financement de la dette publique française. Dans le prolongement du modèle, la dernière section avance une nouvelle interprétation de la crise du franc : elle érige l’affaire du
                                                  2il s’agit en très grande partie des Bons deNous retenons ici les titres à très court terme de la dette publique : la Défense Nationale. 3Pour une revue des contributions sur le sujet et une analyse originale de ces problèmes, voir Prati [1991-b]].
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