Eikonologie juridique: regards croisés entre droit et images
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INTRODUCTION À « L’EIKONOLOGIE JURIDIQUE » 1 n’a pas d’existence concrète ni de place dans - Q U ’ E S T-CE QUE « L ’ E I K O N O L O G I E JURIDIQUE » ? les dictionnaires philosophiques, scientifiques ou linguistiques. (INTRODUCTION A L’ETUDE DE L’IMAGE D’UN POINT DE VUE EXTERNE DU DROIT) Le fait de la lier au droit permet de créer une sorte de « passerelle » entre les sciences de la communication et du langage et les Par Laurent Jourdaa. sciences juridiques mais de manière plus large éventuellement entre les sciences humaines et les disciplines scientifiques comme la arler d’une discipline nouvelle n’est médecine où le recours aux images peut être jamais chose facile. Il est délicat utilisé pour interpréter les symptômes d’une P d’évoquer un champ de recherche maladie. transdisciplinaire sans pouvoir en définir clairement les contours et en prouver la Freud eut recours au même procédé pour véracité et l’authenticité au niveau fonder ce qu’il appellera la psychanalyse scientifique. reposant sur un mélange entre la psychologie et la psychiatrie. En réalité, mon propos s’inscrit plus dans une démarche prospective qu’introspective et En effet, l’eikonologie se rapproche de fondée sur des connaissances empiriques dont disciplines comme la sémiologie ou la la scientificité résulte d’un processus sémiotique qui sont des disciplines phénoménologique (Husserl).

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Publié le 14 mai 2013
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INTRODUCTION À «L’EIKONOLOGIE JURIDIQUE »
 QU’EST-CE QUE«L’EIKONOLOGIE1 -JURIDIQUE » ?  (INTRODUCTION A L’ETUDE DE L’IMAGED’UN POINT DE VUE EXTERNE DU DROIT)Par Laurent Jourdaa. arlerd’une discipline nouvelle n’est Pd’ éjamtransdisciplinaire sans pouvoir en définirclairement les contours et en prouver lavéracité et l’authenticité au niveauscientifique.En réalité, mon propos s’inscrit plus dans unedémarche prospective qu’introspective etfondée sur des connaissances empiriques dontla scientificité résulte d’un processusphénoménologique (Husserl). L’eikonologie juridique » ne serait donc pas«pour le moment un courant de penséedoctrinal mais un outil pédagogique pourrapprocher le Droit et l’image dans lacontinuité des travaux de la doctrine « droitet littérature ».La notion«d’eikonologie » est tirée de deuxracines grecques, du mot« eikon » quisignifie « image » dans un sens réaliste et du suffixe« logie » qui signifie « science » ouencore « logos » qui signifie « discours ». Ensomme,«l’eikonologie » serait l’analyse del’image en tant qu’objet discursif, eidétiquedonc en tant que science du langage et formed’expression au même titre que l’écrit ou laparole.Ce terme est une création purementfactuelle, artificielle, un « néologisme » qui                                                          1 En réalité, il existe plusieurs termes ayant une racinegrecqueet permettant de définir l’image :« eikôn » quisignifie reproduction fidèle et dont le mot « icône » estun dérivé ;« eidôlon » synonyme d’illusionet dont dérivele mot « idole » ; en fin« phantasma » qui concerne tout ce qui relève de l’image apparente, fausse, fictive ou entrompe-l’œil. Le latin n’a retenu qu’un seul terme pour définir l’image à savoir celui«d’imago », ce qui explique la difficultésémantique à appréhender leconcept d’imageet lapolysémie qui se dégage de la notion d’image empêchanttout recours à un processus tautologique. 
n’a pas d’existence concrète ni de place dansles dictionnaires philosophiques, scientifiquesou linguistiques.Le fait de la lier au droit permet de créer unesorte de « passerelle » entre les sciences dela communication et du langage et lessciences juridiques mais de manière plus largeéventuellement entre les sciences humaineset les disciplines scientifiques comme lamédecine où le recours aux images peut être
Freud eut recours au même procédé pourfonder ce qu’il appellera la psychanalysereposant sur un mélange entre la psychologieet la psychiatrie.En effet, l’eikonologie se rapproche dedisciplines comme la sémiologie ou lasémiotique qui sont des disciplinespolymorphes,« caméléons »permettant de , s’adapter en fonctiondu milieu où ont lesutilisent mais aussi la médiologie (RégisDebray).L’eikonologie se place dans cette perspectivequi en ferait ainsi une sous-catégoriecomposant un ensemble plus large doncholistique,tournant autour d’une étudesur lesigne, sur lasignification et l’interprétationdes signes afin de comprendre quels sont leurrapport avec le monde. En effet, les imagessont les premières formes de langage et parl’universalité du message qui lie les sociétéshumaines, les communautés.L’eikonologie est donc plus particulièrementaxée sur l’étude de l’image et soninterprétation par différents acteurs du Droitque sont notamment les juges mais aussi lespolitiques ou la société dès lors qu’elle reposesur des bases démocratiques et sur unecommunication faisant appel à des outilstechniques comme les médias.Elle apparait pour le moment comme un objetnon identifiable permettant de naviguer entreplusieurs domaines de la recherche, commel’a souvent fait le Professeur Carbonnier, afinde trouver un point de convergence entrel’étude de l’image à travers sa fonction dereprésentation et le regard porté sur elle par
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les acteurs du Droit dont les juges qui sont lesmieux placés pour interpréter l’image entoute objectivité.Ainsi, l’eikonologie juridique tourneraitautour de trois points essentiels :-L’appréhension de l’image comme langageet comme moyen d’expression circulant dansl’espace public, au sein de la « doxa » pourreprendre un terme cher au sémiologueRoland Barthes. Cette appréhension en peutse faire qu’à travers un recours à laclassification des images (typologie desimages) pour montrer comment le Droit fait« parler les images » et leur confére uncaractère normatif.En somme, l’eikonologie juridique sert derelai entre le Droit et la sémiologie del’image afin d’appuyer cette démonstration. - La mise en perspective de la relation entreacteurs et spectateurs de l’image afin de comprendre sa fonction sociale, sa placemême au sein de l’inconscient collectif, de la psyché ».«- La nécessité de conférer un véritable statutjuridique àl’image en se basant surtout surdeux domaines où le droit est en constructionà savoir le droit à l’information du public parl’image donc le droit aux images mais aussi laprise en compte d’une éthique de l’image parle recours à «l’écologie des médias » (A.Moles) donc à la déontologie du visuel.«L’eikonologie juridique » est donc un droitqui obéit à la logique du « devoir être » etnon de «l’être », c’est-à-dire qu’elle décritle droit non tel qu’il est (de lege lata) maistel qu’il devrait être (de lege ferenda) àpartir d’un postulat dégagé par les juges etdémontrant que l’image a une valeurnormative donc prescriptive car elle exprime,elle montre des faits sociaux, elle exprimedes réalités sociales mais elle a aussi unevaleur descriptive voire indicative quil’éloigne de tout caractère normatif. A.L’image est un langage pourvu d’unesignification et susceptible d’interprétation 
 
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Parler du motimage, c’est déjà évoquer uneimage, c’est déjà penser l’image et doncl’imaginer à travers la représentation que l’onpeut se faire de celle-ci dans sonsubconscient (la psychanalyse). L’image revêtainsi une réalité psychique, elle estconscience de quelque chose comme l’affirmele philosophe existentialiste Jean-Paul Sartre(L’imagination ; PUF).Il s’agit des imagesmentales qui sont présentes dans notreimaginationet que l’œil ne voit pas saufàtravers nos rêves.Par ailleurs, l’image matérialisée sur unsupport donc externe permet de donner vie àl’image et lui assigner une fonction commel’écriture d’un livre permet de donner un sensà une pensée exposée par l’écrivain.  La linguistique qui conduit à la connaissanceontologique de l’être et à la découverte dumonde ne repose pas seulement sur le rapportà l’écriture ou à la parole comme langagemais aussi à l’image qui permet d’observerdes vérités parfois cachées. Elle renferme descodes.L’image non seulement s’observe, s’analyseafin d’en décrypter la signification mais aussise lit comme un livre ouvert sur le monde.L’image peut ainsi se rattacher à la disciplineconsistant à étudier les signes et qui reposesur la pensée sémiologique et sémioticienne.La sémiologie nait au début du XIXème sièclegrâce à Ferdinand de Saussure, fameuxlinguiste suisse, dont la pensée est passée à lapostérité grâce à la publication posthume deCours de linguistique générale (1916) et quiconnaitront un succès immense avec uneinfluence importante sur des auteurs commeRoland Barthes ou Christian Metz rattachantl’image à la sémiologie et à l’étude des signesen analysant différents types d’imagescomme la photographie (image fixe) ou lecinéma (images en mouvement) mais aussi surd’autres auteurs se rattachant à desdisciplines comme la philosophie (J. Derrida)ou la psychanalyse (J. Lacan). Ainsi, l’image constitue une forme de langageobéissant au rapport décrit par la linguistique
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de Saussure à savoir, d’un côtéle signifiant et de l’autrele signifié.L’image est donc un moyen d’expression cequi renvoie au signifiant, au contenant c’est àdire à la nature du message délivrée et dontle contenu ou signifié revêt un sens, unesignificationqu’il convient d’interpréter. Lesinterprètent du message dans un processuscommunicationnel sont les récepteurs decelui-ci.En droit, les interprètes authentiques peuventêtre les autorités politiques ou les juges.Suivant le cheminement de l’école réaliste,l’interprétation d’une normepermet de luiconférer un caractère prescriptif (obligationou interdiction) découlantde l’activité dujuge qui lui donne un sens, une signification,une validité alors que les positivistes voientdans la hiérarchie des normes de Kelsen unprincipe sacrosaint. La Constitution étant lanorme suprême d’où découlent toutes lesautres normes marquée du sceau leurconférant une validité.L’analyse de l’image par les juges lorsquesurvient un contentieux fait nécessairementappel au pouvoir d’interprétation du jugecomme ce dernier interpréterait un texte deloi dès lors que ce dernier serait obscur ouimprécis. Une image encore plus qu’un écritprésente un certain degré d’abstraction etnécessite un travail d’interprétationafin declarifierle contenu qu’elle renferme. En effet, l’image tendancieuse est toujoursune image reproduite et non originelle doncdérivée comme l’interprétation donnée par lejuge à la différence de l’interprétationoriginaire conférée au législateur (A-J.Arnaud,« Le médium et le savant », APDTome XVII). Ce dernier étant moins qualifiépour « juridiciser» l’image. D’ailleurs, en Droit, aucun texte ne définitvéritablement ce qu’est une image et qu’est-ce qu’elle est censée représenter. Le fameuxdroit à l’image a été « inventé » par les jugesfrançais et rattaché à une dispositionlégislative écrite (code civil) ne précisant pasle régime juridique applicable à l’imagecomme si une image n’avait pas besoin de 
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l’écrit pour exister. C’est-à-dire que l’imageest autonome et en tant que langage n’a pasbesoin d’une source écrite pour exister, pours’exprimer. Or le langage juridique est écritet non imagé sauf dans certains Etats ayantun régime de Common law où le Droit peut-être coutumierc’est-à-dire résulter d’usages,de pratiques orales ou de précédentsjurisprudentiels.Le juge saisi d’un conflit généré par uneimage tranche le litige à partir d’un texteauquel il rattache l’image mais pour serattacher au texte le juge doitnécessairement donner du sens au messageexprimé par l’image sachant qu’au final letexte n’aura pas d’équivalence par rapport àl’image et vice versa.Car le texte peut trahir l’image et l’imagepeut trahir le texte.Il convient de se référer ici au fameux tableaudu peintre surréaliste René Magritte qui dansune de ses toiles célèbres démontre que letexte peut trahir l’image, que les mots ont unsens et que les images en ont un autre mêmesi la vision d’une image, par un processuscognitif, permet de rattacher un mot avecune image.C’est ce que démontre le peintre lorsqu’ilnous présente une pomme ou une pipe, desobjets de notre vie quotidienne et qu’il inscritau-dessous qu’en réalité ces objets ne serattachent pas aux mots « pomme » et« pipe ». Cette incohérence entre le texte et l’imageest frappante encore plus quandil s’agit deconférer un statut juridique à l’image par lerecoursà une norme qui soit tirée d’un texteécrit car le texte ne peut se substituer àl’image en revanche l’interprétation conféréepar les juges, oui.Une image a nécessairement un sens et lesens juridique qu’elle peut avoir lui estconféré par le juge puisqu’à travers soninterprétation, il lui octroie une valeur quasi-normative ; en fait une norme juridique àpartir des faits qu’il analyse, à partir del’image extraite de la norme sociale(Durkheim).
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Le fait de définir des critères permet dequalifier juridiquement une image, maismontre aussi que le juge français et les jugesétrangers ou les juges comme la CEDH dans lecadre du Conseil de l’Europe, qui sontconfrontés à une absence de dispositionsnormatives encadrant l’image en elle-même(alors que le droit encadre les médias, c’est-à-dire les supports techniques de l’image)doivent ainsi recourir à l’herméneutique afinde faire « rentrer une image dans un cadrejuridique » comme un tableau dans un cadrepermettant son exposition au public. Le public, c’est l’espace public donc ladémocratie et le regard que portent lescitoyens sur l’image. Un regard à la foisadmiratif et répulsif.Les juges s’inspirent alors de la société, desmœurs sociales pour interpréter une image etlui conférer un statut de norme juridique quene lui confèrent pas les textes normatifsécrits et qui se sont longtemps abstenus ets’abstiennent toujours notamment en droitfrançais de garantir une liberté de l’image aunom de la liberté d’expression. Cerattachement de la liberté del’image par lesjuges à la notion de liberté d’expression apermis d’émanciper cette dernière del’emprise du politique. L’Etat ne pouvant appréhender un conceptqui ne peut relever d’une définition écriteprécise a préféré opter pour la censure del’image afin d’éviter que celle-ci ne luiéchappe comme c’est le cas aujourd’hui avecles NTIC et notamment Internet ou alors lamainmise sur les médias de l’information dontla télévision ou le cinéma en faisant de cesderniers parfois des outils de propagande.En réalité contrôler les médias donc lesupport servant à véhiculer l’information nerevient pas nécessairement à contrôler demanière efficace l’image qui y circule. C’estpourtant ce que décrivait le sociologuecanadien Marshall Mac Luhan qui écrivait dansles années 60 que « le medium est lemessage » mélangeant en quelque sorte lecontenant avec le contenu.
 
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Or ce précepte n’est plus vrai aujourd’huiavec le pluralisme des images circulant sur deplus en plus de supports de manièrefragmentée, avec des contenus variés et sansconsidération de frontières. La notion de« village global » (M. Mac Luhan« La Galaxie ,  Gutenberg », Mame) ou espace virtuel nepeut pas être qualifié de média car il estparticipatif et interactif et non hiérarchisé.En réalité, les grands sociologues américainsse sont beaucoup intéressés aux canauxmédiatiques permettant de véhiculer unmessage créant ainsi une interaction entrel’émetteur et le récepteur. Ils ont surtout abordés le processuscommunicationnel à travers une logiquehorizontale à la différence du chercheurfrançais Lucien Sfez abordant la question dela circulation de l’information sous l’angle dela communication circulaire.De grands auteurs américains commeLasswell, Mac Luhan, Jakobson, Bateson(représentantde l’Ecole de Palo Alto enCalifornie sous le nom de « Mental ResearchInstitut ») ou Watzlawick se sont intéressésaux techniques de communication notammentdans la lignée de théories scientifiquesdéveloppées sur la cybernétique et le fluxcommunicationnel grâce à Norbert Wiener,mais aussi aux rapports entre humainsfondées en premier lieu surl’échange d’oùune approche transdisciplinaire concernant lacommunication qui s’étend à la fois à desdomaines comme l’anthropologie, lapsychanalyse, l’épistémologie etc. L’intérêt pour l’étude des médias a occupé ledevant de la scène depuis les théories de MacLuhan sur le média chaud et le média froid etdepuis que cette notion a été importée enEurope où l’on parlait alors de « mass media »(E. Morin ; G. Friedmann). La multiplicationdes nouveaux supports de l’information etl’avènement de la société du réseau (M. Castells) avec le développement du Net,impose une redéfinition, une nouvelleapproche du concept de média, plus accès surle contenu de l’information véhiculée etnotamment de l’image, principal centre
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d’intérêt dans ce que Guy Debord appelait lasociété du spectacle.Le spectacle, c’est avant tout l’image car levisuel joue un rôle fondamental dans lacompréhension des phénomènes sociaux cequi pourrait se traduire en philosophie parune approche phénoménologique de l’image.La phénoménologie dont Husserl fut leprincipal instigateur et dont l’influences’étendra à d’autres philosophes comme lesfrançais Jean-Paul Sartre, Maurice Merleau-Ponty ou Emmanuel Levinas a eu pour finalitéde mettre un point d’honneur au conceptantique de métaphysique déjà abordé parAristote et qui visait l’étude de l’être en tantqu’être, en tant qu’élément physique d’untout.La phénoménologie de l’imagevise à étudierl’image comme réalité sociale, comme moyend’expression et de communication au sein del’espace public décrit par Habermas commeun espace de dialogue et d’échange entre lescitoyens que ce sont progressivementaccaparés les médias et notamment lesmédias de l’image utilisant celle-ci à des finsde sujétion du public qui les regardent.L’image est le reflet de la société donc unenorme sociale subjective que le juge peuttransformer en norme juridique grâce à sonpouvoir interprétatif mais que les médias del’image comme le cinéma ou la télévision ontmodifié par un recours à l’anamorphisme, ladétournant de sa finalité esthétique ouéthique.«L’eikonologie juridique » propose ainsi deredéfinir l’image et de l’appréhender endehors de tout support médiatique oumédiatisée afin d’analyser son contenu,contenu qui peut être apprécié sans recourirau support technique alors que l’évolutionhistoriques des moyens de communication parl’image a nécessité d’encadrer celle-ci pourmieux l’appréhender. En effet, la photographie, objet technique(praxis) inventé par Niepce a permis decapturer l’image indépendamment du sujetde l’image (techné) grâce à un appareilderrière lequel se dissimule le photographe,
 
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alors que la peinture ancêtre de laphotographie laissait plus de place à lasubjectivité de l’image. L’imagephotographique est aujourd’hui plus réaliste. Il en est de même s’agissant du cinéma qui asuccédé au théâtre, représentation du vivantqui mettait en scène des acteurs en chair eten os alors que le cinéma va conduire à ladisparition des acteurs, absorbés par lefaisceau lumineux de la caméra et conduisantles spectateurs à se regrouper dans des sallesobscures.Cette transformation du rapport aux imagesconduit à une rupture entre le spectateur etson regard qu’il porte sur l’image. Cette transformation résulte du progrèstechnologique et de l’évolution desmentalités et de la culture qui n’est plusl’apanage des grands médias de transmissioncomme l’école mais des médias comme latélévision.L’évolution de l’image est liée à l’évolutionde l’Humanité même si celle-ci a été lapremière forme de communication si nous encroyons les traces laissées par les premiershommes dans les grottes et qui représentaientdes scènes de la vie quotidienne (cas desrupestres des Grottes de Lascaux).Dans l’antiquité, certaines formes d’écriturescomme les hiéroglyphes égyptiens parexemple associaient au langage des images.Les mots étaient des dessins et d’ailleurs letravail d’interprétation a pris plusieurscentaines d’années afin de traduire ce typede langage qui est propre à d’autres grandescivilisations comme les mayas en Amérique duSud. L’association improbable entre l’écritureet l’image est donc possible. Une langue nerepose pas seulement sur des signes écrits.L’image a donc toujours été un langage avocation universaliste mais qui, à ladifférence des écrits ou des paroles, ne nousrévèle pas tout, ne nous dit pas tout alorsmême qu’elle serait visible aux yeux de tous. En réalité, chacun est libre de porter unregard personnel sur l’image quelle que soit
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sa culture, son origine, sa race, sa religion,son milieu social.L’image n’a jamais cessé d’être présente dansles rapports sociaux même si, comme ledécrit Régis Debray (cf Croire, Voir, Faire)l’évolution sociale est passée par plusieursstades : la « logosphére» où l’ère du discours(cas des discussions politiques sur la placepublique) la « graphosphére » qui nait à laRenaissance grâce à l’avènement del’imprimerie et la « vidéosphére », époquemarquée par le développement des médiaspermettant la circulation des images ayant uncaractère fixe, figé et dont le message estplus visible à décrypter car plus marquante(tableau de peinture, photographie, publicité,affiche propagandiste) et les images mises enmouvement grâce à un appareil techniquemais qui rend l’image plus difficilementcompréhensible, moins élitiste et plus ludiqueen apparence (cinéma, télévision).Le regard du spectateur sur l’image changeen fonction de ce distinguo. Beaucoup depersonnes regardent la télévision mais peu nevont admirer une exposition de peinture dansun musée.Le Droit appréhende l’image en fonction dusupport qui permet de lui conférer uncaractère fixe ou un caractère animé maiscette distinction est lacunaire et nécessite unregard plus profond des disciplines juridiquessur l’image plutôt qu’un regard superficiel.Il s’agit d’opter pour un regarddepuis unefenêtre et non depuis le trou d’une serrure deporte.«L’eikonologie juridique » s’inscrit dansl’optique d’une approche de l’image qui soitplus profonde (sans le filtre médiatique) àtravers le regard porté par les juges sur celle-ci et le recours nécessaire à une classificationde l’image qu’elle soit fixe ou en mouvementtout en prônant une vision plus globale surl’image en ramenant celle-ci à laconfrontation entre le droit aux images (droitcollectif des citoyens dans l’espace publicsans raisonner en terme de média) et lerespect de l’éthique du visuel alors que cesdeux concepts sont aujourd’hui encore en
 
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gestation et que le droit de la communicationest un droit qui n’est pas harmonisé.En somme, le Droit et le juriste ne doit pasporter sur l’image un regard visant à pénalisercelle-ci parce qu’elle provient de tel ou telsupport médiatique (presse, cinéma,télévision), il doit avant tout se poser laquestion de savoir quel est le contenu querenferme l’image et quel sens lui donner,quelle fonction normative lui conférer afin dela protéger mais aussi de la limiter demanière la plus démocratique possible.La citation de Wittgenstein : « ce dont on nepeut parler, il faut le taire » pourraits’appliquer à l’image à travers l’aphorismesuivant : «ce que l’on ne peut montrer, ilfaut le cacher » (référence aussi auphilosophe Florian : »pour vivre heureux,vivons caché »). De cette citation peutdécouler une règle prudentielle (latin« jurisprudentia » = droit prudent).«L’eikonologie juridique est donc un»tremplin vers cela à condition de classifierl’image, ce que les juges font à travers lesdifférents contentieux qui se posent.Cette classification, nous la retrouvons chezles sémiologues d’où l’interaction entrel’image comme langage « juridicisé » par leDroit.Par exemple, pour Pierre Fresnaud-Deruelle,l’image revêt plusieurs caractéristiques, ellepeut être laudative comme la publicité parexemple, anti-laudative comme la caricature,les images explicatives servant à démontrerquelque chose montrant parfois le caractèrescientifique de l’image (plan, schéma,croquis) ou les images-consignation qui ont unrôle de témoignage, qui gardent en mémoireles événements dupassé, de l’Histoire (casdes photographies comme celles prises lorsdes guerres par des photo-journalistes).D’autres sémiologues comme par exemplel’américain Charles Sanders Peircequi sera àl’origine de la sémiotique, courant tournévers une analyse du signe de manière plusscientifique à la différence de Saussurevoyant le signe comme une composante de la
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linguistique et de la psychologie, étudiel’image à travers un autre postulat. Ce postulat repose sur une logique triadique(semiosis) faisant intervenir l’image(representamen), l’objet de l’image etl’interprétant. Pour le médecin par exemple, le recours àl’imagerie médicale permet aujourd’hui demanière précise d’analyser une maladie,d’observer une pathologie grâce à un IRM ouune radioafin d’envisager un traitement. Ceprocédé technique est plus fiable carextrêmement précis.L’image médicale permet ainsi dediagnostiquer une pathologie grâce àl’interprétation fournie par le radiologue. Si nous transposions ce procédé au domainejuridique (imaginons) pour régler lescontentieux de l’image cela conduirait le jugeà interpréter l’image, source de contentieuxen analysant son contenu afin de dégager unesolution visant à guérir les maux dont souffrela société et qui s’expriment à travers l’imageanalysée.L’image analysée à travers le kaléidoscopejurisprudentiel risque néanmoins du fait ausside la pluralité des juges en France deprovoquer une pluralité d’interprétationpossible, empêchant de dégager un point devue commun mais aussi une typologie del’image cohérente. Il y a, en cela, une aporiedans les rapports entre droit et image.Peirce dans sonEcrit sur le signe,distingue,par ailleurs, trois moyens d’appréhender lesigne qui peut être l’image dans certains cas. L’indice, l’icône et le symbole sont troismoyens d’analyser l’image par rapport à soncontenu et à ce qu’elle exprime, ce qu’ellemontre.Le contenu d’une image pourrait ainsi êtreinterprété par le juge qui se fonderait à lafois sur le côté indiciel, iconique etsymbolique de l’image. Dans ce dernier cas,le symbolique pour Peirce renvoyant aulégisigne c’est-à-dire à la norme juridique, àla règle de droit.
 
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L’image symbolique viserait ainsi à consacrerun caractère prescriptif à ce qui est montréet non un caractère descriptif. Celareviendrait à faire de l’image une règle dedroit, s’imposant dès lors qu’elle est dictéepar les juges mais sans être rattachée à untexte précis du droit positif comme c’est lecas actuellement en droit français.Est-il possible de concevoir une législationsous forme d’image et non d’écrit ?Pourtant, la vision de certaines imagesrenvoient dans l’inconscient collectif àl’ordre, au commandement, à l’interdit ou àl’obligatoire donc au Droit. Par exemple, dans le code de la route, lavision d’un panneau « stop» ou d’un panneau« sens interdit » sans que cela soit écrit, merappelle que je ne peux enfreindre cetterègle sans m’exposer à une sanction pour non-respect du code de la route.Le fait de visionner volontairement ou pas,une image pornographique me rappelle qu’ilest interdit de l’exposer à la vue d’un mineursans encourir des sanctions.Ce constat résulte des travaux menésnotamment par Jean-Pierre Gridel (« Le signeet le Droit »,1979) à travers le courant qu’ilconvient d’appeler la sémiotique juridique. B. Les rapports entre acteurs et spectateursde l’image dans l’espace public L’image comme message nécessite de sepencher sur le processus communicationneldans lequel elle s’inscrit c’est-à-dire dans lesrapports entre émetteur et récepteur qui ontfait l’objet de nombreuses études tant auxEtats-Unis avec les travaux de Lasswell (cfsupra) ou encore du mathématicien Shannonqui assignait la communication à un procédélinéaire.En réalité, tout processus de communicationpeut se faire soit de manière directe par ledialogue entre les hommes, les communautésetc., c’est la communication humaine soit parl’intermédiaire de machines ou de médiasutilisant des supports techniques et cela
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correspond à la communication technique (D.Wolton, RevueHermès).Le progrès technique, l’évolution des sociétéa eu pour conséquence que l’image s’estrapidement trouvée dépendante de médiascomme la presse écrite, le cinéma, latélévision et en cela l’Etat, qui a une certaineemprise sur les médias, a pu à travers euxcapturer l’image afin de la dénaturer et luienlever sa liberté et instaurer une police dela pensée par l’image comme celle décritepar Orwell dans son roman d’anticipation1984.Cela peut résulter du fait qu’un Etat dont lebut principal est d’édicter des normesjuridiques selon un point de vue qualifié depositiviste (à la différence du point de vuejusnaturaliste où le droit précède l’Etat) estdans l’incapacité comme exposé plus haut, detraduire en langage juridique à travers untexte écrit, une image. L’Etat en l’absence dedroit sur l’image, définit de manièrearbitraire le sens qu’il convient de conférer àl’image. L’image est donc selon cette positiondénaturée par rapport à sa fonction d’originequi est de décrire la société et les individusqui la composent. Le regard des citoyens surles images est faussé par les médias et l’Etatqui a la mainmise de manière directe (mais cen’est plus le cas sauf dans les régimestotalitaires) ou indirecte sur les moyens decommunication.Selon Nicklas Luhmann, ce système decommunication médiatisée est marqué parune certaine rigidité et affaiblit les rapportssociaux entre les citoyens qui sont lesrécepteurs passifs de messages délivrés pardes émetteurs, seuls maitres du contenu dumessage et de l’orientation à lui donner. L’image est prisonnière de ce systèmeobéissant à une logique autopoietique(Varela).Cette logique prive l’individu d’une certaineliberté de pensée et de vision réaliste del’image. Elle crée un repli identitaire et undésaveu du citoyen pour le politique et lemédiatique. 
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«L’eikonologie juridique » impose ainsi dechanger la vision des rapports entreémetteurs et récepteurs de l’image dans lecadre d’un processus communicationnelrépondant à une logique verticale del’information et non horizontale.Ainsi, nous pouvons penser le rapport àl’image à travers les notions d’acteurs del’image et spectateurs de l’image. Ainsi, les acteurs de l’image ne seraient pasuniquement les médias qui fabriquent l’imagemais aussiles artistes s’exprimant à traversleur art en dehors de tout procédémédiatique ou encore les personnes capturéespar l’image volontairement ou pas. Lesspectateurs de l’image sont les destinatairesde celle-ci donc les citoyens mais aussi tousceux qui portent un regard interprétatif surelles comme les juges ou les autoritéspolitiques.Regarder une image, l’observer, c’estl’interpréter, lui conférer un sens qu’elle n’apas forcément ou montrer quelque chose quel’image ne souhaitait pas que l’on voit (senscaché).Cette logique des acteurs/spectateurs n’estqu’un jeu subtil servant à démontrer qu’il n’ya pas de réelle distinction à faire entre ce qui« font les images » et ceux qui les observentpuisque ceux qui les observent peuvent parl’interprétation « refairel’image ». Lesspectateurs de l’image peuvent aussi êtreacteurs et vice versa.Dans un processus de communication parl’image, il n’y a donc pas forcément derelation entre émetteur et récepteur. Nous levoyons aujourd’hui avec Internet que l’onpourrait qualifier de média interactif oùl’émetteur d’un message peut aussi êtrerécepteur ou le récepteur peut aussi êtrel émetteur. L’art moderne témoigne aussi du changementde rapport qui existe entre l’artiste quiréalise l’image et celui le public qui la visionne.Ainsi, dans certaines œuvres abstraites, lemessage étant absent ou présent mais laissant
INTRODUCTION À «L’EIKONOLOGIE JURIDIQUE »
place à un fort pouvoir d’interprétation,permet, en somme,au spectateur d’être aufond acteur de l’image, de « fabriquer » le contenu du message véhiculé par l’image. Peuvent en témoigner des œuvres comme lesmonochromes d’Yves Klein, les œuvres deSoulage, le carré blanc sur fond blanc deMalevitch etc.Par ailleurs, les reproductions d’œuvresexistantes comme par exemple laphotographie représentant un tableau depeinture donc une œuvre primairedénotent àl’heure d’Internet un engouement pour unpartage collectif des images et surtout undéclinde l’idée desubordination entrel’artiste, son œuvre et celui qui la regarde. L’espace public dans lequel circulent lesimages ne doit pas se transformer en desespaces privés où existerait unepatrimonialisation de l’image. L’image appartient au domaine des idées et lalibre circulation et diffusion des idées relèvedu domaine de la culture qui doit êtrepartagée par tous.Les images circulant hors du processusmédiatique c’est-à-dire hors du domaine de lafiction constituent « un patrimoine collectif »ne pouvantfaire l’objet d’une appropriationindividualiste.Par exemple, lorsque j’observe un paysage ouque je le reproduis, il ne m’appartient passauf à le transformer, à lui donner uncaractère fictif relevant de la mise en scène,du spectacle comme l’affirmaitGuy Debordlorsqu’il disait que« la société du spectaclen’est pas un ensemble d’images mais desrapports sociaux entre individus médiatiséspar des images »(La société du spectacle ;1967).Un paysage appartient à tout le mondecomme l’air que nous respirons ou l’eau quenous buvons.L’eikonologieestsynonyme d’écologie c’est-à-dire de protection de la nature, del’environnement donc de l’image qui en faitpartie et des individus qui la compose.
 
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En somme, cette distinction entre acteurs etspectateurs de l’image nous montre qu’ilexiste dans l’espace public démocratique desimages réalistes (images primaires), celles quicirculent sans intervention d’un supportmédiatique qui les transforment, lesmodélisent afin d’en faire un moyend’expression qualifiable de fictif (imagessecondaires ou image miroir).La fiction est présente sur des supportsmédiatiques comme le cinéma même si unepartie du cinéma et des films se disentappartenir à la catégorie des œuvres dites réalistes comme par exemple le cinéasteJean-Luc Godard qui à travers son œuvreLeMépris(1963) donne une image d’un cinématourné vers le réel dans la même veine queles films italiens commeRocco et ses frèresde Visconti, des films allemands commeMétropolisde Fritz Lang (1927) ou le chefd’œuvre du réalisateur russe Sergei Eisenstein« Le Cuirassé Potemkine » (1926).Le réalisme de l’image à travers le cinémapar le phénomène de mise en mouvement decelle-ci(phénoménologie de l’imagecinématographique étudiée par ChristianMetz) est discutable car l’image filmiquecomme toute image médiatisée, estscénarisée (comme la téléréalité d’ailleursqui est tout sauf du réel). Elle obéit à unelogique du montage (effet Koulechov) doncn’est pas réelle. Elle subit des arrangements,des transformations comme l’analyse lephilosophe Bergson dansMatière et Mémoire(1896) où l’auteur distingue « trois niveauxfondamentaux » du cinéma: l’ensemble clos(le cadrage), le mouvement (le plan), le tout-ouvert (le montage).Le cinéma renvoie donc à l’image fictive etanalyser le cinéma, c’est manier des conceptsrelevant de la philosophie comme le noteGilles Deleuze (Jean Clet-Martin, «L’imageau cinéma »).L’Histoire du cinéma montre pourtant quedeux logiques se sont affrontées celle desfrères Lumière, inventeur du cinéma muet en1896 avec leur film réaliste« Le Trainarrivant en gare de La Ciotat » et celle duréalisateur Georges Méliès qui peut être aussi
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perçu comme l’inventeur du cinémanotamment du cinéma-fiction par recours àdes trucages, issus des techniques deprestidigitation (donc de magie).Son film le plus célèbre« Le voyage dans laLune »(1906) montre le coté imaginaire del’image au cinéma, imaginaire présentpourtant aussi dans le film des frères Lumièrementionné plus haut car même si l’imageprojetée au Grand salon indien à Parismontrait un train entrant dans une gare,cette représentation n’avait aucune réalitéconcrète malgré l’émoi de ce film suscitéauprès des spectateurs, curieux et admiratifsdevant cette nouvelle invention : lecinématographe. Le pluralisme de l’image au cinéma comme àla télévision d’ailleurs par sa mise enmouvement fait qu’elle ne peut êtreappréhendée comme un tout donc commequelque chose relevant du réel, de la réalité.Comme le note Henri Bergson (op.cit.)l’image en mouvement revêt plusieursaspects: il y a l’image-perception, l’image-action, l’image-affection.L’image est changeantedonc revêt uncaractère fictif. Par ailleurs, contrairementau théâtre, le rapport entre les acteurs et lepublic n’est plus directmais la caméracomme support intermédiaire s’est implantéeentre les deux.Le spectateur qui regarde l’image est soumisà son fort pouvoir de sujétion encore plusaujourd’hui avec la technologie de l’image en3D. Le spectateur pénètre au cœur de l’imagevirtuelle.André Bazin dans son ouvrage«Qu’est-ce quele cinéma ? »(1976) disait de ce dernier«qu’il substitue à notre regard, un mondequi s’accorde à nos désirs ».L’image fictive est donc propre au cinéma età toutes les images reposant sur undétournement de leur représentationd’origine sans que la beauté de l’image n’ensoit pour autant altérée.En revanche, l’image réaliste est une imageoriginelle comme peut l’être, par exemple, la
 
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photographie même si la photo est capturéepar un appareil qui l’enferme dans un cadremais qui sans procédé de trucage oud’arrangement peut lui rendre sa beautéd’origine. Ainsi, comme le disait le grand photographeCartier-Bresson :«ce n’est pas vous quiprenez la photographie, c’est la photographiequi vous prend »ou comme le soulignait aussiEdouard Boubat :« la photo est un cadeau dumonde au photographe ».Roland Barthes dans son ouvrage« LaChambre claire, note sur la photographie » (Gallimard) qualifiait la photographie par larencontre entre d’une part, la prise de vuepermettant de capter la photo (studium) maisaussi l’émotion de celui qui la prend (lepunctum).L’esthétisme de l’image est ce qui lacaractérise avant tout et que le pouvoirmédiatique a aujourd’hui, par la technicitédes supportset l’absence d’indépendance desmédias par rapport au pouvoir politique,transformé en quelque chose de fictifnécessitant la mise en place d’une éthique del’image dont le Droit n’a pas encore tracé lescontours (vers une responsabilité pour troublemédiatique par exemple ?) et ce dansl’intérêt avant tout des citoyens à la foisacteurs et spectateurs dans l’espace public.L’image doit être un outil, un objetau servicede la démocratie (droit collectif aux images).«L’eikonologie juridique » prône un retour àl’esthétisme et à l’éthique de l’image, auréalisme de celle-ci car le Droit ne peutappréhender que ce qui est rationnel même sil’image de par son contenu, de par laprofondeur et non la superficialité de sonobjet nécessite une interprétation concrète.La seule interprétation scientifique ne peutprovenir que des juges qui doivent observerl’image sous un angle situé en dehors de toutchamp de vision placé par rapport au support.Il s’agit de défendre une vision de l’image endehors de toute référence au politique, àl’économique ou au religieux mais à uneimage comme représentant la réalité sociale.
INTRODUCTION À «L’EIKONOLOGIE JURIDIQUE »
 C. Vers un droit collectif aux imagesconciliable avec une éthique du visuel ?Ces deux axes de recherches nous semblentintéressant à aborder toujours à travers notreapproche basée non sur le droit pur et dur oule droit des médias (qui n’en est pas unjustement parce qu’il n’est observé que sousl’angle du Droit) mais sous l’angle dedisciplines permettant d’étudier l’imagecomme objet d’expression, comme signe(exemple de la sémiologie/sémiotique).Pour cela, avant toute chose, il convient derecourir à une classification de l’imaged’après la jurisprudence c’est-à-dire d’aprèsle regard que porte le juge sur l’image entant qu’interprète decelle-ci car les textesde droit positif ne nous permettent pas, pourle moment, de distinguer une quelconquetypologie de l’image à part peut-être le codede la propriété intellectuelle (BernardEdelman).Le législateur français semble éprouver touteles difficultés pour donner un sens juridique,matérialisé par un texte, à une image. Lelégislateur ne consacre pas stricto sensu laliberté ou le droit à l’image voire aux images(à la différence des écrits).Il ne s’intéressequ’au support de l’image et le contenusouvent fictif lui échappe car le Droit a besoinde concrétiser tout objet qu’il se propose dejuridiciser.Par le recours à la jurisprudence, le floujuridique qui existe autour de l’image et deson contenu peut être en partie levée etnotamment permettre de dresser unetypologie des images comme il existe unpluralisme des acteurs ou des spectateurs del’image. Par ailleurs, cette typologie qui comprendl’image-art (peinture, photographie, film)l’image-information (photographie, reportagetélé), l’image-drôle (émission de télé, dessinanimé, bande-dessinée), l’image commerciale (publicité), présente des similitudes aveccelles analysées à travers les travaux dessémiologues qui sont des théoriciens de
 
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l’image et des significations à conférer àcelle-ci.Le regard des juges (peu importe lesquels) surl’image en France mais aussi à l’étranger faitressortir une pluralité de concepts serattachant à l’image comme la libertéd’expression, la liberté d’information et ledroit à l’information, la liberté decommunication, le droit à la vie privée, ledroit à l’image, le respect de la dignitéhumaine, le droit à l’humour, le droit à lacréation, le droit d’auteur. Tous ces concepts sont reliés aux droits etlibertés de la personne montrent que commele Droit et pour reprendre une expression dujuriste américain H.L.A. Hart, «l’image estun concept à texture ouverte ».Pensons là aussi à l’aspect étymologique dumot « image » qui comme souligné dansl’introduction revêt plusieurs sens. Le sens eikon » est celui qui se rapproche le plus de«l’image en tant qu’objet réel, c’est-à-direreproduisant la réalité sociale à la différencedu« phantasma » par exemple qui serattacherait à l’image fictive, virtuelle voirfausse(« mimêma »). Il convient ici de seréférer pour plus de précision aux écrits dePlaton.En réalité, il existe des images naturelles, desimages artificielles, des images originelles,des images dérivées, des images conscientes,des images inconscientes.L’eikonologie juridique » n’est pas là pour «proposer une vision uniforme et un regarduniformisé du droit sur l’image mais elle avocation à faire la synthèse des rapportsentre image et droit et constater qu’existedes antagonismes profonds car le regard queportele Droit sur l’image est faussé par unediscipline qui s’appelle le droit des médias.L’image n’est pas seulement un messagemédiatique perçu par un public admiratif etincrédule, c’est un outil permettant lacompréhension du monde, de la société et quiest le produit de l’intelligence humaine etnon de moyens techniques comme latélévision, par exemple, qui manipule l’imageà des fins politiques ou économiques.
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