La crise irakienne et la relation franco-américaine
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La crise irakienne et la relation franco-américaine

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Articles /Essays
La crise irakienne et la relation franco-américaine Fâcherie ou rupture ? Gildas LEVOGUER Université de Haute-Bretagne – Rennes II On March 19, 2003, the United States began a military campaign to oust Saddam Hussein from power because of his alleged failure to respect United Nations Resolution 1441. This resolution had been adopted in November 2002 and provided that, unless Iraq complied with UN armaments inspections, a second resolution would be introduced to authorize a military operation. President Bush did not wait for this second resolution because, as he said in a television address on March 17, “some permanent members of the Security Council [had] publicly announced that they [would] veto any resolution that [compelled] the disarmament of Iraq.” The permanent members were Russia and France. The latter led the opposition to the adoption of a second resolution arguing that the UN inspectors had not been given enough time to complete their mission. France’s opposition to the use of force in Iraq was bitterly resented by the United States and resulted in a serious rift in Franco-American relations. This article aims at providing a dispassionate account of both the circumstances and the root causes of this rift.
Des deux côtés de l’Atlantique, le constat est unanime : il existe désormais une fracture entre les deux pôles occidentaux que constituent les États-Unis et l’Europe. Dès août 2002, c’est-à-dire avant même le début de l’intervention américano-britannique en Irak, le politologue américain Francis Fukuyama l’avait annoncé dans un article intitulé « The West May Be Cracking44». Depuis le déclenchement des hostilités, les commentateurs insistent sur cette fracture au sein du monde occidental, la qualifiant de « profonde crise de l’Occident45», de « divorce46 guerre», voire de « première mentale-mondiale47». À cette fracture transatlantique se superpose une 2004automnesources»154
La crise irakienne et la relation franco-américaine division intra-européenne, certaines nations du continent ayant choisi de soutenir l’option militaire retenue par les États-Unis vis-à-vis de l’Irak et d’autres de la contrecarrer, ce qui a conduit le ministre de la Défense américain, Donald Rumsfeld, à opposer, le 22 janvier 2003, la « nouvelle » Europe à la « vieille » Europe. Faisant écho aux propos de Rumsfeld, le ministre des Affaires étrangères français, Dominique de Villepin, n’a pas hésité, lors de son discours devant le Conseil de sécurité des Nations unies le 14 février 2003, à revendiquer pour la France le titre de « vieux pays48» et à se faire le porte-voix de l’opposition au recours à la force en Irak. Cette attitude a renforcé l’animosité de certains dirigeants américains à l’endroit de la France. Ainsi, Condoleezza Rice, « National Security Adviser » du président Bush, aurait annoncé avant même la fin des hostilités en Irak, le souhait de « pardonner à la Russie, d’oublier l’Allemagne et de punir la France49». Aucun doute, la fracture entre les deux pays est manifeste. Bien qu’il soit un peu tôt pour effectuer un bilan complet de la dégradation de la relation diplomatique franco-américaine, il convient d’en examiner la nature sans céder au climat passionné, voire passionnel, qu’a provoqué cette crise. Certes, la fracture franco-américaine est profonde mais il est un peu prématuré pour dire s’il s’agit d’une fâcherie éphémère ou bien d’une rupture définitive. Par ailleurs, les excès de langage des uns et des autres, dirigeants et commentateurs, sont symptomatiques de la détérioration de la situation générale et alimentent également ce climat de confrontation, là où il convient désormais de faire preuve d’une plus grande pondération et d’examiner avec sérénité les aspects conjoncturels de cette crise, ainsi que les profondes divergences stratégiques franco-américaines, à l’œuvre en particulier depuis la fin de la guerre froide, et qui sont susceptibles d’expliquer cette fracture. Le « divorce » Le terme « divorce » retenu par Pierre Hassner50n’est peut-être qu’un doux euphémisme pour caractériser la détérioration récente des relations franco-américaines. D’aucuns, d’ailleurs, n’hésitent pas à quitter le registre conjugal et à adopter le mode martial pour décrire cette dégradation. Ainsi, Thomas Friedman, célèbre éditorialiste duNew York Times, publiait en septembre 2003 une chronique intitulée « France and the United States are at war51». Dans cet éditorial, Friedman accuse la France d’avoir tout mis en œuvre pour que les États-Unis échouent en Irak et de continuer d’agir de la sorte. Il n’hésite pas à dire qu’il existe une campagne orchestrée par les Français pour mettre en échec l’effort américain en Irak et il la qualifie de cette manière : « Operation America Must Fail. » C’est pourquoi, dans le paragraphe introductif de son éditorial, il met en garde ses concitoyens : « It’s time Americans came to terms with something: France is not just an 155sources»automne2004
Articles /Essays annoying ally. It is not just a jealous rival. France is becoming America’s enemy. » Les commentateurs français s’empressèrent bien entendu de répondre à Thomas Friedman. Le 20 septembre, Guillaume Parmentier, directeur du Centre sur les États-Unis de l’Institut français des relations internationales (IFRI), montait au créneau et en appelait à la raison : « It is time to restore some sanity in the comments concerning France’s position toward Iraq and its relation with the United States52. » Trois jours plus tard, Thierry de Montbrial, fondateur et président de l’IFRI, rejetait le jugement de Friedman, au motif qu’il n’était pas le fruit de la raison mais de l’émotion : « And to say that France is becoming America’s enemy, as Thomas Friedman did in these pages, is not an analytical judgment but an extremely emotional one53. » Si ces commentaires avaient pour objectif de pacifier la situation entre la France et les États-Unis, il est fort peu probable qu’ils aient atteint leur objectif, dans la mesure où le commentateur américain y est d’emblée disqualifié, parce que jugé trop émotif et intellectuellement déficient. Pourtant, les Français, avant le déclenchement des opérations militaires en Irak, ont effectivement fait de la résistance ». Jacques Julliard « n’hésite pas à parler de « résistance à l’aventurisme54» et Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), dans un récent ouvrage intituléLa France contre l’empire, se félicite de la démarche adoptée par la diplomatie française : « Le 14 février 2003, la résistance organisée par la France avec l’aide capitale de l’Allemagne et le renfort ultime de la Russie, de la Chine et des membres non permanents a empêché le Conseil de sécurité de voter à la demande des États-Unis (avec l’appui de la Grande-Bretagne, de l’Espagne et de la Bulgarie) une résolution permanente d’utiliser la force contre l’Irak55. » Certes, les uns et les autres, soucieux de convaincre leurs lecteurs respectifs, font preuve d’une certaine emphase rhétorique. Toutefois, les mots trahissent des émotions réelles qu’il convient de relativiser mais qui ne peuvent être écartées d’emblée. En effet, l’emploi des mots « guerre », « résistance », « renfort » et autres termes à caractère guerrier n’est pas chose courante pour caractériser la relation franco-américaine qui, pourtant, a connu au cours de son histoire bien des hauts et des bas. À peine quelques années après la guerre d’Indépendance, à laquelle les Français avaient activement participé, la « grande idylle des origines56» était consommée et la France n’hésita pas à mener une guerre maritime larvée contre les États-Unis. De 1797 à 1800, pas moins de 830 navires américains furent victimes de la marine de guerre française ou de corsaires à la solde de la France, les États-Unis ne parvenant à saisir que huit bateaux de guerre français57. La guerre n’ayant pas été formellement déclarée, cet épisode reçut l’appellation de « quasi-guerre ». Pourtant, les pertes 2004automnesources»156
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